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objectifs de la thèse

3.3. Les influences sociales du tabagisme

Le fait de devenir fumeur est dépendant du comportement similaire des parents et des pairs, mais également des pressions exercées par eux.

81 L’influence parentale du tabagisme

Selon une revue de littérature investiguant les facteurs influençant l’évolution du tabagisme des enfants de 4 pays anglophones, en dissociant les différents types de méthodes utilisées (transversales, prospectives, développementales), le rôle de modèle normatif qu’ont les parents est prépondérant vis-à-vis de l’expérimentation et de l’évolution de la pratique (Mayhew et al., 2000), surtout chez les filles (Mermelstein, 1999; Tyas & Pederson, 1998). Pourtant, d’après une autre revue de la littérature publiée en 2003, les résultats des 87 études internationales analysées sont inconsistants et les auteurs d’en conclure qu’au-delà des diverses méthodologies employées dans les études analysées et de leurs faiblesses, l’influence des comportements parentaux semble limitée aux populations Européennes et Asiatiques et dépend principalement du tabagisme maternel (Avenevoli & Merikangas, 2003). Plus récemment, selon l’étude de Bernat et al. (2008), l’appartenance à une trajectoire de tabagisme précoce est dépendante du statut de fumeurs des parents. Cela se confirme auprès des jeunes Français qui ont 2 à 3 fois plus de risques de fumer quotidiennement lorsque leur parents fument (INSERM, 2014b; Melchior, Chastang, Mackinnon, Galéra, & Fombonne, 2010). Il faut cependant nuancer ce constat par le fait que l’entrée précoce dans le tabagisme est principalement liée aux usages des parents les plus jeunes années (Cremers et al., 2014; Gilman et al., 2009), puis à celui des pairs à partir de 15 ans selon Chassin et al., (2009) et à partir de 13-14 ans selon Vitaro et al. (2004). L’exemple des pairs ne devient cependant pas un modèle durable. Ceux qui commencent à fumer plus tardivement ne sont plus influencés par le comportement antérieur de leurs amis, alors qu’ils le sont toujours par celui de leurs parents (J. S. Brook, Pahl, et al., 2006; K. G. Hill, Hawkins, Catalano, Abbott, & Guo, 2005). L’ensemble de ces résultats laissent donc supposer qu’il existe bien un effet des habitudes parentales ; toutefois la portée de cet effet est relative en fonction de l’âge de l’enfant.

82 L’influence des parents ne se limite pas au fait d’être un modèle. Elle s’exprime également à travers l’assentiment ou la réprobation que perçoit leur enfant. Les jeunes, principalement les filles, rapportant que leurs parents désapprouveraient qu’ils fument sont moins enclins à expérimenter et à devenir fumeurs quotidiens (Castrucci, Gerlach, Kaufman, & Orleans, 2002; K. G. Hill et al., 2005; Ladapo et al., 2014; Mayhew et al., 2000; Williams et al., 2015). Les parents ont même plus d’impact sur l’intention de fumer des plus jeunes par le biais de leurs injonctions que par leurs comportements (Vitória, Salgueiro, Silva, & de Vries, 2009, 2011). Enfin, la qualité de la communication entre les parents et l’adolescent entre également en compte pour que ces injonctions soient efficaces (Harakeh, Scholte, Vermulst, de Vries, & Engels, 2010; Ladapo et al., 2014; Tyas & Pederson, 1998; Williams et al., 2015). Par exemple, les parents non-fumeurs ont généralement une meilleure relation avec leur enfant qui suivra plus facilement leur exemple, tandis que ceux dont les parents, fumeurs ou non, cherchent à exercer un contrôle excessif ou au contraire se montrent peu concernés, auront tendance à fumer (Harakeh et al., 2010; Loke & Mak, 2013; Tyas & Pederson, 1998).

