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Efficacité des interventions d’activité physique durant la grossesse sur la condition physique

Chapitre 1. Recommandations, sécurité et effets maternels de l’activité physique durant la grossesse

1.4 Effets de l’activité physique sur la santé maternelle

1.4.1 Efficacité des interventions d’activité physique durant la grossesse sur la condition physique

Le but premier de toute intervention d’activité physique est d’amener les participants à être plus actifs. Via cette augmentation escomptée de la pratique d’activité physique, on souhaite influencer différents paramètres de santé. Durant la grossesse, on constate cependant que très peu d’études ont évalué si une intervention d’activité physique permettait d’améliorer les niveaux d’activité physique subséquents chez les femmes enceintes. Cette mesure du niveau d’activité physique apparaît pourtant cruciale, d’une part pour quantifier l’adhérence au traitement et identifier une possible relation dose-réponse, et d’autre part puisqu’il serait surprenant qu’une intervention d’activité physique induise des changements au niveau de la santé maternelle

1La silhouette de femme enceinte, de ma création, a été précédemment utilisée dans un autre contexte et publiée dans

Bisson M, Marc I, Brassard P. Cerebral blood flow regulation, exercise and pregnancy: why should we care? Clin Sci (Lond) 2016 May 1;130(9) :651-65.

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et fœtale sans qu’il y ait de changement au niveau de la pratique d’activité physique ou de la condition physique maternelle.

Activité physique et femmes à faible risque

Currie et collègues ont montré dans leur revue systématique (n=14 études, totalisant 2553 femmes) portant sur les interventions comportementales visant une meilleure pratique d’activité physique durant la grossesse que peu d’études s’intéressent à cette question (Currie et al. 2013). Les auteurs ont également signalé que le peu d’intérêt porté à l’activité physique comme issue des interventions limite l’identification des caractéristiques d’une intervention efficace et favorisant le changement comportemental souhaité. Cela compromet par le fait-même la conception d’interventions efficaces. Néanmoins, parmi les 10 études comparant le changement dans les niveaux d’activité physique entre les groupes avec et sans intervention, 8 ont montré des résultats favorables dans le groupe expérimental (plus grande augmentation ou diminution moindre des niveaux d’activité physique). Il est cependant à noter qu’un certain biais est possible étant donnée la nature auto-rapportée des mesures d’activité physique (Adams et al. 2005) dans la majorité des études identifiées. Dans la seule étude utilisant un outil de mesure objectif de l’activité physique, le déclin était d’ailleurs similaire entre les groupes. Néanmoins, il semblerait que les interventions visant à augmenter la pratique d’activité physique pourraient contribuer à réduire le déclin de l’activité physique qui est observé durant la grossesse. Les facteurs qui déterminent le succès de ces interventions restent cependant à identifier, puisque le type et la durée des interventions variaient de façon importante d’une étude à l’autre.

Activité physique chez les femmes obèses : une population peu étudiée

Depuis la parution de la revue systématique de Currie et collègues, quelques autres études évaluant le changement dans la pratique d’activité physique durant la grossesse suite à une intervention ont été publiées, dont certaines réalisées auprès de femmes en surpoids ou obèses. Ces femmes, et particulièrement les femmes obèses, gagneraient à être davantage ciblées par les interventions visant à accroître la pratique d’activité physique durant la grossesse puisqu’elles sont généralement moins actives (Renault et al. 2010; Evenson et al. 2011; Renault et al. 2012) et en moins bonne condition physique que leurs comparses de poids santé (Bisson et al. 2013), tel que nous l’avons précédemment montré. De plus, l’obésité maternelle, qui touche entre 10.6 et 16.2% des grossesses au Canada (Agence de la santé publique du Canada 2009; Ferraro et al. 2012; Vinturache et al. 2014), est associée à un risque accru de diabète gestationnel (Yu et al. 2006; Davies et al. 2010; Tsoi et al. 2010; Oteng-Ntim et al. 2012a), de troubles hypertensifs (Davies et al. 2010; Tsoi et al. 2010; Oteng-Ntim and Doyle 2012a), de gain de poids gestationnel excessif (Deputy et al. 2015), de macrosomie fœtale (Davies et al. 2010; Tsoi et al. 2010) et d’adiposité fœtale augmentée (Modi et al. 2011; Carlsen et al. 2014; Starling et al. 2015). Les effets escomptés de l’activité physique sur la prévention

