• Aucun résultat trouvé

Évidences relatives aux effets métaboliques de l’activité physique maternelle chez la descendance

Chapitre 3. Effets de l’activité physique maternelle sur la croissance fœtale et le devenir de l’enfant

3.3 Santé de l’enfant à long terme

3.3.2 Évidences relatives aux effets métaboliques de l’activité physique maternelle chez la descendance

Au-delà des effets probables sur la croissance, il demeure possible que l’activité physique maternelle influence positivement la santé de l’enfant via des changements métaboliques, même en l’absence de changement au niveau du poids de naissance ou de la composition corporelle. Comme l’exercice physique a le potentiel d’améliorer la santé cardiovasculaire (Lee et al. 2012) et le métabolisme des glucides et des lipides même en absence de perte de poids chez des adultes sédentaires (Duncan et al. 2003), il semble plausible d’émettre l’hypothèse que l’activité physique maternelle pourrait également influencer le métabolisme du fœtus en développement. Les études portant sur cette question étant cependant limitées chez l’humain, la prochaine section traitera des différentes études ayant utilisé des modèles animaux pour évaluer les effets à plus ou moins long terme de l’exercice maternel sur le métabolisme de la descendance.

Carter et collègues ont montré chez la souris que l’exercice maternel améliorait la réponse glycémique lors de tests de tolérance au glucose et la sensibilité à l’insuline lors d’injections d’insuline exogène chez la progéniture à l’âge adulte (Carter et al. 2012). Cette différence, qui était observée même si les souriceaux des groupes avec et sans exercice maternel ne présentaient pas de différence de poids en période post-natale ni à l’âge adulte, ne dépendait pas des niveaux d’exercice physique de la progéniture (puisque les souriceaux n’étaient pas exposés à l’exercice à aucun moment de leur vie). La descendance mâle des souris entraînées durant la grossesse présentait néanmoins une meilleure composition corporelle (pourcentage adipeux réduit) que celle des souris sédentaires. La même équipe a par la suite montré une amélioration de la tolérance au glucose et de la sensibilité à l’insuline chez des rats adultes, en réponse à l’exposition de leur mère à de l’exercice physique durant la grossesse (Carter et al. 2013b).

59

Les résultats d’une étude récente suggèrent même que l’exercice maternel pourrait protéger la progéniture face aux effets néfastes d’une alimentation riche en gras à l’âge adulte. Lors d’une expérimentation incluant 16 semaines de diète à teneur élevée en gras à l’âge adulte, les souris ayant eu une mère active durant la grossesse présentaient un apport calorique moindre, une prise de poids moins importante, une masse grasse relative au poids corporel inférieure, un métabolisme basal augmenté et une meilleure sensibilité à l’insuline, par rapport aux souris ayant eu une mère sédentaire (Wasinski et al. 2015). De plus, les niveaux d’interleukine-6 (IL-6), un marqueur inflammatoire, étaient diminués chez les petits des souris entraînées durant la grossesse. Les niveaux sériques du peptide YY, qui régule la prise alimentaire en agissant comme signal de satiété (Ueno et al. 2008), étaient aussi augmentés chez les souris ayant eu une mère active, ce qui pourrait expliquer leur apport calorique moindre. Au niveau du muscle squelettique, les niveaux d’ARN messager de l’adiponectine, une adipokine anti-inflammatoire qui régule le métabolisme des lipides et des glucides et augmente la sensibilité à l’insuline, étaient augmentés chez les souris ayant eu une mère active durant la grossesse, comparativement aux souris de mères sédentaires. À l’opposé, les niveaux d’ARN messager de la leptine, une hormone qui régule la prise alimentaire et les réserves adipeuses et qui stimule certaines cytokines pro-inflammatoires, étaient diminués chez les petits de mères actives. L’obésité étant associée à un débalancement entre l’adiponectine et la leptine (Lopez-Jaramillo et al. 2014), ces résultats suggèrent des adaptations durables et favorables face à un environnement obésogène parmi la descendance des souris actives durant leur grossesse.

Certaines études ont également montré que l’exercice maternel pouvait atténuer les effets délétères de l’obésité maternelle induite par une diète riche en gras au niveau du métabolisme de la progéniture. Les résultats d’une étude réalisée chez des souris suggèrent entre autres que l’exercice maternel atténuerait l’hyperméthylation du promoteur du co-activateur de transcription PCG-1α (peroxisome proliferator-activated

receptor-gamma coactivator-1alpha) induite par la diète maternelle riche en gras dans le muscle squelettique

de la progéniture à la naissance (Laker et al. 2014). L’hyperméthylation du promoteur de PCG-1α, qui joue un rôle majeur dans la régulation du métabolisme énergétique cellulaire (Liang et al. 2006), a précédemment été observée chez des patients ayant un diabète de type 2 et est inversement associée à l’expression de ce gène dans le muscle squelettique (Barres et al. 2009). L’effet positif de l’exercice maternel sur le promoteur de PCG-1α était présent jusqu’à 12 mois après la naissance et accompagné à cet âge d’une augmentation des niveaux d’ARN messager de PCG-1α et de certains de ses gènes cibles au niveau du muscle squelettique. À neuf mois, l’altération de la tolérance au glucose associée à la diète maternelle riche en gras chez les petits était aussi significativement atténuée par l’exercice maternel.