L’influence des pairs dans le tabagisme

L’intensité de l’influence parentale demeure persistante mais varie selon les phases de développement et de socialisation de leur enfant. Ainsi, entre 13 et 15 ans, elle est petit à petit supplantée par celle des groupes de pairs (Chassin et al., 2009; Vitaro et al., 2004). À 11 ans déjà, le fait d’avoir des amis fumeurs est lié à la consommation de la première cigarette (Ladapo et al., 2014). D’après les revues de littérature de Conrad et al. (1992), de Tyas & Pederson (1998), de Mayhew et al. (2000), de Geckova et al. (2002), de Kobus (2003), d’Avenevoli & Merikangas (2003) et de Williams et al. (2015), la présence de pairs fumeurs (groupes sociaux, meilleurs amis, partenaires romantiques ou autres groupes anonymes) est un prédicteur majeur d’intention, d’entrée et de progression dans les stades du tabagisme. Les filles sont là aussi plus susceptibles d’être impactées par le comportement de leurs pairs (Mermelstein, 1999). En 2007

83 et 2010, deux autres revues de la littérature sont venues rappeler l’importance du rôle des pairs en apportant un point de vue plus détaillé sur les mécanismes de cette influence chez les adolescents (Simons-Morton & Farhat, 2010; Walsh & Tzelepis, 2007). D’après leurs auteurs, le comportement des pairs influence l’adolescent qui de son côté sélectionne également les membres de son entourage qui fument, impliquant que le tabagisme a un rôle de lien social pour les adolescents. Il est par exemple perçu comme un bon moyen de « briser la glace », permet un partage d’expériences communes et donne le sentiment de s’ajuster au groupe, de se conformer à la norme. Or, les adolescents ont souvent une perception surévaluée du nombre de fumeurs qui constituent cette norme (Tyas & Pederson, 1998). Ainsi, les lycéens qui pensent que plus de 50% des jeunes de leur âge fument deviennent plus facilement fumeurs eux aussi (Castrucci et al., 2002; Karp et al., 2005).

Les pairs sont également une source d’influence par la pression sociale qu’ils exercent sur leur entourage, bien que ces effets soient moindre que leurs propres comportements sur l’intention de fumer de leur amis (Vitória et al., 2009, 2011). Cette pression peut s’exprimer de façon injonctive, voire coercitive dans certains cas (moqueries, rejet, harcèlement, menaces), mais la plupart du temps, elle est subtile et indirecte (par exemple, proposer une cigarette, laisser le libre choix, dans un contexte où celui qui refuse se retrouve seul à ne pas fumer) (Kobus, 2003; Walsh & Tzelepis, 2007). Certains jeunes fumeurs rapportent que s’ils estiment ne pas avoir été poussés à fumer par leurs amis, ces derniers n’ont pas non plus essayé de les en dissuader (Tyas & Pederson, 1998), alors que leur influence peut également être efficace lorsqu’elle les incite à ne pas fumer ou bien à arrêter (Kobus, 2003; Nuño, Zhang, Harris, Wilkinson-Lee, & Wilhelm, 2011; Walsh & Tzelepis, 2007). Les programmes de prévention reposant sur l’influence sociale ont ainsi eu un effet bénéfique pour repousser l’âge d’entrée dans le tabagisme des adolescents. L’influence parentale peut également jouer un rôle de modérateurs face à l’influence des pairs (Kobus, 2003; Simons-Morton, Chen, Abroms, & Haynie, 2004;

84 Simons-Morton & Farhat, 2010). Enfin, si l’influence des pairs peut constituer un moteur de l’adoption du tabagisme par les jeunes, la solitude n’est pas synonyme d’abstinence. En effet, les jeunes socialement isolés ont 1,5 fois plus de risques de fumer que les autres adolescents quel que soit le type de relations que ces derniers entretiennent avec leurs groupes d’amis (Choi & Smith, 2013).

3.4. Les facteurs environnementaux et génétiques d’héritabilité du