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de ces conditions pourraient donc être grandement bénéfiques chez ces femmes, mais relativement peu d’études avec une intervention d’activité physique les ont ciblées. Kong et collaborateurs ont montré qu’une intervention de marche non-supervisée chez des femmes enceintes en surpoids ou obèses (n=37) permettaient d’améliorer les niveaux d’activité physique d’intensité modérée mesurés objectivement et le temps de marche jusqu’en fin de grossesse (Kong et al. 2014). De façon similaire, Dodd et collègues ont montré une amélioration des niveaux d’activité physique totale mesurés par questionnaire chez des femmes enceintes en surpoids ou obèses (n=2142) ayant participé à une intervention combinée de counseling en activité physique et en nutrition (Dodd et al. 2014). À l’opposé, les résultats d’une étude réalisée chez 183 femmes obèses n’ont pas montré de différence entre les niveaux d’activité physique mesurés par accélérométrie chez les femmes ayant reçu une intervention combinée de counseling en activité physique et en nutrition comparativement aux femmes du groupe témoin (Hayes et al. 2015). Cependant, dans cette étude, moins de 40% des participantes ont pu être incluses dans les analyses d’activité physique, en raison du nombre élevé de participantes avec temps de port de l’accéléromètre insuffisant.

Condition physique durant la grossesse

L’’efficacité d’une intervention d’activité physique peut également être évaluée via une mesure de la condition physique avant et après la période d’intervention, puisque celle-ci s’améliore généralement avec la pratique d’activité physique. Par ailleurs, la condition physique cardiorespiratoire est fortement associée à la mortalité et au risque cardiovasculaire (Blair et al. 1996; Farrell et al. 1998) et constitue donc un paramètre de santé important, bien que les évidences concernant les effets à long terme de l’activité physique durant la grossesse sur la condition physique et le risque cardio-métabolique ultérieur soient anecdotiques (Clapp 2008). Encore une fois, peu d’études ont évalué l’impact d’une intervention d’activité physique durant la grossesse sur la condition physique maternelle. Néanmoins, et malgré les altérations physiologiques au niveau cardiorespiratoire, hormonal et métabolique associées à la grossesse (Clapp et al. 1988; Chapman et al. 1998), les évidences actuelles suggèrent que la pratique d’activité physique cardiovasculaire durant cette période permettrait d’améliorer ou du moins de maintenir la condition physique maternelle à court terme (Kramer and McDonald 2006). L’hétérogénéité des méthodes d’évaluation et d’analyse parmi les études incluses dans cette revue systématique a cependant empêché la réalisation d’une méta-analyse des résultats. Néanmoins, 6 des 8 études montraient une amélioration de la condition physique maternelle. D’autres études plus récentes ont également confirmé l’efficacité de l’entraînement physique sur le maintien ou l’amélioration de la capacité cardiorespiratoire des femmes enceintes. Ainsi, un programme de marche à faible intensité combiné à un plan nutritionnel serait bénéfique au niveau de la condition physique maternelle, bien que dans une moindre mesure qu’un programme similaire mais d’intensité plus élevée (Ruchat et al. 2012a). Au niveau de l’exercice en résistance, un programme de conditionnement musculaire d’intensité légère à modérée de 12

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semaines incluant 2 séances par semaine a été suffisant pour améliorer la force et l’endurance musculaire chez des femmes enceintes préalablement sédentaires (n=32) (O'Connor et al. 2011).

