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Implémentation du respect de l'autonomie dans le droit suisse

4. Respect de l'autonomie dans le contexte du retour des trouvailles inattendues

4.5. Implémentation du respect de l'autonomie dans le droit suisse

Bien que la lecture des lois pertinentes à la prise de décisions en matière d'analyses génétiques ne permette pas d'identifier de références à une définition philosophique particulière de l'autonomie, l'implémentation dans la législation des droits des patients rappelle la conception de Beauchamp et Childress puisqu'elle pose comme seules exigences la capacité de discernement du patient ainsi que le caractère libre et éclairé du choix.

Les conditions empêchant une personne d'exercer pleinement son autonomie en raison d'une incapacité de discernement sont définies dans le Code civil 2. Celui-ci prévoit en outre les conditions du consentement des patients ainsi que la délégation de cette décision à un représentant légal en cas d'incapacité de discernement.

2 Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC), entrée en vigueur le 1er janvier 1912; RS 210.

42 La loi fédérale sur l'analyse génétique humaine précise, quant à elle, les choix que les patients capables de discernement et les représentants légaux ont le droit de faire dans le contexte spécifique des analyses génétiques.

4.5.1. Capacité de discernement et subsidiarité du consentement

Pour exercer son autonomie, consentir à une analyse génétique et décider des informations inattendues à recevoir, un patient doit être capable de discernement (art. 5 LAGH). La capacité de discernement, définie à l'article 16 du Code civil, implique la faculté de comprendre et d'apprécier correctement la situation (composante cognitive), ainsi que la capacité d’agir en fonction de sa volonté (composante volitive). Elle est présumée et doit être appréciée dans une situation concrète, pour une décision donnée. Il s'agit en effet d'une notion relative, potentiellement présente pour certains actes et non pour d'autres. Une liste exhaustive de causes possibles de l'incapacité de discernement est prévue par le droit suisse (art. 16 CC):

jeune âge, déficience mentale, troubles psychiques, ivresse et autres causes semblables.

En cas d'incapacité de discernement en raison du jeune âge, les parents consentent pour leur enfant, dans les limites de leur autorité parentale (art. 304 al. 1 CC), pour le bien de celui-ci (art. 301 al. 1 CC) et en tenant compte dans la mesure du possible de son avis (art.

301 al. 2 CC). La présence d'un seul parent suffit, le consentement de l'autre pouvant être présumé (art. 304 al. 2 CC). Lorsque l’enfant n’est pas soumis à l’autorité parentale, son tuteur a alors les mêmes droits que les parents (art. 327c al. 1 CC).

Si la raison de l'incapacité de discernement n'est pas liée au jeune âge mais à une autre cause prévue par l'article 16 CC, peuvent consentir à la place du patient, dans l'ordre, les personnes mentionnées à l'article 378 CC, à savoir la personne désignée dans les directives anticipées ou dans un mandat pour cause d’inaptitude, le curateur du patient, son conjoint ou son partenaire enregistré, la personne qui fait ménage commun avec lui, ses descendants, ses père et mère, ses frères et sœurs. A noter que les proches du patient inclus dans cette liste, pour représenter celui-ci, doivent lui fournir une assistance personnelle régulière. Il convient en outre d'associer le patient incapable de discernement à la décision dans la mesure du possible (art. 377 al. 3 CC).

4.5.2. Autodétermination des patients dans le contexte d'analyses génétiques

La loi sur les analyses génétiques humaines prévoit que les patients capables de discernement puissent exercer leur droit à l'autodétermination à différents stades du processus de l'analyse génétique. Ils sont ainsi en droit de décider s'ils souhaitent entreprendre une telle démarche, s'ils désirent prendre connaissance des résultats obtenus et ce qu'ils désirent faire de ceux-ci. En outre, afin de permettre aux patients de se prononcer sur ces points, des exigences légales définissent précisément les informations devant leur être communiquées ainsi que la personne chargée de le faire.

