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Générer et détecter des effets dissuasifs : implications théoriques

Chapitre 5 : Conclusion

5.1 Générer et détecter des effets dissuasifs : implications théoriques

Le premier objectif de cette thèse était d‟évaluer les effets d‟une hausse de la répression policière auprès des automobilistes sur les collisions survenues sur le territoire du SPVM sur les collisions. Plus précisément, cette équipe visait à faire diminuer les collisions avec blessés sur le territoire qu‟elle dessert.

Deux principaux résultats ressortent de cette étude. Premièrement, il a été démontré que la mise sur pied de l‟équipe de sécurité routière et circulation (ÉSRC) en février 2006 a fait augmenter significativement le nombre d‟opérations policières réalisées sur le territoire desservi par le SPVM et, ainsi, la quantité de constats d‟infraction émis aux automobilistes. Les activités policières sont demeurées stables par la suite. Deuxièmement, les résultats ont déterminé que la mise sur pied de l‟ÉSRC s‟est soldée par une baisse des collisions avec blessés graves et légers. Cet impact affectant uniquement les collisions avec blessés sur le territoire desservi par le SPVM, a été graduel.

Ainsi, contrairement à ce qu‟affirment certains auteurs (Huff et Stahura, 1980; Jacob et Rich, 1980; Kelling et al., 1974; Levine, 1975; Pratt et Cullen, 2005; Spellman et Brown; 1984), la présente thèse soutient que la peine, soit l‟émission d‟un constat d‟infraction, peut produire un effet dissuasif et faire diminuer la fréquence des comportements délinquants (Ehrlich, 1975; Ehrlich, 1996). Toutefois, cet effet n‟est détectable que si certaines conditions sont respectées. Le succès de l‟ÉSRC réside donc dans la présence de plusieurs éléments essentiels, lesquels permettent d‟identifier trois conditions nécessaires à la production d‟effets dissuasifs et à leur détection.

Identifier le problème et ses causes. L‟ÉSRC s‟est attaquée aux collisions avec

blessés sur le territoire du SPVM en raison de l‟augmentation des collisions dans les années précédentes. Les autorités policières ont, par la suite, ciblé plusieurs infractions qui engendrent un risque accru de collisions avec blessures comme les excès de vitesse et le défaut de s‟immobiliser à un feu rouge (Evans, 2004; Petridou et Moustaki, 2000). L‟identification des comportements à risque permet dès lors de formuler des objectifs clairs et précis, tel que l‟a fait le SPVM. En augmentant les opérations de sécurité routière et l‟émission de constats d‟infraction, les autorités policières se sont assurées que leurs actions se solderaient par une baisse des collisions avec blessés (Apel et Nagin, 2011a; Blais et Gagné, 2010; Kelling et al., 1974; Sherman, 1997).

Atteindre les conditions nécessaires à la production d’effets dissuasifs supplémentaires. L‟ÉSRC a généré une hausse importante des opérations

policières en matière de sécurité routière, produisant un contexte propice à l‟étude des conditions nécessaires à la diminution des comportements délinquants et, ainsi, à la détection des effets dissuasifs. Tel que rapporté dans le troisième chapitre, les opérations radar et le nombre de constats émis pour excès de vitesse ont plus que doublé suite à l‟introduction de l‟ÉSRC. Des hausses respectives de 124% et 189% ont été observées. Ce contexte s‟est maintenu pour l‟ensemble de la période expérimentale, soit de février 2006 à décembre 2007 (23 mois). Ces données nous ont permis d‟étudier la nature et l‟intensité des activités policières, tel que le suggérait Sherman (1992).

Ainsi, les effets dissuasifs sont détectables lorsque deux conditions sont réunies. D‟une part, le risque d‟être puni doit être augmenté substantiellement, c‟est-à-dire qu‟il doit être majoré à la hausse par rapport à son niveau antérieur (Chamlin, 1991; Ross, 1973; Ross, 1992). Contrairement aux auteurs qui ont proposé que les seuils objectifs devraient varier de 10% à 50% (Bayley, 1976; Brown, 1978; Tittle et Rowe, 1974; Yu et Liska, 1993), le risque devrait plutôt être considéré en termes relatifs. Il doit donc être étudié à partir des variations

dans le temps et non dans l‟espace. Ainsi, seule une hausse relative du risque d‟arrestation – il est ici question de le doubler – serait susceptible de produire un effet dissuasif qui soit détectable. Une étude récente suggère cependant qu‟un manque à gagner sur le plan de l‟émission de constats pourrait être compensé par des campagnes de sensibilisation (Gagné et Blais, 2011). Par contre, les résultats des synthèses systématiques laissent supposer que les campagnes employées seules ne pourraient pas produire un tel effet (Delhomme et al., 2000).

