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Les vices de l'exécution du rapport de valeur (violation d'une obligation préexistante) obligation préexistante)

L'ASSIGNE, EN PARTICULIER: L'APPLICATION DU CORRECTIF DE L'ENRICHISSEMENT

6.1. Les vices du rapport de valeur

6.1.2. Les vices de l'exécution du rapport de valeur (violation d'une obligation préexistante) obligation préexistante)

6.1.2.1. En bonne logique, la violation d'une obligation contractuelle pré-existante est une question qui n'a pas sa place à côté du «correctif de l'enrichissement illégitime». Il s'agit même de deux sujets antinomiques.

Il est toutefois nécessaire de délimiter - dans les très grandes lignes - le champ d'application des divers droits du donneur d'ordre qui, d'une manière ou d'une autre, ne reçoit pas l'exécution du rapport de valeur, ou ne l'obtient qu'imparfaitement, ou pas au bon moment; ce d'autant plus que l'exemple reporté ci-dessus (nullité du contrat de vente) n'est qu'un cas d'école.

6.1.2.2. Même en se limitant à l'exemple du contrat de vente, le rapport de valeur sera généralement parfaitement valable et son exécution tout à fait possible, en application du droit suisse213Premièrement, un crédit documentaire est le plus souvent établi en vue du paiement d'une vente de choses de genre (ex.: coton). Celles-ci ne disparaissent pas facilement du marché, si limité soit le genre (ex.: coton fibre longue xyz). Deuxièmement, 210 Contrat inexistant, ou invalidé au sens des art. 23 ss CO.

211 Art. 197 ss CO, art. 205 CO, art. 208 al. 1 al. 2 CO, art. 62 CO ob causam finitam. Le donneur d'ordre obtient également une créance en réparation de son intérêt négatif (sans entrer dans les controverses au sujet du type de dommage qui peut être réparé en vertu de l'art. 208 al. 2 al. 3 CO).

212 Cf. infra 6. l.2 et notes no. 219 et 221.

213 Qui est applicable, selon le droit international privé suisse, lorsque les parties ont choisi l'application de ce droit ou si le bénéficiaire réside habituellement en Suisse; art. 116 LDIP; art. 117 al. 1, al. 2, al. 3 litt. a LDIP. C'est la loi de la résidence habituelle du bénéficiaire (vendeur) qui s'applique au rapport de valeur, en l'absence d'une convention contraire (et valable) entre les parties.

Le bénéficiaire est en effet appelé à fournir la prestation dite «caractéristique».

Cf. aussi infra chapitre cinquième 1.2. En matière de vente, le même principe est prévu par l'art. 3 al. 1 de la Convention de la Haye sur la loi applicable aux ventes à caractère international d'objets corporels mobiliers (R.S.

0.221.211.4), ratifiée par la Suisse et entrée en vigueur le 27 octobre 1972, dont l'application est réservée par l'art. 118 al. 1 LDIP. A remarquer toutefois que la même Convention (art. 3 al. 2) prévoit une exception en faveur de la loi de l'acheteur pour les contrats conclus dans le pays où ce dernier a sa résidence habituelle. Exception que Vischer p. 183 propose de limiter aux cas où la vente est immédiatement exécutée ou aux situations analogues.

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l'impossibilité initiale subjective ou objective passagère d'exécution ne rend pas le contrat nul: le bénéficiaire qui vend ce dont il n'est pas propriétaire (ex.: coton qu'il doit encore acheter au producteur), ou un bien qui n'exis-tait pas au moment de la conclusion du contrat mais dont on sait qu'il existera par la suite (ex.: coton de la prochaine récolte), est tenu de s'exé-cuter sur la base d'une convention valable.

6.1.2.3. Aussi longtemps que l'exécution est possible sur la base d'un tel contrat, le donneur d'ordre doit (en principe) demander l'exécution. La seule forme d'inexécution possible est la demeure214Ceci en particulier dans un cas sur lequel on reviendra: la fraude du bénéficiaire.

L'une des hypothèses de la fraude est celle où le bénéficiaire livre n'importe quel déchet215 en lieu et place de l'objet du rapport de valeur.

Le bénéficiaire n'exécute alors pas du tout le rapport de valeur: il livre un aliud. Dans ce cas, et dans tous les cas où le bénéficiaire ne s'exécute pas, le rapport de valeur est et reste valable216, aucune forme d'inexécution n'enlevant - en soi - la cause des prestations dues de part et d'autre. Le bénéficiaire reste donc tenu (en principe) de livrer l'objet du rapport de valeur, et le donneur d'ordre d'en demander la livraison.

