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Évolution de l'espace dédié aux morts : De l’Antiquité à l'époque Moderne en France et en

Un rappel sur l'évolution du cimetière est nécessaire dans notre présente étude puisqu'elle va nous permettre de comprendre et de prendre en compte les changements qui vont s'opérer sur une longue durée et ainsi nous permettre de peut-être mieux cerner les espaces funéraires de Saint-Michel.

Nous faisons débuter cette mise en perspective dès l'Antiquité puisque deux éléments funéraires similaires33, situés sur le site ont attiré notre attention. Leur situation

chronologique est potentiellement attribuable à l'Antiquité.

La période Antique, voit un rejet des sépultures hors des lieux de vies. L'espace des morts se retrouve généralement à l’extérieur de la ville34, là où il n’y a pas de relation avec les

vivants35. Cet espace est une zone ouverte qui est traversé par les voies menant à la cité ;

c'est en général, le long de ces voies que l'on retrouve les sépultures. Celles les plus ornementées se trouvant en bordure de chemin.

Une difficulté d’identification de ces lieux funéraires se pose pour la campagne. L'habitat est marqué par un habitat dispersé sous forme de domaine ruraux ; ici, la zone réservée aux défunts est plus difficilement identifiable, la fragilité de certaines sépultures et les nombreuses laboures qu’il y a pu y avoir n’aide pas à la conservation des tombes.

Dans le cadre des uillae, se sont les sépultures des maîtres que l'on retrouve plus aisément

33 Il s’agit de deux fosses situées sous la structure centrale et comprenant des ossements humains et un

chien en connexion.

34À l'exception des empereurs. Parfois on peut retrouver des nécropoles

car elles sont souvent marquées par une architecture. Ces tombes, montrent toutes leurs spécificités dans le choix du lieu d'implantation et dans leur caractère ostentatoire. Elles sont souvent installées dans un lieu privilégié du domaine, à proximité de la uilla ou encore aux abords de la voie d'accès puisque comme en ville, les sépultures des élites sont destinées à être vues. Ces sépultures prennent diverses formes qui peuvent aller du mausolée, en passant par des tombes sous tertre (tumuli) ou encore des piles entourés d'un enclos funéraire comme c'est le cas du site de « la Tourette ». On peut parfois également retrouver des sépultures proches de la pars urbana voire à l’intérieur de la uilla surtout si il s'agit d'individus immatures.

L'Antiquité voit deux traitements des corps du défunt que sont les inhumations et les crémations. La seconde est la plus couramment admise jusqu'au IIe siècle de notre ère. Il faut

cependant prendre en compte les spécificités locales et les divergences entre le monde rural et urbain puisqu’il est admis que l'inhumation a pu avoir été adopté plus ou moins précocement en Gaule romaine. Les matériaux contenant les inhumations sont déjà multiples (coffrage en bois, en pleine terre, en bâtière …) et découlent souvent d'une spécificité locale.

A la fin de l'Antiquité, vers le IVe siècle de notre ère, se développe et se diffuse le

christianisme. Cette religion va peu à peu perturber les anciennes croyances et influer progressivement sur les pratiques funéraires.

Aujourd'hui, les recherches qui portent sur les ensembles funéraires du haut Moyen-Âge permettent de mieux concevoir la transition entre les traditions funéraires gallo-romaines et celles qui sont liées à la chrétienté (GALLINIE, 1994).

On observe un changement de conception de la relation entre les vivants et morts. Le monde des défunts se rapproche de celui des vivants ; la christianisation a progressivement changé la relation des populations avec la mort, le choix du lieu d'implantation des nécropoles en est le témoin principal.

L'implantation rurale, s'effectue souvent sur les anciens sites de uillae, sur d'anciens sanctuaires ou encore sur d'anciennes nécropoles. L’intérêt des recherches portent alors sur la continuité de l'occupation de ces espaces. Cependant, la création d'espaces d'inhumations ex-nihilo a également eu cours au haut-Moyen-Âge. Ces espaces, ont pu voir l'apparition d'édifice religieux en leurs seins.

Certains de ces ensembles ont perduré, attaché aux édifices ; d'autres, comme les nécropoles paléochrétiennes en plein champs ont fini par être abandonnées en faveur des cimetières paroissiaux.

