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L’état sanitaire globale de la population ne présente pas de particularité. Avec ces seules données, il est impossible d’établir un profil de la population. Néanmoins, dans le secteur intra ecclésial, quelques individus se dégagent par des caractéristiques sanitaires.

Nous allons commencer par le T16, sa place et sa position (soin du traitement du défunt) dans la chapelle laisse penser à une sépulture ad ecclesiam93. Sa pathologie congénitale ne semble pas avoir poser de problème à cette inhumation de prestige. Est-elle une femme ou une fille d’un des seigneurs du Laur ? Dans tous les cas, la société ne l’a pas rejeté, sa seule particularité se situant au niveau dentaire. La société béarnaise fonctionnant comme un système de « caste », notamment avec les cagots, un rejet à l’égard d’une personne porteuse d’anomalies aurait pu avoir du sens ; ou du moins, elle aurait pu être inhumée à l’extérieur de la chapelle. Nous n’avons pas mis la main sur des études portant sur le rejet d’individus pathologiques, nous ne pouvons donc qu’émettre l’hypothèse que cette femme était issue de l’élite en prenant compte de son état général (hors pathologie congénitale), de son emplacement et du soin que les vivants sont mis dans son positionnement.

L’individu T10, quant à lui, présente des caractéristiques plus facilement identifiables. Son état sanitaire montre des signes d’activités de type « syndrome du cavalier ». Il est l’individu possédant la meilleure hygiène bucco-dentaire. Il s’agit là d’une inhumation

93 Nous rappelons que nous avons effectué une distinction entre ad ecclesiam et intra ecclésial. Le terme ad eclesiam a été utilisé lorsque les vivants ont eu la volonté d’inhumer leurs défunts dans une église en élévation. A contrario, le dénominatif intra ecclésial vaut pour des inhumations sans certitude de l’élévation d’un édifice cultuel.

ad ecclesiam. Si l’on prend en compte son positionnement sur le T10bis, ce dernier était sans doute dans la même volonté des vivants. Néanmoins, nous ne pouvons pas dire quelle est la relation entre les deux : fruit du hasard ou lien de parenté ?

Nous allons maintenant nous intéresser à la question du charnier, qui se situe dans le secteur intra ecclésial. Nous le rappelons, il a été découvert un minimum de treize individus (T14, T15 et T15bis relevé par J. Seigne) dont deux immatures (T6 et T6bis). Nous l’avons vu, les inhumations du charnier n’ont pas toujours fait l’objet d’un traitement des défunts. Les inhumations T15bis et T14 donnent l’impression d’avoir été jetées dans la fosse. Par ailleurs, ces deux individus sont dans des positions particulières (décubitus ventral et présentation latéral).

Nous avons également vu que parfois, principalement au bas Moyen-Âge et à l’époque Moderne, on peut retrouver des inhumations infantiles ad ecclesiam, concernant la classe élitaire de la société.

Néanmoins, l’étude anthropologie nous apporte une vision bien différente de ces inhumations.

Trois94 des quatre individus du charnier dont nous disposons présentent des traces de marqueurs de stress. L’hypoplasie dentaire est un élément fiable puisqu’au contraire des autres marqueurs de stress de type hyperostose poreuse95, ce marqueur est présent à vie. On

le retrouve dans des populations n’ayant pas un très bon niveau de vie. On peut donc en conclure que se charnier n’est pas composé (au moins partiellement96) de l’élite de la

seigneurie.

Nous ne sommes pas là face à des inhumations ad ecclesia ; il n’y a pas ici, de volonté de prestige.

Au niveau de l’état sanitaire, le T14 présente des caractéristiques d’infections, dont la cause n’a pas été identifiée. Par sa position particulière, nous pouvons éventuellement faire le lien avec l’individu T12 qui présente également des traces d’infections (de type tuberculose).

Nous pouvons ainsi nous demander si les inhumations particulières ne sont pas toutes liées à un même moment chronologique et si elles ne sont pas dues à un même fait.

94 T14, T6 et T6bis. Nous disposons en plus du crâne du T15.

95 Dans ce cas, lors que les individus disposent d’assez de nutriments qui manquaient jusque-là, on observe

une résorption voire une disparition de ce marqueur de stress.

Si nous allons dans ce sens, il est possible que l’inhumation T12 voire T5 également, soit la/les première(s) d’une série de décès due à une épidémie qui par la suite a menée à la construction d’un charnier. Si l’on prend en compte le « paradoxe ostéologique », cette hypothèse peut être valide. Les ossements étudiés ne présentent pas de traces de décès par violence97 comme cela pourrait être le cas si l’on avait à faire à des sépultures de guerre.

Si l’on a à faire à une épidémie, il faut prendre en compte que de nombreuses maladies ne laissent pas de traces ostéologiques. Cette hypothèse ne peut cependant pas être corroborée par les textes et notamment les registres paroissiaux puisque les lacunes et les pertes de documentation sont grandes.

On peut cependant émettre l’hypothèse que ces inhumations ont eu lieu après la destruction de la chapelle. La volonté des vivants était peut-être de mettre à l’écart de la ville ces défunts dans le but d’éviter la propagation d’une éventuelle épidémie. Nous rappelons que la seigneurie a été rattachée juridiquement à la paroisse98 de Notre-Dame à la fin du XVIIIe siècle, mais que cette dernière jouait le rôle de paroisse sans doute bien avant (les sépultures de Saint-Michel se situant dans le XVIIe siècle). Notre-Dame se situant au centre de la ville de Lescar, la volonté d’éviter une épidémie peu alors prendre tout son sens.

Etant donné l’état sanitaire des individus du charnier et donc la classe sociale qui en découle, il n’est pas envisageable qu’une dérogation leur ait été attribuée pour être inhumé sur ces terres, puisque seule l’élite pouvait obtenir ce genre de privilège (ALEXANDE- BIDON, 1993).

Nous rappelons également que le charnier est généralement attribué aux sépultures de catastrophes, ce qui semble être le cas pour notre site.