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Incertitude associée aux résultats d'autres analyses moléculaires

2. Les trouvailles inattendues : une problématique nouvelle ?

2.2. Incertitude associée aux résultats d'autres analyses moléculaires

Le séquençage par la méthode de Sanger et l'analyse des chromosomes par puce à ADN (ACPA, en anglais CGH array), deux autres méthodes majeures de diagnostic moléculaire, peuvent également engendrer les quatre types d'incertitude décrits dans le contexte du SHD. Cependant, nous montrerons que la fréquence des trouvailles dont le lien avec le diagnostic est incertain ou absent s'avère beaucoup moins élevée en cas d'utilisation de ces deux méthodes. Dans les prochains paragraphes, nous ne reviendrons pas sur la difficulté de prédire le pronostic des patients chez lesquels une mutation pathogène a été identifiée, difficulté similaire à celle détaillée dans la section précédente pour les analyses par SHD.

Nous n'aborderons pas non plus les variants de signification incertaine qui posent des problèmes identiques d'interprétation quelle que soit la méthode de diagnostic moléculaire utilisée. Nous nous focaliserons sur les trouvailles inattendues et discuterons leur nature ainsi que leur probabilité d'apparition.

Il est intéressant de constater que le séquençage par la méthode de Sanger, ne permettant l'analyse que d'un petit nombre de gènes en raison d'un séquençage en série, est néanmoins susceptible d'aboutir à des résultats incertains ou fortuits. La complexité de l'interprétation des variants détectés dans le gène CFTR (MIM 602421) en est une illustration particulièrement parlante (Girodon-Boulandet et Costa, 2005).

20 Des mutations du gène CFTR sont à l'origine de la mucoviscidose, une maladie associant une atteinte pulmonaire à des troubles digestifs. Cependant, des mutations dans ce gène peuvent également aboutir à des formes monosymptomatiques de l'adulte, comme une infertilité masculine par absence des canaux déférents (Noone and Knowles, 2001) (Bombieri et al., 2011).

La corrélation entre génotype et phénotype s'avère difficile à établir et induit fréquemment une incertitude quant au rôle réel d'un variant identifié pour expliquer le phénotype spécifique d'un patient. Une classification des variants selon leur sévérité a certes été proposée, mais elle repose sur des tests fonctionnels qui ne peuvent être pratiqués de manière routinière pour évaluer l'effet des nouvelles mutations mises en évidence (Foil et al., 2018) (Castellani et al., 2008). De plus, une expressivité variable existe. Une même mutation est en effet retrouvée dans des tableaux cliniques différents. Par exemple, la substitution R117H est présente en France sur 0.1 à 0.2 % des allèles de patients atteints de mucoviscidose et sur 4.4 % des allèles de patients souffrant d'infertilité par absence des canaux déférents (Girodon-Boulandet et Costa, 2005).

Des trouvailles inattendues ont également été documentées en cas de séquençage du gène CFTR par exemple dans le contexte de l'investigation d'une infertilité masculine. Des variants suggérant l'existence de complications digestives ou respiratoires encore non diagnostiquées et nécessitant un suivi ont ainsi été détectés (Wosnitzer, 2014). Il convient toutefois de garder à l'esprit que de telles trouvailles sont extrêmement rares, bien que rencontrées en pratique clinique. Le séquençage par la méthode de Sanger limitant le nombre de gènes qu'il est possible d'analyser, les variants identifiés sont presque toujours en lien avec la maladie des patients. Les rares résultats qui ne le sont pas peuvent en principe être anticipés et les patients en être informés (Nelen and Veltman, 2012).

L'analyse des chromosomes par puce à ADN permet la détection de déséquilibres chromosomiques de très petite taille. Elle consiste à comparer l'ADN d'un patient à un ADN témoin, tous deux déposés sur une puce à ADN et marqués par un fluorochrome de couleur différente. Une déviation significative du ratio d'intensité des deux fluorochromes dans une région génomique suggère la présence d'une variation du nombre de copies d'un ou plusieurs gènes (délétion ou duplication) (Bejjani and Shaffer, 2006). Après avoir initialement été développée pour l'investigation des déséquilibres génomiques en cas de cancer, l'ACPA a progressivement remplacé le caryotype conventionnel dans la stratégie diagnostique de la déficience intellectuelle, des anomalies congénitales multiples, des retards de développement, de l'autisme et des fausses couches à répétition (Shinawi and Cheung, 2008).

