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Inhibiteurs du fonctionnement plaquettaire

Dans le document Les thrombopathies : étude bibliographique (Page 35-41)

PARTIE I : LES THROMBOPATHIES

I- THROMBOPATHIES ACQUISES MEDICAMENTEUSES (Tableaux I et II)

1- Inhibiteurs du fonctionnement plaquettaire

Ils sont encore appelés antiplaquettaires et abusivement antiagrégants plaquettaires. Ce sont des médicaments indiqués essentiellement dans la prévention de thromboses artérielles compliquant l’athérosclérose [13]. Ils sont séparés en deux catégories distinctes que sont : les antiactivateurs et les antiagrégants [13, 14 et 15]. L’implication de ces diverses substances dans les altérations fonctionnelles plaquettaires nous conduit à détailler leur pharmacologie, leur exploration et leur traitement.

a- Antiactivateurs

Ce sont des inhibiteurs de l’activation plaquettaire ayant pour cible les voies d’amplification du signal comme l’ADP, le TxA2. Ils regroupent les molécules comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens : AINS (aspirine, flurbiprofène), les thiénopyridines, le dipyridamole [15].

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a.1- Aspirine (ASPRO®, KARGEGIC®) [16]

Données pharmacologiques

L’aspirine utilisée d’abord comme AINS s’est révélée être par la suite l’antithrombotique de choix dans la prévention et le traitement de la thrombose artérielle. Ce résultat est obtenu grâce à son action antiactivatrice plaquettaire.

Le mécanisme d’action de la substance a été décrit depuis 1971 par Sir John Vane

[17]. Il s’agit de l’acétylation irréversible du résidu sérine en position 529 de la cyclo-oxygénase 1 (COX 1) [18, 19 et 20] qui est particulièrement abondante dans les plaquettes. La COX 2 quant à elle est moins sensible à l’aspirine et est essentiellement localisée dans l'enveloppe nucléaire, à l'état de traces, dans les cellules au repos. Si l’on revient à la COX 1, retenons que l’enzyme plaquettaire est responsable de la synthèse des PG et est impliquée dans la voie de génération du TxA2. L’action antiplaquettaire est donc limitée à l’une des voies de la réponse plaquettaire. Elle se résume donc en une suppression de la réponse à l’acide arachidonique, une inhibition de la synthèse du TxA2 d’une part et de la sécrétion de l’ADP granulaire d’autre part [13, 14, 15, 21 et 22]. Il en résulte une diminution des réponses fonctionnelles plaquettaires.

Entre deux prises, l’aspirine inhibe à plus de 90% la capacité plaquettaire de synthèse du TxA2 [23].La durée de vie de l’aspirine dans la circulation est brève, sa demi-vie est d'environ 30 minutes [13]. Néanmoins, l’inhibition irréversible de la COX 1 qu’elle induit rend non fonctionnelle cette enzyme durant toute la durée de la vie plaquettaire soit 8 à 10 jours pour les plaquettes les plus jeunes exposées à ce médicament. En conséquence, la perturbation de la synthèse du TxA2 n’est complètement corrigée que lorsque toutes les plaquettes circulantes ont été renouvelées. L’administration d’une posologie quotidienne aussi faible que 0,5mg/kg est suffisante pour maintenir une inhibition très proche de 100% de la capacité de synthèse du TxA2 [14].

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Les effets indésirables hémorragiques se traduisent par des hémorragies digestives, des ecchymoses, des épistaxis, un purpura, plus rarement des hématomes, une hématurie, des saignements oculaires (surtout conjonctivaux), des saignements intracrâniens. Outre les atteintes hémorragiques, les autres effets indésirables sont rarement de type hématologique (thrombopénie sévère, neutropénie sévère, anémie aplasique). On a aussi des troubles digestifs, neurologiques, des réactions allergiques, des troubles hépatiques et biliaires [24].

