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L'inopposabilité des exceptions dérivant du rapport de couverture couverture

D'ACCREDITIF, EN PARTICULIER: LA «THEORIE DE L'ASSIGNATION» ET L'ENGAGEMENT

4. L'ENGAGEMENT INDEPENDANT DE LA BANQUE ASSIGNEE: LES EXCEPTIONS

4.1. L'inopposabilité des exceptions dérivant du rapport de couverture couverture

Au sens de l'art. 468 al. 1 CO, !'assigné accepteur ne peut pas se prévaloir des exceptions dérivant de son rapport de base avec l'assignant pour refuser sa prestation au bénéficiaire110

L'application de ce principe au crédit documentaire a pour conséquence que la banque qui accepte l'assignation est tenue de réaliser le crédit même si elle ne peut demander au donneur d'ordre (ou à la banque émettrice) 107 V. Tuhr/Escher p. 25. Selon v. Büren B.T. p. 314, déjà cité supra à la note no. 92, la cause de l'attribution de !'assigné est l'assignation. Cette opinion n'est pas convaincante pour la raison déjà énoncée: une autorisation n'est pas la cause suffisante de l'exécution d'une obligation.

108 Cf. également v. Thur/Peter p. 353 note no. 41: «A la différence d'une presta-tion exécutée à travers un représentant, il n'est pas nécessaire pour !'assigné de connaître [ ... ] la cause de la prestation» (traduction libre).

109 ATF 105/1979 Il 104 (106) = JT 1979 I 489 (491).

llO En matière d'accréditif, cf. Friedel p. 590 ss, Gautschi no. 18 e et 26 a ad art.

407 CO, Scharrer p. 127-128, Schonle «Missbrauch» p. 58, idem «Principes»

p. 332, Wessely p. 10 ss.

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l'exécution du contrat qui les lie. Il s'agit du contrat de mandat qui constitue le rapport de couverture111 et fonde l'obligation du mandant de rembourser la banque qui assume l'engagement de payer la somme d'accréditif, au sens de l'art. 402 al. 1 C0112

Tel est le cas, par exemple, lorsque le donneur d'ordre n'avait pas la capacité ou les pouvoirs de mandater la banque d'ouvrir un accréditif113, ou lorsque la faillite du mandant, intervenue après la notification de l'ou-verture de l'accréditif, met fin au mandat au sens de l'art. 405 al. 1 C0114

Tel est, a fortiori, le cas chaque fois où la banque ne peut recevoir le remboursement de ses frais sur la base d'un contrat valable115

En règle générale, la cause de l'engagement de !'assigné est la volonté de ce dernier de s'engager envers l'assignataire116Il convient alors d'admettre l'inopposabilité des exceptions nées du rapport de couverture même en l'absence d'une base légale expresse, l'art. 468 al. 1 CO, puisque le rapport de couverture n'est pas la cause de l'engagement de !'assigné. L'inopposa-bilité des exceptions dérivant du rapport de couverture s'inscrit de plus dans le principe de l'inopposabilité des vices des rapports qui sont une res inter alios acta, parce que telle est pour l'assignataire la relation entre l'assignant et l'assigné117

Dans le rapport d'accréditif, en revanche, la cause de l'acceptation de l'assigné est le mandat d'ouvrir le crédit; en acceptant celui-ci, la banque s'oblige à accepter l'assignation118 et à le notifier au bénéficiaire. L'auto-nomie de la volonté de la banque n'intervient pas au moment de l'accep-tation de l'assignation, mais à celui de l'acceptation du mandat119: la banque qui accepte le mandat d'ouvrir un crédit documentaire doit, en exécution de ce rapport juridique, s'engager en faveur du bénéficiaire. Dès lors, la banque n'est pas obligée de déclarer l'acceptation de l'assignation en cas de vice du mandat ayant cet objet.

Si la banque notifie néanmoins son acceptation au bénéficiaire, elle s'oblige envers celui-ci en vertu de sa promesse, qui sera la cause de sa prestation120, soit le paiement de la somme d'accréditif.

111 Cf. supra 1.1, chapitre premier 2.2.

112 Cf. infra chapitres cinquième 4.1 et sixième 1.3.

113 Cf. Schônle «Missbrauch» p. 59, Wessely p. 11 no. 24. Au sujet de l'application du «correctif» des règles de l'enrichissement illégitime, cf. infra 6.2.