43 L'information des patients lors d'un conseil génétique non directif avant une analyse prénatale, présymptomatique ou à visée de planning familial, prodigué par une personne qualifiée, représente une étape nécessaire pour permettre à chaque individu d'exercer son droit à l'autodétermination (art. 14 LAGH). Lors de cette consultation de conseil, les éléments suivants doivent être abordés: le but, le type et la signification de l’analyse, les risques possibles, la fréquence et le type des anomalies à détecter, la découverte éventuelle de résultats inattendus, les répercussions physiques et psychiques possibles de l’analyse, la prise en charge de celle-ci par les assurances, les mesures de soutien possibles en fonction des résultats, l’importance des anomalies qui peuvent être découvertes et les mesures thérapeutiques et prophylactiques envisageables. Un temps de réflexion adéquat entre le conseil génétique et l'analyse doit en outre être offert aux patients. En cas d'analyse prénatale, la femme doit être expressément informée sur son droit à l'autodétermination (art. 15 LAGH).

Sur la base de cette information, chaque patient est libre d'entreprendre ou non une analyse génétique, son consentement étant nécessaire (art. 5 al. 1 LAGH, art. 18 al. 1 LAGH) et son droit de ne pas connaître des informations liées à son patrimoine génétique explicité à l'art. 6 LAGH. Un consentement écrit est requis en cas d'analyse génétique prénatale, présymptomatique ou dans un but de planification familiale, sauf s'il s'agit d'un dépistage (art.

18 al. 3 LAGH).

Une fois l'analyse entreprise, les patients sont encore en mesure de renoncer à prendre connaissance des résultats (sauf en cas de danger imminent découvert par le médecin), de même que de décider de la suite qu'ils souhaitent donner à ceux-ci s'ils choisissent de les recevoir (art. 18 LAGH). Les résultats sont communiqués directement aux patients capables de discernement (art 19 al. 1 LAGH) et, si les circonstances l'imposent et avec l'accord de celui-ci, à certains membres de sa famille (art. 19 al. 2 LAGH). Exceptionnellement, en cas d'intérêt prépondérant des proches de connaître les résultats et en l'absence de consentement du patient, le médecin est autorisé à se faire délier du secret professionnel prévu à l'article 321 du Code pénal 3 par la commission compétente (art. 19 al. 3 LAGH).

Comme pour d'autres actes médicaux, si le patient est incapable de discernement le consentement à une analyse génétique est donné par son représentant légal (art. 5 al. 2 LAGH, art. 18 al. 4 LAGH). De même, c'est à celui-ci que sont communiqués les résultats des analyses (art. 19 al. 1 LAGH). Cependant, dans le cas des patients incapables de discernement, une analyse génétique ne peut être effectuée que si la protection de leur santé l'exige (art. 10 al. 2 LAGH). Exceptionnellement, une telle analyse peut être entreprise si elle représente l'unique moyen de détecter une grave maladie héréditaire ou le porteur d'une telle maladie dans la famille et que l'atteinte aux patients est minime (art. 10 al. 2 LAGH).

3 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP), entrée en vigueur le 1er janvier 1942; RS 311.0.

44 Si la loi sur l'analyse génétique humaine impose aux généticiens d'informer leurs patients de la possibilité de découvrir des résultats inattendus lors d'une telle analyse, aucune autre indication relative à la manière de procéder n'est donnée. De l'esprit de cette loi, on peut raisonnablement déduire que le droit de savoir et de ne pas savoir des patients s'applique également en matière de trouvailles inopinées. Or, il n'est pas réalisable d'informer les patients de manière détaillée sur chacun des nombreux gènes analysés en cas de séquençage de l'exome ou de grands panels. Le respect de l'autonomie des patients dans ce contexte passe donc obligatoirement par une catégorisation des résultats possibles et par un éventuel recours à une version plus exigeante de l'autonomie comme l'examen par les patients de la pertinence des trouvailles en fonction de leurs valeurs (version de Dworkin) ou la sélection des variants à retourner au regard de la gamme d'options qu'ils offrent aux patients (définition de Raz).