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ÉTUDE LINGUISTIQUE

I- Phonétique et graphies

32. Cas du e intérieur

¤ Maintien de e intérieur dans esperit/Esperit P/4, 144/18, 160/5, etc., soit 9 occ. (mais Esprit 411/16). Pour la forme larrecin 96/10, 484/4, 512/3, P. Fouché signale que la chute de [e] intérieur se produit de la fin du XIIe siècle au milieu du XVe siècle112.

¤ Un e adventice apparaît dans derreniere 215/15, esechecquier 81/34. Nous avons choisi de corriger perouverent 105/3 en eprouverent, y voyant le résultat d’une interversion des deux premières lettres, mais il pourrait également s’agir du même phénomène que les mots précédents. La forme coueroucé 82/17, résultant sans doute d’une erreur de lettre (e au lieu de r), a elle aussi été corrigée.

¤ À l’inverse, effacement de e intérieur dans s(e)urté 12/22, 13/4, 25/13, etc., soit 20 occ. (contre seureté 30/55), Dennmarche 18/24, guerdonné 31/23, guerdonneray 331/18, courcez 345/2, guerdon 345/25, marchal 451/14 (AP), longment 458/10.

Tous ces faits prouvent qu’à l’époque de l’impression de notre texte, le e intérieur ne se prononce plus.

Ces traitements de e intérieur ont pour conséquence morphologique l’amuïssement du

e intérieur caractéristique du futur pour les verbes du premier groupe113 : envoiray

111 Cf. p. 58, § 6. Voir aussi Cl. RÉGNIER, E sourd final, p. 515.

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129/18 / envoyra 351/22 (mais envoieray 287/16, envoyera 293/11, 14, envoyeroit 343/12, envoierez 358/6), sainctifira 368/20, prirons 376/19 (contre prierons 1/3),

crirez 391/24, depriroye 426/10.

33. Présence de e prothétique dans espirituelle 250/5. 34. i / y

¤ Équivalence des graphies i et y :

- pour noter le produit d’un y étymologique intérieur dans tirant 6/12, 18, 116/18, 495/25 vs tyrant 3/59, 6/16, 20, tirannie 8/9, 455/5, mistere 320/6, stillé 505/10 ; - pour noter [y] à l’initiale dans ieulx 502/3 vs yeuls/yeulx 11/19, 81/35, 90/30, etc., soit 21 occ., ou à l’intervocalique dans Guion 2/20, 251/3, 4, etc., soit 17 occ., vs Guyon 254/2, 257/1, 6, etc., soit 82 occ., voiant/voient 8/9, 15/34, 18/15, etc. soit 12 occ. / voiez 37/6, 339/5 / voioit 362/18 vs voyant/voyent 3/62, 15/26, 35, etc., soit 51 occ., aiés/aiez 18/25, 106/11, 170/10, 504/10 vs ayés/ayez 8/79, 133/29, 179/8, etc., soit 14 occ., Maience 19/51, XII/R, 73/18, 23 vs Mayence 1/23, 23/39, 73/42, etc., soit 10 occ., moien 23/58, 252/1, 505/5 / moiennant 199/9, 353/5 vs moyen 11/6, 28/15, 124/4, etc., soit 34 occ. / moyennant 20/14, 23/51, 216/7, etc., soit 5 occ., renvoier 51/21, 192/19, 193/18 vs renvoyer 193/5, 17, 216/1, etc., soit 10 occ., ottroia 61/9 / ottroié 263/8, tournoier 65/14, 81/13, 90/20, 155/15 vs tournoyant 65/14, loiaulté 91/4 vs loyaulté 11/14, 49/17, 20, 53/6, 14, etc., voiage 305/10, 308/3, 5, etc., soit 6 occ., vs voyage 5/6, 8/74, 14/39, etc., soit 24 occ., ploiast 323/3 vs ployer 18/11, 39/22, 219/2, etc., soit 5 occ., paians 335/20 / paien V/R (x2), 17/15, etc., soit 26 occ., vs payen 264 occ., (tres)joieu(l)x 375/23, 451/5, 524/3 vs (tres)joyeu(l)x 3/11, 24, 39, etc., soit 103 occ., paier 477/5 / paiera 22/5, 284/8 vs payer 245/13.

