• Aucun résultat trouvé

3.2 Modélisation numérique de la voie ballastée

3.2.2 Influence du système d’attaches

Le système d’attache relie physiquement le rail et la traverse et contient en particulier la semelle sous rail, qui fait l’interface entre ces deux éléments. Celle-ci est modélisée et maillée par éléments finis dans les simulations de cette thèse (sauf mention contraire explicite). Contrairement aux autres composants de la voie dans le modèle, la loi de comportement qui lui est associée n’est pas isotrope. On peut noter que d’autres éléments de la voie présentent en réalité des comportements anisotropes, comme les matériaux compactés, en particulier le sol. Cette anisotropie dépend de l’histoire du chargement de la voie comme l’a montré [Fernandes, 2014], et peut être prise en compte en utilisant des lois de comportement de type ECP ou Boyce. L’étude du comportement long terme de la voie et en particulier de la plateforme n’étant pas l’objectif de ce travail de thèse, cette anisotropie n’est volontairement pas considérée dans les calculs.

La raideur de la semelle joue un rôle important dans la forme de la courbe de réceptance, et a été étudié par [Ilias, 1999] avec un modèle de type poutre sur fondation de Winkler périodique. Les semelles sont modélisées dans cette référence comme des éléments visco-élastiques, les traverses comme des corps rigides et la fondation comme visco-élastique. Les résultats obtenus sont repris en Fig.3.9. Quatre raideurs de semelles sont considérées, entre 60 et 500 kN/mm. Le ratio raideur sur facteur de perte est gardé constant pour conserver le temps de relaxation identique pour tous les calculs.

En reprenant les notations de la Fig.1.11, le point C correspond principalement à une résonance du rail sur la semelle. La position de ce point est ainsi fortement affectée par la valeur de la raideur de celle-

FIGURE3.9 : Réceptances verticales pour des excitations sur (gauche) et entre traverses (droite) pour des raideurs de semelles de 500(−), 280(−−), 180(−.−) et 60(− − −)M N/m, d’après [Ilias, 1999].

ci. Pour une semelle souple, 60 MN/m dans ce cas, cette résonance se trouve à 250 Hz, pour une semelle dix fois plus raide, ce pic se retrouve à 500 Hz. L’amplitude à ce pic diminue au contraire avec la raideur. L’apparition d’oscillations quand la raideur est faible peut être notée. Ces oscillations résultent du choix d’un modèle fini pour la voie, elles sont générées par l’espacement des modes propres de la structure, censée représenter une voie infinie. Cela revient à choisir trop peu de nombres d’ondes pour la résolution de l’équation (2.39), ce qui génère des résonances purement numériques. Celles-ci sont essentiellement visibles pour une raideur faible, car dans ce cas elles sont peu amorties, le taux de perte considéré étant également faible. Un autre point qui est souligné ici est la diminution de l’anti-résonance (point B de la Fig.1.11) quand la raideur de la semelle augmente. Si la raideur des semelles est suffisamment faible, cette anti-résonance peut totalement disparaître. Ce résultat est indiqué par [Egana et al., 2006] et est visible dans la Fig.3.10, où l’anti-résonance n’est pas observable pour des réceptances calculées avec des raideurs de semelles de 30 ou 50 kN/mm alors qu’elle est marquée quand la raideur est plus élevée, à 180 kN/mm ou 480 kN/mm.

Concernant la raideur des semelles, il est intéressant de noter que ce n’est pas une caractéristique intrinsèque du composant puisqu’elle est fortement influencée par la non linéarité structurelle de la semelle et du matériau élastomère lui-même. Ainsi cette valeur de raideur n’est pas unique puisqu’elle varie selon la fréquence de sollicitation et selon la précharge [Maes et al., 2006]. Dans la norme [NF EN 13146 -9, 2011], la raideur spécifiée est la raideur sécante [Grasso et al., 2015], comme illustré en Fig.3.11, ce qui permet d’obtenir une valeur unique. Cette raideur sécante est déterminée à partir de la différence d’enfoncement mesurée entre deux cas de chargement statiques.

Expérimentations, simulations numériques et analyses de la réponse dynamique de la voie ferrée sous impact

FIGURE3.10 : Etude paramétrique de la raideur des semelles, d’après [Egana et al., 2006].

FIGURE3.11 : Définition de la raideur sécante des semelles à partir d’un essai de charge quasi-statique.

