• Aucun résultat trouvé

ÉTUDE LINGUISTIQUE

I- Phonétique et graphies

5. Imparfait de l’indicatif a) Désinences

¤ À la p1, emploi exclusif de -oie/-oye : avoie/avoye P/5, 18/28, 87/22, etc., soit 41 occ.,

alloye 271/18, demouroye 30/32, 288/12, 478/12, demandoie 90/35, cuidoie/cuydoye 90/43, 112/24, 222/9, etc., soit 6 occ., cheoye 92/11, congnoissoie 124/12, disoye 187/13, 493/10, sçavoie/sçavoye 228/10, 229/3, 288/5, etc., soit 6 occ., destournoye 229/1, etc.

¤ À la p2, la désinence refaite -ois/-oys est moins employée (cuidois 36/16, tenoys 44/5) que -oies/-oyes (sçavoyes 196/12, avoies 224/26, 230/10, estoies 351/17, 466/26,

244 Cf. Ch. MARCHELLO-NIZIA, Langue, p. 279 : « Les relevés de Fenell (1975, pp. 144-149) montrent que

ces formes restent de loin les plus fréquentes tout au long du XVe siècle, dans presque tous les textes ; et leur fréquence est particulièrement élevée dans les textes du nord de la France ».

195

faisoies 351/19). G. Zink signale que les désinences -ois/-oys sont rarement utilisées, même en MF246.

¤ Les formes retoubtot 38/22 et rapporterot 386/3 peuvent recevoir plusieurs explications : ou bien la désinence -ot résulte de la réduction de -out à -ot (avec un o ouvert) qui se rencontre à l’Ouest, mais seulement « jusqu’au XIVe siècle », selon J. Chaurand247 ; ou bien elle résulte de la réduction de oi à o (tout comme la forme infinitive recepvor 8/14)248; ou bien enfin il s’agit d’une coquille (-oit dans JP).

¤ Un cas d’échange des terminaisons -ions/-ons : cuidons 132/14. b) Radicaux

¤ Pour le verbe veoir, alternance de la forme ancienne ve- (veoie 495/4, veoit 15/38, 26/2, 81/5, etc., soit 18 occ., veoient 442/19) et de la forme refaite voi- (voioit 362/18).

¤ enuoyoit 238/1 résulte peut-être d’un croisement des formes enuyer/ enoyer, à moins qu’il ne s’agisse d’une coquille (lettre n mise à l’envers).

¤ En face des formes étymologiques amoit 166/6, 198/13, amoient 311/3, nous trouvons beaucoup de formes refaites249 : aymoie 90/13, 104/17, aymoye 442/2, 472/13, aimoit 107/5, 483/10, aymoit 2/1, 49/21, 63/6, etc., soit 27 occ., aymoyt 521/6.

¤ Pour le verbe être, emploi de la forme wallonne astoient 455/12250.

246 Morphologie, p. 176 ; voir aussi supra « Futur et conditionnel ».

247 P. 117. Voir aussi M. K. POPE, p. 470, § 1277.

248 Cf. Ch. Th. GOSSEN, p. 67, § 16 ; L.-F. FLUTRE, p. 513, § 226 ; R. MANTOU, p. 315-316.

249 Cf. G. ZINK, Morphologie, p. 175-176 : « L’unification radicale des présents, quand elle s’opère au bénéfice des formes fortes, touche aussi l’imparfait, d’où issoie, prioie, prisoie, à date ancienne, aimoie,

crioie, voioie, plus lents à se répandre et qui se généralisent qu’après le Moyen Âge […] ».

196 6. Passé simple

a) Désinences

¤ À la p1, emploi de la terminaison -é pour des verbes du 1er groupe251 : aydé 18/18,

monté 90/32, assené 90/37, eschapé 90/44, rué 90/44, saulvé 90/44, presté 112/6, arrivé 288/2, passé 291/2, allé 330/19, remonstré 330/25, vuydé 338/31, pacifié 338/31,

pardonné 362/9, sonné437/14(voir aussi supra « Futur », 4).

