catalysés par des complexes du cuivre
I) Historique des couplages C-Hét et C-C catalysés par des complexes du cuivre 60
II.4) Importance du choix du ligand: chimiosélectivité des systèmes catalytiques
Comme on l’a vu précédemment, un large éventail de ligands peut être utilisé en vue d’obtenir des catalyseurs cuivrés actifs. Deux familles de ligands sont plus particulièrement utilisées ces dernières années car possédant des propriétés conjuguées relativement intéressantes: il s’agit des ligands neutres dérivés de la phénanthroline (ligands (N,N) de type L2 en nomenclature de Green) et des ligands anioniques conjugués de type 1,3-‐dicétonate (de type LX).
Ces familles de ligands ont déjà montré séparément leur grande ef]icacité dans les réactions de couplage C-‐O et C-‐N. Cependant, Buchwald a récemment montré qu’il était possible de contrôler la chimiosélectivité de l’arylation d’aminoalcools en utilisant l’un ou l’autre de ces ligands:88b
I
Br H2N
HO
5 mol% CuI, 10 mol% L2 200 mol% Cs2CO3
PhMe, 3A MS, 90°C, 16h 5 mol% CuI, 20 mol% L1
200 mol% Cs2CO3 DMF, rt, 7h Br O NH2 Br HN OH 97% 86% L1 = L2 = O iPr O N N
Schéma 2.24: chimiosélectivité (aminoarylation/alkoxyarylation) induite par le ligand.
III) Etudes mécanistiques des couplages C-O et C-N cuprocatalysés: état de l’art
III.1) Premières études: le problème du degré d’oxydation de l’espèce active
Le cuivre possédant trois degrés d’oxydation stables courants en chimie organique (0, +I et +II100) qui peuvent être impliqués dans des équilibres d’oxydoréduction, le problème de savoir quel est le degré d’oxydation de l’espèce active en catalyse est incontournable.
Dès 1987, les travaux de Paine101 tendent à présenter le cuivre (I) de manière générale comme étant le degré d’oxydation du catalyseur actif dans les réactions d’amination, s’appuyant sur une étude méthodologique utilisant des amidures lithiées comme réactifs azotés. Il est montré dans cette étude que les complexes du cuivre (II), trop oxydants, aboutissent à une oxydation PARTIE II - CHAPITRE II
100 On dénombre également deux autres degrés d’oxydation hautement réactifs: le degré +III et, de manière plus anecdotique, le degré +IV. Le degré +III est très rarement observé dans des composés stables (quelques systèmes protéiques le stabilisent, voir McDonald, M.R.; Fredericks, F.C.; Margerum, D.W. Inorg. Chem. 1997, 36, 3119-‐3124). Le degré +IV est obtenu en synthèse inorganique en milieu oxydant: voir Holleman, A. F.; Wiberg, N.
Inorganic Chemistry, San Diego, Academic Press, 2001. 101 Paine, A.J. J. Am. Chem. Soc. 1987, 109, 1496
stœchiométrique à température ambiante des amidures utilisées en hydrazines correspondantes:
Cu2+ + Ph2NLi Cu+ + Li+ + 1/2 Ph2N-NPh2
Schéma 2.25: réduction du précurseur Cu(II) par le nucléophile
Le potentiel catalytique du cuivre (0), dans les conditions utilisées par les mêmes auteurs, a été lui aussi réfuté du fait de la présence d’une couche super]icielle d’oxyde cuivreux Cu2O rendant la surface métallique inaccessible aux espèces en solution à l’échelle de temps de la réaction. Les auteurs ont également montré que, lorsque du cuivre métallique pur était employé comme précurseur métallique, une quantité notable d’oxyde cuivreux était récupérée lors du traitement ]inal, tendant ainsi à prouver que le cuivre (0) doit subir une oxydation préalable en cuivre (I) pour donner une espèce active en catalyse. Il a notamment été montré par Jutand que des complexes précurseurs à base de cuivre (0) activent les halogénures aromatiques par transfert d’électron pour générer in situ un complexe de cuivre (I) actif en catalyse:102
Cu
0+ phen Cu
I(phen)S
2+1/2 ArX 1/2 (Ar
—+ X
—)
X = I, Br; S = acétonitrile
/
ArX
•—Schéma 2.26: oxydation du précurseur Cu(0) par l’halogénure aromatique
De même, lorsqu’un précurseur de cuivre (II) est employé, ce dernier subit une réduction in situ par le nucléophile pour fournir un complexe de cuivre (I).103
De nombreuses autres études dont les résultats sont présentés ci-‐après corroborent l’hypothèse selon laquelle le cuivre (I) est l’espèce active en catalyse. C’est plus précisément la réactivité de complexes de cuivre (I) complexés par des ligands diammine (N,N) ou par des ligands de type 1,3-‐dicétonate (O,O—) qui a été étudiée.
