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P RESENTATION DE L ’E TUDE Q UALITATIVE

A. P RINCIPE DE LA METHODE QUALITATIVE

3. Expérience de la précarité en milieu urbain versus milieu rural

Un des objectifs de cette enquête qualitative était de tenter de mettre en évidence d’éventuels liens entre l’expérience de la précarité et le lieu d’exercice des médecins installés.

La conduite des entretiens montre effectivement des témoignages très différents en fonction de la zone d’exercice.

Les 2/5e environ des médecins de notre échantillon exercent en milieu rural ou semi-rural, alors que le département est essentiellement urbain. On peut penser que ces proportions non représentatives sont dues à notre choix d’interroger des médecins de tous les secteurs du département.

a) Isolement, problème des transports et manque de structures en milieu rural Les médecins exerçant en secteur rural se disent en général peu confrontés à la précarité. La précarité en milieu rural est souvent mise en rapport avec des situations d’isolement, particulièrement pour les personnes âgées. Les médecins évoquent l’isolement affectif, mais aussi géographique avec de grandes difficultés de transport (transports en commun peu développés). Cette représentation peut être mise en lien avec le manque de structures de proximité plus marqué en milieu rural.

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Les services d’aide à domicile sont toutefois mentionnés comme un relai utile sur les secteurs où ils sont bien développés. Une piste d’amélioration de la pratique en milieu rural pourrait être de continuer à favoriser leur développement.

D’autres évoquent aussi le manque d’éducation des patients. Ils sentent que le décalage généré par cette différence est la source de difficultés majeures de communication. On peut imaginer, toujours dans le cadre d’une formation, que l’aide à l’analyse de certains comportements retrouvés chez les patients de façon fréquente, et pour preuve le nombre de médecins y faisant référence, pourrait être utile à leur appréhension par les médecins.

b) Manque de temps en milieu urbain

Le département de la Meurthe-et-Moselle est essentiellement urbain et les médecins exerçant en ville ne témoignent pas de la même expérience. La difficulté étant moins le manque de structures que le manque de temps.

La plupart des médecins très confrontés à la précarité exercent en milieu urbain. Le choix du secteur d’exercice est d’ailleurs bien décrit par un médecin du groupe 3, comme déterminant dans le type de patientèle reçue en consultation. Ce médecin précise qu’il a certainement choisi de s’installer dans une zone pavillonnaire en raison d’une mauvaise expérience sur d’autres types de secteurs et que la plupart de ses confrères choisissent leur lieu d’installation en fonction du type de pratique qu’ils souhaitent aborder. On remarque d’autre part que la plupart des logements dits « sociaux » se trouvent en milieu urbain.

Le patient précaire urbain est surtout perçu comme celui qui présente « une avalanche de

problèmes » qu’il va falloir « hiérarchiser ». Le temps à consacrer devient une des

difficultés principales.

Les principales difficultés rencontrées sont en rapport avec des problèmes socio-économiques (accès aux soins des patients CMU ou juste au-dessus du seuil CMU, barrières culturelles, précarité professionnelle) ou médicaux caractérisant les patients rencontrés (addictions, polypathologies, consultations tardives).

Le problème des personnes âgées isolées est aussi évoqué en milieu urbain. De nombreux médecins ont dans leur patientèle un ou plusieurs exemples de personnes âgées vivant dans des logements insalubres alors qu’ils n’ont pas de problèmes financiers.

L’aide à la prise en charge des personnes âgées doit également constituer un axe prioritaire dans l’étude et l’amélioration de la prise en charge des patients précaires.

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4. L’accès à la santé

Les témoignages de nombreux médecins abordent la précarité sous l’angle de l’accès aux soins et à la santé.

Place de la santé

Des médecins expliquent que certains patients attendent parfois trop longtemps avant de consulter, ils parlent de situations médicales graves ou de la notion de « danger » qui

motivent finalement la consultation chez le médecin. Certains expliquent d’une autre façon que ce n’est parfois que quand le problème de santé devient un problème immédiat, qu’il est pris en compte par le patient.

Le médecin doit effectivement tenir compte du fait que pour certains patients la bonne santé est tout simplement l’ « absence de maladie ». Cette représentation de la santé concerne notamment les gens du voyage, comme cela est développé par le groupe 4 en particulier. La maladie n’apparait réelle au patient que lorsque celui-ci est confronté à un symptôme. Ce type de représentation n’est pas exclusivement le fait des patients précaires, comme le souligne un des médecins du groupe 4. Il explique par exemple qu’il a parfois du mal à obtenir la compliance de patients aisés porteurs d’hypertension artérielle, qui ne prennent leur traitement que lorsqu’ils ont « mal à la tête ».

Elle apparaît cependant plus fréquente pour des patients en situation de précarité pour lesquelles la santé n’est pas la priorité du quotidien. Il en résulte des situations de consultations tardives pour des situations médicales parfois graves.

Inégalités d’accès aux soins

Les difficultés d’accès aux soins liées au déremboursement de certains médicaments sont également désignées comme responsables de l’apparition de ces situations. Les patients ne viennent plus consulter pour des symptômes qui leur semblent bénins, et pour lesquels ils pensent que la réponse va être la prescription de traitements dits symptomatiques non remboursés. A nouveau, seule l’apparition d’un symptôme grave les fait consulter.

Le problème est-il le déremboursement en lui-même ou le manque d’information des patients autour de ces mesures ? Si les traitements symptomatiques ne changent pas l’évolution d’une infection virale banale, la consultation médicale permettait de repérer précocement les signes évocateurs de pathologies plus complexes.

Ceci renvoie à l’importance de l’éducation et du relai de l’information par les médecins à leurs patients.

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Comme nous l’avons déjà précisé au chapitre précédent, les inégalités d’accès aux soins sont aussi à mettre en lien selon les médecins, avec des difficultés de transport, particulièrement en milieu rural.