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Importance de l’intensité de l’activité physique maternelle

Chapitre 9. Implications et perspectives des travaux

9.1 Constats généraux

9.1.2 Importance de l’intensité de l’activité physique maternelle

Dans un deuxième temps, nous avons mis en évidence l’importance de distinguer l’intensité de l’activité physique lorsque l’on s’intéresse à la croissance fœtale. En effet, grâce à une mesure objective de l’activité physique maternelle, nous avons montré que le poids des nouveau-nés de femmes pratiquant uniquement des activités physiques d’intensité modérée tendait à augmenter avec l’augmentation de la durée quotidienne de ces activités, ce qui n’était pas observé chez les femmes pratiquant aussi des activités d’intensité élevée. Cependant, pour un même volume d’activité physique d’intensité modérée, les femmes qui pratiquaient des activités physiques d’intensité élevée donnaient naissance à des nouveau-nés de poids diminué comparativement aux femmes qui ne faisaient pas d’activité physique d’intensité élevée. Cette différence de poids semble également dépendante du volume total d’activité physique, puisqu’un niveau minimum d’activité physique d’intensité modérée devait être atteint pour que la différence au niveau du poids du nouveau-né soit significative entre les deux groupes de femmes. Parmi les femmes les plus actives, c’est-à-dire ayant une pratique d’activité physique d’intensité modérée égale ou supérieure à 112 minutes par jour, cette différence dépassait les 300 g, alors qu’elle était d’environ 200 g parmi les femmes modérément actives. Cependant, chez les femmes les moins actives, c’est-à-dire ayant une pratique d’activité physique d’intensité modérée

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égale ou inférieure à 66 minutes par jour, la différence de 96 g au niveau du poids du nouveau-né entre les femmes pratiquant et ne pratiquant pas d’activités d’intensité vigoureuse n’était pas significative.

Les résultats de la cohorte 3D corroborent également l’importance de l’intensité de l’activité physique dans la relation avec le poids de naissance, l’activité physique d’intensité vigoureuse auto-rapportée au 1er trimestre

étant associée à une diminution du poids de naissance chez les femmes qui développent une pré-éclampsie. De plus, l’activité physique de type sports et exercice, soit une combinaison d’activité physique d’intensité modérée et vigoureuse, était également associée à une diminution du poids de naissance dans l’ensemble de la cohorte.

Les deux études précédemment citées nous ont également permis de constater qu’une proportion importante de femmes enceintes s’adonnent dans une mesure plus ou moins importante à de l’activité physique d’intensité élevée, particulièrement en début de grossesse. En effet, les niveaux observés dans nos deux cohortes (~35% dans la cohorte 3D et 48% dans la cohorte avec mesure objective) semblent confirmer la prévalence importante de ce comportement (Duncombe et al. 2006; Jukic et al. 2012), particulièrement dans les populations de femmes pouvant être considérées comme très actives. Une meilleure connaissance des effets à court et à long terme de l’activité physique d’intensité vigoureuse durant la grossesse sur la croissance et le développement de l’enfant s’avère donc nécessaire afin de conseiller adéquatement les femmes susceptibles de pratiquer des activités physiques vigoureuses, en tenant compte d’évidences scientifiques robustes.

Nos résultats suggèrent également que l’adiposité du nouveau-né est particulièrement sensible à l’activité physique d’intensité élevée, alors qu’elle ne semble pas influencée par l’activité physique d’intensité modérée. Effectivement, tel que mentionné dans le second constat général, la diminution du poids de naissance observée avec la pratique d’activité physique vigoureuse semble résulter principalement d’une diminution de l’adiposité du nouveau-né, puisque nous avons observé une diminution importante de la masse grasse et du pourcentage de gras chez les nouveau-nés exposés à l’activité physique d’intensité élevée, comparativement aux nouveau-nés non-exposés. L’activité physique d’intensité modérée n’était pour sa part pas associée à ces paramètres de croissance.

Contrairement à l’adiposité néonatale, la masse maigre du nouveau-né semble peu sensible à la pratique d’activité physique maternelle avant la mi-grossesse. En effet, nous avons seulement observé une association positive entre le temps passé en activité physique d’intensité modérée en fin de grossesse et ce paramètre néonatal. Devant le faible nombre de femmes ayant pratiqué des activités vigoureuses à cette période, nous n’avons cependant pas pu tester la présence d’une interaction entre l’activité physique d’intensité modérée et la pratique d’activité physique vigoureuse en fin de grossesse. De tels résultats sont donc à confirmer, d’autant

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plus que les données de Clapp et Capeless (Clapp and Capeless 1990) ainsi que de Harrod et collègues (Harrod et al. 2014a) n’ont pas montré d’association entre la pratique d’activité physique maternelle et la masse maigre du nouveau-né. Cette différence pourrait toutefois s’expliquer par l’usage d’outils de mesure de l’activité physique différents dans ces études, ainsi que par l’absence de différenciation entre activité physique d’intensité modérée et vigoureuse.

Finalement, l’activité physique maternelle d’intensité vigoureuse pourrait être associée à une diminution du contenu minéral osseux néonatal lorsqu’un volume élevé d’activité physique d’intensité modérée est également présent en début de grossesse, sans toutefois influencer la densité osseuse. En effet, comparativement aux nouveau-nés exposés uniquement à de l’activité physique d’intensité modérée, les nouveau-nés exposés conjointement à de l’activité physique d’intensité élevée et à un haut volume d’activité physique d’intensité modérée présentaient une masse osseuse inférieure d’environ 5.4 g. La différence observée avec des niveaux modérés (90 minutes par jour) et faibles (66 minutes par jour) d’activité physique d’intensité modérée n’était cependant pas significative.