Une autre étude utilisant un modèle de souris a montré que l’exercice maternel améliorait certaines altérations pro-inflammatoires liées à l’obésité maternelle chez la descendance (Bae-Gartz et al. 2016). Comparativement

60

aux souriceaux non exposés à l’obésité maternelle, ceux exposés à l’obésité maternelle présentaient une augmentation des niveaux sériques d’IL-6, des niveaux d’ARN messager d’IL-6 et de la phosphorylation du facteur de transcription STAT3 (« signal transducer and activator of transcription 3 ») dans l’hypothalamus et dans le tissu adipeux à 21 jours. Cependant, chez les souriceaux exposés conjointement à l’obésité maternelle et à l’exercice maternel, ces altérations dues à l’obésité maternelle étaient normalisées, bien que le poids et la masse grasse de ces souriceaux fussent augmentés comparativement aux souriceaux non exposés à l’obésité maternelle.

Des améliorations métaboliques à 19 jours de vie chez des ratons exposés conjointement à l’obésité et à l’exercice maternels ont également été observées, comparativement aux ratons exposés uniquement à l’obésité maternelle (Raipuria et al. 2015). Chez les ratons mâles, l’augmentation de la glycémie observée en présence d’obésité maternelle était normalisée dans le groupe avec obésité et exercice maternels, malgré un poids et une composition corporelle similaires entre ces groupes. De plus, indépendamment de l’obésité maternelle, l’exercice maternel diminuait les niveaux d’insuline plasmatique chez les ratons mâles. L’expression de l’ARN messager du transporteur GLUT4 (« glucose transporter type 4 »), permettant l’entrée du glucose au niveau du muscle et du tissu adipeux, et du gène MYOD1 (« myogenic differentiation 1 »), impliqué dans la myogenèse, était significativement diminuée dans le muscle squelettique des ratons mâles exposés à l’obésité maternelle. En présence d’exercice maternel, l’expression de ces gènes était normalisée chez les ratons mâles, malgré leur exposition à l’obésité maternelle. Ces observations n’étaient cependant pas présentes chez les ratons femelles, suggérant des effets différents selon le sexe des petits.

Bref, les études ayant eu recours à des modèles animaux suggèrent que l’activité physique durant la grossesse pourrait influencer positivement la santé de la descendance à court et à long terme, et possiblement même s’il n’y a pas d’altération au niveau du poids ou de la composition corporelle chez les petits. L’exercice physique durant la grossesse pourrait ainsi prédisposer les enfants exposés à ce stimulus à une meilleure réponse métabolique face à un environnement prénatal (i.e. obésité maternelle) et postnatal (i.e. alimentation obésogène postnatale) sous-optimal, favorisant ainsi leur santé à long terme. Si de tels effets se manifestent chez l’humain, et s’ils perdurent dans le temps, l’exercice maternel pourrait constituer un traitement non-pharmacologique révolutionnaire à faible coût dans le domaine de la prévention de l’obésité et de ses complications métaboliques.

3.4 Résumé

En résumé, la littérature disponible suggère que la pratique d’activité physique maternelle peut induire une légère réduction au niveau du poids de naissance sans toutefois augmenter le risque de donner naissance à

61

un bébé ayant un faible poids pour l’âge gestationnel, chez les femmes présentant une grossesse sans complication. Bien qu’intéressant, ce constat ne nous renseigne cependant pas sur plusieurs aspects cruciaux qui permettraient une prescription d’exercice adaptée visant à optimiser la croissance fœtale dans différentes populations de femmes enceintes. En particulier, les effets de l’exercice maternel sur la composition corporelle du nouveau-né sont plutôt équivoques.

Malgré les nombreuses études disponibles, il n’est toujours pas possible de distinguer les effets spécifiques de différents types et intensités d’activité physique sur la croissance fœtale. Devant des résultats parfois contradictoires, force est d’admettre que les effets de l’activité physique maternelle sur la croissance fœtale doivent dépendre des modalités de l’activité physique pratiquée, c’est-à-dire sa fréquence, sa durée, son type, son intensité et la période de la grossesse pendant laquelle l’exercice est réalisé. D’autres études sont donc nécessaires afin de déterminer comment ces paramètres interagissent pour stimuler ou ralentir la croissance fœtale.

Le présent chapitre a également proposé différents mécanismes qui pourraient expliquer les effets de l’activité physique maternelle sur la croissance fœtale. Notamment, il a été suggéré que les effets de l’exercice maternel pourraient résulter d’une modulation de la croissance et de la fonction du placenta, de fluctuations du débit sanguin, d’une modification de la disponibilité des nutriments, de modifications hormonales, d’un meilleur contrôle du gain de poids et de changements épigénétiques.

Finalement, il a été suggéré que l’activité physique maternelle pourrait avoir des effets à long terme sur la santé de l’enfant, bien que d’autres études soient nécessaires pour confirmer et préciser ces résultats, particulièrement chez l’humain.

62