• Aucun résultat trouvé

Chapitre 9. Implications et perspectives des travaux

9.2 Forces et faiblesse des travaux

9.2.1 Forces

La principale force de la présente thèse réside dans l’approche de recherche relativement complète qui a été adoptée, incluant une revue systématique de la littérature, des études observationnelles prospectives et une étude d’intervention randomisée, ce qui a permis de profiter de la complémentarité de ces différents devis de recherche.

Notre revue systématique de la littérature se démarque de par l’inclusion d’analyses visant à caractériser précisément comment différentes expositions d’activité physique influencent le poids de naissance et les autres paramètres de croissance fœtale. Ainsi, nous avons tenté d’examiner l’effet du contexte, de l’intensité, du volume, du trimestre et des modalités de mesure de l’activité physique maternelle dans l’association entre l’activité physique maternelle et les mesures de croissance à la naissance. À notre connaissance, un tel exercice n’avait pas été entrepris auparavant.

Dans le cas de l’étude de cohorte 3D, la caractérisation précise de la population à l’étude et des niveaux d’activité physique à chaque trimestre à l’aide d’un questionnaire validé constitue la principale force de l’étude. À notre connaissance, une telle évaluation prospective des niveaux d’activité physique à chaque trimestre de la grossesse dans une population québécoise n’était pas disponible avant cette étude. L’inclusion de femmes présentant certaines complications de grossesse dans nos analyses contribue également à l’originalité de ce travail. Comme la revue systématique nous avait permis de constater que peu d’études observationnelles avaient mesuré l’activité physique maternelle de façon prospective et à chaque trimestre, que la majorité des études disponibles n’utilisaient pas un questionnaire validé pour la grossesse, que les femmes à risque de complications étaient souvent sous-représentées ou exclues des analyses et que dans plusieurs cas, les analyses ne tenaient pas compte de variables confondantes importantes, nous avons tenté de combler ces lacunes avec les données de la cohorte 3D.

179

Notre seconde étude de cohorte, bien que de plus faible taille que la cohorte 3D, présente néanmoins des atouts méthodologiques non négligeables, à savoir une mesure objective de la pratique d’activité physique maternelle ainsi qu’une mesure de la composition corporelle chez le nouveau-né par DEXA. Tel que mis en évidence dans la revue systématique, très peu de données sont disponibles quant à l’association entre l’activité physique maternelle et la composition corporelle du nouveau-né. À notre connaissance, il s’agit de la 1ère étude qui combine une mesure de l’activité physique maternelle par accélérométrie à une mesure de

composition corporelle néonatale évaluée par DEXA. Bien que certaines études aient fait état d’une surestimation possible de l’adiposité chez le nouveau-né avec la méthode DEXA (Demerath and Fields, 2014), il s’agit de la seule méthode permettant une évaluation concomitante de la masse grasse, de la masse maigre et de la masse osseuse, d’où notre intérêt envers cette méthode.

Finalement, notre essai randomisé chez les femmes obèses comporte également plusieurs forces, dont la mesure objective des niveaux d’activité physique et de la condition physique avant et après l’intervention dans les groupes de femmes enceintes avec et sans intervention. Par ailleurs, il s’agit de la première étude réalisée durant la grossesse chez des femmes obèses avec une mesure de la rétention des acquis en termes de pratique d’activité physique après la fin de l’intervention.

9.2.2 Faiblesses

Malgré leurs forces, les travaux de la présente thèse comportent certaines faiblesses. De façon générale, les résultats des travaux présentés dans le cadre de cette thèse pourraient ne pas s’appliquer à toutes les populations de femmes enceintes. En effet, il est possible que les échantillons étudiés représentent les femmes enceintes ayant le plus grand intérêt ou bien la plus grande motivation face à l’activité physique durant la grossesse. De plus, la majorité des femmes incluses dans ces travaux présentaient une grossesse à faible risque.

Dans le cas de la revue systématique et des études de cohorte, la principale faiblesse concerne la nature observationnelle des études, qui ne permet pas de confirmer la présence d’une relation causale entre la pratique d’activité physique maternelle et les effets observés sur les paramètres anthropométriques du nouveau-né. Dans le cas de la cohorte 3D, il importe également de souligner l’usage d’une mesure auto- rapportée de la pratique d’activité physique ainsi que la fréquence importante de données manquantes dans notre échantillon. Néanmoins, le questionnaire utilisé a été validé chez les femmes enceintes (Chasan-Taber et al. 2004; Chandonnet et al. 2012) et les méthodes statistiques employées pour gérer les données manquantes nous permettent de défendre la validité de nos résultats (Sterne et al. 2009).

