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Les inondations du Rhône, du fléau au problème public : fabrique d’un paradigme « de

Un problème qui apparait avec une certaine évidence est en fait le résultat d’un processus complexe d’action collective (Gilbert, Henry, 2012). Les inondations sur le Rhône sont devenues un domaine d’action de l’État au 19ème siècle. Néanmoins, les travaux d’historiens attestent que les aménagements humains pour se protéger des inondations sont plus anciens. L’inondation était alors un problème qui concernait d’autres sphères. Ce chapitre est l’occasion de reconstruire l’évolution des modes de gouvernement des inondations en France et en particulier sur le Rhône : d’un problème particulier, de la responsabilité des riverains, à un enjeu de gouvernement national. À la faveur de quelles conditions s’est opéré ce basculement ? Qu’est ce que cela a changé dans la façon de prendre en charge les inondations, et qu’est-ce-que cela signifie du point de vue du rapport entre l’État et les riverains ?

Nous renseignons ce glissement à partir de travaux d’historiens, en tentant de montrer ce qui change dans la façon dont le risque inondation est défini, les solutions qui y sont apportées, et les propriétaires du problème désignés. À partir de thèses d’historiens nous retraçons la façon dont l’État a construit l’inondation comme problème public et par-là son rapport aux gouvernés, et notamment aux riverains. Cela nous permet de montrer que la prise en charge des inondations par la puissance publique ne relève pas d’un processus naturel, mais d’une opération par laquelle l’État légitime une certaine domination politique par l’intermédiaire d’une protection contre les inondations assurée aux riverains. Cette opération s’est accompagnée de la disqualification des institutions qui participaient jusque-là à la prise en charge du problème.

Dans une première sous-section nous tentons de dépeindre la façon dont les inondations sont appréhendées sur le Rhône avant qu’elles ne deviennent un problème public (1.1). Puis nous rendons compte de la politisation des inondations en 1856 et de la construction de ce que nous qualifions de « paradigme1

1.1 Un fléau régulé par les institutions religieuses, les notables et les

communautés locales

» de protection (1.2).

Avant le 19ème siècle, les inondations ne sont pas sur le Rhône un domaine d’intervention de la puissance publique. D’autres institutions et acteurs interviennent dans le traitement des phénomènes catastrophiques. Néanmoins, il serait abusif de prétendre dresser le tableau du mode de traitement2

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Nous définirons alors ce concept.

des inondations à cette époque, étant donnée l’étendue temporelle de la période antérieure au 19ème siècle. Les travaux d’historiens nous permettent cependant de qualifier l’ampleur du changement qui s’opère au 19ème siècle avec la construction des inondations comme problème public. Pour comprendre cette ampleur, nous tentons dans cette section de qualifier le mode de traitement des inondations qui prévalait avant cette rupture. C’est donc à des fins heuristiques que nous dressons un tableau de ce que devait être le mode de traitement des inondations sur le Rhône avant qu’il ne devienne problème public.

2 Nous n’évoquons pas ici le « gouvernement » des inondations qui serait tout à fait anachronique, étant donné

Ce travail laissera certainement les historiens insatisfaits. Nous ne disposions pas de sources historiques relatant précisément le traitement des inondations sur le Rhône avant le 19ème siècle. Mais l’analyse de travaux d’historiens qui ont travaillé sur le Rhône ou sur d’autres fleuves français, nous permet de proposer une représentation du mode de traitement des inondations avant le 19ème siècle, représentation qui devait s’apparenter à celle d’un « fléau1

1.1.1 Les inondations, un fléau pris en charge par les institutions religieuses

» régulé par des institutions religieuses, les notables et les communautés locales. Nous en livrons une lecture orientée, en tentant d’identifier la façon dont est problématisée l’inondation avant le 19ème siècle (et plus largement les phénomènes catastrophiques) et quels modes de son traitement sont privilégiés. Nous identifions également les institutions chargées du traitement de l’inondation, et leurs modes d’action privilégiés. Nous tentons enfin de caractériser les savoirs qui sont considérés légitimes à ce moment-là. Dans cette grille de lecture nous identifions trois modes de représentation des inondations qui semblent coexister, certains étant favorisés selon les époques et les phénomènes. À chaque mode de représentation, des institutions et des savoirs sont privilégiés.