«En principe», car en droit suisse et dans le cadre du contrat de vente, le rapport de valeur est une vente commerciale à terme fixe217. Si, à l'échéance du terme, les documents conformes aux conditions du crédit ne sont pas présentés à la banque218, le donneur d'ordre est présumé renoncer à ce 214 Comme le dirait Balossini (cité supra chapitre deuxième note no. 57): «E' quasi superfluo dirlo». La possibilité de demander l'exécution du contrat exclut (horribile dictu) une action sur la base des règles de l'enrichissement illégitime.

«Darüber besteht Einigkeit», v. Tuhr/Peter p. 520 note no. 32 et références citées.

215 Par exemple, la «pacotille non travaillée, pratiquement sans valeur» dont parle le Tribunal fédéral, ATF 100/1974 II 145 (147) = JT 1975 1 326 (327-328).

216 Même si le bénéficiaire-vendeur ne peut livrer (p.ex.) le coton vendu, parce qu'en réalité il n'a jamais songé à s'en procurer. Cas d'impossibilité initiale subjective (cf. supra dans le texte).

217 Cf. Gautschi no. 19 d ad art. 407 CO, Schônle «Missbrauch» p. 54 et références citées à la note no. 10. Le terme est celui prévu par l'art. 46 RUU (cf. également l'art. 47 RUU).

218 «Richtige Dokumente»: Gautschi no. 19 d ad art. 407 CO. On rappelle que les documents présentés à la banque font foi de l'expédition de la marchandise, ou de sa mise à bord, ou encore de sa prise en charge par le transporteur en vue de l'expédition (cf. aussi infra chapitre cinquième 2.2). Dès lors, le béné-ficiaire tombe en demeure 1) lorsqu'il n'a rien expédié et par conséquent n'a pu présenter les documents certifiant l'expédition; 2) lorsqu'il présente des documents non conformes aux conditions du crédit; 3) lorsque la marchandise certifiée par les titres (falsifiés et donc non conformes) est bien celle prévue par le rapport de valeur, mais non la marchandise effectivement expédiée.

moment à l'exécution et obtient une créance en réparation de son intérêt positif 219Dans le cas où la prestation du bénéficiaire est encore possible, le donneur d'ordre peut220 donc obtenir une créance en dommages-intérêts, en raison de la demeure de son cocontractant.

Il en va de même lorsque l'exécution se révèle impossible après la conclusion du contrat221, à condition que cela soit imputable au bénéficiaire.

Par ailleurs, dans la mesure où le contrat est valable et le donneur d'ordre ne renonce pas à son exécution, qui se révèle cependant imparfaite, le donneur d'ordre peut demander une diminution du prix payé222, ou la livraison d'autres choses du même genre mais en bon état223

Finalement, le créancier a dans certains cas le choix de maintenir ou non le contrat (et de demander une réparation correspondante du préjudice), ainsi que le choix de la manière pour mettre fin au contrat. La créance que le donneur d'ordre peut obtenir en droit suisse dépend donc également -et dans une certaine mesure - du comportement qu'il entend adopter 224

219 Art. 190 al. 1 CO. Ni une interpellation (art. 102 al. 2 CO) ni la fixation d'un délai supplémentaire (art. 108 ch. 3 CO) ne sont nécessaires. A remarquer que, dans les mêmes termes, le donneur d'ordre peut également déclarer résoudre le contrat, d'après la règle générale de l'art. 107 al. 2 CO. Dans ce sens Giger no. 32 ss ad art. 190 CO; contra: Cavin p. 47-48. Le donneur d'ordre obtient alors une créance en remboursement (art. 109 al. 1 CO, art. 62 CO ob causam finitam) ainsi qu'une créance en réparation de son intérêt négatif.

220 Le donneur d'ordre peut aussi continuer à demander l'exécution. Rien ne l'empêche, pourvu qu'il le déclare immédiatement, art. 190 al. 2 CO (l'exécu-tion - ou livraison de la chose vendue - étant curieusement définie «la déli-vrance»). Le crédit doit être amendé (prolongé) en conséquence, Gautschi no.

19 d ad art. 407 CO.

221 Il existe toutes les controverses imaginables à propos de la question de savoir ce qui est possible ou ce qui est impossible en droit suisse (art. 97 al. l, art.

119 CO), ainsi qu'au sujet de la place à réserver à !'«impossibilité subséquente subjective», questions qui sortent du cadre de ce travail. Nous rappelons que le créancier qui obtient une créance en dommages-intérêts (positifs) d'inexé-cution peut également, s'il le souhaite, résoudre le contrat par application analogique des règles de la demeure (cf. supra note no. 219 in fine). Il obtient alors une créance en remboursement, ainsi qu'une créance en réparation de son intérêt négatif. Dans ce sens Bucher A.T. p. 339, Guhl/Merz/Kummer p. 216. Contra: v. Tuhr/Escher p. 105.