III.2) Etude mécanistique de couplages C-‐N et C-‐O catalysés par des complexes de cuivre
(I) associés à des ligands neutres de type (N,N)
III.2.a) Etude du couplage C-N
III.2.a.1) Quelle espèce active ?
Le système suivant a été étudié par Hartwig en 2008:104
Ar-X + HNRR' Ar-NRR' CuI
cat, L, K3PO4
DMSO, 120°C 84-98%
Il a été montré que trois complexes de cuivre (I) sont alors en équilibre: l’un, anionique et symétrique, contenant deux ligands imidate ou amidate; l’un, neutre et contenant un ligand (N,N); et l’autre, cationique et se comportant comme source de ligand (N,N):
Cu N N N N N Cu N R R O R1 O R1 K1 Cu N R N N O R1 2
R = alkyl, alkylaryl; R1 = alkyl, acylaryl; = phen, dmeda, bpyN N
Schéma 2.28: complexes en équilibre correspondant au système décrit au schéma précédent.
Le complexe majoritaire est bien souvent le complexe symétrique anionique, la concentration en amide [RNHCOR1] étant toujours supérieure à la concentration en ligand.
Le complexe anionique symétrique [CuI-‐(NRR’)2—] (synthétisé seul et associé au contre-‐cation
n-‐Bu4N+) n’a montré aucune activité catalytique: l’espèce active est donc identi]iée comme étant le complexe neutre [(N,N)CuI-‐NRR’], en équilibre avec le complexe symétrique (schéma 2.28):
Cu N R N N O R1 Ar-I k2 N Ar R R1 O sous-produits cuivrés actif N Cu N R R O R1 O R1 inactif Ar-I
X
n-Bu4N+ ,Schéma 2.29: un seul complexe réactif parmi les deux complexes ligandés par le nucléophile.
Des études ont été également effectuées par Buchwald et Blackmond qui parviennent aux mêmes conclusions par une analyse cinétique et microcalorimétrique des systèmes {cuivre (I)/ amidate/ligand datif (N,N)}.105 Ainsi, dans le cas où le ligand utilisé est un ligand datif (N,N), il est généralement admis que le catalyseur actif est un complexe neutre de type [(N,N)CuI-‐Nu] où Nu— est la forme déprotonnée du nucléophile utilisé.
Toutefois, il faut préciser que les études proposées par Hartwig ne font apparaître aucune caractérisation in situ des complexes réactifs dans les conditions de la réaction de couplage catalytique: en effet, les complexes présentés au schéma 2.29 sont synthétisés séparément puis leur réactivité est testée vis-‐à-‐vis de divers substrats.
PARTIE II - CHAPITRE II
III.2.a.2) Quel mécanisme ?
Plusieurs possibilités théoriques sont envisageables à ce stade en ce qui concerne l’activation d’un halogénure aromatique (noté Ar-‐X) par un complexe de type [LCuI-‐NHR] comme le montre l’arborescence ci-‐dessous.106
(N,N)CuI-NHR
add. ox.
!-bond metathesis
("SNAr") Iodine Atom Transfer
(IAT)
Single Electron Transfer (SET) Ph-I Ph-CuIII(N,N)-NHR (N,N)CuII-NHR + Ph I (N,N)CuII-NHR+ + PhI (N,N)CuI NHR I él. réd. PhNHR
via Ph• qui se lie au cuivre
via Ph• qui se lie directement à l'azote
I
Schéma 2.30: quatre types de mécanismes d’activation des halogénures aromatiques par des complexes de type [(N,N)CuI-NHR].
