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2.6 Autres facettes de l’Agefiph

3. Evaluation des impacts de la loi

3.2 Impact sur le niveau d’emploi des personnes handicapées

3.2.2 Impacts sur l’emploi des personnes handicapées

L’emploi des personnes handicapées dans les entreprises assujetties

Malheureusement, nous n’avons pas trouvé dans la littérature de série statistique homogène continue entre 1987 et 2000 permettant de mesurer exactement et complètement l’emploi offert aux personnes handicapées dans les établissements assujettis. La méthode de vérification du respect de la loi a plusieurs fois évolué, passant d’une enquête par échantillon à un contrôle exhaustif (la vérification est rendue malaisée par la difficulté d’identifier les établissements (et non les entreprises) de plus de 20 personnes ainsi que ceux demeurant assujettis déduction faite des emplois exclus). Sur base de la série continue que nous avons tenté de reconstituer, il semblerait que le nombre de personnes handicapées déclarées comme bénéficiaires d’un emploi dans les établissements assujettis à la loi n’ait pas augmenté par rapport à 1987 mais soit resté stable.

En tenant compte des unités bénéficiaires proratisées (certains travailleurs handicapés comptent pour plus qu’une unité) et en ne le rapportant qu’aux emplois

« assujettis »n’exigeant pas d’aptitude particulière, le taux d’emploi défini par la loi atteint 4.1 %, ce qui ne représente 68% de l’objectif officiel. Dans la mesure où les comparaisons sont possibles, ce taux serait resté stable lui aussi, en tout cas depuis 1992, les variations d’une année à l’autre étant de l’ordre du dixième de % 83.

Le taux d’emploi de 6 % est-il atteint dans les entreprises assujetties ?

Tableau II.3-7 :: Exécution de la loi de 1987

(Source : DGEFP, Ministère de l’Emploi et du travail)

1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 Taux d’emploi 3% 4% 5% 6% 6% 6% 6% 6% 6% 6% 6% 6% Seuil d'assujettiss ement (nbre de salariés) 34 25 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 Nombre d'éts de 20 salariés et + ? ? ? ? 127.300 ? 103.400 104.843 ? ? Nombre d'établ. assujettis 1 52.600 74.100 87.800 88.800 89.000 85.000 85.023 86.200 89.616 88.958 91.424 ? 92.187 Effectifs salariés (10 3) des établ. atteignant le seuil 2 7.356 7.897 8.518. 8.539,6 8.411 8.711,5 8.500 9.758,3 8.472,6 8.040,7 8.364,7 ? 7.839,9 Emplois (10 3) exclus dans établ. atteignant le seuil 578,4 498,1 632,1 636,4 642,9 1.061,9 849,4 814,4 859,9 934,9 1.034,0 ? ? Effectifs (10 3) salariés des établ. assujettis ? ? ? ? ? ? ? ? ? 7.105,7 7.330,6 ? ? Emplois (10 3) exclus dans établ. assujettis ? ? ? ? ? ? ? ? ? 541,2 508,7 ? 456 Assiette (10 3) d'assujettiss ement (emplois avec aptit. partic. déduits) 3 6.777,6 7.398,9 7.885,9 7.903,2 7.768,1 7.649,5 7.650,2 7.995,2 7.148,0 7.105,7 7.330,5 7.277,0 7.383,9 Bénéficiaire s, dont: 4 223.800 235.900 256.300 258.000 254.700 221.000 247.900 265.927 221.210 219.661 219.778 215.000 219.000 Accidentés du travail 131.000 134.000 140.300 136.600 129.900 114.034 133.676 95.931 88.050 80.416 73.100 65.700 Cotorep 65.000 70.500 82.100 84.900 89.400 99.160 103.583 99.052 104.260 112.630 120.400 129.210 Nombre moyen de handicapés par établ. assujetti 4 / 1 4,25 3,18 2,92 2,91 2,86 2,60 2,92 3,09 2,47 2,47 2,40 ? 2,38 Taux d'emploi effectif des handicapés 4 / 2 3,04% 2,99% 3,01% 3,02% 3,03% 2,89% 3,24% 3,33% 3,09% 3,09% 3,00% 2,95% 2,97% Unités bénéficiaires proratisés (UBP) 5 ? 264.700 293.600 296.900 310.200 310.256 311.000 323.890 285.208 284.230 295.718 288.897 302.394 UBP/bénéfi ciaire 5 / 4 ? 1,12 1,15 1,15 1,22 1,40 1,25 1,22 1,29 1,29 1,35 1,34 1,38 Taux d'emploi légal en UBP 5 / 3 ? 3,58% 3,72% 3,76% 3,99% 4,06% 4,07% 4,05% 3,99% 4,00% 4,03% 3,97% 4,10%

Nous avons également opéré une comparaison entre les contributions compensatoires effectivement versées et celles qui seraient versées si aucune entreprise ne respectait même partiellement l’obligation d’emploi en occupant des personnes handicapées (calcul approché

84) : cette comparaison aboutit à la conclusion que l’obligation d’emploi est respectée à raison de 66.6 % en termes d’occupation. Bref, on peut affirmer qu’en termes d’unités d’emploi (déclarées) offertes aux personnes handicapées, la loi atteint les deux tiers de ses objectifs.

Si on neutralise l’impact du système de bonifications et qu’on se limite au nombre effectif de personnes handicapées déclarées occupées par les établissements assujettis, le taux d’emploi actuel est de 2.9 %. Autrement dit, les personnes handicapées représentent 3 % de l’emploi offert par les établissements de plus de 20 travailleurs, après déduction des emplois exclus (ce qui est analogue aux 3 % observés initialement mais qui n’est cependant pas strictement comparable).