Précédemment, des mesures subjectives d’activité physique d’intensité élevée en fin de grossesse ont été associées à une diminution du contenu et/ou de la densité osseuse chez le nouveau-né (Godfrey et al. 2001; Harvey et al. 2010). Toutefois, nos données sont les premières à montrer cette association en incluant une mesure objective de la pratique d’activité physique et en ajustant les analyses pour différentes variables confondantes dont la densité osseuse maternelle, l’apport calorique maternel et la prise de suppléments (multivitamines et minéraux).

Globalement, l’ensemble de ces résultats suggère que l’activité physique maternelle pourrait influencer le développement osseux du fœtus, bien que les mécanismes expliquant un tel phénomène demeurent nébuleux. Une diminution de l’apport en calcium et autres minéraux vers le fœtus pourrait être en cause, soit via les diminutions transitoires du débit sanguin vers le fœtus lors de l’exercice, via des modifications fonctionnelles au niveau du transport placentaire des minéraux et/ou via une diminution de la disponibilité des minéraux conséquente à un remodelage osseux favorisant la minéralisation chez la mère active. Cette dernière hypothèse est d’ailleurs supportée par les résultats d’une étude comparant le changement de densité osseuse en cours de grossesse chez des femmes très actives et plutôt sédentaires. En effet, chez les femmes très actives, la densité osseuse a très peu diminué en cours de grossesse, comparativement à celle des femmes peu actives (To et al. 2012).

En bref, notre étude observationnelle avec mesure objective de l’activité physique chez des femmes enceintes en santé nous a permis de montrer que l’activité physique d’intensité élevée limite l’adiposité néonatale indépendamment de l’IMC maternel, et réduit légèrement le contenu minéral osseux du nouveau-né lorsque le

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volume d’activité modérée associée est important. Une telle réduction de l’adiposité néonatale pourrait s’avérer bénéfique, particulièrement chez les nouveau-nés exposés à un environnement obésogène (par ex. diabète gestationnel, obésité maternelle), mais pourrait également être délétère dans d’autres circonstances telles que la présence d’une restriction calorique sévère, de pathologies affectant la croissance fœtale et/ou d’un niveau d’activité physique excessivement élevé. Concernant ce dernier point, le volume maximal d’activité physique maternelle au-delà duquel la croissance fœtale pourrait être compromise n’a pas encore été clairement identifié. Bien que la majorité des femmes enceintes soient plutôt insuffisamment actives (Gaston and Vamos 2013), l’identification de ce seuil supérieur d’activité physique semble nécessaire pour assurer la sécurité du fœtus chez les femmes enceintes très actives. Des études de suivi chez l’enfant s’avèrent donc nécessaires afin de s’assurer de l’innocuité des associations que nous avons observées et de déterminer la signification à long terme de ces changements sur la santé et le développement de l’enfant. Les résultats de notre étude avec mesure objective de l’activité physique supportent partiellement l’hypothèse émise par Sparks dans sa revue portant sur la croissance fœtale, où il suggère que la masse grasse néonatale est plus fortement influencée par l’environnement intra-utérin, alors que la masse maigre semble plus dépendante de facteurs génétiques (Sparks 1984). Mis à part l’activité physique, d’autres stimuli qui affectent le milieu intra-utérin semblent également davantage susceptibles d’influencer l’adiposité fœtale plutôt que la masse maigre. En effet, la comparaison de la composition corporelle des nouveau-nés de mères avec et sans diabète gestationnel suggère une masse maigre similaire entre les groupes de nouveau-nés, alors que l’adiposité est accrue chez les nouveau-nés exposés au diabète gestationnel (Catalano et al. 2003). De manière similaire, chez des nouveau-nés de femmes sans diabète gestationnel, la masse maigre néonatale ne semble pas influencée par l’obésité maternelle, alors que la masse grasse est significativement augmentée chez les nouveau-nés exposés à l’obésité maternelle (Sewell et al. 2006). Néanmoins, l’hypothèse de Sparks semble tout de même avoir des limites, particulièrement dans le cas de conditions prénatales délétères chroniques et sévères. Par exemple, certains travaux font état d’une réduction de la masse maigre chez les nouveau-nés présentant un retard de croissance intra-utérin comparativement aux nouveau-nés de poids approprié, bien que cette diminution soit proportionnellement moindre que celle observée au niveau de la masse grasse (Verkauskiene et al. 2007). De plus, certaines études chez l’animal suggèrent des altérations au niveau de l’histologie et du métabolisme musculaires en réponse à l’environnement intra-utérin (Bayol et al. 2005; Zhu et al. 2008), bien que de tels effets restent encore à confirmer chez l’humain. Quoi qu’il en soit, ces altérations indésirables au niveau de la masse musculaire néonatale semblent survenir en réponse à une exposition chronique à différents stimuli tels que l’obésité maternelle ou une insuffisance placentaire. Comme nous avons trouvé une association positive entre la pratique d’activité physique d’intensité modérée en fin de grossesse et la masse maigre du nouveau-né, il semble donc qu’un stimulus intermittent comme l’exercice maternel puisse engendrer des adaptations positives au niveau de la masse musculaire néonatale. Une autre

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étude avait d’ailleurs précédemment observé une association positive entre l’activité physique maternelle mesurée objectivement à 28-32 semaines de gestation et la masse maigre du nouveau-né à 11-19 semaines de vie (Pomeroy et al. 2013). Ainsi, il semblerait que la masse maigre et la masse grasse fœtales soient toutes deux sensibles à la pratique d’activité physique maternelle, mais de façon distincte.

9.1.3 Importance de la période gestationnelle où l’activité physique maternelle est