Avant le 19e siècle, les inondations de grande ampleur semblent conceptualisées comme des « fléaux2

Cette conceptualisation divine du phénomène catastrophique explique que les institutions religieuses aient eu pendant longtemps une place prépondérante dans son traitement. Des auteurs s’intéressant à l’histoire de la façon de conceptualiser l’eau évoquent la dimension religieuse autour du traitement des inondations, qui remonterait à avant l’avènement du christianisme

», terme qui évoque un malheur touchant une population élargie et qui serait en partie lié à des causes divines. Ainsi, selon l’étude de François Walter sur la conceptualisation des phénomènes catastrophiques dans l’Occident, entre le 16ème et le 18ème siècle, ces phénomènes « s’inscrivent dans un schéma d’explication où intervient la Providence divine attentive à admonester, punir ou corriger les hommes coupables de transgression » (Walter, 2008, p. 25).

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La légende de la Tarasque illustre bien l’iconographie du maléfique associée aux inondations (Reyt, 2000), ainsi que la construction de légitimité de l’institution religieuse sur les phénomènes catastrophiques. La Tarasque est un animal monstrueux dont l’étymologie rappelle le nom de la ville qui en fit son mythe fondateur, située sur les rives du Rhône : Tarascon. La fête de la Tarasque est . Les institutions religieuses chrétiennes ont d’ailleurs repris certains cultes païens célébrés pour prévenir les calamités liées à l’eau, dans une tentative d’instrumentalisation des phénomènes catastrophiques. Ces derniers pouvaient être expliqués soit par des châtiments divins punissant les hommes, soit imputés à une puissance maléfique. Les modes de traitement pouvaient être des processions, des prières, ou la construction de lieux sacrés afin de glorifier le divin.

1 Nous utilisons le terme de « fléau » car celui de « risque » voire même de « catastrophe » sont anachroniques.

Le terme catastrophe est intégré en France par Rabelais au 16ème siècle (Walter, 2008) et désigne alors une fin d’intrigue funeste dans le registre du théâtre dramatique. C’est au 19ème siècle que ce terme prend une acception plus générale et une connotation franchement négative et pessimiste (Walter, ibid, p.18). Durant les inondations du Rhône de 1856 l’analyse de la presse démontre plutôt l’usage de termes comme « fléau », « désastre », « sinistre », « calamité » que « catastrophe » (Picon, Allard, 2007). En revanche le terme catastrophe est plus usité pour qualifier les inondations contemporaines.

2

Au sens du Petit Robert : « Personne ou chose qui semble être l'instrument de la colère divine » ; « Calamité qui s'abat sur une population ».

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instituée au 15ème siècle1

« Il y avait, à cette époque, sur les rives du Rhône, dans un bois entre Arles et Avignon, un dragon, moitié animal, moitié poisson, plus épais qu'un bœuf, plus long qu'un cheval, avec des dents semblables à des épées et grosses comme des cornes, qui était armé de chaque côté de deux boucliers; il se cachait dans le fleuve d'où il ôtait la vie à tous les passants et submergeait les navires. […] À la prière des peuples, Marthe alla dans le bois et l’y trouva mangeant un homme. Elle jeta sur lui de l’eau bénite et lui montra une croix. À l’instant le monstre dompté resta tranquille comme un agneau. Sainte Marthe le lia avec sa ceinture et incontinent il fut tué par le peuple à coups de lames et de pierres. »

, mais elle est célébrée, semble-t-il, bien avant. On trouve la référence à cette légende dans l’ouvrage de Jacques de Voragine daté du 13ème siècle (« La légende dorée »), qui décrit la Tarasque :

Jacques de Voragine, « La légende dorée », datée du 13ème siècle2 La référence à la Tarasque est interprétée comme le symbole des maux liés au fleuve comme les inondations ou les naufrages, voire comme ayant un rôle social de permanence de la mémoire des crues (Reyt, 2000). Aujourd’hui, les habitants de Tarascon rendent encore hommage à Sainte Marthe lors des festivités de la Tarasque qui ont lieu tous les ans au mois de juin3 Erreur ! Source du renvoi introuvable.

