II) Méthodes de caractérisation utilisées
II.2) Etude de composés par Résonance Paramagnétique Electronique (RPE) 27
La RPE (ou RSE pour Résonance de Spin Electronique), découverte en 1944 à l’université de Kazan par Y. Zavoisky (URSS) est une spectroscopie résonante de principe identique à celui de la RMN, à ceci près que l’on sonde les spins électroniques et non les spins nucléaires.
Un signal résonant en RPE est dû à la levée de dégénérescence des niveaux de spin d’une entité paramagnétique par effet Zeeman sous l’action d’un champ magnétique extérieur. L’hamiltonien PARTIE I - CHAPITRE I
projection de spin sur l’axe (Oz), et mS la projection du spin sur l’axe de quanti]ication, valeur propre de l’opérateur Z (-‐S ≤ mS ≤S, par pas de une unité).
La levée de dégénérescence possède alors l’allure suivante, pour un système de spin S:
Schéma 1.24: levée de dégénérescence par effet Zeeman
Dans le cas d’un ion à symétrie sphérique possédant un seul électron célibataire (donc de spin total égal à +1/2), la levée de dégénérescence est égale à :
ΔEZ(mS = ±1/2) = ± µBB0g/2
En pratique, une transition RPE est obtenue en plongeant un échantillon paramagnétique (en solution gelée ou en poudre par exemple) dans un champ magnétique statique B0, ce qui permet d’effectuer la levée de dégénérescence par effet Zeeman. Perpendiculairement à ce champ statique, on impose un champ radiofréquence tournant de fréquence ν, qui permet d’induire les
transitions entre sous-‐niveaux Zeeman (sous-‐niveaux de nombre quantique mS donné). On peut en effet montrer par le calcul que seuls des champs orthogonaux au champ statique B0 sont à-‐ même d’induire des transitions entre ces sous-‐niveaux.
Pour un système de spin S = 1/2 se scindant entre deux sous-‐niveaux Zeeman d’énergie égale à E(mS = ±1/2) = ± µBB0g/2
il y a donc une transition RPE lorsque la condition de résonance qui suit est satisfaite : ΔE = hν = µBB0g
On s’aperçoit qu’une in]inité de combinaisons fréquence/champ permettent de satisfaire à la condition de résonance. En pratique (c’est là l’autre différence principale entre la RPE et la RMN), on opère souvent à fréquence ]ixe (classiquement en bande dite « X », correspondant à une fréquence environ égale à 9,35 GHz), et l’on effectue un balayage en champ magnétique. Ainsi, pour un ion à symétrie sphérique possédant un seul électron célibataire, la seule transition RPE possible est une transition entre les niveaux mS=-‐1/2 et mS=+1/2; elle s’effectue en bande X pour un champ magnétique d’environ 3300 Gauss (0,3 Tesla).
Les transitions RPE obéissent par ailleurs à des règles de sélection strictes. Ainsi, lorsque ces dernières sont induites par un champ tournant orthogonal au champ statique (ce sera le cas pour les expériences présentées dans ce travail), les transitions observées obéissent aux règles suivantes :
ΔS = 0 ΔmS = ±1
Habituellement, un spectre RPE correspond non pas au tracé de la courbe d’absorption en fonction du champ balayé, mais au tracé de la dérivée première de cette courbe : ceci rend plus aisée la détermination des champs résonants dans l’hypothèse où les courbes d’absorption sont particulièrement étalées. On obtient ainsi ce type de spectre, pour un système présentant une seule résonance symétrique (de type gaussienne ou lorentzienne, voir schéma 1.25) :
Schéma 1.25: deux types de représentation de la réponse en absorption. A gauche: courbe d’absorption normale; à droite, courbe d’absorption dérivée.
Dans le cas le plus général, le système étudié n’est pas à symétrie sphérique, et le facteur g mentionné précédemment doit être remplacé par un tenseur matriciel noté <g>, prenant en compte l’anisotropie de la réponse à l’excitation magnétique.
Pour des espèces de spin égal à 1/2, deux types remarquables de spectres anisotropes sont à distinguer :
-‐ les systèmes de symétrie orthorhombique, pour lesquels les trois directions de l’espace jouent des rôles différents : ils sont caractérisés par les trois paramètres du tenseur <g>, notés gXX, gYY, et gZZ (voir schéma 1.26) :
-‐ On distingue également les systèmes à symétrie axiale, qui sont caractérisés par un spectre d’allure donnée dans le schéma 1.27. On les caractérise par la présence de deux résonances caractéristiques aux valeurs notées g// et g⊥.
Schéma 1.27 : a) spectre d’absorption théorique d’un système à symétrie axiale ; b) spectre théorique de première dérivée du spectre précédent
En]in, de nombreuses interactions peuvent rendre la structure d’un spectre RPE beaucoup plus complexe :
-‐
pour tout spin supérieur à 1/2, il existe un terme de couplage magnétique interne de ce système de spin sur lui-‐même, en l’absence d’un champ magnétique (terme appelé Zero-Field Splitting), qui induit une levée de dégénérescence des niveaux de spin pouvant
atteindre 5 cm-‐1. L’existence de cette barrière énergétique supplémentaire entre le niveau fondamental et les niveaux excités a pour effet principal de rendre silencieux en RPE de nombreux composés de spin supérieur à 1/2 lorsqu’ils sont étudiés en bande X classique, le champ pour lequel est atteinte la résonance étant dans ce cas trop haut (pour sonder de telles entités, on a recours à des champs tournants de plus haute fréquence).
-‐
le couplage spin-‐orbite entre l’atome portant les électrons célibataires et ces derniers peut également être à l’origine d’une démultiplication des signaux (couplage ]in); on peut également citer les interactions entre les moments quadrupôlaires des noyaux et les électrons célibataires, ou encore les interactions entre les spins nucléaires et les électrons célibataires (couplage hyper]in). Dans certains cas (haute résolution), l’effet Zeeman nucléaire peut également être sondé et le spectre modi]ié en conséquent.Dans le cas le plus général, il est extrêmement dif]icile de prévoir l’allure d’un spectre pour un composé de spin donné quelconque. La position des résonances, leur intensité, leurs éventuelles démultiplications dépendront des multiples facteurs détaillés ci-‐dessus.
Toutefois, dans le cas des complexes de métaux de transition, on peut distinguer des «familles» de composés qui donneront naissance à des séries de résonances similaires: le tableau qui suit (tableau 1.28) regroupe quelques exemples de cas typiques.
Tableau 1.28: quelques résonances caractéristiques de centres métalliques du bloc d.28
La RPE permet, dans le cas le plus général, d’identi]ier la présence d’un état d’oxydation de spin donné d’un métal, l’identi]ication se faisant par analyse des gammes de valeurs du tenseur <g> où ont lieu les résonances caractéristiques.
Quelle que soit la symétrie du système étudié, les valeurs remarquables du tenseur <g> constituent la carte d’identité d’un spectre RPE, de la même manière que les valeurs du déplacement chimique permettent de caractériser un type de spin et son environnement immédiat en RMN. L’interprétation théorique de ces spectres requiert toutefois une analyse théorique souvent plus complexe.29