¤ À la p1, pour les verbes du 3e groupe, la forme ancienne sans -s est concurrencée par la forme refaite avec -s : defendi 191/11, oingny 271/28, repondi/respondy 23/46, 385/34, 35, 386/2, senty 450/14, vesty 18/17, vi/vy 16/8, 200/9 vs viz 336/6, 386/8, 419/6, etc., soit 5 occ., veiz 23/42, 437/19. D’après G. Zink, la désinence graphique -s « se fait encore rare au XVe siècle »252.

Pour les verbes avoir, estre et recevoir, on ne relève que les formes refaites pour fuz 23/42, 44/14, 59/33, etc., soit 17 occ., toujours sans -s pour receu 133/16, et alternativement avec et sans pour eu 90/33, 288/6, 291/3, 345/13, 432/19 vs euz 90/38, 317/4.

¤ À la p3, pour les passés faibles à vocalisme en -i, emploi généralisé des formes avec -t rétabli en MF sur le modèle des passés forts prist, vit, et usuel au XVe siècle253 :

ouit/o(u)yt 2/39, 74/4, 82/4, etc., soit 21 occ., acomplit 3/53, 356/18, ouvrit 4/2, 152/1, 271/4, etc., soit 5 occ., (se) deffendit 8/65, 56/8, 134/6, etc., soit 7 occ., (se) de(s)partit 11/1, 31/28, 62/24, etc., soit 26 occ., (h)abatit 14/46, 16/9, 39, etc., soit 18 occ., entendit 15/1, 18/27, 19/26, etc., soit 22 occ., (se) recueillit / reculit 22/17, 49/22, 62/30, etc., soit 9 occ., (se) rendit 30/39, 67/7, 87/10, etc., soit 22 occ., (se) vestit 33/4, 153/12, 266/14, etc., soit 5 occ., choisit 35/12, 36/1, 40/5, etc., soit 12 occ., saillit 37/3, 50/16, 57/6, etc., soit 50 occ., garantit 38/3, fouit/fouyt IX/R, 108/21, 267/9, etc., 5 occ., (se)

descendit 46/2, 50/20, 65/16, etc., soit 20 occ., (en)dormit 65/32, 145/15, 163/9,

251 Cf. P. FOUCHÉ, Le verbe, p. 250, § 127a.

252 Morphologie, p. 202. Voir aussi Ch. MARCHELLO-NIZIA, Langue, p. 281.

197

poursuivit 66/31, 78/1, 238/11, etc., soit 6 occ., fendit 66/42, 108/15, 111/13, etc., voir 12 occ., assaillit 69/8, estandit/estendit 72/17, 216/14, servit 79/6, couvrit 81/19, trahit 129/17, perdit 145/2, 274/11, 406/11, etc., soit 5 occ., rompit 151/24, 186/4, 194/15, etc., soit 13 occ., consentit 154/16, suivit/suyvit 162/14, 317/10, 432/13, 448/13, (se)

sentit 219/3, 393/13, 435/7, etc., soit 8 occ., vendit 224/39, resjouyt 268/14, vainquit 317/12, XXXIX/R, XLIII/R, 363/6, (se) sourdit 319/1, 441/3, 467/17, desmentit 393/11,

estourdit 407/24, pendit 423/17, convertit 462/12, desrompit 507/20.

¤ À la p3, pour le verbe estre, la forme fu 360/1, 449/4 est largement concurrencée par la forme avec -t analogique fut T/1, 5, 1/12, etc.254

¤ À la p3, pour les verbes à radical sigmatique, les désinences -st sont concurrencées par celles en -t analogiques du parfait en -i255 : assist 81/16, 90/23, 337/12, etc., soit 8 occ.,

dist 1/48, 53, 54, etc. (largement majoritaire) vs dit 2/42, 3/9, 16/30, etc., soit 154 occ.,

enquist 58/2, 266/12, 386/1, 513/15, fist T/6, 1/28, 2/40, etc. (largement majoritaire) vs

fit 1/11, 2/6, 5/23, etc., soit 48 occ., (re)mist T/2, 1/15, 2/57, etc., occist 17/11, 104/18, 110/5, etc., soit 16 occ., permist 439/12, prist 1/40, promist 3/18, 20, 19/59, etc., 30 occ., desconfist XXXVI/R vs desconfit XIII/R, XXXIV/R, 346/24.