¤ Emploi très fréquent de la graphie y :

- à l’initiale : yreux 4/6 / yré 321/10, ymage 31/27, 353/10, 368/10, etc., soit 6 occ., ymaginer 278/7, 353/16, 452/3, 514/9, ymagerie 447/5, ymaginacion

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521/19 (mais imagination 251/1), yssir 128/16, 471/18, 492/1, ysle 443/27, 444/10 (x2), etc., soit 5 occ., yvoire 447/5, Yvoire 163/4, 175/6 (contre

Ivoire/Ivoyre 165/6, 218/9) et le radical du futur de aller : yr- 3/19, 14/40, 15/45, etc.

- à l’intérieur d’un mot : syre 18/26 ;

- à la finale : quy 260/3, 516/26, sy 126/1, 469/7.

Ce phénomène est banal en MF ; G. Zink signale d’ailleurs que y est devenu « envahissant au XVe » siècle114.

35. Hiatus

¤ Les formes avec maintien graphique de la prétonique en hiatus concurrencent les formes réduites : Laon T/4, XIV/R, 193/12, etc., soit 9 occ., vs Lan 80/1, veoir P/20, 28, 2/47, etc., soit 131 occ., vs voir 111/16, 285/14, 286/2, etc., soit 15 occ., veoi-/veoy- 15/38, 26/2, 39/19, soit 23 occ., vs voi- 58/8, 153/8, 195/3, etc., soit 10 occ., vei- 23/42, 115/11, 143/18, etc., soit 15 occ., vs vi- 27/31, 29/2, 82/9, etc. , soit 31 occ., veezcy 30/8, 47/5, 57/10 vs ve(z)cy 18/14,33/13, 35/11, etc., soit 37 occ. / vé 286/12, fei- 8/66, 87/5, 112/35, 119/14, etc., soit 19 occ. vs fis 90/44, 216/9, 330/19, pleu (p.p.) 8/82, 30/49, 50/5, etc., soit 13 occ. / pleu- 30/14, 26, 50, etc., soit 21 occ., vs plust 97/25, 425/19,

seur(e)té 12/22, 13/4, 25/13, etc., soit 17 occ., vs surté 392/6, 14, 410/10, 506/34,

vraiement/vrayement 18/10, 65/4, 76/13, etc., soit 23 occ., vs vrayment 78/13, 281/5,

priveement 25/7, 385/13 vs privement 336/25, 391/6, hardiement 27/67 vs

hardiment/hardyment 95/23, 114/5, 151/18, etc., soit 9 occ., destruyement 142/11 vs

destruyment 100/8, tournoyement 143/12, 14, 21 vs tournoyment 3/39, peu (p.p.) 145/11, 153/3, 157/43, etc., soit 18 occ. / peu- 111/16, 112/28, 124/2, soit 28 occ. vs

pust 452/24, esleu 174/9, XXXVII/R, 301/1, etc., soit 5 occ., vs eslu 103/19, asseur 291/15 / asseurance 63/9, 102/10, 158/6, etc., soit 7 occ. / asseurement 348/12 / asseur- 23/56, 81/31, 245/5, etc., soit 12 occ. / asseuré (p.p.) 282/16, asseuré (adj.) 5/37, 95/24, 114/2, etc., soit 16 occ., vs assure 52/8, 428/25 / assuré 82/12, 107/18, 335/26, escuierie 323/7, 496/19 vs escuirie/escuyrie 113/11, 402/19, 507/16, payemens 344/12 vs

payment 82/20, beney 502/18 vs benyr 3/41, 151/5, 286/14 / benissoit 3/26.

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Cet effacement du e central atone en hiatus à l’initial rend ambiguë la forme

voit 355/12. Nous l’avons finalement corrigée à l’appui de JP (veoit).

Mais pour d’autres mots, seule la forme conservatrice est employée : pa(o)ur 1/38, IV/R, 14/53, etc., soit 35 occ., (s)(c)eu(l)- 1/60, 3/14, 3/35, etc., soit 66 occ., sceu (p.p.) 24/5, 55/10, 73/25, etc., soit 13 occ., sceu (n.) 25/16, 46/9, 75/5, esmeu (p.p.) 2/28, 8/11, 15/38, etc., soit 6 occ., seur (adj.) 3/51, 52, 51/22, etc., soit 20 occ., veu 8/39, 12/13, 14/5, etc., soit 108 occ., veue (n.) 53/2, 243/19, 258/8, etc., soit 8 occ., deu- 12/19, 28/3, 30/41, etc, soit 12 occ., deu (p.p.) 19/4, 513/3, deu (n.m.) 199/18, 208/13, meure (adj.) 12/20, meurs 449/1, seurement 13/18, 54/12, 55/11, etc., soit 47 occ., meis- 13/18, 24/23, 123/17, etc., soit 5 occ., armeures 18/17, (im)pourveu 17/19, 46/12, 54/18, etc., soit 12 occ., pourveust 322/2, cheoir 19/3, 108/7, 270/4, etc., soit 5 occ., cheoye(nt) 92/11, 414/10, cheu- 3/62, 9/8, 27/25, etc., soit 32 occ., cheu (p.p.) 48/10, 234/10, 333/16, etc. soit 6 occ., cheute (n.f.) 406/11, 407/10, congneu- 23/44, 66/23, 68/10, etc., soit 11 occ., congneu (p.p.) 4/15, 16/22, 84/8, etc., soit 16 occ., incongneue 23/4,

