Chapitre 3
«Rôle» du fer comme catalyseur de couplage C-N.
Chapitre 4
Etude mécanistique d’un couplage de Kochi entre un réactif de Grignard et un
halogénure d’aryle.
Chapitre 5
Etude du mécanisme d’une cyclisation radicalaire catalysée par le fer en
présence d’hydrures
L’utilisation du fer en catalyse homogène date des années 1970, avec les travaux de Kochi sur le couplage C-C entre un réactif de Grignard et un dérivé halogéné. La catalyse au fer a été également appliquée au milieu des années 2000 à la création de liaisons carbone-hétéroatome, plus particulièrement à la formation de liaisons C-N, avant que ne naisse une controverse sur le rôle joué par des contaminants des catalyseurs employés. Le chapitre 3 correspond à l’étude de la réactivité des complexes de fer dans ce type de couplage. Dans les chapitre 4 et 5 sont étudiées deux voies d’accès à la formation de liaisons C-C ferrocatalysées. L’étude du mécanisme du couplage de Kochi entre un réactif de Grignard et un halogénure aromatique est ainsi proposée, de même que l’étude mécanistique d’une cyclisation radicalaire catalysée par le fer en présence d’hydrures. En outre, la catalyse au fer possède un large spectre d’applications: on peut citer (entre autres) en synthèse organique les travaux de Ch. White sur l’activation C-H en milieu oxydant d’alcanes non activés, ainsi que les travaux de Carreira sur la cyclopropanation ferrocatalysée. La chimie du fer connait également un essor en ce qui concerne la catalyse de processus rédox, qu’ils soient biomimétiques (travaux de Fontecave sur la synthèse de complexes activant le dihydrogène) ou non (travaux de Beller sur l’oxydation de l’eau et de molécules organiques).136
PARTIE III
136 Pour une revue sur les différentes utilisations du fer en catalyse: Bolm, C.; Legros, J.; le Paih, J.; Zani, L. Chem.
Chapitre 3
«Rôle» du fer comme catalyseur de couplage C-N.
I) Etat de l’art
Mettre au point des systèmes catalytiques à base de complexes de fer est, comme la catalyse au cuivre, un enjeu dans la chimie des couplages carbone-‐hétéroatome. Si, comme on le verra dans le chapitre 5, l’utilisation de complexes de fer est une alternative non-‐polluante et non-‐toxique à la chimie de l’étain en synthèse radicalaire, le choix d’un catalyseur au fer dans la chimie des réactions de couplages croisés est également avantageux d’un point de vue économique. En effet, si les réactions d’amination d’Ullman (catalysées par le cuivre, voir chapitre 2) et de Buchwald-‐ Hartwig (amination palladocatalysée) possèdent un large spectre d’application, le coût des matières premières peut parfois s’avérer prohibitif, notamment face à un élément aussi abondant et bon marché que le fer (tableau 3.1):
Prix Abondance terrestre
Cu ~6000 € / tonne 75 ppm
Pd > 12000 € / kg 0,001 ppm
Fe ~150 € / tonne 70700 ppm
Tableau 3.1: coût et abondances comparés des métaux cuivre, palladium, et fer (avril 2012)
Dans cette optique, à partir de 2007, le groupe de Carsten Bolm en Allemagne a montré que le fer (III) ou le fer (II) associés à des ligands azotés neutres (N,N) était un précurseur ef]icace de catalyseur de carboamination entre différents nucléophiles azotés et des halogénures d’aryle (iodoarènes et bromoarènes). La réaction suivante a ainsi été reportée:137
Ar-X + N H N FeCl3 10 mol % dmeda 20 mol % K3PO4, toluène, 110°C, 24h N N Ar X = I: 46-87 % X = Br: 34-64 % MeHN NHMe dmeda
Schéma 3.2: arylation du pyrazole ferrocatalysée
Dès lors, d’autres articles, essentiellement de la même équipe, se sont succédé, montrant que l’on pouvait étendre cette méthodologie à des nucléophiles azotés variés, comme des PARTIE III - CHAPITRE III
arylamines,138 des amides,139 ou des dérivés de la morpholine;140 on reporte également un exemple de co-‐catalyse utilisant les complexes [Fe(acac)3] et [Cu2O] comme précurseurs.141
On peut préciser que d’autres familles de nucléophiles ont été employées avec succès par l’équipe de Bolm dans ce type de couplage: citons l’arylation de phénols,142 la synthèse de benzoxazoles,143 ou encore l’arylation de thiols.144
Nous avons alors décidé d’utiliser des techniques électrochimiques pour étudier le mécanisme de ces réactions catalysées par le fer, et commencé nos travaux en février 2009.