A contrario, la finale -st est utilisée pour les verbes à radical non sigmatique (graphies inverses) :

- les passés faibles : choisist 144/17, 157/1, 507/10, consentist 2/18, 170/2, desconfist XXXVI/R, (se) despartist 64/10, 106/11, 249/14, etc., soit 7 occ.,

entendist 2/32 (mais entendit 15/1, 18/27, 19/26, etc., soit 22 occ.), ferist 108/13,

garantist 174/20, garist 238/13, 241/6, languist 518/17, rompist 33/6, 128/12, 333/13, saisist 333/16, sceust 3/14, saisist 333/16, sentist 162/3, 407/17, 514/16, (se) souffrist 8/23, 18/17, 338/38, vainquist L/R, LV/R, courust 426/16 (mais

(a)courut 16/4, 18/32, 27/21, etc., soit 16 occ.) ;

254 Id., ibid., p. 203 : « Un alignement interne étend à la personne 1 en -ui le vocalisme /u/ des cinq autres : fui > fu (XIIIe – XVe s.) et fu se dote d’une désinence -s qui se généralisera au XVIe siècle. »

198

- les passés forts : cheust 472/4, eust 2/49, 3/2, 22/9, etc., soit 59 occ., fust 2/1,

V/R, VII/R, etc., soit 20 occ., peust 38/24, recongneust 24/20, vist 82/9, 451/3, 514/5.

¤ Empiètements du 1er groupe sur les verbes en -ir : à la p3 refroida 62/7 et à la p6

saillerent 105/20, 127/4 (mais saillirent 7/13, 104/6, 120/14, etc., soit 19 occ.). Cette pratique se rencontre surtout dans les dialectes de l’Est (en particulier le lorrain), du Nord-Est et de l’Ouest (l’anglo-normand), y compris en MF256.

¤ Empiètements du type de parfait faible en -i sur celui des verbes en -er : à la p3

secouit 66/37, trenchit 340/26 et à la p6 tuirent (AJ) 87/6 (mais tuerent 27/8, 340/37, 420/9, 471/21 ), tardirent (AJ) 87/30 (mais tarderent 90/1, 264/8), passirent 138/4 (mais passerent 25/17, 29/6, 33/15, etc., soit 10 occ.), effondrirent 281/12,

marchandirent 318/13, montirent 400/28.

La forme s’emploïrent 90/38 pourrait peut-être s’expliquer par ce phénomène (o serait

alors la réduction de oi), à moins d’y voir l’oubli de -e-. Ces terminaisons, propres d’abord au Nord (où se pratique la monophtongaison de ié à i)257 et à l’Est, se sont répandues ensuite en langue littéraire. Rares au XIVe siècle, elles deviennent très fréquentes en MF ; elles survivront jusqu’au XVIIe siècle258.

256 Cf. J. CHAURAND, p. 119 ; M. K. POPE, p. 479, § 1315. Pour la p6 en -erent principalement, voir P. FOUCHÉ, Le verbe, p. 269, § 134 ; G. ZINK, Morphologie, p. 199.

