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objectifs de la thèse

6.4. Conclusion quant à l’utilisation de la TPB pour prévenir le tabagisme

Il apparait donc que la TPB est un modèle pertinent pour concevoir une intervention de prévention du tabac. Ce modèle est parcimonieux, relativement simple d’accès et son auteur, Ajzen, propose plusieurs guides pour l’opérationnaliser et l’appliquer en intervention (http://people.umass.edu/aizen/tpb.html). Dans le contexte des programmes anti-tabac, son application s’est pourtant cantonnée principalement à la mesure des processus par lesquels les interventions modifient le comportement, plutôt que pour les développer (Webb, Sniehotta, et

25 Le theory coding scheme est une grille permettant aux auteurs de revue de littérature ou de méta-analyses

d’évaluer la qualité d’implémentation d’une étude interventionnelle. Ses 19 items « présent/absent » visent à caractériser, sur la base des informations disponibles dans un article, l’usage fait de la théorie, la qualité du lien entre la théorie et l’intervention, la qualité de la mesure de la théorie, la qualité des analyses des éléments théoriques, la discussion en rapport avec la théorie, etc.

132 al., 2010). Les interventions TPB-based émergent seulement depuis 4 ans. Cependant, le manque de rigueur méthodologique des études ainsi que la faible qualité d’implémentation théorique dont elles font preuves ne permettent pas encore d’en tirer des conclusions quant à l’efficacité du modèle. Bien qu’ayant déjà plus de 25 ans d’existence et suscitant des milliers de citations chaque année (Ajzen, 2011b), la TPB a encore toutes ses preuves à faire sur le terrain de la prévention tabagique.

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7. Problématique, objectifs et hypothèses

Le tabagisme constitue un véritable fléau de santé publique pour l’ensemble de la population mondiale et un défi trop souvent vain pour les nombreux consommateurs dépendants souhaitant s’arrêter. La consommation quotidienne et persistante, ainsi que la dépendance, font suite à un processus d’expérimentation qui se déroule le plus souvent entre 14 et 18 ans. La situation relative à ces jeunes entrant dans le tabagisme est préoccupante en France, particulièrement dans le Languedoc-Roussillon et au sein des lycées professionnels. Les facteurs susceptibles d’influencer ces adolescents à fumer sont nombreux et dépendent de sphères personnelles, sociales et sociétales. La TPB paraît être le modèle psychosocial le plus à même de résumer ces influences actuellement. Elle n’a pourtant jamais été éprouvée entièrement auprès de jeunes particulièrement à risques comme le sont les lycéens professionnels. Son utilisation comme base d’élaboration d’une intervention commence tout juste à se développer et les preuves de son efficacité restent à faire. Pour l’appliquer auprès de lycéens, une modalité prometteuse semble être de faire appel à l’influence des pairs qui est prépondérante à cette période de vie et qui les comprennent et leur parlent le mieux.

Le premier objectif de ce travail doctoral consiste à valider l’ajustement du modèle complet de la TPB à des données longitudinales de tabagisme de jeunes lycéens. Ce modèle prendra donc en compte les croyances comportementales, les croyances normatives et les croyances de contrôle comme déterminants respectifs des attitudes, des normes subjectives et du contrôle perçu, et l’effet de ces derniers sur le comportement ultérieur, médié par l’intention de fumer et le contrôle perçu. Nous pensons également que les différents construits de la TPB évoluent avec le stade d’expérimentation tabagique et que ce dernier a donc un impact quant au poids de chacun des déterminants sur l’intention de fumer et le comportement subséquent. Les lycéens potentiellement dépendants ayant les consommations les plus régulières sont susceptibles

134 d’avoir des comportements et une intention plus fortement associés aux croyances et à la perception du contrôle que les autres lycéens plus éloignés du tabagisme.

Le second objectif vise à tester l’efficacité d’une intervention élaborée et menée par des lycéens sur la base de la TPB, au sein de leur établissement, afin de limiter l’augmentation du tabagisme de leurs pairs. Une intervention en milieu scolaire, quand bien même elle vise à prévenir le tabagisme avant son apparition et sa progression, touchera tous les lycéens dont les fumeurs. Il est important d’en étudier les potentiels effets délétères et bénéfiques sur la survenue de comportements tabagiques, mais également sur leur intensité.

