PARTIE III - CHAPITRE III
II.2) Etude du système précurseur {sel de fer; ligand} en présence d’un halogénure d’aryle
II.2.a) Etude du système {[FeIII(acac)3] ; phen}
Le ligand acac— étant un ligand de type LX en nomenclature de Green, le complexe [FeIII(acac)3] est un complexe de formule générique ML 3 X 3 et possède donc:
NEV ([FeIII(acac)3]) = 8 + 3x3 = 17 électrons de valence II.2.a.1) Voltammétrie du précurseur [FeIII(acac)3]
Le voltammogramme d’une solution contenant [FeIII(acac)3] = 4 mmol.L-‐1 est donné ci-‐dessous:
Schéma 3.5: voltammogramme du système [FeIII(acac)3] / [FeII(acac)3—] à la vitesse de balayage de 200 mV.s-1
Il est la signature d’un système rédox totalement réversible (i(R1)/i(O1) ~ 1) et rapide sur l’électrode choisie (ΔEp ~ 70 mV). Les pics observés correspondent, à l’aller, à la réduction monoélectronique du complexe [FeIII(acac)3] au potentiel R1 (Ep(R1) = -‐0,65 V) en un complexe anionique du fer (II) de formule [FeII(acac)3]— (18 électrons de valence); le balayage retour fait apparaître le pic d’oxydation O1 (Ep(O1) = -‐0,58 V) du complexe électrogénéré [FeII(acac)3]—:
Fe
III(acac)
3+ e FeR
1 II(acac)
3-O
1Schéma 3.6
On remarque également que ce voltammogramme fait apparaître uniquement le système rédox PARTIE III - CHAPITRE III
Schéma 3.7: voltammogramme du système [FeIII(acac)3] / [FeII(acac)3]—
en présence d’un équivalent d’iodobenzène à la vitesse de balayage de 200 mV.s-1
Ces systèmes sont les suivants:
-‐ le premier système (R1/O1) correspond au système rédox [FeIII(acac)3]/[FeII(acac)3]— déjà observé précédemment.
-‐ le deuxième système (pic de réduction R’4 au potentiel Ep(Rʼ4) = -‐1,72 V) correspond à la réduction biélectronique148 non réversible de l’iodobenzène, aussi observée lorsqu’il est seul:
Ph-I + 2 e Ph + I
R'
4Schéma 3.8
On peut tirer les conclusions suivantes: le fer (III) de départ ne réagit pas avec PhI, et le fer (II) électrogénéré, à l’échelle de temps de la voltammétrie, n’active pas non plus l’iodobenzène. La mise en présence de ces réactifs ne modi]ie en effet pas leurs potentiels d’oxydoréduction (ce qui témoigne de l’absence de formation d’une nouvelle espèce caractérisable électrochimiquement), pas plus que le courant des pics associés (ce qui témoigne de l’absence de consommation des réactifs, donc de l’absence d’une réaction quelconque entre ces derniers).
II.2.a.3) [FeIII(acac)3] en présence de 1,10-‐phénanthroline (notée phen) ♦ II.2.a.3.i) Signature électrochimique du ligand phen
Il est possible de réduire la phénanthroline en premier lieu en radical-‐anion, puis en dianion: ces deux systèmes correspondent à deux pics de réduction monoélectroniques réversibles successifs aux bas potentiels (première réduction à -‐2,05 V et deuxième réduction à -‐2,23 V; schéma 3.9). PARTIE III - CHAPITRE III
148 La réduction d’un halogénure aromatique Ar-‐X est généralement biélectronique: on génère en premier lieu un radical anion qui se décompose rapidement en un ion halogénure et un radical aryle, lequel radical aryle est généré à un potentiel où il n’est thermodynamiquement pas stable mais déjà réduit en carbanion. D’où le passage d’un deuxième électron au même potentiel aboutissant à une réduction biélectronique du substrat de départ:
Ar-X [Ar-X] Ar + X Ar première réduction deuxième réduction au même potentiel fragmentation rapide du radical-anion 1e 1e
On n’observe donc généralement qu’un seul pic du fait de l’absence d’existence d’un domaine de stabilité propre du radical aryle: E°(ArX/Ar•) < E°(Ar•/Ar—).
N N 1e E = -2,05 V N N 1e E = -2,23 V N N 2— Schéma 3.9
♦ II.2.a.3.ii) Ajout de 1 équivalent de phen à une solution de [FeIII(acac)3]
Les propriétés électrochimiques de [FeIII(acac)3] en présence d’un équivalent de phénanthroline sont considérablement modi]iées comme le montre le voltammogramme ci-‐dessous (schéma 3.10).