incongneuz 352/7, 84/8, 10, etc., soit 31 occ., leu 61/6, 166/2, festoiement 146/3, beust 193/17, beuz 279/25, gayement 241/4, deceustes 390/15, deceu(z) 16/17, 432/19, creue 394/6, deissiez 400/18, 526/2, repeu 400/21, 22, repeurent 419/12, escheut 420/11,

bleceure 427/21, eage 450/6, 7.

A contrario, d’autres mots enfin ne se présentent que sous leur forme réduite, comme g(u)aigner et ses formes conjuguées (AF g(u)aaingner) 22/13, 34/6 (x2), 65/24, etc., ou encore gaing 23/5, 7, 97/16, 145/2, vrai/vray(e)(s) 3/57, 7/10, 8/21, etc., miroir (< miratōriŭ) 165/21 / mirouer 514/15, meschant 267/5, 434/9, 451/6, 510/3, jayne

(AF gehine <* jehjan) 377/23.

L’emploi de formes avec maintien graphique de la voyelle en hiatus est donc très fréquent dans notre texte115. Mais la graphie eu reste équivoque dans un texte en prose du XVe siècle car elle peut noter [ü] ou [œ]. En outre, la forme freeur (< fragōr) 423/5 est, elle aussi, ambiguë étant donné les équivalences graphiques signalées supra : la

115 Cf. G. ZINK, Le Moyen français, p. 10 : « la voyelle amuïe devant l’accent continue de s’écrire jusqu’au XVIe siècle, moins par conservatisme que pour traduire l’allongement, avec valeur de signe diacritique ».

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prétonique interne notée e peut se prononcer [œ] (évolution phonétique) ou bien [ę] (prononciation moderne).

¤ Emploi de la graphie inverse eu pour u dans feussiez 481/6.

¤ Insertion d’un y entre deux voyelle en hiatus dans oyeul 39/9, 337/14, 496/17 /

oyeil 386/17, Doyon 90/8 (contre Doon 1/23, 24, 19/51, etc., soit 20 occ.), geyan 173/14 (contre geant T/3, XXIV/R, 291/11, etc., soit 17 occ.), souyaicte 453/18 (contre

souhai(c)ter/souhaitier 75/2, 381/23, 452/10, etc., soit 5 occ., souhayt- 466/28 (x2)). C’est un trait attesté en wallon116.

La forme mescroyans 351/11 (en face de mescreans 1/26, 10, 15, 87/27, 351/11) est analogique de l’infinitif mescroire.

Mais les formes suivantes sont ambiguës : fayé (adj.) 33/3, 154/14, 484/20 (mais faee(s) 1/44, 451/3), faes (p.p. f.) 452/3, fayee (n.f.) 33/3 (mais fae 447/7, 450/2, 5, etc., soit 35 occ.), faie 449/27 / faye 443/3, Faierie 474/3, baye 221/2 : i/y peuvent être des signes purement graphiques pour séparer les deux voyelles en hiatus ou bien former une diphtongue avec a (graphie inverse).

Pour l’insertion du h avec ce rôle diacritique, voir infra.

¤ Rétablissement du v étymologique entre les deux voyelles en hiatus dans

espouvantez 108/17. Il aurait donc été possible de transcrire v au lieu de u dans

espouanté 148/7, 421/1, espouenté 194/17, 407/11, 445/6, etc., soit 5 occ, et

tresepouantee 391/17, s’il n’y avait eu la forme espoenté 114/19117.

116 Cf. M. WILMOTTE, p. 63, n° 29 ; R. MANTOU, p. 144 ; A. GOOSSE, § 1, A, 1, c, 2°. Voir aussi G. HASENOHR, p. 450 ; M.-Cl. de CRÉCY, Hélène, p. CXVIII.

133 B/ Consonantisme