Exploration biologique

Les principaux tests explorant l’inhibition du fonctionnement plaquettaire sont détaillés ci-après. Il y a d’abord le temps de saignement qui est l’unique test utilisable en pratique clinique pour évaluer la fonction plaquettaire globale in vivo et l'interaction plaquette-paroi vasculaire-sang. Sa mesure peut se faire par plusieurs techniques, mais la méthode d’Ivy-incision constitue la référence en la matière. L’incision est donc réalisée horizontalement, sur la face antérieure de l'avant-bras après désinfection, à l'aide d'un dispositif jetable (type SIMPLATE®). Une contre-pression de 40 mm de mercure est appliquée au bras à l'aide d'un brassard à tension. La normale est de 4 à 8 minutes [25, 26 et 27]. Il existe une importante variabilité interindividuelle de sensibilité qui rend l’allongement du temps de saignement inconstant sous aspirine.

Le temps d’occlusion plaquettaire (TOP) permet d'apprécier l'hémostase primaire de

façon globale tout en proposant l'équivalent d'un temps de saignement in vitro. C’est un outil simple, consistant à mesurer le temps nécessaire pour atteindre l'occlusion par les plaquettes agrégées d'un orifice dans une membrane imprégnée de collagène et d'ADP ou d'épinéphrine, quand du sang total citraté est aspiré à travers cet orifice. Le dispositif utilisé est le PFA-100® [28]. Une prise d'aspirine allonge uniquement le TOP/CEPI (Collagène/Epinéphrine) pendant 10 jours. Le TOP/CEPI peut être considéré normal entre 80 et 160 secondes [29]. Une variabilité

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de réponse à l'administration d'aspirine a été mise en évidence chez des volontaires sains et chez des malades [13 et 29].

Dans les laboratoires spécialisés, le fonctionnement plaquettaire est habituellement exploré par la méthode d’agrégation photométrique. Les tests d'agrégation plaquettaire mesurent les modifications de densité optique d'un plasma riche en plaquettes maintenu à 37 °C sous agitation constante au cours de l'agrégation induite par différents stimuli (ADP, collagène, acide arachidonique, ristocétine, adrénaline) à concentration spécifique. Les agonistes utilisés peuvent être forts (thrombine et collagène) et induisent alors une vague d'agrégation rapide et intense par libération secondaire de TxA2 et de sérotonine. Pour les agonistes plus faibles (ADP, épinéphrine, sérotonine), l'agrégation de moindre intensité peut être monophasique ou biphasique. Les principaux antiplaquettaires induisent une thrombopathie caractéristique. Ainsi, les courbes d’agrégation des plaquettes traitées par l’aspirine montrent que l’agrégation par le collagène est défectueuse et que celle induite par l’adrénaline ou de faibles concentrations d’ADP ne comporte pas de vague secondaire. A cet effet, les lésions cutanées expérimentales montrent des agrégats plaquettaires lâches et instables chez les patients fréquemment traités à l’aspirine. De plus ces plaquettes ne libèrent pas de quantités normales d’ADP, d’ATP, de sérotonine et de PF4 [30]. De fortes concentrations d’aspirine peuvent aussi modifier l’activité du PF3.

Récemment, un test réalisé en sang total et avec une cartouche de réactif spécialement dédiée à la réponse à l’aspirine a été commercialisé (VERIFYNOW®

, Accumetrics) ; il a été conçu pour être réalisé au lit du malade. Ce test consiste à quantifier la capacité des plaquettes, après incubation avec de l’acide arachidonique, à se lier à des billes couvertes de fibrinogène. La méthode de détection repose sur la transmission d’un faisceau lumineux et le résultat est exprimé en aspirin reaction

units (ARU) avec un seuil fixé par le fabricant à 550 ARU, seuil au-delà duquel le

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réponse à l’aspirine, sur la base de la réactivité à l’acide arachidonique, effet élémentaire [31].

D’autres tests permettent d’apprécier la réactivité plaquettaire par cytométrie en flux par mesure de l’expression membranaire de la P-sélectine surexprimée après activation plaquettaire et sécrétion de granules α. Rappelons que la technique de cytométrie en flux exploite l'aptitude d'une cellule (ou population cellulaire), qui a incorporé un fluorochrome, à émettre un signal de fluorescence lors de son passage devant un faisceau laser. Le plus souvent, les fluorochromes sont couplés à des anticorps, plus rarement à des protéines (par exemple l’annexine V), ou encore sont incorporés directement par la cellule (mépacrine, thiazole orange) [31].

