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J. Dastugues en 1984 dans un article intitulé « De l'appréciation des caractères dits « discrets en anthropologie » tente d'approcher la définition de ce qu'est un caractère discret.

L'une des définitions concerne les séries mathématiques alors que la seconde peu usitée jusqu'alors prend en compte l'élément isolé. Il conclut que les deux acceptations du terme sont scientifiquement justifiées mais que seule la seconde peut s'appliquer à l’anthropologie. La question qui se pose ensuite est de savoir ce qui va être acceptable d'entrer dans la catégorie des « caractères discrets ». Ce qui est mesurable et quantifiable a-t-il sa place dans cette catégorie ? La question reste ouverte dans ces premières années de questionnement autour de ces caractères dits discrets.

Une décennie plus tard, on observe que la définition de « caractère discret » est mieux fixée :

« Les caractères discrets sont des variations anatomiques codés comme présents ou absents. Le terme « discret » est employé suivant le sens du latin classique discretus « séparé ». En ce sens, ces caractères s'opposent aux caractères à variations continue, tels que les caractères ostéométriques. Ceci permet d’individualiser, au sein d'une sépulture ou d'une nécropole, des sous-groupes d'individus possédant un ou plusieurs de ces caractères » (CRUBEZY, SELLIER, 1999).

« Le terme de caractère discret [qualifié également de caractère non métrique (BERRY, 1975 ; DE STEFANO et al., 1984 ; PERZIONIUS, 1979 ; BERGMAN, 1993, etc.), de discontinu (BRASILI-GUALANDI, GUALADI-RUSSO, 1989, etc.) ou d'épigénétique (BERRY, 1967 ; HAUSER, DE STEFANO, 1989, etc.)] désigne un élément anatomique descriptif, non constant, pouvant être observé au niveau du crâne et du post-crâne » (DENOBO, PERROT, 2007).

4.1 Le crâne

L'étude des caractères discrets du crâne est celle qui a connu le plus grand succès au début de ce courant de recherche. Le crâne subit peu les contraintes liées à d'éventuelles activités, il est donc moins sujet à discussion dans le cadre des MOA. Cependant, il peut subir dans certaines civilisations des contraintes d'ordres cultuelles et sociales (déformation volontaire de crânes dans une volonté esthétique, sociale ou religieuse). On trouve des cas de déformation volontaire jusqu’au XIXe siècle en France (Haute-Garonne) ; le crâne des

nouveau-nés était bandé afin de lui donner une forme ovoïde en grandissant au moyen de cette contrainte. Le but étant que l’enfant soit plus intelligent (BROCA, 1871).

Sur le site de Saint-Michel, les caractères discrets du crâne sont de trois natures : l'os interpariétal dit des « Incas », l'encoche et le foramen surpraobitaire ainsi que les foramens pariétaux.

L'os interpariétal est un os surnuméraire du crâne (figure 11) qui se place au-dessus de l'occipital. Il est plus fréquemment rencontrer dans les sociétés amérindiennes d'où son nom os des «Incas».

Les individus T4 (sexe indéterminé, âge 25-29 ans), T14 (sexe indéterminé, âge 25-29/39 ans) et l’adulte de l’ensemble 3 (sexe et âge indéterminé) possèdent cette caractéristique.

Figure 11 Os des Incas

L’os des « Incas » est un faux os wormien83, résultant d'une fusion interpariétale

incomplète de l'écaille de l'os occipital. Il peut adopter une forme triangulaire, rectangulaire, losangique, et même être bi ou tripartite. Il peut également être lié à certaines situations pathologiques.

Les trois individus de Saint-Michel possédant cet os interpariétal adoptent la forme triangulaire.

Il est cependant impossible de faire une quelconque hypothèse sur des liens de parentés puisque ces trois individus ne correspondent pas à la même spatialisation. Le T4 est à l’extrême ouest du sud alors que le T14 se trouve dans le charnier à l’est. Le troisième n’est pas spatialement déterminé.

Un second caractère discret est exclusivement observable sur le T16 (sexe féminin, âge 25-<60 ans). Il s'agit pour cet individu d'une encoche et d'un foramen surpraobitaire. Ce sont de petits trous se situant au niveau supérieur de l’orbite.

L'incisure (ou foramen) supra-orbitaire désigne l'échancrure au niveau du bord supra- orbitaire de l'os frontal. Ils permettent le passage du nerf ophtalmique.

Le nerf ophtalmique frontal externe va sortir de l'orbite par le foramen supra-orbitaire (ce foramen, chez de nombreux patient n'existe pas et ceux-ci présentent une incisure supra- orbitaire).

Il a été observé une variation de leur morphologie et la fréquence dans différentes populations. Il est établi que la distribution de fréquence de ces traits sont efficaces pour distinguer les principales populations humaines. C’est un caractère discret qui se retrouve principalement dans la population anatolienne mais aussi en Europe (EROGLU, 2016 ; DODO, 1987). Cette particularité permet donc de mettre en évidence des rapprochements génétiques de population géographiquement éloignée.

