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Chapitre 9. Implications et perspectives des travaux

9.1 Constats généraux

9.1.4 Importance des caractéristiques maternelles

Dans un quatrième temps, en ce qui concerne le constat général selon lequel certaines caractéristiques maternelles pourraient moduler l’association entre l’activité physique prénatale et le poids du nouveau-né, nos données suggèrent que la pratique d’activité physique vigoureuse en début de grossesse pourrait être associée à une diminution importante du poids du nouveau-né chez les femmes qui reçoivent ultérieurement un diagnostic de pré-éclampsie. Comme la pré-éclampsie constitue une contre-indication à la pratique d’activité physique durant la grossesse (Davies et al. 2003), très peu d’études ont évalué les effets de l’activité physique maternelle sur différentes issues de grossesse chez des femmes qui présentent une telle complication. Les études disponibles sur le sujet s’intéressent plutôt au potentiel de l’activité physique à prévenir cette condition, avec des résultats plus ou moins concluants (Aune et al. 2014; Wolf et al. 2014). Or, bien que la pathogenèse de la pré-éclampsie ne soit pas complètement élucidée, il a été proposé qu’une placentation anormale menant à une résistance vasculaire élevée au niveau du placenta pourrait être en cause (Redman et al. 2014). Dans une telle situation, un stress supplémentaire comme l’exercice pourrait accentuer les altérations au niveau de la circulation placentaire. Les résultats de deux études évaluant l’effet aigu d’une séance d’exercice à faible intensité sur les paramètres de débit sanguin utéro- ou fœto-placentaire chez des femmes présentant des complications de grossesse dont la pré-éclampsie corroborent d’ailleurs cette hypothèse (Hackett et al. 1992; Chaddha et al. 2005).

Bien que nous n’ayons pas observé d’augmentation du risque de faible poids de naissance chez les nouveau- nés de mères pré-éclamptiques exposés à l’activité physique d’intensité vigoureuse en début de grossesse, la diminution du poids du nouveau-né due à l’exercice vigoureux pourrait néanmoins être plus ou moins néfaste pour le devenir de l’enfant, dépendamment des tissus et organes touchés. Par exemple, advenant une altération de la croissance cérébrale, des déficits cognitifs pourraient être observés durant l’enfance (Frisk et al. 2002). Ainsi, puisque la pré-éclampsie est détectée relativement tardivement durant la grossesse et qu’elle est associée à un risque élevé de faible poids de naissance (Mendola et al. 2015), nos données novatrices concernant l’association entre l’activité physique maternelle vigoureuse en début de grossesse et le poids du nouveau-né chez les femmes qui développent cette complication confirment la nécessité d’évaluer adéquatement l’impact de la pratique d’activité physique chez ces femmes sur la croissance fœtale et le devenir de l’enfant.

D’autres populations de femmes enceintes pourraient aussi présenter des réponses différentes en termes de croissance fœtale suite à la pratique d’activité physique durant la grossesse, notamment les femmes enceintes obèses. Bien que nos données ne soient pas en faveur d’une telle possibilité, Badon et collègues ont pour leur part observé une diminution du poids de naissance associée à la pratique d’activité physique de

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loisir en début de grossesse uniquement chez les femmes ayant un IMC inférieur à 25 kg/m2 (Badon et al.

2016). L’obésité maternelle étant associée à des altérations placentaires (Leon-Garcia et al. 2016), hormonales et métaboliques (Berglund et al. 2016) favorisant une croissance fœtale excessive, il est possible que les effets de l’exercice soient insuffisants pour contrecarrer les altérations induites par l’obésité maternelle, tel que suggéré dans l’étude de Badon et collègues et précédemment proposé par Catalano et De Mouzon (Catalano and De Mouzon 2015). Il se pourrait également que les niveaux d’activité physique des femmes obèses ne soient pas suffisants pour que des effets sur la croissance fœtale soient observables, considérant que ces femmes sont généralement moins actives que les femmes ayant un IMC plus faible (Renault et al. 2010; Evenson and Wen 2011; Renault et al. 2012).

Dans le cadre de notre étude randomisée avec intervention d’activité physique chez des femmes enceintes obèses, nous n’avons pas non plus observé de différence au niveau du poids de naissance ou de l’adiposité du nouveau-né, malgré la pratique d’activité physique plus importante dans le groupe avec intervention. Cependant, cette étude n’avait pas pour objectif principal d’évaluer ces issues de grossesse ni la taille d’échantillon nécessaire pour le faire. Par ailleurs, l’arrêt de l’intervention à 28 semaines de grossesse, qui a possiblement contribué à la réduction des niveaux d’activité physique en fin de grossesse chez les femmes du groupe avec intervention durant une période de croissance rapide du fœtus, pourrait avoir contribué à cette absence de différence.

Plusieurs études randomisées incluant une intervention visant à améliorer les niveaux d’activité physique durant la grossesse chez des femmes avec surpoids ou obésité ont également noté une absence d’effet au niveau du poids de naissance lorsque les groupes avec et sans intervention sont comparés (Nascimento et al. 2011; Oostdam et al. 2012; Hui et al. 2014; Renault et al. 2014). Néanmoins, le faible taux d’atteinte des niveaux d’activité physique prescrits pourrait être en cause. Par exemple, une intervention randomisée incluant un programme d’entraînement de groupe supervisé et une intervention nutritionnelle comparativement aux soins standards n’a pas entraîné d’augmentation des niveaux d’activité physique durant la grossesse chez des femmes présentant un IMC pré-grossesse égal ou supérieur à 25 kg/m2 (n=54), alors que c’était le cas

chez les femmes ayant un IMC inférieur à 25 kg/m2 (n=57) (Hui et al. 2014). Chez les femmes ayant un poids

santé, l’amélioration des niveaux d’activité physique était accompagnée d’une réduction de l’apport en glucides et ces changements se sont d’ailleurs traduits par une diminution du gain de poids et du poids des nouveau-nés, ce qui n’était pas observé chez les femmes en surpoids ou obèses. Les niveaux d’activité physique des femmes enceintes obèses étant spontanément plus faibles que ceux des femmes de poids sain (Renault et al. 2012), il apparaît également possible que des niveaux supérieurs d’activité physique soient nécessaires chez ces femmes pour observer des effets sur la croissance fœtale. Quoi qu’il en soit, même en l’absence d’un effet sur le poids du nouveau-né, des effets positifs sur son métabolisme et/ou sa composition

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corporelle à court ou à long terme pourraient néanmoins être présents, bien que des études supplémentaires soient nécessaires pour valider ces hypothèses. Finalement, même si l’activité physique maternelle réalisée par les femmes enceintes obèses n’entraînait pas d’améliorations métaboliques ou corporelles chez le nouveau-né, il apparaît important de rappeler les impacts positifs de l’activité physique chez ces femmes en termes de gestion du poids, de diminution possible du risque de diabète et de maintien de la condition physique, entre autres (Oteng-Ntim et al. 2012b; Bisson et al. 2015). Bref, ces effets positifs sur la santé maternelle semblent suffisants pour justifier nos efforts visant à encourager ces femmes à être actives durant leur grossesse.

9.1.5 Efficacité d’un programme d’activité physique supervisée chez des femmes