( ).

Figure 1 : Carte postale évoquant la fête de la Tarasque à Tarascon

Elle met en scène le dragon et Sainte Marthe, 20ème siècle Source : Archives communales de Tarascon.

André Guillerme, historien français qui a étudié l’histoire du rapport entre l’eau et les hommes dans des villes du Nord de la France, rend compte de pratiques religieuses similaires organisées dans l’objectif de prévenir les calamités liées à l’eau, comme les inondations ou les sécheresses (Guillerme, 1983). Il nous apprend qu’au Moyen-âge, l’eau était associée à une matière visqueuse et dangereuse,

1 Encyclopédie Universalis (Guy BELOUET, « LA TARASQUE », Encyclopædia Universalis [en ligne],

consulté le 13 mai 2014. URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/la-tarasque/)

2 Extrait reproduit sur le site du Centre Régional de Documentation Pédagogique de Paris [en ligne], consulté le

13 mai 2014. URL : http://crdp.ac-paris.fr/parcours/fondateurs/index.php/category/lazare/?paged=2#1_1

3 Les fêtes de la Tarasque sont organisées chaque année à Tarascon au mois de Juin. (lien consulté le 12 mai

synonyme d’humidité et de moisissure. Les dangers de l’eau étaient représentés à l’époque par l’image de serpents. Il interprète la forme du dragon comme une représentation amplifiée du danger des eaux en cas de crue. Des « rogations » (processions) étaient organisées autour des marais pour rendre hommage à des saints qui auraient délivré les villes de dragons, afin de conjurer la survenue de fléaux liés à l’eau. Pour André Guillerme, la fête des rogations serait un substitut chrétien d’une ancienne fête païenne célébrant le dieu Taranis contre les débordements de la rivière (Guillerme, 1983). Les institutions religieuses semblent avoir longtemps construit leur légitimité en partie sur la « maîtrise » (au moins symbolique) de calamités naturelles comme les inondations, symbolisées par des monstres habitant les lieux humides. François Walter, qui nous livre une histoire culturelle des catastrophes, confirme que les régions de tradition catholique développent, entre le 16e et le 18e siècle, une explication des phénomènes de fléaux par le recours aux forces diaboliques1

Maurice Champion, un historien dont les travaux sur les inondations en France du 6ème au 19ème siècle ont été réédités récemment, rend compte d’écrits d’historiens sur les crues du Rhône qui illustrent cette dimension spirituelle (Champion, 2000, vol. III). Notamment Paradin évoquait au 16ème siècle une inondation du Rhône au 6ème siècle par son pouvoir prédicateur de malheurs à venir et la comparant à l’image biblique du déluge :

. Il explique ainsi que de nombreuses pratiques de dévotion soient organisées afin de les éloigner, en mobilisant les faveurs des saints protecteurs (Walter, 2008, p.38).

« les malheurs, guerres civiles, mortalitez et famines qui advinrent en ce temps furent prédictes et signifiées par une estrange et non accoustumée inondation des fleuves du Rhône et de la Saône, qui advinrent en l’an de salut cinq cens nonante deux […] il commença une pluye si furieuse, véhémente et continuelle, qu’il sembloit que le déluge de Noé fust de retour »

(Champion, 2000, p. 188) D’autres images bibliques sont utilisées pour décrire les phénomènes hydrologiques, et notamment l’effet des pratiques religieuses. Champion évoque les écrits d’un historien du 17ème, Mézeray, au sujet d’un épisode d’inondation de 1196. Il décrit les remèdes religieux entrepris par les populations et fait état de l’efficacité miraculeuse des incantations sur le régime des eaux :

« les prières, les aumônes et les processions furent le seul remède à ces maux ; et quand après tout cela on fit le signe de la croix sur les eaux, elles se ressérèrent miraculeusement dans leurs lits ordinaires »

(Champion, 2000, p. 191) S’il est difficile de savoir si les écrits des historiens du 16ème et 17ème siècle ne sont pas seulement le reflet des représentations de ces populations vues comme détenant un savoir uniquement mystique et de l’ordre du merveilleux2

1 L’historien Maurice Champion évoque par exemple les écrits de l’évêque de Grenoble qui explique les causes

de l’inondation de 1219 du fait du diable et demande à la population de prier et aux pécheurs de se confesser (Champion, 2000).