222 Dans l'hypothèse où la chose vendue est défectueuse mais les défauts n'enlè-vent pas toute la valeur de la marchandise; art. 197 ss CO, art. 205 CO.

223 Action en exécution modifiée, art. 197 ss CO, art. 206 al. 1 CO, possible lorsque la chose de genre livrée est bien la chose vendue mais présentant des défauts.

224 Il s'agit de questions controversées. Exemples: celui qui peut demander des dommages-intérêts d'inexécution (art. 97 al. 1 CO, art. 107 al. 2 CO) peut 114

6.2. Les vices du rapport de couverture 6.2.1. Mandat non valable

6.2.1.1. L'enrichissement illégitime

Dans cette hypothèse, B s'exécute en faveur de BE et ne peut demander le remboursement à DO sur la base de leurs rapports internes, le contrat de mandat étant par exemple inexistant, vu l'absence de pouvoirs du

«mandant» ou son incapacité civile225

DO obtient la prestation de BE mais n'est pas tenu de désintéresser B.

L' «enrichi» de la situation est cette fois-ci le donneur d'ordre, qui se voit libéré de sa dette envers le bénéficiaire par la prestation de la banque assignée226Cette dernière agit avec une cause valable puisqu'elle s'exécute en vertu de son engagement propre, cause du paiement. Dans le cadre des rapports triangulaires, cette prestation peut être scindée en deux attribu-tions227, de B à DO et de DO à BE. En ce qui concerne le premier rapport d'attribution, la banque assignée agit sans cause, puisqu'il n'y a aucune raison pour elle de libérer le donneur d'ordre d'une dette envers le béné-ficiaire.

également résoudre le contrat et demander à être remboursé (et à obtenir la réparation de son intérêt négatif), cf. supra notes no. 219 et 221.

Celui qui peut se prévaloir de la garantie des défauts de la chose vendue (art.

197 ss CO) peut également faire valoir une créance générale d'inexécution sur la base de l'art. 97 al. 1 CO; dans ce sens Giger Vorbem. no. 20 ss et no. 38 ss ad art. 197-210 CO, incertain Cavin p. 110. Le Tribunal fédéral admet, en règle générale, le concours alternatif, mais soumet l'action basée sur l'art. 97 al. 1 CO aux exceptions et objections des art. 197 ss CO. Toutefois, le concours est exclu en matière de contrat d'entreprise; ATF 100/1974 II 30 (32-33).

Au sujet de la garantie en raison des défauts et des règles des art. 23 ss CO, le concours alternatif est généralement admis par le Tribunal fédéral lorsque les conditions d'une invalidation sont également réunies. Il s'agirait même d'une «règle coutumière» (ATF 107/1981 II 419, 421; ATF 106/1980 II 32, 33-34 =;= JT 1981 I 137, 139). Cette opinion est approuvée notamment par Giger Vorbem. no. 62 ss ad art. 197-210 CO, Bucher B.T. p. 109-110. Contra:

Cavin pp. 106-107, 115; Guhl/Merz/Kummer p. 353.

225 Exemples proposés par Schëmle «Missbrauch» p. 59.

226 Cf. l'art. 467 al. 1 CO.

227 Cf. supra 6.1.1.4 et références citées à la note no. 202.

La banque assignée est «appauvrie» d'une somme correspondant à la prestation faite, actif sortant de son patrimoine, ce qui est en connexité avec l'enrichissement du donneur d'ordre, puisque un seul et même fait -le paiement au bénéficiaire - appauvrit une partie et enrichit l'autre.

B qui a effectué l'attribution peut agir contre DO qui la reçoit, dans le même sens qu'indiqué précédemment228: la créance pour enrichissement illégitime (art. 62 CO sine causa) est donnée dans le cadre du rapport vicié faisant partie de la relation triangulaire.

6.2.1.2. La gestion d'affaires

Une solution plus originale est proposée par Gautschi, dans un contexte différent229Si le mandat confié à la banque n'est pas valable, la banque qui réalise le crédit gère sans mandat l'affaire du donneur d'ordre. Par conséquent, la base légale qui permet à cette dernière d'obtenir le rem-boursement de son «mandant» est l'art. 422 C0230

Le raisonnement nous paraît tout à fait logique, avec quelques réserves.

La loi règle à ses art. 419 ss CO uniquement les situations «extrêmes». En particulier, l'art. 422 CO ne s'applique que si l'intérêt du maître comman-dait effectivement la gestion et si le gérant avait voulu gérer l'affaire dans l'intérêt d'autrui (mobile «altruiste» )231

L'intérêt du maître «commande la gestion» si celle-ci est objectivement en sa faveur et si elle correspond à sa volonté232Dans ces circonstances, il nous paraît que la situation la plus probable est celle où le «maître de

228 Supra 6.1.1.4, 6.1.1.5.

229 Gautschi no. 15 b ad art. 407 CO, en cas de falsification de la lettre de crédit.

On rappelle que, selon cet auteur, l'accréditif serait une lettre de crédit, art. 407 ss CO, principalement soumise aux règles de l'assignation; cf. supra 1.2.