Chez les femmes obèses et/ou présentant des complications de grossesse, on constate cependant que peu d’études se sont attardées à évaluer le changement de condition physique en réponse à un programme d’activité physique. Dans un petit essai randomisé chez 12 femmes enceintes obèses (IMC moyen de 35.1 ± 3.5 kg/m2 à 18 semaines de grossesse), les femmes allouées à un entraînement d’intensité modérée de 10

semaines tendaient vers une amélioration de leur puissance de travail sous-maximale, comparativement aux femmes du groupe témoin (différence entre pré- et post-entraînement, p=0.064 et p=0.699 dans les groupes exercice et témoin, respectivement) (Ong et al. 2009). Malgré une excellente adhérence à ce programme d’entraînement supervisé à domicile (94 % pour l’ensemble des 3 séances hebdomadaires recommandées), la petite taille d’échantillon pourrait avoir contribué à limiter la puissance statistique nécessaire pour observer des résultats significatifs au niveau de la puissance de travail. Dans une autre étude réalisée chez des femmes ayant développé un diabète gestationnel (27.5 % obèses et 40 % en surpoids), une intervention supervisée de 6 semaines, incluant 3 entraînements supervisés sur vélo stationnaire et 2 séances de 30 minutes d’activité physique d’intensité modérée au choix par semaine, a entraîné une amélioration de la condition physique des femmes du groupe avec exercice (Halse et al. 2014a). Comparativement aux femmes du groupe témoin, les femmes s’étant entraînées présentaient une plus grande puissance de travail à 75 % de leur fréquence cardiaque maximale estimée lors du test sous-maximal sur vélo suite à l’intervention (1.4 ± 0.4 Watt·kg-1 vs

1.1 ± 0.3 Watt·kg-1, n=40, p<0.05).

Constats face aux interventions visant l’amélioration de la condition physique et de la pratique d’activité physique durant la grossesse

En bref, l’exercice physique régulier semble avoir un potentiel similaire en ce qui concerne l’amélioration ou le maintien de la condition physique chez les femmes enceintes, qu’elles aient un poids santé ou non. Néanmoins, on constate que les interventions d’activité physique avec supervision directe qui ciblent uniquement les femmes enceintes obèses sont plutôt rares. Le faible nombre d’études disponibles chez les femmes obèses ne permet donc pas d’établir de conclusions définitives quant au potentiel de l’activité physique à améliorer les niveaux d’activité physique et la condition physique de ces femmes durant la grossesse. Par ailleurs, une meilleure connaissance du volume d’activité physique associé à une amélioration de la condition physique chez les femmes enceintes, et particulièrement les femmes obèses, pourrait grandement contribuer à la mise en place de recommandations spécifiques et permettre la réalisation d’interventions efficaces ayant le potentiel d’influencer la santé maternelle à long terme. Une évaluation précise et systématique des niveaux d’activité physique durant la grossesse est donc requise.

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Un autre point important à considérer lors de l’évaluation des effets d’une intervention d’activité physique concerne la présence ou non d’interventions complémentaires. En effet, plusieurs études durant la grossesse incluent un volet nutritionnel en plus de leur intervention en activité physique (Dodd et al. 2014; Hayes et al. 2015; Sagedal et al. 2016). Bien que cette approche soit très efficace au niveau de la gestion du poids, (Sweet and Fortier 2010; Johns et al. 2014), le fait d’inclure plus d’un changement de comportement sur une période relativement courte pourrait nuire à l’adhérence des femmes enceintes envers l’un ou l’autre des comportements ciblés par l’intervention. En effet, il semblerait que dans le cas des interventions en activité physique et nutrition, une intervention ciblant un seul comportement serait plus efficace pour augmenter ce comportement qu’une intervention ciblant les 2 comportements à la fois (Sweet and Fortier 2010). De plus, les interventions combinées ont le désavantage de limiter nos connaissances quant aux effets spécifiques de l’activité physique sur diverses issues de grossesse, car il devient difficile de distinguer la part des effets dus à chacune des composantes de l’intervention.