• Aucun résultat trouvé

Chapitre 5 : Conclusion

5.5 Implications pratiques

Les résultats de cette thèse devraient influencer les pratiques policières en matière de délinquance routière. Les résultats de cette thèse, combinés aux résultats d‟autres études sur des sujets similaires, permettent de faire les propositions suivantes.

Premièrement, il s‟avèrerait utile aux autorités policières de cibler correctement les problèmes présents sur les territoires qu‟ils desservent (La Penna, Tremblay et Charest, 2003), mais aussi de trouver les causes de ces problèmes et d‟intervenir sur celles-ci. Cette implication s‟applique facilement en sécurité routière puisque les collisions sont les conséquences directes de certaines infractions. Par exemple, il est reconnu, dans la littérature, que les excès de vitesse et le non-respect de la signalisation aux intersections sont des causes des collisions avec blessés (Brault et Letendre, 2003). L‟identification des infractions routières causant des collisions avec blessés sur le territoire du SPVM fût ainsi bénéfique : les policiers ont triplé les opérations nécessaires pour arrêter les conducteurs qui les commettent (SPVM, 2006). L‟identification des problèmes de sécurité routière et des causes qui y sont liées permettrait donc aux corps policiers de se fixer des objectifs précis, lesquels orienteraient adéquatement leurs interventions.

Deuxièmement, en plus de cibler les causes des problèmes, les autorités devraient augmenter le nombre d‟opérations policières visibles qui ciblent les délits qui causent particulièrement problème. Cette visibilité leur assurerait de transmettre le message pénal, en même temps, à plusieurs types de personnes : les délinquants potentiels et les délinquants d‟habitude. La visibilité des opérations policières est nécessaire pour influencer le comportement des automobilistes et ce, même pour les délinquants potentiels (Blais et Gagné, 2010; Ross, 1973). Selon les policiers eux-mêmes, ce serait d‟ailleurs la visibilité des patrouilles ou des activités policières qui ferait leur succès

(Bayley, 1994). En étant visibles, ils influenceraient le processus de décision des délinquants et des délinquants potentiels (Birbeck et Lafree, 1993; Brantigham et Brantigham, 1993a; Brantigham et Brantigham, 1993b; Cornish et Clarke, 1987) puisque le message pénal est transmis au moment même où ces automobilistes s‟apprêtent à commettre un délit (Blais et Bacher, 2007; Cusson, 1993a; Tremblay et al., 2000).

Lors de leurs opérations visibles, les autorités policières devraient donc, en plus, s‟assurer de punir plusieurs délinquants. Dans le cas contraire, personne ne servirait d‟exemple à ceux qui observent les stimuli dissuasifs. Il serait nécessaire que certains individus soient arrêtés pour qu‟un processus de dissuasion général s‟enclenche, sans quoi la menace de la peine demeurerait abstraite (Homel, 1993). C‟est ainsi qu‟il serait possible d‟affecter les délinquants potentiels. Il ne suffit pas uniquement que les actions policières soient visibles, mais aussi que suffisamment de délinquants soient arrêtés pour que d‟autres personnes puissent observer les conséquences possibles des délits, d‟autant plus que les délinquants qui ont déjà été punis craignent davantage ces opérations policières.

Cette stratégie de rendre visible les actions policières signifie qu‟il ne serait pas nécessaire pour les services de police de faire des embauches de masse pour contrer la criminalité (Sherman, 1997). En ce sens, la mise sur pied d‟équipes spécialisées dans la répression de comportements précis semble avantageuse. En effet, ces équipes permettent de générer plus d‟opérations policières, de s‟attaquer aux délits les plus graves et aux endroits où ils sont commis le plus souvent (Sherman, 1997).

Pour les autorités policières qui auraient comme objectif de faire diminuer la fréquence d‟un délit, il serait nécessaire que les activités de répression soient

augmentées significativement par rapport à leur niveau antérieur. Grâce à cette démarche, il ne serait toutefois pas nécessaire d'atteindre des seuils objectifs minimaux d'arrestation pour faire diminuer la délinquance. À la lumière des résultats présentés dans cette thèse, une comparaison objective entre les corps policiers ne s‟avère plus utile, du moins, pour connaître les effets dissuasifs des activités policières d‟un territoire à l‟autre. En effet, ce sont les changements de la quantité d‟opérations policières sur une période de temps relativement longue, plutôt que les propriétés objectives des peines, qui génèrent des effets détectables sur la délinquance. Il en va aussi de l‟importance de faire une évaluation des effets de cette augmentation, sans quoi les effets pourraient être plus difficilement détectables bien qu‟ils puissent être maintenus dans le temps (Ehrlich, 1983).