230 Gautschi, !oc. cit. à la note no. 229. L'application de l'art. 422 CO exclut celle des règles de l'enrichissement illégitime: le gérant obtient le remboursement de ses dépenses sans égard au fait que le maître soit «enrichi» ou pas. Dans ce sens v. Tuhr/Peter p. 522-523.

231 Cf. Hofstetter p. 181. Le gérant doit avoir la conscience et la volonté de gérer l'affaire d'autrui, mais il n'est pas nécessaire qu'il ait la conscience d'agir «sans mandat». Inversement, l'application de l'art. 423 CO nécessite que la gestion ne soit pas commandée par l'intérêt du maître et que le gérant ait agi dans son intérêt propre (mobile «égoïste»). Cette situation n'intéresse pas le crédit documentaire.

232 Cf. Hofstetter p. 181, v. Tuhr/Peter p. 522: même si la gestion est objective-ment conforme aux intérêts du maître, c'est celui-ci qui - comme son nom l'indique - doit pouvoir décider si des actes ont à être entrepris à son profit (gestion subjectivement conforme aux intérêts du maître).

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l'affaire» ratifie la gestion entreprise par la banque, ratification qui entraîne (en partie) l'application des règles du mandat233

«En partie», car la base légale qui permet à la banque de demander le remboursement de ses dépenses est et reste l'art. 422 CO, l'art. 402 CO n'étant pas applicable234.

Les situations «intermédiaires» - en particulier celle où le gérant voulait agir dans l'intérêt d'autrui, mais où l'intrusion dans les affaires du maître n'était pas commandée par les circonstances - ne sont pas régies par les art. 419 SS CO, 422 C0235L'erreur' même excusable, sur l'existence de l'une des conditions de la gestion d'affaires parfaite ne peut pas suppléer à l'absence d'une de ces conditions. Ce sont encore les règles de l'enrichis-sement illégitime qui s'appliquent aux situations «intermédiaires»236La créance que peut obtenir la banque contre son «mandant» au cas où le mandat n'était pas valable dépend donc des circonstances237

233 Par renvoi de l'art. 424 CO. Cf. l'exemple proposé infra note no. 237.

234 Ainsi que le relève Hofstetter p. 192, la ratification peut aller à l'encontre des intérêts du «mandataire». Tel est le cas si l'on soumet le «mandataire» au devoir de fidélité de l'art. 398 al. 2 CO (qui le lie pieds et poings à !'«intérêt de son mandant»), alors qu'il ne peut - par exemple - se prévaloir de la règle de l'art.

402 al. 2 CO, qui lui est favorable.

235 Inversement, l'art. 423 CO ne s'applique pas à celui qui agit dans son intérêt propre parce qu'il croit par erreur gérer sa propre affaire, bien que ses actes sont en réalité commandés par l'intérêt du maître.

236 Cf. Hofstetter p. 182-183, v. Tuhr/Peter p. 522-523. En ce qui concerne les rapports entre les règles de l'enrichissement illégitime et la gestion d'affaires imparfaite (qui ne nous intéresse pas ici), cf. Hofstetter p. 185; Gautschi Vorbem. no. 15 ad art. 419 ss CO, no. 10 ad art. 423 CO; v. Tuhr/Peter p. 523 note no. 41 (chacun avec une opinion différente).

237 Exemple: X n'a pas les pouvoirs pour engager la société d'importations A. X mandate et assigne la banque B d'ouvrir un accréditif. B accepte et le notifie au bénéficiaire.

1) B se rend compte de l'absence des pouvoirs de X et interpelle A.

a) A (qui est le «maître de l'affaire» à notre avis, à l'exclusion de X) est tout à fait d'accord: ratification de ce que B a entrepris en gestion d'affaires (engagement envers le bénéficiaire) et application des art. 424, 394 ss, 422 CO.

b) A n'est pas d'accord, par exemple, avec les conditions du crédit prévues par X (la situation où X mandate B totalement à l'insu de A nous paraît rare et, en tout cas, X serait alors tenu de rembourser personnellement B).

L'art. 422 CO ne peut pas s'appliquer. Dans la mesure où B libère néan-moins A d'une dette envers le bénéficiaire, elle obtient contre cette dernière une créance pour enrichissement illégitime; cf. supra 6.1.1.1.

2) B ne se rend pas compte de l'absence des pouvoirs de X (aucune importance, cf. supra note no. 231), réalise le crédit et demande le remboursement à A:

comme supra l) a) et b).