114 Pour le cas particulier de la révocation du mandat au sens de l'art. 404 CO et de ses effets sur le crédit irrévocable, cf. infra chapitre cinquième 5.

115 Cf. infra 6.2.2 et en particulier chapitres cinquième 4.1 et sixième 1.3.

116 Cf. supra 3.1.2.

117 Cf. Gautschi no. 3 d ad art. 468 CO, Schônle «Missbrauch» p. 58.

118 Cf. supra 1.1 et 3.1.3.

119 Au sens de l'art. 395 CO, cf. infra chapitres cinquième 1.1 et sixième 1.1.1.

120 Cf. supra 3.1.4 et 3.3.3.

A l'égard du bénéficiaire, la promesse de la banque est valable en vertu de l'art. 468 al. 1 CO, nonobstant les vices pouvant affecter la cause de l'acceptation. En d'autres termes, la règle prévue par l'art. 468 al. 1 CO n'est pas nécessaire pour conclure à l'indépendance de l'engagement de

!'assigné du rapport de couverture lorsque celui-ci déclare s'obliger en raison de sa volonté autonome.

En revanche, au cas où !'assigné est tenu d'accepter l'assignation en exécution d'une obligation née du rapport de couverture, l'art. 468 al. 1 CO est la base légale qui permet d'affirmer en droit suisse l'inopposabilité des exceptions dérivant de la cause de l'acceptation121 à l'exécution de la dette née de la notification de l'acceptation même122Le rapport de cou-verture demeure ainsi pour le bénéficiaire une res inter alios acta, même si ce rapport est la cause de la promesse de la banque assignée.

L'inopposabilité au bénéficiaire des vices pouvant affecter la relation entre la banque qui accepte d'ouvrir un crédit documentaire et le donneur d'ordre est de plus également prévue par l'art. 6 RUU, dont on reconnaît la valeur de règle de droit coutumier123

Au sens de cette norme, le bénéficiaire ne peut se prévaloir des rapports, à lui étrangers, entre donneur d'ordre et banque et entre banques entre elles.

«Ceci vaut cependant aussi pour la banque»124, qui ne peut opposer au bénéficiaire ses relations avec son client, le donneur d'ordre.

121 Schèinle «Missbrauch» p. 58 estime en revanche que, même dans le cadre du crédit documentaire, la règle prévue par l'art. 468 al. 1 CO n'est pas nécessaire afin de conclure à l'inopposabilité au bénéficiaire des exceptions dérivées du rapport de couverture. Tel est bien le cas lorsque le rapport de couverture n'est pas la cause de l'engagement de !'assigné. Cf. supra dans le texte. Pour arriver à la solution de cet auteur, il faudrait admettre que le mandat d'ouvrir l'accréditif est seulement un mandat de payer, mais non un mandat d'accepter l'assignation, contrairement à ce qui a été retenu ici; supra 1.1.

122 En l'absence de l'art. 468 al. 1 CO, on devrait conclure que celui qui s'est engagé sans cause valable (mandat) n'est pas tenu par sa promesse.

123 Cf. supra chapitre deuxième 3.1.3.

124 Scharrer p. 127, traduction libre.

125 En matière d'assignation en droit suisse, cf. les références citées supra 3.3.2 note no. 104.

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En matière d'accréditif, cf. notamment ATF 104/1978 II 275 (280) = JT 1979 1497 (501); ATF 100/1974 II 145 (150) = JT 1975 I 326 (331); arrêt du Tribunal fédéral du 29 mai 1951, Klein c/ Union Handelsgesellschaft AG et Hobro AG, Annuaire suisse du droit international, X (1953) 338 (340); Gautschi no. 26 a ad art. 407 CO; Hartmann p. 10; Friedel p. 543-544; Preisig p. 356; Puech p. 120-121; Scharrer p. 128-129; Schnitzer I p. 5; Schèinle «Missbrauch»

pp. 55, 59-60; idem «Principes» p. 332-334; Slongo p. 40-41; Weber Vorbem.

no. 205 ad art. 68-96 CO; Wessely p. 12-13 qui affirme le principe de

l'indé-4.2. L'inopposabilité des exceptions dérivant du rapport de valeur La banque assignée acceptatrice ne peut se prévaloir des exceptions déri-vant du rapport entre le donneur d'ordre et le bénéficiaire, à savoir du rapport de valeur, selon un droit coutumier invoqué en jurisprudence et en doctrine125

En droit suisse, les exceptions dérivant du rapport de valeur sont inop-posables au bénéficiaire parce qu'elles dérivent d'un rapport d'obligation étranger à la cause de l'engagement et à celle de l'attribution de la banque assignée126. Celle-ci n'est tenue qu'en vertu de sa promesse et les rapports entre donneur d'ordre et bénéficiaire demeurent pour elle des res inter alios acta, qui donnent lieu à des exceptions dont la banque assignée ne peut se prévaloir en tant qu'exceptiones de iure tertii.