D‟autre part, l‟augmentation du risque de punition doit être maintenue sur une longue période de temps afin que les délinquants potentiels en prennent connaissance et la considèrent comme étant crédible (Ross, 1992). Les initiatives policières en matière de sécurité routière doivent donc s‟inscrire dans une perspective à long terme. Tel qu‟observé par Sherman (1990), les opérations coups de poing n‟auraient d‟ailleurs que des effets temporaires sur la criminalité. Il est également à noter que l‟ÉSRC a déployé ses ressources sur l‟ensemble du territoire du SPVM, limitant ainsi les possibles effets de déplacement spatial. Enfin, la présente condition est cohérente avec les observations d‟autres chercheurs qui stipulent que les perceptions du risque d‟arrestation se modifient graduellement et non de façon immédiate (Kovandzic et Sloan, 2002; Levitt, 2002; Marvell et Moody, 1996).

Ainsi, une augmentation significative et maintenue du risque permet de produire des effets dissuasifs supplémentaires à ceux déjà existants, si tel était le cas précédemment, et de les détecter. En présence d‟une tendance stable des opérations policières et de la criminalité, il est plus ardu de discerner les effets dissuasifs, sans qu‟ils soient pour autant inexistants. Effectivement, il serait alors plutôt question d‟un usage optimal des ressources policières, lesquelles arriveraient à maintenir la fréquence des comportements délinquants à un coût social acceptable (Becker, 1974; Ehrlich, 1975).

Déterminer une unité d’agrégation favorisant la détection d’effets dissuasifs.

La détection de l‟effet dissuasif n‟est possible que si l‟unité d‟agrégation rend compte de façon optimale de la manière dont le message pénal est transmis à la population. Pour ce faire, quelques chercheurs ont identifié la juridiction policière comme étant l‟unité spatiale par excellence pour agréger les données, car elle permet de bien délimiter le champ d‟action des policiers et ses limites (Kane, 2006; Klinger, 1997). Par exemple, les résultats de cette thèse ont montré que le message pénal transmis sur le territoire du SPVM et sur celui du SPVQ est différent, malgré qu‟ils appliquent tous deux les mêmes règlements. Le premier corps de police a effectivement augmenté considérablement le nombre de constats d‟infraction émis pendant la période à l‟étude, alors que ce ne fût pas le cas pour le SPVQ. Ainsi, les chercheurs désirant évaluer l‟effet des opérations policières doivent donc nécessairement se questionner sur l‟unité d‟agrégation à étudier et s‟assurer que le message pénal y est transmis de manière homogène et optimale (Blais et Gagné, 2010; Kane, 2006).

Les deux premières propositions de cette thèse sont appuyées par les résultats de la première étude. D‟un côté, une condition d‟agrégation doit être respectée afin que les effets soient détectables. L‟unité d‟agrégation, en l‟occurrence la juridiction policière, doit refléter de manière homogène l‟exposition au message pénal. D‟un autre côté, le risque doit être augmenté suffisamment par rapport à son niveau antérieur et maintenu sur une longue période de temps pour que des effets dissuasifs supplémentaires soient générés et qu‟ils puissent être détectés. Les délinquants et les délinquants potentiels de la route sont, ainsi, davantage exposés au message pénal et en viennent à considérer la menace de la peine comme étant crédible.

La troisième proposition de la thèse, soit celle de concevoir l‟exposition au message pénal dans une perspective situationnelle, est aussi appuyée en partie

par les résultats de la première étude. Effectivement, l‟utilisation du nombre brute de constats d‟infraction émis et d‟opérations radar effectuées, plutôt que du taux d‟arrestation, a permis de dresser un portrait du risque auquel étaient exposés les automobilistes. Les variations dans les tendances de ces données reflètent les réels changements qu‟ils ont pu percevoir pendant qu‟ils étaient sur la route. Les résultats de l‟étude perceptuelle nous laissent aussi entrevoir que l‟étude de la nature et de l‟intensité des activités policières permet de mieux cerner les liens entre le risque et la perception que les automobilistes s‟en font.

5.2 Les effets des expériences vicariantes : implications