180

Les données nutritionnelles obtenues à l’aide du questionnaire de fréquence alimentaire dans l’étude Inter GO FIT et la cohorte avec DEXA sont des données auto-rapportées, sujettes à un certain biais relatif à une sous- estimation des apports réels (Thompson et al. 2015). Cependant, ces questionnaires sont peu dispendieux, faciles à administrer, ne sont pas affectés par une réactivité à la mesure (comparativement aux journaux alimentaires, où les individus peuvent chercher à contrôler leur alimentation en période d’évaluation) et ne sont pas affectés par les variations quotidiennes de la diète (comparativement aux rappels de 24h). Par ailleurs, tous les outils qui évaluent la nutrition de façon auto-rapportée sont susceptibles d’être affectés par le biais de sous-estimation des apports réels. De plus, les mesures objectives comme l’observation directe ou l’usage de biomarqueurs n’étaient pas possibles, et dans le cas des biomarqueurs peu appropriés étant donné le gain de poids dû à la grossesse (Thompson et al. 2015). Bien que le rappel de 24h soit considéré comme l’outil auto-rapporté le moins biaisé et le plus approprié dans bien des cas, la répétition de plusieurs rappels est souhaitable pour limiter la variabilité quotidienne (Thompson et al. 2015). Nous avons donc optés pour le questionnaire de fréquence alimentaire, puisqu’une seule mesure était suffisante pour refléter la diète habituelle des participantes.

Finalement, dans le cadre de l’étude Inter GO FIT et de l’étude de cohorte avec mesure objective de l’activité physique, l’usage d’un critère de classification de l’intensité de l’activité physique développé auprès de populations non enceintes pourrait avoir induit un certain niveau d’erreur dans nos mesures d’activité physique. Comme plusieurs des critères ont été validés à partir de mesures de consommation d’oxygène d’hommes et de femmes qui ne sont pas enceintes lors de diverses activités (Freedson et al. 1998; Hendelman et al. 2000; Swartz et al. 2000) et que la consommation d’oxygène des femmes enceintes lors de ces activités s’avère différente (Campbell et al. 2012), il est possible que l’intensité des activités mesurées ait été sur- ou sous-estimée. Néanmoins, aucun des critères actuellement disponibles n’a été spécifiquement développé auprès de femmes enceintes, et nos données obtenues par questionnaire corroborent celles obtenues par accélérométrie. Il importe aussi de mentionner que l’exclusion des données d’accélérométrie lorsque le temps de port est insuffisant augmente la proportion de données manquantes et peut, par conséquent, limiter la puissance statistique. Considérant la surestimation possible des niveaux d’activité physique avec les outils de mesure auto-rapportée (Adams et al. 2005), une mesure objective demeure malgré tout préférable à une mesure d’activité physique auto-rapportée, mais peut être complémentée par celle-ci.

9.3 Recommandations futures

Pratiquement, les constats qui émanent des travaux de la présente thèse pourraient se traduire par les recommandations suivantes :

181

1) En recherche, une définition et une mesure précises de l’activité physique maternelle en termes de volume, type, intensité et moment d’exposition s’avèrent primordiales à l’étude de ses effets sur la croissance fœtale.

En somme, les travaux présentés ici ainsi que certains travaux réalisés antérieurement (par Clapp et collègues, entre autres) soulignent l’importance d’intégrer l’ensemble des paramètres d’activité physique (FITTT, ou Fréquence, Intensité, Temps, Type, et Trimestre) et les caractéristiques maternelles (complication, condition physique, alimentation, etc.) afin de déterminer l’effet de l’activité physique maternelle sur la croissance fœtale. Chacun de ces éléments peut influencer différemment la croissance fœtale et interagir l’un avec l’autre pour modifier l’effet final observé au niveau du poids et de la composition corporelle à la naissance.

2) Des études supplémentaires sont nécessaires afin d’approfondir nos connaissances concernant les effets de l’activité physique maternelle sur la croissance fœtale et postnatale.