Différentes études prennent parti pour l’une ou l’autre de ces voies et sont présentées ci-‐après.
♦ III.2.a.2.i) activation par transfert d’électron (Single Electron Transfer ou SET)
De nombreux arguments dans la littérature rejettent l’hypothèse d’un transfert d’électron par sphère externe.
Hartwig publie notamment104 une étude comparative de la réactivité de substrats aromatiques portant un groupe partant différent (chlorures, bromures, ou tosylates) mais qui possèdent des potentiels de réduction similaires. Pour des substrats possédant des potentiels de réduction relativement proches, une différence totale de réactivité est observée. Ainsi, le 4-‐ chlorobenzonitrile (dont le potentiel de réduction est de -‐2,03 V / SCE) ne donne aucun couplage avec la pyrrolidinone dans les conditions décrites dans le schéma 2.27, alors que le 2-‐ bromonaphtalène (qui se réduit à un potentiel de -‐2,17 V / SCE) fournit 97% du produit de PARTIE II - CHAPITRE II
L’hypothèse du transfert électronique par sphère externe est également contestée dans le même article car, si ce mode d’activation était privilégié, il aboutirait à la formation de radicaux carbonés libres: or, lorsqu’un substrat de type o-‐(allyloxy)iodobenzène (produit de la famille «radical clock», capable de donner des réactions de cyclisation radicalaire) est soumis aux conditions de couplage décrites au schéma 2.27, aucune trace de produit de cyclisation radicalaire n’est observée (voir schéma 2.31):
I O O X N O O pyrrolidinone, K3PO4, CuI 10 mol%, phen 20 mol% DMSO, 110°C, 20h 99% O • 5-exo-trig voie B voie A LCuINu LCuIINu
+
LCuIINu+
LCuI+
L = phen; Nu— = N — O 5-exo-trigSchéma 2.31: absence de cyclisation «clock» dans les systèmes étudiés par Hartwig.
Le clivage homolytique de la liaison C-‐I dans ce type de substrat est connu pour donner, via la formation du carboradical correspondant, des réactions de cyclisation 5-‐exo-‐trig favorisées cinétiquement d’après les règles de Baldwin-‐Beckwith:107 l’absence de produit de cyclisation et la formation quantitative de produit de couplage C-‐N impliquerait, dans l’hypothèse de la formation d’un carboradical libre, que la recombinaison de ce carboradical avec le nucléophile azoté (voie B) se déroule avec une vitesse supérieure à 1012 s-‐1, ce qui paraît peu probable. Ainsi, le produit de couplage C-‐N semble plutôt se former par la voie A du schéma 2.31, sans passage par un carboradical.108
Néanmoins, la possibilité d’un mécanisme de transfert électronique par sphère externe, plus récemment, a été proposée dans une étude théorique (modélisations par DFT) de Buchwald et Houk109 sur le système suivant:
Me-NH2 + Ph-I MeNH-Ph
CuI cat, batphen Cs2CO3 2équiv, DMF RT, 7h N N batphen =
L
L
Schéma 2.32: système étudié par Houk et Buchwald.
Il apparaît que lorsque le cuivre est complexé par un ligand (N,N) comme la tétraméthylphénanthroline, le mécanisme le moins énergétique utilisant comme réactif modèle PARTIE II - CHAPITRE II
107 La vitesse de cyclisation de ce carboradical a été évaluée dans le DMSO à 9,6.109 s-‐1 ; voir notamment Abeywickrema, A. N.; Beckwith, A. L. J. Chem. Commun. 1986, 60, 464; et Annunziata, A.; Galli, C.; Marinelli, M.; Pau, T. Eur. J. Org. Chem. 2001, 1323.