Des tests se proposent de mesurer la réponse plaquettaire à l’aspirine en explorant sa capacité résiduelle de synthèse du TXA2 par dosage de ses métabolites. Il s’agit du dosage du TXB2 dans le sérum après stimulation maximale in vitro des plaquettes par la thrombine lors de la coagulation du sang total ou encore du dosage du 11-déhydro TXB2 urinaire reflétant l’ensemble du thromboxane généré in vivo, quelle qu’en soit la source (plaquettaire et extraplaquettaire) [31].

Enfin, aucun des tests de coagulation effectués avec un plasma pauvre en plaquettes (avec ajout de phospholipides : les taux de prothrombine et temps de céphaline avec activateur) n’est évidemment modifié par un traitement antiplaquettaire [13].

Traitement

Le problème est donc d'éliminer la prise inopinée d'aspirine par le patient pouvant induire le profil de thrombopathie ou d'atteinte de l'hémostase primaire [1]. Ainsi, l'interruption de l'aspirine doit prendre en compte les risques thrombotiques liés à son arrêt notamment avant une intervention chirurgicale. Les hémorragies aux sites vasculaires (en cardiologie interventionnelle) doivent être prévenues ou réduites

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d’abord par des mesures comme les compressions locales, les colles hémostatiques

[13]. La desmopressine (1-désamino-8-D-arginine vasopressine, DDAVP) peut normaliser le temps de saignement de ces malades sous aspirine [1 et 32]. Elle peut être administrée par voie intraveineuse (MINRIN® 4µg/1ml) ou par voie intranasale (OCTIM® spray). La posologie est de 0,3µg/kg de poids corporel pour la voie intraveineuse. Elle doit être réduite à 0, 2µg/kg chez le sujet âgé présentant des troubles cardiovasculaires. La posologie intranasale est de 150 µg en dessous de 50 kg de poids corporel et de 300 µg au-dessus. La prescription d’antifibrinolytiques est associée à la perfusion de desmopressine dans les saignements buccaux ou lors des extractions dentaires chez les patients présentant une tendance hémorragique pour prévenir la fibrinolyse excessive liée à la perfusion de desmopressine d’une part et liée à la fibrinolyse locale (salive) d’autre part [32]. Mais en cas d'urgence hémorragique, seule la transfusion plaquettaire peut s'avérer efficace [15 et 33]. La posologie (empirique) recommandée est de 0,5 × 1011 plaquettes par 7 kg de poids corporel [13].

a.2- Autres AINS

Données pharmacologiques

Les autres AINS, en plus de posséder des propriétés antalgique et anti-inflammatoire, sont utilisés secondairement dans la prévention des thromboses artérielles comme antiplaquettaire, c’est le cas du flurbiprofène (CEBUTID®

). Quelque soit leurs indications, l’interférence des autres AINS dans la physiologie plaquettaire est la même. Tout comme l’aspirine, les autres AINS sont des inhibiteurs de la COX 1. Mais cette inhibition a la particularité d’être réversible [13, 18, 19 et 20]. Ils ont une action corrélée à leur concentration sanguine et au potentiel inhibiteur de la COX 1 [13]. Il s’en suit un effet rapide et réversible. Ces médicaments sont pour la

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plupart des inhibiteurs des fonctions plaquettaires à 70 voire 90% aux doses thérapeutiques à visée antalgique/anti-inflammatoire [23].

Prenons le cas du flurbiprofène, qui provoque une inhibition de plus de 90% comme l’aspirine ; son effet s’estompe au fur et à mesure que sa concentration plasmatique diminue. Sa demi-vie d’élimination est d’environ 5 heures et son action disparaît 24 heures après la dernière prise [14]. Les effets indésirables du flurbiprofène sont comparables à ceux de l’aspirine en particulier au niveau des troubles hémostatiques et hématologiques [24].

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