Une première cause de variation de raideur est la structure de la semelle. En effet, deux raideurs se distinguent clairement dans la Fig.3.11, la première pour de faibles charges et de faibles déplacements, la seconde en plus fortes charges, déplacements plus élevés. Cette différence est due à la structure rai- nurée des semelles [Hall, 1979]. Dans un premier temps, la forme de la semelle fait que les rainures apparentes se remplissent, ce qui permet au matériau de se déformer, et donc à l’enfoncement de se produire aisément. Dans un second temps, les vides sont comblés, et dans ce cas la raideur augmente fortement, pilotée par les propriétés intrinsèques du matériau. Cette analyse est confirmée par [Thomp- son and Verheij, 1997]. La forme des semelles est en effet spécifiquement conçue pour permettre cette première phase de déformation [Alias, 1984].

La seconde cause est le matériau en lui-même, qui apporte un raidissement avec la fréquence et le chargement. Couramment, on distingue deux raideurs, la raideur statique qui est mesurée avec des char- gements quasi-statiques, et la raideur dynamique, qui est mesurée avec des chargements harmoniques.

La raideur latérale du système d’attache peut également avoir une influence sur le comportement global de la voie. D’après [Thompson and Verheij, 1997,Oregui et al., 2015], la raideur latérale, apportée notamment par les clips sur le patin du rail, est très inférieure à la raideur verticale de l’ensemble. Dans l’étude de [Thompson and Verheij, 1997] la différence de raideur dynamique entre les deux est de l’ordre d’un facteur 10.

Pour déterminer la raideur à utiliser dans le cas de Chauconin, plusieurs données sont mises à profit. D’une part, des données de raideur quasi-statiques, voir Fig.3.12sont exploitées pour fixer la raideur à basse fréquence. 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 50 100 150 200

Semelle Deflexion mesurée

Approximation de raideur 60 kN/mm

Deplacement (mm)

Force(kN)

FIGURE3.12 : Estimation de raideur quasi-statique pour les semelles de la zone de Chauconin à partir

d’un essai de compression quasi-statique.

FIGURE3.13 : Mesures laboratoire de raideur dynamique de semelle [Faure, 2015].

D’autre part, sur ces mêmes semelles et dans le cadre d’un projet interne SNCF, des essais de rai- deur dynamique ont permis de déterminer une raideur dans des gammes de fréquences plus élevées. L’évaluation de cette raideur, compte tenu des fréquences étudiées, n’est plus faite par différence d’en- foncements (déplacements trop faibles) mais par estimation d’une raideur complexe à partir de la trans- formée de Fourier des signaux de force et de déplacement mesurés. Une courbe provenant de ces essais en laboratoire est présentée en Fig.3.13. La raideur dynamique à utiliser pour la modélisation de l’essai

Expérimentations, simulations numériques et analyses de la réponse dynamique de la voie ferrée sous impact

de réceptance est la courbe bleue, la charge imposée de 18 kN étant proche de la précharge imposée par le système d’attaches à la semelle.

Pour les simulations, une règle spécifique est utilisée pour déterminer son module élastique vertical E à partir de la raideur verticale choisie

E = khs(1 + ν)(1 − 2ν)

A(1 − ν) (3.4)

où A est la section horizontale de la semelle, hs sa hauteur, et k la raideur verticale.

Cette formule correspond au module vertical pour un volume aux bords contraints [Oregui et al., 2014].

Une loi d’interpolation est introduite pour la semelle dans les simulations de la réceptance pour tenir compte de l’augmentation de raideur entre chargement statique et dynamique (c’est le cas dans les calculs de la partie3.3). Pour implémenter cette variation de raideur en fonction de la fréquence la valeur de 60 kN/mm est conservée à 0 Hz, et la raideur dynamique de 300 kN/mm est utilisée à 500 Hz. Une interpolation linéaire est utilisée entre les deux. La valeur à 500 Hz a été calibrée sur les mesures de réceptance, en vérifiant que le point C (résonance du rail sur traverses) de la Fig.3.6calculé avec cette valeur correspond bien aux mesures. Un paramètre est également introduit pour contraindre la rotation du rail, qui est en pratique contrôlée par le système d’attache. Cette valeur de raideur est prise égale à 10 % de la valeur d’une semelle isotrope.