On retrouve néanmoins, d’autres cas et ce, même pour les époques postérieures, notamment avec les sépultures retrouvées en contexte d’habitat. Ce type d’inhumation participe à l’évolution des ensembles funéraires durant le haut Moyen-Âge. Ils découlent d’une gestion communautaire ou familiale par des groupes humains et dispersés

La promiscuité des morts et des vivants découle d'un long processus. Ce processus, d'abord étendu au milieu urbain, n'a pas entraîné de réelle rupture dans l’organisation des espaces sépulcraux au moins jusqu'au Xe siècle. Au haut Moyen-Âge, les basilicae, églises

destinées à la mémoire des défunts, sont installées à l’extérieur du « castrum » alors que les ecclesiae destinées aux vivants se retrouvent à l’intérieur.

On voit deux types de basiliques suburbaines : celles fondées à l'initiative de l’évêque et installées sur un mausolée abritant des saintes reliques ou celles qui sont construites ex-nihilo dans un lieu qui n'a pas à la base de vocation funéraire et qui appartiennent à des souverains ou des nobles. Les premières, ont rapidement attiré les fidèles désireux de se faire inhumer auprès des saintes reliques qui ont une vocation protectrice. C'est au Ve siècle que

l'inhumation ad sanctos a fait son apparition par l'intermédiaire de ces saints. Dans cette période, le « castrum » à l'exception de quelques individus favorisés reste exempt d'espaces d'inhumations. Ces zones à priori exemptes, vont voir le nombre d'inhumations exceptionnelles augmenter dans le temps (TREFFORT, 1994).

Par la suite, C'est au tournant des IXe et Xe siècles, que s'opère un véritable changement.

Les funérailles et les cérémonies commémoratives deviennent une façon de renforcer la cohésion de la communauté ; les morts s’insèrent au plus près des églises puisque la présence de celles-ci est salutaire. De plus, le développement de nouveaux quartiers près des basiliques suburbaines souvent devenues monastères montre le développement des paroisses et l'intégration des morts chez les vivants (TREFFORT, 1994). Au XIIe siècle, on observe la

banalisation de cette cohabitation avec une augmentation significative des sépultures intra muros. En même temps, la cathédrale qui est souvent la seule paroisse urbaine se dote d'un cimetière paroissial ; c'est la fin du privilège de l'inhumation des clercs et de l'élite dans les cimetières intra muros.

Par la suite, par la délégation de pouvoir de l’évêque, on assiste à une multiplication des paroisses.

Les cimetières attenants sont consacrés, ils bénéficient du droit d'asile. La délimitation est diverse, elle peut se faire en distance autour du point central qu'est l’église ou elle peut dépendre de la topographie du site (LAUWERS, 2005). Ces espaces sur lesquels s'installent les cimetières font l'objet bien souvent d'une cohabitation avec les vivants au moins jusqu’à la grande peste pour les sépultures intra-muros36. La pénétration des vivants dans ces lieux

destinés aux morts peut s'observer par diverses structures comme les silos...

Par la suite, on observe peu de changement hormis le fait que les sépultures sortent de la ville avec les grandes épidémies de pestes qui débutent au XIVe siècle.

Le cimetière est une terre consacrée. Elle est réservée à tous ceux qui sont baptisés par l’Eglise de Rome. Tous sujets baptisés appartiennent à l’ecclesia (assemblée des fidèles), ils sont donc inhumés dans le cimetière communautaire à l’image de la communauté des vivants. En sont exclus les non baptisés37, les païens, les infidèles. Le non-respect de cette

règle témoigne d’évènements que la population doit gérer différemment.

Nous avons vu les points importants de l’Église Catholique en ce qui concerne l'organisation de la mort, Lescar étant au cœur des troubles religieux, il est bon de s'interroger sur l'organisation sépulcrale de l’Église Réformée.

2/ Les protestants face à la mort

La période Moderne voit l'arrivée de la réforme en Béarn. Une des principales questions qui se pose alors, est de connaître et identifier les lieux d'inhumations des deux religions principales de la principauté. Nous savons par les textes, que la paroisse Saint-Julien de Lescar a divisé son cimetière en deux zones afin de permettre l'inhumation des protestants en son sein sous Jeanne d'Albret.

A Orthez, on sait qu’un lieu funéraire conçu spécialement pour les réformés a existé, cependant, la localisation de ce site est actuellement inconnu faute de sources écrites mentionnant la position et de données archéologiques. Orthez est une ville où la population était majoritairement protestante, et ce même après le règne de Jeanne d’Albret. On sait

36A Rodez par exemple, les sépultures intra muros ont été sorties lors de la Grande Peste, c'est la fin de la

cohabitation vivants/défunts.