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Implications concrètes des différentes définitions de l'autonomie pour le conseil

4. Respect de l'autonomie dans le contexte du retour des trouvailles inattendues

4.6. Implications concrètes des différentes définitions de l'autonomie pour le conseil

l'autonomie pour le conseil génétique avant une analyse par séquençage à haut débit

En pratique, dans le contexte du conseil génétique avant une analyse par séquençage à haut débit, respecter la version de l'autonomie de Beauchamp et Childress signifie, pour un généticien, s'assurer que le choix de ses patients quant au retour d'informations inattendues est intentionnel, libre et éclairé. Concrètement, présenter à ceux-ci la problématique des trouvailles inopinées ainsi que le rôle du formulaire de consentement à signer pour exprimer leurs préférences quant aux résultats qu'ils souhaitent recevoir suffit à remplir le critère de l'intentionnalité. La liberté du choix passe, d'une part, par un conseil non directif lors duquel le généticien ne tente pas d'influencer la décision de ses patients et, d'autre part, par la vérification (en général informelle) de la capacité de discernement de ceux-ci. Etant donné la quantité de résultats possibles, le caractère éclairé du choix ne peut être atteint qu'au moyen d'une information des patients sur les différentes catégories de trouvailles pouvant émerger et leurs conséquences. Le risque existe cependant que cette information ne permette pas aux personnes concernées d'appréhender l'étendue et la complexité des résultats secondaires et qu’ils prennent une décision insuffisamment éclairée. Il s'avère donc de la plus haute importance de comprendre les critères rendant une trouvaille pertinente pour eux afin de leur présenter l'information de la manière la plus adaptée. Si ces trois conditions sont remplies, les préférences des patients, quelles qu'elles soient, doivent être respectées, car leur choix est autonome. La nature des variants communiqués et les motivations des patients de les connaître ou pas n'entrent pas en considération.

45 Une illustration de la mise en œuvre de l'autonomie de Dworkin dans le contexte d'une analyse génomique a été proposée par Dive et Newson (Dive and Newson, 2018).

L'implémentation de cette conception de l'autonomie s'avère plus exigeante à la fois pour les patients et pour les généticiens. Il découle de la définition de Dworkin que, pour être autonome, un patient se doit d'évaluer de manière critique ses préférences immédiates en matière de résultats inattendus et d'examiner leur compatibilité avec ses valeurs et préférences relatives au genre de vie qu'il souhaite mener. Il semble raisonnable d'en déduire qu'il est de la responsabilité du généticien d'inciter son patient à s'interroger sur sa manière d'aborder le futur : est-il prévoyant ou préfère-t-il vivre au jour le jour ? Serait-il anxieux ou serein en cas de découverte d'une prédisposition à une maladie future ? D'autre part, il paraît important que le médecin s'assure de l'adéquation entre la compréhension qu'a son patient du lien entre les différents types de trouvailles possibles et ses préférences à long terme. Une discussion avec les patients autour de leurs valeurs s'avère un exercice délicat pour un médecin, lui demandant de trouver un juste équilibre, différent de cas en cas, entre orienter la discussion pour amener les patients à exprimer les aspects importants pour eux et ne pas imposer son propre point de vue. Demander aux patients de justifier le choix qu'ils envisagent de faire concernant la communication de résultats secondaires pourrait représenter une approche permettant au professionnel de santé d'évaluer la cohérence du raisonnement. En complément ou alternativement, des questions ouvertes sur la manière dont les patients utiliseraient les informations reçues permettraient de s'assurer que leur décision n'est pas fondée sur une compréhension erronée de leur situation.

Finalement, le choix de l’autonomie razienne est, pour le généticien, non seulement plus exigeant mais potentiellement plus inconfortable. Plutôt que de ne se focaliser que sur des aspects formels de la décision du patient (information et compréhension adéquate, absence de pressions), elle nécessite de se mettre à la place de celui-ci pour réfléchir aux implications particulières que le partage d'une information donnée pourrait avoir pour lui.