Première constatation, la vague de réduction R1 précédemment attribuée est inchangée, et la vague d’oxydation O1 associée, quant à elle, disparaît partiellement; on observe sur le balayage retour une nouvelle vague d’oxydation O2 à un potentiel plus élevé (Ep(O2) = -‐0.08 V):
Schéma 3.10: voltammogramme de [FeIII(acac)3] ( 4 mmol.L-1) en présence d’un équivalent de phen à la vitesse de balayage de 200 mV.s-1
Deux conclusions peuvent être tirées:
-‐ Le complexe de départ [FeIII(acac)3] n’est pas complexé par la phénanthroline car son pic de réduction est inchangé;
Fe
III(acac)
3+ e FeR
1 II(acac)
3-Fe
II(acac)
2(phen)
étape "E" étape "C"
phen acac
—oxydé en O
2Schéma 3.11
Si le balayage est poursuivi à des potentiels plus négatifs (voir schéma 3.12.a ci-‐dessous), une nouvelle vague de réduction R2 apparaît (à Ep(R2) = -‐1,67 V); elle est d’une hauteur comparable à celle de R1 (i(R2)/i(R1) ~ 0,9), à la vitesse de balayage considérée.
Schéma 3.12 a) et b) : voltammogramme de [FeIII(acac)3] (4 mmol.L-1) en présence d’un équivalent de phen; à la vitesse de balayage de 200 mV.s-1
Le pic R2 correspond à la réduction monoélectronique de [FeII(acac)2(phen)] (18 électrons de valence) en un complexe anionique du fer (I) à 19 électrons de valence; cette réduction est partiellement réversible:
Fe
II(acac)
2(phen) + e FeR
2 I(acac)
2(phen)
—O'
2Schéma 3.13
L’étude du balayage retour en oxydation révèle que le fer (I) électrogénéré donne naissance à deux pics d’oxydation, O’2 (Ep(Oʼ2) = -‐1,61 V) et O’3 (Ep(Oʼ3) = -‐1,39 V). Le rapport i(O’2)/i(O’3) décroit avec la vitesse de balayage comme le montre le schéma qui suit:
Schéma 3.14: évolution du ratio i(O’2)/i(O’3) avec la vitesse de balayage v
Cette décroissance suggère que les deux espèces s’oxydant en O’2 et O’3 sont impliquées dans un processus de type «CE», processus dans lequel une réaction chimique («C», ici un échange de ligands équilibré) précède une étape électrochimique («E», ici l’oxydation d’un complexe formé après échange de ligands).150 Le fer (I) électrogénéré est donc impliqué dans un processus de dissociation:
Fe
I(acac)
2(phen)
—Fe
I(acac)(phen) + acac
—O'
2O'
3Fe
II(acac)
2(phen) + e Fe
II(acac)(phen)
++ e
Schéma 3.15
A des potentiels plus négatifs, deux nouvelles vagues apparaissent: R’3 au potentiel
Ep(Rʼ3) = -‐2,28 V et R’2 à au potentiel Ep(Rʼ2) = -‐2,39 V (voir schéma 3.12.b ci-‐dessus). Ces pics R’3 et R’2 ont été respectivement attribués à la réduction des complexes [FeI(acac)(phen)] et [FeI(acac)2(phen)]—: le complexe [FeI(acac)(phen)], neutre et à 15 électrons de valence, est en effet a priori plus aisément réductible que [FeI(acac)2(phen)]—, anionique et à 19 électrons de valence:
Fe
I(acac)
2(phen)
—Fe
I(acac)(phen) + acac
—R'
2R'
3Fe
I(acac)
2(phen
•—)
—Fe
0(acac)(phen)
—+ e + e
Schéma 3.16
Remarques sur la localisation des électrons transférés en R’2 et R’3:
- Le complexe [FeI(acac)2(phen)]— étant déjà à 19 électrons de valence, l’électron qui y est transféré au potentiel Ep(Rʼ2) est donc localisé sur le ligand phen,151 et non localisé sur le métal lui- même. D’où la formule [FeI(acac)2(phen•—)]—, proposée pour le complexe électrogénéré en R’2.
- En revanche, la réduction du complexe [FeI(acac)(phen)] peut quant à elle se faire au niveau du centre métallique pour donner naissance au potentiel Ep(Rʼ3) à un complexe de fer (0) à 16 électrons de valence et de formule [Fe0(acac)(phen)]—.