Le même principe est posé par les art. 3 et 4 RUU, auxquels on reconnaît force de droit coutumier127Cela dit, l'indépendance de l'engagement de la banque assignée acceptatrice du rapport de valeur est déjà une consé-quence de la qualification d'assignation du rapport d'accréditif et s'impose même en l'absence d'une coutume dans ce sens128

Quels que soient les vices pouvant affecter la relation entre donneur d'ordre et bénéficiaire, même si le contrat qu'ils ont conclu s'avère inexis-tant, nul, invalidé ou résolu129, la banque est tenue de réaliser l'accréditif.

pendance de l'engagement bancaire du rapport de valeur même si la banque a obtenu par cession les droits du donneur d'ordre contre le bénéficiaire (p. 13 no. 29).

Cf. cependant aussi l'arrêt du Tribunal fédéral ATF 49/1923 II 195 (200) = JT 1924 1 12 (16-17), qui affirme (curieusement) que l'exécution du rapport de valeur peut être considérée comme condition de l'obligation de la banque de s'exécuter en faveur du bénéficiaire. Cf., dans le même sens, l'arrêt du Tribunal fédéral du 6 février 1962, Banque d'investissements mobiliers et de finance-ment SA cl Batchelor, SJ 1963 233 (236), qui affirme que le «caractère abstrait n'est pas inhérent dans un sens absolu à la nature même de l'accréditif. On trouve des accréditifs qui sont liés au contrat de base en ce sens que la dette de la banque est soumise à la condition que le bénéficiaire se soit effectivement acquitté de ses obligations envers le donneur d'ordre.» Cf. également l'arrêt de la Cour de Justice de Genève du 24 mars 1986, Union de Banques Suisse cf Finagrain, SJ 1986 529 (530), définissant l'engagement bancaire comme

«théoriquement indépendant [ ... ] au regard du rapport de base» (nos italiques).

126 Schi:inle «Missbrauch» p. 60 affirme à ce propos le principe de la «Relativitat der Vertragsverhaltnisse.»

127 Cf. supra chapitre deuxième 3.1.3.

128 Dans le même sens Schi:inle «Missbrauch» p. 60.

129 Nullité au sens de l'art. 20 CO; invalidation au sens des art. 23 ss, 31 CO;

résolution au sens des art. 107 ou 208 CO. Au sujet de l'illicéité du rapport de valeur, cf. infra dans le texte et 5.4.2. Au sujet de l'application du «correctif»

des règles de l'enrichissement illégitime, cf. infra 6.1.1.

A fortiori, l'inexécution ou la mauvaise exécution du rapport de valeur n'affectent point l'obligation de la banque; elles ne peuvent que donner lieu aux actions correspondantes du donneur d'ordre contre le bénéficiai-re130.

Le principe de l'indépendance de l'obligation de la banque assignée du rapport de valeur ne souffre pas d'exception131 .

La situation peut certes se produire dans laquelle «der Kaufver-trag[ ... ][132] so intensiv in der Sphare des Unrechts [liegt], dass sich dieser Unrechtscharakter auf das Akkreditiv erstreckt.»133 Il s'agit alors non pas d'un cas où l'engagement bancaire devient dépendant du rapport de valeur134 , mais d'une situation où la prestation de la banque en exécution de sa propre dette n'est en réalité pas due. Tel est le cas lorsque la banque s'engage à rémunérer une action illicite ou contraire aux moeurs du béné-ficiaire135, ou lorsque celui-ci n'obtient qu'une créance «apparente» contre la banque parce qu'il a commis une fraude et l'exercice de son droit d'action est par conséquent abusif au sens de l'art. 2 al. 2 CC136 .

4.3. L'inopposabilité des exceptions dérivant du rapport de