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LE CREDIT DOCUMENTAIRE: UN RAPPORT TRIANGULAIRE OU QUADRANGULAIRE

LES CREDITS DOCUMENTAIRES: GENERALITES

2. LE CREDIT DOCUMENTAIRE: UN RAPPORT TRIANGULAIRE OU QUADRANGULAIRE

2.1. Dans sa forme la plus simple - et nécessaire - l'ouverture d'un crédit documentaire suppose la relation entre trois parties: le donneur d'ordre, sa banque et celui en faveur duquel le crédit est établi, le bénéficiaire43 . Le donneur d'ordre et le bénéficiaire ont conclu entre eux un contrat générateur d'obligations, qui peut théoriquement être n'importe quelle convention, en vertu de laquelle le premier doit une prestation pécuniaire au second. Cette convention contient une clause (clause d'accréditif) pré-voyant que le prix sera payé au moyen d'un crédit documentaire.

Le rapport entre le donneur d'ordre et le bénéficiaire, appelé rapport de valeur, est le plus souvent une vente44 , plus précisément une vente commerciale à distance. Il peut aussi s'agir d'un contrat mixte d'entreprise et de vente, d'un contrat d'entreprise, ou même de bail45. La nature du rapport de valeur n'a aucune influence sur le mécanisme et les effets du crédit documentaire puisqu'il s'agit de rapports de droit distincts et indé-pendants46.

Attendu que dans la plus grande partie des cas le rapport de valeur est une vente, on peut légitimement prendre cette hypothèse comme modèle de rapport de base dans le crédit documentaire. Ce rapport est généralement une relation internationale d'échange entre pays éloignés. Ceci s'explique facilement de par l'identité des ressources économiques des pays voisins, respectivement par la complémentarité des productions des contrées éloi-gnées, ce facteur d'éloignement faisant de plus obstacle aux relations per-sonnelles entre parties47D'autre part, on peut aussi constater que l'indus-trie de transformation est pratiquement concentrée en Europe et en Amérique du Nord, alors que d'autres régions du monde basent encore une bonne partie de leur économie sur la production de matières premières.

43 Cf. l'art. 2 RUU; en doctrine, cf. notamment Eisemann p. 19, Eise-mann/Bontoux p. 29-30, Frey p. 215, Friedel p. 537, Gafner p. 7, Hartmann p. 9, Rowe «ICC Revises the Rules» p. 20, Schiirrer p. 14, Slongo p. 2-3, Schonle «Remarques» p. 10, idem «Bank- und Bi:irsenrecht» p. 116-117.

44 Dans ce sens Eisemann/Bontoux p. 30, Molle p. 474, Schonle «Remarques»

p. 10.

45 Cf. l'arrêt du Tribunal fédéral du 6 février 1962, Banque d'investissements mobiliers et de financement SA cl Batchelor, SJ 1963 233 ss; Schonle «Miss-brauch» p. 54 et note no. 4.

46 Cf. infra chapitre quatrième 3, 4.

47 Dans ce sens Stoufflet p. 10.

Le crédit documentaire est ainsi souvent utilisé lors de transactions intercontinentales d'échange entre devises et matières premières, ce qui explique le rôle intimement lié des transports maritimes et du financement des ventes par crédit documentaire48

2.2. Le rapport entre le donneur d'ordre et sa banque49, dit de couverture, se qualifie contractuellement de mandat d'ouverture de crédit50, qui spé-cifie à quelles conditions est soumise la prestation de la banque mandataire.

Jusqu'au moment de l'ouverture du crédit, et en tout cas lorsque le crédit documentaire n'entraîne pas une obligation personnelle de la banque51, la banque et le bénéficiaire n'ont aucun rapport juridique entre eux.

2.3. Le rapport de valeur étant normalement un contrat à caractère inter-national, une quatrième partie pourra intervenir dans l'affaire, soit une deuxième banque52, située généralement dans le pays voire la ville du bénéficiaire, à laquelle il peut aisément faire appel.