257 P. FOUCHÉ, Le verbe, p. 262, § 129 : « […] l’explication de chargi, -is, etc. pourrait bien se trouver, pour le Nord, dans la 3e pers. plur. en -ierent (< -arunt précédé de cons. palat.). Là en effet, -ierent, avec l’accent sur i, s’est réduit normalement à -irent. L’i de cette nouvelle terminaison aurait pu déterminer une 3e pers. sing. en -it, et l’action combinée de -it, -irent aurait ensuite entraîné la généralisation de -i- dans le reste du paradigme. A leur tour, les parfaits du type chargi, mangi, etc. auraient servi de modèle à

chanti, tombi, etc. Sans doute en a-t-il été ainsi en picard (et en anglo-normand à cause de l’élément normano-picard qu’il contient) ; mais il faut reconnaître que chanti, tombi, et aussi chargi, mangi exigent

autre part une explication différente, à moinsd’admettre que ces formes sont descendues du Nord. Si on

refuse cette supposition, on peut penser aux formes vendei, vendeit, vendeirent (l. vendĭdī) de l’Est et de

l’Ouest […], passées dans le courant des XIIIe-XIVe siècles à vendi, vendit, vendirent sous l’influence du français central […]. Ce changement aurait entraîné celui de chantai, chanterent, dialect. chanteit […] à

chanti, chantirent, chantit. D’où ensuite l’extension de -i- aux autres formes. »

258 Cf. J. CHAURAND, p. 119 ; P. FOUCHÉ, Le verbe, p. 259-262, § 129 ; Ch. MARCHELLO-NIZIA, Langue,

199

¤ À la p6, emploi de la variante graphique -airent « due à l’influence de la 1re pers. sing. en -ai »259 dans cessairent 526/16.

¤ À la p6, troveront A 111/2 = troverent JP : il s’agit peut-être d’un passé simple faible en -a lorrain260. Mais pour des raisons de lisibilité, nous avons adopté la forme de JP.

b) Radicaux

¤ Emploi des formes analogiques à radical nasalisé, calquées sur tin, tindrent, pour le verbe prendre et ses dérivés : print 1/13, 45, 2/57 vs prist 1/40, prinstes 5/42, entreprint 103/17, 207/7, prindrent 1/32, 2/12, 9/7, etc., soit 47 occ., entreprindrent 140/5, 359/14. D’après G. Zink, ces doublets, attestés dès le XIIIe siècle, sont « courants en moyen français »261 (voir infra « Participe passé », 9, b).

¤ À la p6, absence de la consonne d’épenthèse t, le plus souvent avec effacement du s d’appui, par alignement sur firent, virent262 dans conquirent 1/25, mirent 1/42, 3/65, 12/4, etc., soit 45 occ., dirent 2/26, 5/11, 16/6, etc., 55 occ., promirent 4/33, 310/10, 402/18, retrayrent 13/3, reduirent 13/4, conclurent 28/25, 155/8, 270/17, etc., soit 10 occ., assirent 29/4, 296/13, enquirent 31/20, occirent 78/4, 397/13, XLVII/R, etc., soit 5 occ., conduirent 138/27, 312/4, 339/4, destruirent 146/13, mais maintien du s d’appui dans misrent 59/13, 65/12, 105/15, 128/7, etc., soit 5 occ., disrent 169/10, 427/4. Selon Ch. Marchello-Nizia, cette tendance à réduire -strent/-sdrent à -rent « existait déjà en ancien français pour certains verbes : elle s’étend et s’amplifie » en MF263.

Mais les formes épenthétiques avec d restent majoritaires : prindrent 1/32, 2/12, 9/7, etc., soit 60 occ., vindrent 1/43, 2/5, 5/9, etc., 78 occ., devindrent 1/60, tindrent 5/22, 11/5, 21/9, etc., soit 10 occ., entreprindrent 140/5, 359/14, parvindrent 462/1.

259 P. FOUCHÉ, Le verbe, p. 254, § 127 f.

260 Id., ibid., p. 249, § 127 f) : « Un croisement de chanterent avec chantont a même pu se produire ;

cf. meneront ». Voir aussi M. WILMOTTE, Romania, XIX, p. 84 ; M. K. Pope, § 1297.

261 Morphologie, p. 204. Voir aussi Ch. MARCHELLO-NIZIA, Langue, p. 283.

262 Cf. G. ZINK, Morphologie, p. 204 et Le Moyen français, p. 68 a).