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Chapitre 2. Poids de naissance, croissance fœtale et santé de l’enfant à long terme

2.1 Poids de naissance et croissance fœtale: définitions et déterminants

2.1.1 Déterminants de la croissance fœtale

Nutriments, oxygène et placenta

La disponibilité des différents substrats et de l’oxygène pour le fœtus joue un rôle majeur au niveau de la croissance fœtale. Différentes adaptations maternelles, dont une résistance à l’insuline progressive (Catalano et al. 1993) et une augmentation du débit sanguin utérin (Thaler et al. 1990), permettent au fœtus d’obtenir les

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nutriments dont il a besoin pour croître. Les nutriments maternels doivent cependant transiter par le placenta avant de se rendre au fœtus, d’où son rôle majeur dans la régulation de la croissance fœtale (Brett et al. 2014). En réponse à la quantité de nutriments reçus du placenta, le fœtus produirait différentes réponses hormonales favorisant l’anabolisme, dont une augmentation des niveaux d’insuline et des facteurs de croissance IGF-1 et IGF-2 (« insulin-like growth factors » 1 et 2), qui jouent un rôle majeur au niveau de la croissance fœtale (Gluckman and Pinal 2003). La croissance fœtale et placentaire dépendra aussi de l’apport sanguin au niveau utérin. En effet, un index de pulsatilité élevé au niveau des artères utérines, reflétant un faible débit sanguin utérin, est associé à un placenta de petite taille (Salavati et al. 2016) ainsi qu’à un faible poids de naissance pour l’âge gestationnel (Khalil et al. 2012; Bakalis et al. 2015).

Il a été proposé que le placenta régule la croissance en fonction de l’apport en nutriments disponibles; en présence d’un excès de nutriments, la croissance fœtale serait accrue alors qu’une insuffisance de nutriments entraînerait une restriction de la croissance (Clapp 2006; Brett et al. 2014). De plus, la capacité du placenta à transférer les nutriments au fœtus dépendrait de sa taille, de sa morphologie, du nombre et de la capacité de transport des transporteurs membranaires des différents nutriments, ainsi que du débit sanguin au niveau placentaire (Brett et al. 2014). Dans des conditions normales, le poids du placenta corrèle positivement avec le poids du nouveau-né, bien que dans certaines conditions pathologiques, le rapport entre le poids du nouveau- né et le poids du placenta, un marqueur de l’efficacité du transport placentaire des nutriments vers le fœtus, soit altéré (Hayward et al. 2016). De plus, en cas d’hypoxie, l’apport fœtal en oxygène et en glucose sera réduit, ce qui pourrait mener à un ralentissement de la croissance fœtale si le stimulus se chronicise (Lackman et al. 2001; Schneider 2011). En effet, lorsque l’apport placentaire en oxygène est réduit, le métabolisme du placenta devient davantage anaérobique et la consommation de glucose par le placenta est accrue (Schneider 2011), ce qui limite la disponibilité de ce substrat pour le fœtus. En plus d’assurer les échanges entre la mère et le fœtus, le placenta contribue également à la croissance fœtale via la production de différentes hormones (Murphy et al. 2006).

Facteurs non modifiables associés à la croissance fœtale

Plusieurs autres paramètres influencent la croissance fœtale et conséquemment, le poids du nouveau-né. Le sexe du fœtus semble influencer différentes mesures échographiques (par exemple, le diamètre bipariétal, la longueur du fémur, la circonférence abdominale, etc.) permettant d’estimer la croissance fœtale (Schwarzler et al. 2004; Johnsen et al. 2006; Melamed et al. 2013). De plus, le poids de naissance des nouveau-nés de sexe masculin est généralement plus élevé que celui des nouveau-nés de sexe féminin (Gruenwald 1966; Catalano et al. 1995).

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De même, les différentes mesures de croissance évaluées lors des échographies et à la naissance augmentent généralement avec l’âge gestationnel (Kramer et al. 2001; Papageorghiou et al. 2014), d’où l’importance de considérer ce facteur lorsque l’on s’intéresse à la croissance fœtale.