En conclusion de cette étude partielle, il apparaît que la présence d’un équivalent de phénanthroline permet au précurseur [FeIII(acac)3] de générer de plus bas degrés d’oxydation: via la formation du complexe [FeII(acac)2(phen)], on peut en effet électrogénérer divers complexes aux degrés d’oxydation +I et 0. Il est également à noter que le fer (0) est à ce stade généré à un potentiel extrêmement négatif (qui est celui du pic de réduction R’3, soit -‐2,28 V). Cette réduction, mimée à l’électrode, nécessiterait la présence d’un réducteur chimique puissant comme le magnésium.
Les différentes demi-‐équations électroniques mises en jeu lors de la réduction de [FeIII(acac)3] en présence d’un équivalent de phénanthroline sont donc les suivantes:
O1
Schéma 3.17
Le complexe intermédiaire [FeII(acac)2phen] a par ailleurs été synthétisé a]in de corroborer l’attribution de cette formule au complexe oxydé en O2 et réduit en R2. Le complexe obtenu après synthèse (ajout d’un équivalent de phénanthroline à une solution de [FeII(acac)2] commercial) a PARTIE III - CHAPITRE III
été caractérisé par RMN 1H et par ESI-‐MS; son voltammogramme donné ci-‐dessous (schéma 3.18) con]irme les attributions des formules proposées précédemment:
O2
Schéma 3.18: voltammogramme du complexe [FeII(acac)2phen] authentique (4 mmol.L-1) a) balayage en oxydation; b) en réduction; à la vitesse de balayage de 200 mV.s-1
Le complexe [FeII(acac)2(phen)] est par ailleurs d’une grande sensibilité à l’air; on s’aperçoit d’ailleurs sur le voltammogramme 3.18.b que des produits de dégradation oxydés (fer (III)) de ce complexe sont présents et réduits à environ -‐0,7 V.
Le tableau ci-‐dessous (3.19) regroupe les différentes données électrochimiques relatives à au complexe [FeII(acac)2(phen)]:
[FeII(acac)2(phen)] électrogénéré [FeII(acac)2(phen)] synthétisé
Ep(O2) = -‐0,08 V Ep(O2) = + 0,01 V
Ep(R2) = -‐1,67 V Ep(R2) = -‐1,71 V
Tableau 3.19
♦ II.2.a.3.iii) Ajout de N (N > 1) équivalents de phen
Lorsqu’un excès de phénanthroline (3 équivalents) est ajouté à une solution de [FeIII(acac)3], la première constatation par rapport à la situation où la phénanthroline et [FeIII(acac)3] sont en quantités stœchiométriques (schémas 3.10 et 3.12) est que la réduction de [FeIII(acac)3] en [FeII(acac)3]— (au potentiel Ep(R1) = -‐0,65 V) devient complètement irréversible (comparer les schémas 3.20 et 3.10).
Schéma 3.20: voltammogramme d’une solution contenant
[FeIII(acac)3] = 4 mmol.L-1 et [phen] = 12 mmol.L-1 à la vitesse de balayage de 200 mV.s-1
Ceci est le signe du déplacement de l’équilibre d’échange de ligands vers la formation de ce même complexe [FeII(acac)2(phen)]:
Fe
II(acac)
3-Fe
II(acac)
2(phen)
phen acac
—Schéma 3.21
Si l’on effectue le balayage à des potentiels plus négatifs, on s’aperçoit également que la hauteur de la vague de réduction R2 augmente avec le nombre d’équivalents de phénanthroline ajoutés (voir le schéma 3.22 pour N = 3 équivalents de phen). Le rapport i(R2)/i(R1) tend asymptotiquement vers 2 (voir schéma 3.23): le processus de réduction impliqué au potentiel R2 devient ainsi biélectronique en présence d’un excès de phen.
Schéma 3.22: voltammogramme d’une solution contenant [FeIII(acac)3] = 4 mmol.L-1 et [phen] = 12 mmol.L-1 à la vitesse de balayage de 200 mV.s-1
Schéma 3.23: évolution du rapport i(R2)/i(R1) avec le nombre d’équivalents de phénanthroline.
Le passage d’un processus mono-‐ à un processus bi-‐électronique au potentiel R2 suggère que les deux complexes [FeI(acac)(phen)] et [FeI(acac)2(phen)]— qui étaient formés par réduction monoélectronique de [FeII(acac)2(phen)] à ce potentiel aboutissent tous deux en présence d’un excès de phen à la formation d’un nouveau complexe généré à un potentiel où il devrait déjà être réduit.
D’où le passage global d’un électron supplémentaire, qui aboutit à un processus biélectronique: le complexe [FeI(acac)(phen)], moins riche en électrons, peut échanger un ligand acac— avec un ligand phen pour aboutir au complexe cationique [FeI(phen)2+], lequel est généré à un potentiel inférieur à son potentiel de réduction, d’où sa réduction observée en R2 (schéma 3.24):