Les opérations policières gagneraient, en plus, à être maintenues sur une période de temps suffisamment longue. En agissant de la sorte, les corps policiers s‟assureraient que les personnes ciblées remarquent le changement de la répression. En plus, ils leur laisseraient le temps nécessaire pour s‟adapter à ces opérations et, ainsi, modifier leurs comportements. Il va de soi que certaines opérations policières ne peuvent être effectuées de façon continue. Par exemple, les interventions de masse (crackdown) dans lesquelles plusieurs criminels, souvent d‟un même réseau, sont arrêtés simultanément, ne sont pas réalisées dans le but d‟être maintenues dans le temps. Le succès de ces opérations découle justement de l‟effet de surprise. Cette stratégie ne laisse pas le temps à certains de s‟enfuir ou de développer des tactiques pour éviter la police. Or, ces interventions ont généralement des effets sur une courte période de temps (Sherman, 1990). Pour que les impacts dissuasifs supplémentaires se maintiennent, certaines stratégies policières doivent être implantées, telles que le fait d‟intervenir à plusieurs endroits en même temps (Sherman, 1990). Pour les délits se distribuant normalement dans la population, comme les infractions au CSR (Clarke, 1996), les interventions policières visibles effectuées de façon continue permettent d‟être observées par le plus grand nombre, ce qui en fait

leur succès. Après un certain temps, toutefois, il est plausible que ces opérations ne génèrent plus de baisse. Elles pourraient alors être considérées comme ayant toujours un effet dissuasif si la tendance se maintient et qu‟ainsi, il soit possible de conclure à un usage optimal des forces policières par les autorités pour maintenir constante la fréquence des délits commis, toute chose étant égale par ailleurs (Becker, 1974; Ehrlich, 1975).

Pour générer des effets dissuasifs, les constats d‟infraction émis à l‟égard des automobilistes devraient aussi être adaptés en fonction des individus qui les reçoivent. Il doit y avoir une certaine proportionnalité des coûts pour les délinquants. En matière criminelle, la sévérité des peines dépend généralement des circonstances aggravantes et atténuantes. Notamment, les antécédents et le contexte dans lequel le délit a été effectué sont pris en considération. Un constat important qui ressort de cette thèse est que le coût des constats d‟infraction a un impact sur les automobilistes uniquement s‟il engendre des problèmes financiers, ou des privations matérielles probables. Le coût d‟un constat d‟infraction proportionnel au revenu d‟un individu et à la gravité de l‟infraction commise devrait donc être davantage dissuasif. Évidemment, il ne faudrait pas non plus créer de graves problèmes financiers aux personnes qui reçoivent un constat d‟infraction puisque cela engendrerait probablement des effets indésirables : soit les individus commettraient des infractions plus graves soit les policiers hésiteraient à donner les peines (Beccaria, 1763/1964). Il s‟agit ainsi de statuer sur le type de punitions à donner et de délimiter leur sévérité: pour un même type de délits, quelle devrait être le type de peine à imposer? Et jusqu‟à quel point devrait être sévère la plus sévère des peines données pour un délit de ce genre? (Von Hirsch, 1983).

Il importerait aussi que certaines opérations policières soient réalisées dans le but de punir ceux qui évitent les autorités. Ces personnes qui déjouent le système sont plus délinquantes que les autres, mais pas nécessairement punies

plus souvent. Or, ces automobilistes sont aussi ceux qui provoquent le plus de collisions (Evans, 2004). Puisqu‟il est nécessaire qu‟ils soient punis pour considérer la menace de la peine comme étant crédible, des tactiques pour contrecarrer leurs stratégies devraient être mises sur pied. Les nouvelles technologies comme les photos-radar (pour détecter les excès de vitesse) et les caméras à infra-rouge (pour détecter les passages sur un feu rouge) s‟avèreraient utiles pour y parvenir (Goldenbeld et Schagen, 2005; Hirst, Mountain et Maher, 2005; Scott, 2002). Elles augmentent la probabilité de détection des automobilistes en infraction et présentent des données objectives, difficilement contestables (Evans, 2004). Les policiers devraient donc innover constamment afin de maintenir un risque de punition suffisant qui génère des punitions et augmente la perception des risques.

Bien que ces pratiques puissent avoir des effets dissuasifs, il demeure important de rester sensible aux problèmes de profilage qu‟une augmentation de la répression policière peut engendrer. Des objectifs trop généraux pourraient générer une grande latitude quant aux comportements à cibler et aux personnes à arrêter (Castel, 2006; Charest, 2009; Dupuis-Déri, 2006) pour, ainsi, mener à une forme de profilage. En matière de délinquance routière, les contrôles policiers envers les automobilistes de race noire et les hommes sont plus réguliers (Lundman et Kaufman, 2003; Warren, Tomaskovic-Devey, Smith, Zingraff et Mason, 2006). En visant les problèmes réels et en ayant des objectifs précis, les autorités policières diminuent le risque de faire du profilage. Il serait donc d‟autant plus important pour les corps policiers d‟appliquer la première implication nommée précédemment, c‟est-à-dire d‟identifier les problèmes et les causes de ceux-ci.