Certaines caractéristiques parentales non modifiables ont également été identifiées comme étant des paramètres pouvant influencer le poids de naissance, notamment l’âge de la mère, les caractéristiques obstétricales (i.e. parité) ainsi que la taille et l’ethnie des parents (Kramer 1987). D’autres caractéristiques sociodémographiques, médicales et environnementales plus ou moins modifiables, dont l’éducation, le revenu, l’état de santé maternelle (i.e. maladie chronique, développement de complications de grossesse), l’exposition à certains polluants et l’exposition à une altitude importante sont également associées au poids de naissance (Kramer 1987; Jensen et al. 1997; Stieb et al. 2012).

Caractéristiques maternelles modifiables associées à la croissance fœtale

Parmi les facteurs modifiables associés à la croissance fœtale, l’obésité maternelle constitue un facteur majeur. Notamment, l’obésité maternelle expliquerait à elle seule 8.9% des cas de nouveau-nés de poids élevé pour l’âge gestationnel au niveau populationnel (Dzakpasu et al. 2015). De plus, l’obésité maternelle serait associée à une adiposité plus importante chez le nouveau-né (Modi et al. 2011; Carlsen et al. 2014; Starling et al. 2015). Une étude récente suggère d’ailleurs que chaque augmentation de 1 kg/m2 au niveau de

l’IMC maternel pré-grossesse serait associée à une augmentation significative de 5.2 g au niveau de la masse grasse, 7.7 g pour la masse maigre et 0.12% pour le pourcentage de gras du nouveau-né (Starling et al. 2015). Cette différence en termes de pourcentage de gras peut paraître minime, mais elle est comparable à la différence significative d’environ 1-2% observée entre les nouveau-nés de femmes de poids santé et de femmes en surpoids ou obèses (Sewell et al. 2006; Hull et al. 2008).

Le mode de vie maternel (i.e. tabagisme, consommation d’alcool, usage de drogues, apports nutritionnels, gain de poids) semble également être un déterminant majeur du poids du nouveau-né (Kramer 1987). Entre autres, le tabagisme est associé à une diminution du poids de naissance et une augmentation du risque de faible poids à la naissance (Chiolero et al. 2005). Cette diminution du poids de naissance est dose- dépendante, chaque paquet de cigarettes fumé durant la grossesse étant associé à une réduction de 2.8 g au niveau du poids du nouveau-né (n=916) (Harrod et al. 2014b). De plus, la taille du nouveau-né semble également négativement affectée par le tabagisme maternel (Howe et al. 2012). La consommation d’alcool est également associée à une diminution du poids et de la taille des nouveau-nés (Carter et al. 2013a), tout comme l’usage de drogues qui semble influencer négativement la croissance fœtale (Soto et al. 2013).

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L’alimentation maternelle, que ce soit directement ou indirectement via un effet sur le gain de poids gestationnel (Muktabhant et al. 2015) ou sur la glycémie maternelle (Clapp 1998; Moses et al. 2006; Moses et al. 2009), influence aussi la croissance fœtale. En effet, l’adhérence à une diète méditerranéenne ou à une diète nordique, considérées comme des diètes de qualité, serait associée à une diminution du risque de faible poids à la naissance (Chatzi et al. 2012; Hillesund et al. 2014). Le gain de poids maternel est un autre déterminant nutritionnel important de la croissance fœtale; un gain de poids excessif est associé à un risque accru de poids de naissance élevé (Siega-Riz et al. 2009; Ferraro et al. 2012) et à une augmentation de l’adiposité chez le nouveau-né (Badon et al. 2014). Finalement, la glycémie maternelle, une mesure du métabolisme glucidique, influence aussi la croissance fœtale, le glucose étant la principale source d’énergie du fœtus (Hay et al. 1985). En présence de diabète gestationnel (et donc d’hyperglycémie maternelle), il a été suggéré que le fœtus exposé à une concentration excessive de glucose produit davantage d’insuline, étant donné l’incapacité de l’insuline maternelle à traverser le placenta (Keller et al. 1968). Le fœtus capte alors davantage de glucose, et il en résulte une croissance excessive (Pedersen 1952). Cette hypothèse semble également s’appliquer aux femmes présentant une glycémie en deçà des valeurs nécessaires à un diagnostic de diabète gestationnel, la glycémie maternelle ayant été positivement associée au poids de naissance et à l’adiposité du nouveau-né chez les femmes qui n’ont pas développé de diabète gestationnel (HAPO 2009).