108 Il convient toutefois de préciser que, lorsque des halogénures aromatiques de fort pouvoir oxydant sont utilisés, il devient thermodynamiquement possible de procéder à leur réduction par transfert monoélectronique en sphère externe. De telles observations ont été reportées par Hida en 1978 lors de l’étude de dérivés de la bromoanthraquinone (Arai, S.; Hida, M.; Yamaguchi, T. Bull. Chem. Soc. Jpn. 1978, 51, 277).
le complexe [(N,N)CuI-‐NHMe] a pour étape cinétiquement déterminante une réaction de transfert électronique par sphère externe (pour une énergie d’activation de 18,1 kcal.mol-‐1, plus faible que pour les autres voies décrites dans le schéma 2.30: 22,6 kcal.mol-‐1 pour le transfert d’atome, 33,9 kcal.mol-‐1 pour la métathèse de liaison σ, et 36,7 kcal.mol-‐1 pour la voie procédant par addition oxydante110).
Dans cette étude, les énergies d’activation n’ont pas été évaluées en caractérisant la structure des états de transition, mais en utilisant la théorie de Marcus-‐Hush appliquée dans le cas du transfert électronique par sphère externe.
Le processus catalytique proposé par les auteurs est donc le suivant, l’étape cinétiquement déterminante étant l’étape b (SET):
(N,N)CuII + MeNH2 (N,N)CuI-NHMe (N,N)CuII-NHMe+ + [PhI]• —
Cs2CO3 CsHCO3 PhI
(N,N)CuII-NHMe+ + Ph• + I— (N,N)CuI(NHPhMe)+ + I— (N,N)CuII + PhNHMe
a b
c d e
Schéma 2.33: couplage C-N procédant par SET selon Houk et Buchwald.
♦ III.2.a.2.ii) activation par addition oxydante111
L’activation des halogénures aromatiques par addition oxydante de complexes du cuivre (I) aboutit à la génération de composés organométalliques du cuivre (III), lesquels sont connus pour être hautement réactifs et dif]icilement isolables. Ainsi, la plupart des études étayant la thèse d’une activation par addition oxydante sont des études théoriques, où les systèmes catalytiques sont modélisés par DFT.
On peut néanmoins citer les travaux de Stahl112 concernant la réactivité des complexes arylcuivre (III): ce dernier a montré que de tels complexes, synthétisés séparément, étaient capables de réagir stœchiométriquement avec divers nucléophiles azotés pour générer les produits de couplage correspondants par élimination réductrice:
Schéma 2.34: synthèse stœchiométrique d’amines aromatiques par élimination réductrice sur des
Ainsi, s’il n’y a pas de preuve formelle de la formation de composés organométalliques du cuivre (III) lors des réactions de couplage C-‐N, il est prouvé que de tels complexes sont capables de créer une liaison C-‐N par élimination réductrice.
Une étude théorique vient étayer la possibilité d’un mécanisme d’activation de l’halogénure aromatique par addition oxydante et donc la formation d’un intermédiaire arylcuivre (III). Guo et Liu113 ont étudié d’un point de vue théorique le couplage C-‐N suivant: (analogue du système étudié par Hartwig présenté en III.2.a.1):
+ PhBr Ac-NHPh CuI cat, K3PO4, DMF, 110°C Ac-NH2 NH2 H2N Schéma 2.35
L’espèce active modèle proposée par les auteurs est le complexe [(N,N)CuI-‐(NHAc)], où AcNH— est la forme déprotonnée de l’amide nucléophile AcNH2.
Ce complexe est impliqué dans un processus d’activation du bromobenzène par addition oxydante avec une énergie d’activation calculée de l’ordre de 28,7 kcal.mol-‐1 (la séquence correspondante étant détaillée au schéma 2.36), suivie d’une élimination réductrice rapide (5,9 kcal.mol-‐1).
Schéma 2.36: séquence addition oxydante / élimination réductrice selon Guo et Liu.
L’hypothèse d’une activation par addition oxydante est également défendue par Hartwig, ce dernier obtenant par calcul théorique des énergies d’activation du même ordre de grandeur que celles présentées ci-‐dessus.104
III.2.b) Etude du couplage C-O
Peu de données mécanistiques concernant le couplage C-‐O catalysé par des complexes de type [(N,N)CuI] sont disponibles.