À la lumière des données présentées dans cette thèse, il apparaît nécessaire de réaliser d’autres études afin de confirmer et d’approfondir nos connaissances des effets de l’activité physique maternelle sur la composition corporelle du nouveau-né, d’évaluer les effets à long terme de l’activité physique maternelle sur la croissance et le métabolisme de l’enfant et d’identifier la limite à ne pas dépasser en termes de volume d’activité physique maternelle durant la grossesse dans différentes populations. Des efforts importants devraient être mis de l’avant afin de répondre à ces questions tant chez les femmes enceintes à faible risque obstétrical que chez les sous-groupes de femmes à risque ou avec des complications de grossesse.

3) En clinique, une prescription d’exercice durant la grossesse ayant comme objectif d’optimiser la croissance fœtale devrait prendre en considération le risque de complications et les caractéristiques de la mère.

Bien qu’incomplète, notre compréhension actuelle des effets de l’activité physique maternelle sur la croissance fœtale et sur d’autres issues de grossesse suggère fortement qu’une prescription d’activité physique durant la grossesse ayant une approche « one size fits all » n’est pas adéquate. Néanmoins, avant de pouvoir raffiner et adapter les recommandations en matière d’activité physique durant la grossesse à diverses populations, une meilleure connaissance des effets à long terme de la pratique d’activité physique prénatale est requise. Tel que mentionné précédemment, les changements observés au niveau de la composition corporelle et du poids du nouveau-né pourraient s’avérer bénéfiques parmi certaines populations, alors qu’ils pourraient être néfastes parmi d’autres.

182

9.4 Perspectives et conclusion

À l’origine, notre intérêt envers l’étude des effets de l’activité physique durant la grossesse sur la croissance fœtale était motivé d’une part par l’importance du poids de naissance et de ses mesures dérivées comme indicateurs du risque de santé à long terme de l’enfant, et d’autre part par la possibilité qu’un mode de vie actif durant la grossesse pourrait contribuer à optimiser la santé des générations à venir. De plus, compte tenu du risque élevé d’issues de grossesse néfastes chez les femmes souffrant d’obésité, du haut taux d’obésité chez les femmes enceintes et en âge de procréer, des niveaux d’activité physique réduits et souvent insuffisants dans cette population et du peu de connaissances quant aux effets de l’activité physique chez les femmes enceintes obèses, l’étude du potentiel de l’activité physique à améliorer divers paramètres de santé dans cette population spécifique nous apparaissait nécessaire.

Malgré la reconnaissance du fait que la poursuite d’un mode de vie actif durant la grossesse est bénéfique pour la santé maternelle et fœtale, reconnaissance qui se traduit par l’existence de recommandations spécifiques à cet égard, et que l’obésité est un enjeu de santé publique majeur, il est assez surprenant de constater que les effets de l’activité physique maternelle sur la croissance fœtale et le risque subséquent d’obésité sont encore méconnus. La difficulté qu’ont les différents outils de mesure disponibles à bien capter les subtilités et les différents paramètres qui définissent la pratique d’activité physique durant la grossesse apparaît comme un des facteurs ayant pu contribuer à limiter nos connaissances à ce sujet. Le fait de considérer la pratique d’activité physique comme une variable unique, sans distinction adéquate du volume ou de l’intensité, pourrait également être en cause, comme le suggèrent les résultats de la présente thèse. Chez les femmes enceintes obèses, la mise en place de stratégies d’intervention efficaces visant à augmenter les niveaux d’activité physique est également limitée par le manque de données concernant les caractéristiques des interventions qui favorisent le comportement souhaité et leurs effets sur la santé de l’enfant. Bien sûr, l’aspect économique apparaît également comme un facteur limitant dans l’implantation de programmes de santé publique visant ces femmes. Ainsi, comme nous avons montré qu’il est possible d’améliorer les niveaux d’activité physique chez les femmes enceintes obèses via une intervention supervisée, les prochaines étapes logiques seraient d’une part d’évaluer les effets de ce changement des niveaux d’activité physique sur la croissance fœtale et de l’enfant à long terme, et d’autre part d’évaluer le rapport coût- bénéfice d’une telle intervention. Certaines études suggèrent que l’activité physique chez les femmes obèses n’est pas suffisante pour contrecarrer les effets délétères de l’obésité maternelle sur la croissance fœtale (Catalano and de Mouzon 2015; Badon et al. 2016), mais les effets à long terme au niveau de la croissance et du métabolisme de l’enfant n’ont pas été investigués. Il apparaît donc impératif de vérifier s’il est possible de normaliser les paramètres métaboliques et épigénétiques maternels associés à l’obésité qui pourraient altérer