, il semble avéré que le recours au sacré et au religieux pour expliquer les inondations et les prévenir était courant avant le 19ème siècle. Ces images étaient alors véhiculées par les historiens, l’art iconographique, mais aussi les journaux. Entre le 16ème et le 17ème siècle, la croissance des almanachs ou des canards est spectaculaire et les récits sur les fléaux en sont

2 Les écrits de Mézeray semblent aller dans ce sens, lorsqu’il évoque : « l’esprit du temps, porté au merveilleux,

ne cherchait pas les explications des faits dans les causes physiques; le surnaturel se mêlait au moindre événement extraordinaire » (Mézeray cité par Champion, 2000, page 15).

le fond de commerce, mais la musique, la peinture et le théâtre faisaient aussi beaucoup référence aux tempêtes ou aux ouragans (Walter, 2008, p.100).

Si le recours au sacré et au religieux pour expliquer la cause des inondations et s’en prémunir est courant entre le 16ème et le 19ème siècle, les incantations et les processions ne sont pas les uniques façons de prévenir les inondations. René Favier, spécialiste d’Histoire sociale des risques naturels dans la France d'Ancien Régime, et François Walter, ont remis en cause cette vision caricaturale des populations qui, avant l’apogée de la science et la prise en main des inondations par la puissance publique, seraient uniquement caractérisées par la superstition et le fatalisme devant les phénomènes catastrophiques, luttant contre les inondations par le culte et les incantations (Favier, 2007; Walter, 2008). Très tôt on constate des tentatives, par les communautés locales (comme les villes) ou les notables d’intervenir dans la protection, la réparation ou la prévention des inondations.

1.1.2 Les inondations objet d’interventions des notables et des communautés

locales

À partir du 17ème siècle, les hommes d’Église ne semblent plus être seuls à produire un savoir sur les phénomènes de crues, et sont concurrencés par les notables locaux. Ces savoirs sont institués dans le cadre de procès où avocats et hommes de lettres s’affrontent sur les explications des phénomènes « naturels » comme les crues, entre facteurs physiques, anthropiques et divins.

À cette époque, les phénomènes climatiques sont conceptualisés de façon assez « plastique », selon les travaux des historiens de l’environnement Fressoz et Locher (2010). Les êtres humains pouvaient être crédités d’influence positive ou négative sur le climat et sur les phénomènes de crues. Walter (2008) note qu’à partir du 17ème siècle, l’axiome providentialiste connait un certain recul dans l’explication des phénomènes naturels, même s’il persiste parmi les grands penseurs de cette époque, mais s’articule avec des explications naturalistes1

Ainsi les tribunaux statuaient sur la cause d’épisodes de crues particuliers, ce qui produisait un partage des responsabilités spécifique concernant le financement des réparations ou l’entretien des infrastructures, généralement partagées entre notables et communautés locales, voire désignaient des communautés responsables des inondations. Les crues étaient considérées comme des phénomènes naturels mais aussi résultants d’action humaine. Cette conceptualisation est à l’origine de modes d’intervention assez coercitifs vis-à-vis de communautés installées en amont des fleuves

. Jusqu’au 18ème siècle l’axiome providentialiste s’arrange des observations naturalistes naissantes par le recours à un grand équilibre fixé par Dieu. Néanmoins, les phénomènes naturels ne sont plus considérés comme des fléaux au sens de calamité dont il plait à la providence d’affliger le genre humain, mais comme des processus aux rôles régulateurs. Les notables et les penseurs tentent de s’affranchir de la théologie, même si certaines pratiques religieuses sont toujours présentes.