PARTIE II - CHAPITRE II
Deux études théoriques récentes visant notamment à rationnaliser la chimiosélectivité induite par le choix du ligand reportée par Buchwald et précédemment citée (II.4) proposent deux voies d’activation différentes pour ce couplage.
Dans les deux cas, par analogie avec le couplage C-‐N, le complexe actif est présenté comme un complexe neutre de cuivre (I) où le nucléophile anionique (alcoolate) est coordiné au cuivre:
(N,N)CuI-OR + Ar-X ?
III.2.b.1) Activation par transfert d’atome d’iode (IAT)
Il s’agit de la voie privilégiée par Houk et Buchwald109 concernant le couplage entre un alcool aliphatique et un iodoarène en présence de carbonate de césium. Le complexe intermédiaire est dans ce cas un complexe de cuivre (II) comme le montre le schéma 2.37. L’énergie d’activation de l’étape de transfert d’atome a été évaluée à 26,8 kcal.mol-‐1 (étape b).
(N,N)CuII + MeOH (N,N)CuI-OMe (N,N)CuII-OMe + Ph•
Cs2CO3 CsHCO3 PhI
(N,N)CuI(PhOMe) (N,N)CuII + PhOMe
a b
c d
I
I
Schéma 2.37: mécanisme de couplage C-O procédant par transfert d’atome (IAT).
III.2.b.2) Activation par addition oxydante:
L’activation par addition oxydante est quant à elle privilégiée par le groupe de Fu114 qui, dans l’étude de la réactivité d’aminoalcools,115 propose l’étape d’activation qui suit, d’énergie d’activation évaluée à 26,5 kcal.mol-‐1. La réaction étudiée est la réaction de O-‐arylation présentée au schéma 2.24, les auteurs utilisant la phénanthroline comme ligand modèle et l’iodobenzène comme substrat: CuI N N O CuI N N I NN CuIIIPh -3.8 16.6 22.7 8.7 E NH2 NH2 O Cu N N I NH2 O NH2 O I PARTIE II - CHAPITRE II
Hartwig soutient également, sur la base de calculs DFT et de l’absence de sous-‐produits qui indiqueraient une activation par transfert d’électrons,116 l’hypothèse d’une activation de l’haloarène par addition oxydante d’un complexe neutre de type [(N,N)CuI-‐OPh] dans le cas de l’étude de la synthèse de biaryléthers par couplage de phénolates alcalins et d’haloarènes117 (où (N,N) = phen, dmeda, dérivés de bipyridine, ...).
En]in, par analogie avec la réaction d’amination (schéma 2.34), Stahl a montré que des complexes arylcuivre (III) pouvaient donner lieu à des réactions de couplage C-‐O par réaction stœchiométrique avec des dérivés du phénol.118
III.3) Etude mécanistique de couplages C-‐O et C-‐N catalysés par des complexes du cuivre
(I) associés à des ligands anioniques (O,O
—) (1,3-‐dicétonate)
Les études mécanistiques de réactions où le cuivre est complexé par des ligands dicétonate (O,O—) sont relativement récentes. Comme précédemment, on distingue deux grands types de mécanismes: le transfert d’électron par sphère externe ou l’addition oxydante, mis en évidence notamment par des calculs DFT. Différentes études ont été publiées alors que nous avions déjà commencé à travailler sur le sujet ]in 2009.
Alors que les travaux publiés dans la littérature semblent s’accorder, dans le cas de l’utilisation de ligands datifs neutres (N,N), sur la nature de l’espèce active (complexe neutre de type [(N,N)CuI-‐Nu] où Nu— est la forme basique du nucléophile utilisé), la situation n’est pas aussi claire concernant l’étude des complexes précurseurs ligandés par des ligands anioniques (O,O—).
III.3.a) Activation par transfert d’électron par sphère externe (SET)
Il s’agit de l’hypothèse défendue par Houk et Buchwald109 concernant à la fois les processus de N-‐arylation et de O-‐arylation. Le mécanisme est similaire à celui présenté au schéma 2.33; le ligand utilisé ici étant l’acétylcyclohexanoate d’isopropyle (schéma 2.39).