L'ACPA examinant le génome entier, la corrélation entre une variation identifiée du nombre de copies et le phénotype spécifique d'un patient peut s’avérer incertaine. Comme dans le contexte d'analyses par SHD, la coexistence de plusieurs maladies, compliquant

21 l'établissement d'un lien entre les résultats moléculaires obtenus et le tableau clinique des patients, a été rapportée en cas d'ACPA. En plus d'un syndrome de Down, un syndrome de Marfan a ainsi été identifié chez un patient présentant un phénotype plus sévère qu'attendu en cas de trisomie du chromosome 21 uniquement (Zarate et al., 2015). Face à des symptômes inhabituels, il est donc difficile pour un médecin de déterminer si ceux-ci représentent un nouveau phénotype associé à une insertion ou une délétion, ou s'il convient de poursuivre les investigations (Zarate et al., 2015).

En outre, l'analyse des chromosomes par puce à ADN, comme le SHD, aboutit aussi parfois à des résultats sans rapport avec l'indication du test (Ferreirós-Martínez et al., 2014) (Lefebvre et al., 2016) (Schluth-Bolard et al., 2010) (Boone et al., 2013). Citons à titre d'exemple une délétion du gène p53 (MIM 191170), augmentant le risque de cancer de 50 % au cours des trois premières décennies, identifiée chez un garçon de 7 ans présentant une déficience visuelle grave, une hypotonie musculaire, un retard psychomoteur et des convulsions mais pas de tumeur (Schwarzbraun et al., 2009). La découverte fortuite qu'un patient est porteur sain d'un allèle causant une maladie récessive apparaît également possible en cas d'ACPA. Ainsi, un variant récessif pour un parkinsonisme précoce chez un garçon de 5 ans investigué pour une déficience intellectuelle a été identifié (Netzer et al., 2009).

L'émergence de résultats inattendus lors d’une analyse des chromosomes par puce à ADN a conduit les praticiens à s'interroger sur l'information à fournir aux patients et sur la manière d'adapter le processus de consentement éclairé (Netzer et al., 2009). Des recherches sont également menées afin de comprendre les préférences des parents dont un enfant a subi une ACPA quant aux trouvailles inattendues (Christenhusz et al., 2014). Le débat généré autour de la problématique des découvertes fortuites semble néanmoins moins vif que lorsqu'il s'agit de séquençage à haut débit.

Une explication de cet état de choses pourrait résider dans la fréquence plus faible de résultats inattendus en cas d'ACPA. Etant donné la difficulté d'établir avec certitude la pathogénicité d'un résultat génétique présentée au chapitre 1, il convient d'interpréter les chiffres à disposition avec précaution. Cependant, il semble que la découverte d'une variation du nombre de copies ayant une implication clinique pour les patients ne concerne qu'un petit pourcentage d'entre eux, alors que des résultats inattendus à la suite d’une analyse de nombreux gènes par SHD émergent pratiquement chez chaque individu.

Une étude a ainsi avancé que la fréquence des états de porteur détectés lors d’une ACPA concernerait 2 % des patients (García-Acero et al., 2018). Des variations du nombre de copies affectant un gène unique prédisposant à une maladie dominante apparaissant à l'âge adulte seraient retrouvées chez 0.9 % des individus et des variations du nombre de copies impliquant jusqu'à 20 gènes et prédisposant à un cancer à l'âge adulte chez 0.3 % (Boone et al., 2013). Par opposition, l'analyse par séquençage à haut débit limitée à la liste des gènes

22 actionnables de l'ACMG a révélé en moyenne 1.69 variants par patient (Jurgens et al., 2015).

L'étude de l'exome de 250 patients a quant à elle abouti à la mise en évidence de une à trois mutations délétères non liées à la maladie investiguée par individu et à la découverte de 17 à 41 VUS sans lien avec le diagnostic (Yang et al., 2013).