Le troisième caractère discret crânien est le foramen pariétal. La localisation de ces foramens est sur les deux pariétaux : en arrière de la moitié postérieure de la sagittale. Ils permettent le passage de veines émissaires depuis le sinus sagittal supérieur. (PERROT, 2014). De cette façon, ils permettent le drainage du cerveau. Cette particularité est visible sur une large partie de la population (50 à 80%) (ADALIAN et al, 2013). Il s’agit de lacune physionomique courante dans sa version la plus fréquente c’est-à-dire jusqu’à un diamètre de 2mm.

Ce caractère discret est visible sur une plus large portion de la population inhumée. Nous trouvons trois cas, une absence totale de foramen (SQLT 1, ensemble 2 et T11), la présence d’un seul foramen pariétal droit sur les individus (T13 et T6) et d’un foramen pariétal gauche sur l’adulte de l’ensemble 3. Les deux foramens sont visibles sur : T6bis, T10, T4, T16 et T12.

Ce caractère discret comme tous les autres mentionnés ne sont pas liés à l’âge.

La localisation spatiale des différents types de foramens (absence, un ou deux foramens présents) est très variable. Cependant la présence de deux foramens se trouve exclusivement dans le secteur intra ecclésial.

4.2 Le post crâne

Comme nous l'avons vu dans la méthodologie, l'étude des caractères discrets des membres inférieurs est en cours de recherche afin de définir exactement les caractéristiques

qui permettent l’inclusion ou l'exclusion de critères dans les catégories correspondant aux caractères discrets. Dans le post-crâne, de nombreuses études ont été portées à notre connaissances, dont notamment celles de Saunders et Finnegan (1978) ou plus récemment celles de Jean-Luc voisin (2011) nous permettant ainsi d'accéder à la connaissance des diverses formes de ces caractères.

Dans les caractères discrets du post-crâne, deux individus en montre la particularité. Le T13 (masculin, 25-29ans) possède une perforation de la fosse oléocrânienne sur son humérus gauche (figure 12). L’étiologie de cette perforation est à l'heure actuelle inconnue (SAUNDERS, 1978). Cette particularité est fréquente sans lien avec une population précise (PERROT, 2014).

Figure 12 Perforation de la fosse olécrânienne de l'humérus.

Autre caractère dit « discret » présent sur le site est un cas de spina bifida occulta que l'on retrouve dans l'Ensemble 2. En effet, un des sacrums de cet ensemble ne présente pas une fusion complète de la partie haute du sacrum au niveau de l'apophyse épineuse. Cette spina bifida occulta d’origine congénitale ne laisse en règle générale pas de séquelles à l'individu porteur. Il apparait au stade embryonnaire et se retrouve actuellement plus dans les pays anglo-saxons84. La cause est actuellement inconnue même si on lui attribue un

vecteur multifactoriel génétique et environnemental (ADALIAN et al, 2013)

L'état souvent fragmentaire des ossements ne permet pas non plus de mettre en évidence d'autres caractères discrets du post-crâne.

4.3 Les dents

Il existe différents types de caractères discrets dentaires : tubercule, perle, variation des cuspides, variation du nombre des racines, taille des dents… (ASTIER, 2013 ; TURNER, 1988, 1991, 1997).

Les individus de Saint-Michel disponibles à l'étude ne possèdent pas de caractères discrets de types tubercules, fréquent chez les leucoderme, ni perlé dont la présence est exclusive aux populations xanthodermes (ASTIER, 2013).

L'analyse des cuspides est impossible à effectuer étant donné l’état d’usure avancée des dentitions (TURNER, 1988, 1991, 1997 ; GRANAT et al, 1992 ; FONTY et al, 2005).

L’étude de la forme des dents et des cuspides (TURNER, 1997 ; ASTIER, 2013, p. 59- 67) demande une bonne maitrise en matière de connaissance dentaire. Nous avons tenté de déterminer les différenciations marquantes

Le T16 ne sera pas pris en compte bien que sa seconde molaire maxillaire soit petite et mono-racine puisqu'il est fort possible que cela soit lié à une pathologie. Le « Squelette 1 » ne sera pas non plus étudié puisque on ne peut pas l'établir spatialement et chronologiquement.

Au niveau de la forme des dents, le T10 présente une seconde molaire dont la forme est ovale. Il est le seul de l'échantillon avec cette particularité.

Les caractères discrets liés aux racines dentaires sont difficilement visible. Les dents isolées sont majoritairement des incisives et prémolaires ainsi que des dents maxillaires possédant leurs trois racines. Les dents qui auraient pu nous fournir des informations sont soit encore dans les arcades dentaires soit sont des données manquantes.

Les caractères discrets dentaires peuvent être de nature : environnementale, génétique, lié à une population précise. Comme aucun critère particulier n’a pu être relevé à l’exception du T10 (dans la forme), nous n’avons pas poussé l’étude plus loin.