En juin 2009, Bolm et Buchwald ont conjointement publié un article dans lequel il apparait que les rendements des réactions présentées ci-‐dessus s’effondrent lorsque des sels de fer ultrapurs (>99,99%) sont utilisés comme catalyseurs.145 En revanche, l’ajout d’une quantité in]ime (quelques ppm) de sels de cuivre (I) comme Cu2O permet d’obtenir les conversions souhaitées.146
Le tableau 3.3 regroupe les différents résultats obtenus par Bolm et Buchwald pour la réaction décrite ci-‐dessus (schéma 3.2) selon le(s) précurseur(s) métallique(s) employé(s). Leur provenance commerciale est également précisée.
Source de fer Source de cuivre Rendement
FeCl3 (>98%; Merck) -‐ 87 %
FeCl3 (>98%; Aldrich) -‐ 26 %
FeCl3 (>99,9%; Aldrich) -‐ 9 %
FeCl3 (>99,9%; Aldrich) 10 ppm Cu2O 79 %
Tableau 3.3
Les observations sont similaires concernant les réactions de N-‐arylation d’amides, de O-‐ arylation et de S-‐arylation.
S’il semble que des impuretés contenant des composés cuivreux soient à l’origine de l’activité catalytique observée, différentes questions peuvent se poser à propos du manque d’ef]icacité des complexes de fer dans ces couplages. On peut en effet se demander si les complexes de fer (III) ou de fer (II) utilisés comme précurseurs ne doivent pas être réduits en une entité de basse PARTIE III - CHAPITRE III
138 Correa, A.; Carril, M.; Bolm, C. Chem. Eur. J. 2008, 14, 10919
valence a]in de générer un catalyseur ef]icace comme ce sera le cas dans les réactions présentées au cours des chapitres 4 et 5.
Deux questions se posent alors: y a-‐t-‐il un réducteur chimique dans le milieu capable de réduire le fer (III) utilisé comme précurseur, et quel est le degré d’oxydation de l’espèce réduite qui serait alors susceptible d’activer les halogénures aromatiques ?
Une étude expérimentale par électrochimie ainsi que différentes modélisations théoriques ont été effectuées a]in de rationnaliser la réactivité des complexes de fer dans ces systèmes.
II) Etude électrochimique et théorique du système choisi
Dans toute cette partie, les voltammogrammes ont été effectués dans le DMF, à température ambiante, sur électrode d’or (de diamètre égal à 1 mm), et à la vitesse de balayage de 200 mV.s-1. L’électrolyte support, employé à la concentration de 0,3 mol.L-1, est le tétraqluoroborate de tétra-n- butylammonium (n-Bu4NBF4). De plus, les sels de fer employés dans les expériences décrites ci- dessous sont de haute pureté (>99,99 %, Aldrich).
II.1) Réaction étudiée
La réaction étudiée a été présentée précédemment (schéma 3.2). Toutefois, le toluène étant un solvant extrêmement peu conducteur, les analyses électrochimiques ont été réalisées dans le DMF (à température ambiante), solvant dans lequel les réactions de couplage décrites dans la littérature sont également effectuées (le prix à payer étant un rendement légèrement plus faible137).
Dans un premier temps, nous avions choisi d’étudier le précurseur [FeIII(acac)3]137, associé au ligand phénanthroline.147 Le précurseur [FeIIICl3] associé au ligand dmeda137, décrit par Bolm comme étant le système précurseur le plus ef]icace, sera étudié dans un second temps, en présence de divers nucléophiles azotés.
La réaction-‐type étudiée est donc la suivante:
Ar-X + Nu-H FeX3 10 mol % L 20 mol % K3PO4, DMF, 25°C Ar-Nu X = I,Br
Nu-H = pyrazole, imidazole
FeX3 / L = Fe(acac)3 / phen ou FeCl3 / dmeda
X
Schéma 3.4: réaction étudiée