Alors que tous les variants certains actionnables selon notre définition peuvent avoir un impact significatif dans un ou plusieurs domaines de la vie des patients qui choisissent de les connaître, les informations au sujet desquelles l'incertitude ne peut pas être levée peuvent difficilement donner lieu à des actions fondées. En d'autres termes, la communication de ces variants pourrait conduire les patients à prendre des décisions erronées. Il semble difficile d'établir des critères généraux concernant les conditions à remplir pour qu'un VUS donne lieu à des options adéquates, chaque cas devant plus vraisemblablement être examiné individuellement.

L'objectif du présent chapitre n'est pas d'argumenter, sur le plan philosophique, en faveur de l'adoption d'une version de l'autonomie plutôt qu'une autre. Notre but est de mettre en évidence les éléments potentiellement intéressants des trois définitions de l'autonomie

46 évoquées et de réfléchir à la manière dont ceux-ci pourraient s'intégrer à un idéal de conseil génétique dans le cadre des analyses par séquençage à haut débit.

S'inspirer de Gerald Dworkin et attendre des patients qu'ils évaluent leurs préférences quant aux résultats à recevoir au regard de leurs valeurs personnelles nous semble souhaitable étant donné la nature des trouvailles et leurs potentielles répercutions sur la biographie des personnes concernées. Les résultats des entretiens que nous avons menés avec des patients, présentés au chapitre suivant, vont d'ailleurs dans ce sens et confirment que les personnes concernées prennent souvent en considération, au moment de décider des découvertes génétiques qu'elles désirent connaître, les conséquences émotionnelles de celles-ci et leur incidence sur leur avenir social, familial et professionnel. L'examen par les patients de la cohérence entre leurs préférences immédiates et le genre de vie auquel ils aspirent semble donc être une démarche abordable, que certains entreprennent assez naturellement et qui peut être encouragée par des questions appropriées du généticien. L'existence de la consultation pré-séquençage et le caractère en général non urgent des décisions prises concernant une analyse génétique représentent des conditions favorables à la discussion autour des valeurs des patients.

L'exigence découlant d'une interprétation de la version razienne de l'autonomie, à savoir qu'un variant, pour être communiqué, offre une gamme d'options adéquates aux patients, nous paraît être un apport utile à la réflexion autour du retour des variants de signification incertaine. Il revient bien sûr à chaque équipe médicale de définir sa politique relative à la gestion des VUS. Lorsque la transmission de ces variants est proposée aux patients, une information par le généticien sur les options réelles associées à la prise de connaissance de ces trouvailles contribuerait sans doute à améliorer la compréhension des personnes concernées. Si, au contraire, la stratégie adoptée prévoit qu'un filtrage des variants est effectué par le médecin afin que ne soient communiquées que les découvertes pertinentes pour les patients, un raisonnement en termes d'options adéquates nous semblerait bénéfique pour définir l'impact concret des variants pour les personnes concernées.

4.7. Conclusion

La signification du respect de l'autonomie des patients dans le contexte de la discussion sur la communication des résultats secondaires dépend de la définition de l'autonomie qui est adoptée. Le droit suisse implémente le respect d'une version de l'autonomie se rapprochant de celle de Beauchamp et Childress, avec comme seules exigences la capacité de discernement des patients et le caractère libre et éclairé du choix.

Cependant, en raison de l'impact potentiel à long terme des trouvailles inattendues sur la biographie des patients, il nous paraît souhaitable d'attendre de ceux-ci qu'ils évaluent la

47 compatibilité de leurs préférences immédiates avec leurs valeurs personnelles, comme le prévoit la définition de l'autonomie de Gerald Dworkin.

La notion d'options adéquates proposée par Joseph Raz nous paraît particulièrement utile dans la discussion autour du retour des variants de signification incertaine, soit pour informer les patients des implications concrètes de ces trouvailles, soit pour sélectionner les variants réellement pertinents devant être communiqués.

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5. Préférences des patients pour le retour