2

1 Isaac Newton reconnaissait le rôle actif de dieu et notamment l’usage périodique des comètes pour restaurer

l’harmonie de l’univers ; selon Liebniz Dieu aurait créé « le meilleur des mondes possible ». Des explications naturalistes venaient expliquer des phénomènes pensés comme correspondant à quelque chose d’utile et nécessaire au fonctionnement de l’univers, réglé par le Grand Horloger. Ainsi les hommes s’efforcent de comprendre les règles qui régissent l’univers, fixées par Dieu. Un exemple est le traité « d’hydrothéologie » de Johann Albert Fabricius en 1730 (Walter, 2008p.77).

. Ces

2 Geneviève Decrop rend compte de la façon dont certaines pratiques culturales furent interdites par la ville de

Grenoble, accusant les paysans des zones de montagne d’être responsables, par la déforestation, des crues menaçant Grenoble (Decrop, 1997).

interventions étaient instituées par les tribunaux qui statuaient lors de conflits entre communautés ou notables au sujet du coût de réparations, construction ou maintenance des infrastructures liés à l’eau. Les tribunaux déterminaient également des actions de prévention comme le curage du delta du Rhône1

Mais les notables ont eu plus qu’un rôle cognitif dans la définition de l’inondation. Sur la Loire, les seigneurs ont offert des privilèges aux paysans qui acceptaient de s’installer sur des « tertres » (levées de terre) assurant la protection des terres (Dion, 1961). Ainsi, comme l’exprime Geneviève Massard-Guilbaud (2011) relisant les travaux de Roger Dion, les pouvoirs locaux organisaient la « mise en risque » de populations dans le but d’assurer l’entretien d’infrastructures de protection des terres agricoles.

.

Cependant, les communautés locales ne semblent pas avoir attendu ce changement cognitif relatif à l’explication des phénomènes naturels pour tenter de s’affranchir de l’effet des crues grâce à des infrastructures. André Guillerme constate que dès le 10ème siècle, dans le Nord de la France, des infrastructures comme la canalisation de rivières autour des cités, sont construites dans un but de protection militaire mais aussi de drainage des eaux stagnantes (Guillerme, 1983). Sur le Rhône, Jean- Paul Haghe, qui a travaillé sur l’histoire du contrôle institutionnel de l’eau en France, nous apprend qu’au 12ème siècle, les habitants d’Arles érigaient des « levades », protections de terre contre les eaux du Rhône, que des « levadiers » sont chargés de surveiller (Haghe, 1998). Cette question de la construction de digues sera d’ailleurs un sujet de conflit historique entre communautés, comme Arles et Tarascon, comme le note Michel Jean dans son ouvrage sur l’histoire des grands aménagements hydrauliques de Provence (Jean, 2011). On trouve également mention dans l’ouvrage de Jacques Bethemont sur le Rhône de digues construites beaucoup plus tardivement par des communautés rurales comme celles de Boulbon au 15ème siècle ou Roquemaure, Mornas ou Aramon dont les terres furent endiguées au 18ème siècle après avoir été conquises sur le champ d’inondation du Rhône. Quelques terres ecclésiastiques avaient aussi bénéficié d’endiguements précoces comme l’île de la Motte défendue par les Chevaliers de Malte, les basses terres de Villeneuve, endiguées au 18ème siècle par un abbé. Aucun pouvoir central n’a pris part, à notre connaissance, à la construction de digues autour du Rhône avant le 19ème siècle. D’après Bethemont (1972), le Rhône entre Lyon et Beaucaire représentait en 1856, un linéaire de digue de 103 km. Plutôt que d’infrastructures protégeant uniformément les rives du fleuve, il s’agissait d’un réseau de digues non continues qui se limitait à la protection de territoires habités. Le delta du Rhône (la Camargue) était cependant protégé de façon plus uniforme. Une digue continue, gérée par des associations2

Ainsi les communautés locales s’organisaient pour se protéger des inondations. Les notables locaux prenaient peu à peu part à l’explicitation des phénomènes de crues. Cette détermination locale des causes des phénomènes de crues fut cependant remise en cause par le pouvoir central. Cela est