Le troisième objectif est de vérifier que cette intervention basée sur la TPB influence les déterminants de l’intention de fumer, qui entraine alors une réduction de la progression des comportements tabagiques des lycéens. À la suite des objectifs précédents, nous pensons que l’intervention aura un effet différent sur l’évolution des construits de la TPB et des comportements tabagiques en fonction du stade d’expérimentation. Nous nous attendons à ce que l’intervention freine l’augmentation des consommations par le biais de tous les déterminants de la TPB chez les lycéens les plus éloignés du tabagisme, tandis qu’elle entraîne une diminution des comportements tabagiques des lycéens les plus avancés dans les stades tabagiques en modifiant principalement leurs croyances et leur perception de contrôle.

Nous émettons donc les hypothèses suivantes :

- H1 : Le modèle complet de la TPB, intégrant les différentes croyances, s’ajuste aux données. Les croyances comportementales, les croyances normatives et les croyances de contrôle sont positivement associées respectivement aux attitudes, aux normes subjectives et au contrôle perçu. Les attitudes, les normes subjectives et le contrôle perçu, tous défavorables au tabac, sont associés à l’intention de ne pas fumer. Enfin,

135 l’intention de ne pas fumer et le contrôle perçu sont négativement associés à la consommation ultérieure.

- H2 : Les sujets caractérisés par les stades de progression tabagique les plus avancés ont des comportements et une intention de fumer dépendant plus fortement de leurs croyances et de leurs perceptions de contrôle, que les autres sujets.

- H3 : Un programme d’intervention de pair à pair, basé sur la TPB permet d’atténuer l’augmentation des comportements tabagiques auprès des fumeurs et des non-fumeurs. - H4 : L’effet de l’intervention basée sur la TPB résulte de son influence sur les croyances comportementales, normatives et de contrôle, les attitudes, les normes subjectives et le contrôle perçu qui expliquent le changement d’intention et de comportements tabagiques des lycéens.

- H5 : L’impact de l’intervention sur les déterminants de la TPB, menant au changement d’intention et de comportements tabagiques, est différent selon le stade tabagique à l’inclusion. L’effet de l’intervention sur l’intention et les comportements tabagiques des sujets les plus avancés dans le tabagisme, est expliqué par une modification plus importante de leurs croyances et perceptions de contrôle, que chez les sujets les plus éloignés du tabac.

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Partie II : Méthode

« Oh ! les savants, les savants ! s’écria Gryphus sans répondre à l’interpellation ; les savants ! j'aimerais mieux avoir dix militaires à garder qu'un seul savant. Les militaires, ils fument, ils boivent, ils s'enivrent ; ils sont doux comme des moutons quand on leur donne de l'eau-de-vie ou du vin de la Meuse. Mais un savant, boire, fumer, s’enivrer ! ah bien oui ! C'est sobre, ça ne dépense rien, ça garde sa tête fraîche pour conspirer. »

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1. Le contexte de cette étude

Cette étude a été élaborée au sein d’un projet plus vaste mené à Épidaure, le Pôle prévention de l’Institut du Cancer de Montpellier (ICM). Il s’agit d’un projet de prévention du tabagisme au sein des lycées professionnels de la région Languedoc-Roussillon, intitulé « P2P, agir par les pairs pour la prévention du tabagisme », financé suite à un appel à projets de l’Institut National du Cancer (AAP recherche interventionnelle en santé des populations, 2013) et se déroulant sur deux ans, de 2013 à 2015. Le projet P2P avait pour objectif de proposer une intervention visant à limiter l’augmentation du tabagisme au cours des deux premières années d’entrée en lycée professionnel. Ce projet a été élaboré conjointement par une équipe pluridisciplinaire de professionnels de la prévention et de la recherche, constituée de chercheurs en psychologie (dont l’auteur de ce travail), de tabacologues, de médecins de santé publique et de biostatisticiens. Il s’agissait, dès les prémisses du projet de concevoir un programme d’intervention qui serait élaboré sur la base d’une théorie psycho-sociale valide et d’en analyser les effets.

Un autre objectif du projet P2P était de faire un état des lieux des différentes consommations de ces jeunes, à savoir le tabagisme, sous forme de cigarette, de tabac à rouler et de chicha (ou narguilé, ou encore pipe à eau), mais également le cannabis et l’alcool, en prenant en compte leurs comportements pour chacun de ces produits, leur historique de consommation, leur niveau d’addiction et leur représentations vis-à-vis des moyens d’arrêt.

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2. Le design et la population de l’étude