Cette deuxième banque peut jouer un rôle différent suivant qu'elle se limite à aviser le bénéficiaire de l'ouverture du crédit53, ou qu'elle accepte de s'engager personnellement en faveur de ce dernier 54

3. DEFINITION

Par l'ouverture d'un crédit documentaire le donneur d'ordre demande à sa banque qu'elle s'engage suivant ses instructions à effectuer une presta-tion en faveur d'un tiers, le bénéficiaire55, ou qu'elle autorise l'exécution de cette même prestation par une autre banque56, «contre remise des do-48 Cf. Gautschi «Das AkkreditiV» p. 34: «Das Hauptanwendungsgebiet des Ak-kreditivs dürfte [ ... ] im Seehandel zu suchen sein»; cf. aussi Schnitzer I p. 1.

49 Banque émettrice, cf. infra chapitre troisième 1.1, 1.2.

50 Cf. infra chapitres quatrième 1.1 et cinquième.

51 La banque n'assume aucun engagement envers le bénéficiaire lorsqu'elle se limite à notifier l'ouverture d'un crédit documentaire. Cf. infra chapitres troi-sième 1.3 et sixième 2.

52 Cf. l'art 2 ii RUU, ainsi que les auteurs cités supra à la note no. 43.

53 Banque notificatrice, cf. infra chapitre troisième 1.3.

54 Banque confirmatrice, cf. infra chapitre troisième 1.4.

55 C'est-à-dire payer le bénéficiaire, accepter ou payer des effets de change tirés par ce dernier, ou bien payer le bénéficiaire à terme. Cf. infra chapitre troi-sième 2.

56 Cf. l'art. 2 ii RUU.

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cuments stipulés, pour autant que les conditions du crédit soient respec-tées»57.

Le crédit documentaire est souvent appelé accréditif, «parce qu'il ac-crédite le bénéficiaire auprès de la banque qui s'engage envers lui, c'est-à-dire qu'il le recommande et certifie»58 .

3.1. En premier lieu, l'opération de crédit documentaire vise à obtenir d'autrui la promesse de fournir une prestation à une personne envers laquelle celui qui promet de s'exécuter n'est nullement tenu59. L'accréditif tend alors avant tout à ce que la banque, par sa promesse unilatérale, s'engage à faire une prestation en faveur d'un tiers60Il ne s'agit pas à proprement parler d'une opération de crédit, mais d'un moyen technique d'effectuer une prestation à travers une tierce personne.

A l'accréditif peut s'ajouter une opération de crédit si la banque en octroie un au donneur d'ordre, afin de lui permettre de financer l'exécution du rapport de valeur dans le cadre de l'opération d'accréditif. Le crédit proprement dit n'intéresse alors que le rapport de couverture et n'a aucune influence sur l'ensemble de l'opération d'accréditif, en particulier sur la promesse de la banque d'effectuer une prestation en faveur du bénéfi-ciaire61.

3.2. En second lieu, l'engagement ou promesse de la banque est soumis

«par définition» à la satisfaction des conditions du crédit par le bénéficiaire.

Le crédit est dit documentaire parce que la condition nécessaire à la naissance de l'obligation du promettant est la présentation à la banque des documents relatifs aux marchandises objets du rapport de valeur, tels que stipulés entre les parties à ce contrat62 .

Par le moyen de la condition documentaire, le mécanisme de l'accréditif vise à réaliser autant que possible une certaine égalité entre la position du bénéficiaire et celle du donneur d'ordre, ainsi que le point suivant l'expli-que plus en détail.

57 Art. 2 RUU in fine; art. 10 a RUU, art. 10 b RUU.

Pour une définition du crédit documentaire, cf. notamment, en doctrine, Ei-semann/Bontoux p. 29 ss, Frey p. 214, Hartmann p. 9, Hofstetter p. 119, Mi-chalek p. 130, Scharrer p. 14, Schnitzer 1 p. 1, Schônle «Remarques» p. 10, idem Bank- und Borsenrecht p. 116, Weber Vorbem. no. 203 ad art. 68-96 CO.

58 Hofstetter p. 119, traduction libre.

59 Dans ce sens Stoufflet p. 23.

60 Cf. infra chapitres quatrième 1.1, 3.1.3, cinquième 2.1, sixième 1.2.1.

61 Cf. infra chapitre quatrième 4.1.

62 Cf. l'art. 10 a et b RUU, modifié par rapport à l'art. 3 RUU 1974, qui précise que les documents stipulés doivent être remis à la banque. Cf. Publication no.

411 de la CCI p. 22-23, Frey p. 215, Gautschi «Bemerkungen» p. 222, et en détail infra chapitre quatrième 5.1.

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