CuI O O NHMe Cu I O O OMe
(O,O)CuII— + MeZH (O,O)CuI-ZMe— (O,O)CuII-ZMe+ [PhI]• —
Cs2CO3 CsHCO3 PhI
(O,O)CuII-ZMe + Ph• + I— (O,O)CuI(ZPhMe) + I— (O,O)CuII— + PhZMe
a b
c d e i)
ii) iii) iv)
O
iPr
O
Schéma 2.39: i) mécanisme d’activation par SET concernant la N- et la O-arylation, Z = NH ou O; ii) espèce active dans le cas de la N-arylation; iii) espèce active dans le cas de la O-arylation;
iv) ligand utilisé dans les deux cas.
PARTIE II - CHAPITRE II
116 voir III.2.a.2.i: des substrats de type «radical clock» ont été testés dans cette étude du couplage C-‐O et n’ont pas donné de produit de cyclisation radicalaire.
117 Tye, J.W.; Weng, Z.; Giri, R.; Hartwig, J.F. Angew. Chem. Int. Ed., 2010, 49, 2185
L’énergie d’activation de l’étape de transfert électronique (étape b dans le schéma 2.39.i) a été estimée à 11,4 kcal.mol-‐1 par la théorie de Marcus-‐Hush dans le cas du couplage C-‐N, et à 24,3 kcal.mol-‐1 par cette même théorie pour le couplage C-‐O.119
Le complexe actif modèle est dans les deux cas un complexe anionique de cuivre (I) de formule générique [LCuI-‐Nu—] (où Nu— est la forme déprotonnée de l’amine (schéma 2.39.ii) ou de l’alcool (schéma 2.39.iii) employé comme nucléophile).
Il s’agit de l’analogue anionique du complexe neutre [(N,N)CuI-‐Nu] étudié dans la partie précédente.
III.3.b) Activation par addition oxydante
Les calculs proposés par Fu114 aboutissent également, comme pour les complexes de type [(N,N)CuI-‐Nu] (III.2.b.2), à l’hypothèse d’une activation par addition oxydante pour l’étude de la réaction suivante: O O HO NH2 + PhI CuI cat , Cs2CO3, DMF, 25°C HO NHPh
Schéma 2.40: réaction-modèle étudiée en DFT par Fu.
Toutefois, le complexe réactif dans ce cas est différent de celui proposé par Houk et Buchwald, puisque le nucléophile se coordine au métal après l’étape d’addition oxydante (schéma 2.41):
CuI O O NH2 CuI O O I Cu O O I CuIII O O Ph I 0.0 4.1 13.8 2.4 E OH 18.2 O CuIII O Ph I H2N OH Ph NH OH CuI O O
Schéma 2.41: activation par addition oxydante (énergies en kcal.mol-1).
Zhang et Ding120 proposent quant à eux pour la réaction suivante (schéma 2.42.a) sur la base de modélisations DFT, la structure qui suit pour le complexe de cuivre (I) activant l’haloarène par addition oxydante (schéma 2.42.b):
a) + PhBr MeNH2 Ph-NHMe CuBr cat , Cs2CO3, DMF O O b) Cu O O I NH2R Schéma 2.42
Comme on peut le constater, la structure du complexe actif dans le cas de l’utilisation de ligands anioniques (O,O—) n’est pas encore clairement déterminée: le nucléophile (amine ou alcool) est-‐ il coordiné au métal avant l’activation de l’haloarène ? Y est-‐il sous forme anionique ou neutre ? Le cycle aromatique est-‐il lui même complexé sur le métal avant activation ?
L’utilisation de ces complexes [(O,O—)CuI], dans le cas où le ligand (O,O—) est un anion de 1,3-‐ dicétone, dans les réactions de couplages croisés C-‐O et C-‐N n’a jamais fait l’objet d’études expérimentales. Ceci a été étudié au laboratoire par voltammétrie cyclique et par modélisation DFT; les résultats expérimentaux sont présentés dans la partie IV ci-‐après.