Tableau II.3-8 : bilan quantitatif de la loi de juillet 1987 (année 2000) Secteur privé (et associatif) Emploi

total

Emploi TH Emploi dans les entreprises assujetties D 7.839.000

Emploi exigeant des conditions particulières E - 456.000 Emploi accessible F=D-E =

7.384.000

Emploi déclaré dans les entreprises assujetties 219.000

Taux d'emploi des TH (non proratisé) 2.9 %

On observe en tout cas une hausse tendancielle du nombre d’unités de bénéficiaires par personne handicapée occupée. Cette hausse s’explique par une embauche plus importante de personnes handicapées Cotorep ayant un degré de handicap plus élevé et bénéficiant de points supplémentaires (Catégorie C).

Si l’on compare le taux d’emploi officiel (avec les unités proratisées), à savoir 4.1%, avec le taux d’emploi effectif en termes de personnes bénéficiaires, à savoir 2.9%, on peut en déduire que 70.7 % des unités d’emploi déclarées sont convertibles en personnes bénéficiaires de l’obligation. Déduction faite des bonifications d’emploi, la loi permet donc d’atteindre en fin de compte 48% (70.7% de 68%) des objectifs d’emploi assignés au secteur privé.

En termes de nouveaux emplois offerts aux personnes handicapées, le bilan global de la loi est donc assez mitigé. Par contre, le dispositif et tout ce qui l’accompagne (principalement les mesures de l’Agefiph) « ont permis que l’emploi des personnes handicapées soit à tout le moins relativement préservé » (Maryse Chaix , p. »22 »)

Perspectives d’emploi dans le secteur privé assujetti

Une enquête menée auprès d’établissements de plus de 100 salariés 85 révèle des perspectives inquiétantes quant au maintien du niveau d’emploi des personnes handicapées, compte tenu d’une augmentation des flux de sortie prévisibles.

84 Voir Annexe 3. Un calcul exact n’a pas été possible avec les informations statistiques dont nous disposions.

85 Des entreprises de plus de 100 travailleurs ont été interrogées sur leurs perspectives concernant l’ensemble des salariés, puis plus spécifiquement concernant les travailleurs handicapés. Pour l'ensemble des salariés, 66% des établissements interrogés sont en recherche de personnel ou pensent l'être dans l'année à venir :

En effet, dans l'ensemble des établissements assujettis, plus de 33 200 travailleurs handicapés identifiés fin 1998 seront âgés de 60 ans ou plus en 2003 et 79 600 en 2008 86. Ainsi, 15% des travailleurs handicapés identifiés fin 1998 atteindront l'âge de la retraite d'ici 2 003 et 35% d'ici 2008.

Le nombre de ces départs va croître chaque année régulièrement jusqu'en 2004, puis se stabiliser avant de croître à nouveau à partir de 2007, année où des générations nombreuses arriveront à l'âge de la retraite.

Tableau II.3-9 : Estimations du nombre de départs à la retraite dans les années à venir dans les établissements de 100 salariés et plus

{EMBED Excel.Sheet.8}

Il faut donc s'attendre à des départs à la retraite un peu plus importants que d’habitude dans les cinq et dix ans à venir. La question qui se pose est de savoir s’il y aura suffisamment de nouvelles embauches (ou maintiens) pour compenser ce flux de départs à la retraite, compte tenu d’un flux d’embauches annuelles fluctuant entre 10 et 20.000 unités (au maximum) et compte tenu d’un flux inévitable d’autres départs, démissions volontaires ou licenciements. Le principal défi à relever est que les travailleurs handicapés à proposer

disposent des qualifications et compétences adéquates par rapport aux nouvelles exigences du marché du travail ; celles-ci sont en effet de plus en plus élevées.

- un autre tiers déclare penser recruter dans les douze mois à venir,

- le dernier tiers ne cherche pas à recruter et ne pense pas le faire dans les douze mois à venir. Les principales raisons évoquées sont (plusieurs réponses étant possibles) :

- le remplacement de personnel suite à des départs : 63% des établissements. - le contexte économique (36%),

- la réduction du temps de travail (19%), - l'existence d'une activité saisonnière (15%).

86 Cette évolution n’est pas spécifique aux personnes handicapées mais caractérise l’ensemble de la population active, par suite du babyboom de l’immédiate après-guerre.

Et le secteur public ?

Si l’bjectif d’emploi en % du personnel est presque atteint dans la fonction publique hospitalière (5.68% en 1999) et dans la fonction publique territoriale (5.12% en 1998), dans la fonction publique de l’Etat, par contre, la situation est beaucoup moins brillante (3.07% des effectifs), même quand on en retire le secteur de l’Education nationale, encore plus réfractaire à l’intégration de personnes ayant acquis un handicap (le taux est de 4% hors Education nationale).

Globalement le taux d’emploi atteint est de 4.3%, soit 71.6% des objectifs du quota. Ce chiffre est un chiffre net puisqu’il n’y a pas de bonifications d’emploi dans la fonction

publique.

S’il est probable que ce chiffre sous-estime quelque peu la réalité, des personnes handicapées ayant réussi un concours ne se manifestant pas nécessairement sous ce statut, il n’empêche que cela interpelle le secteur public, dont on s’attendrait qu’il donne davantage l’exemple. Une longue histoire de recrutement élitiste des fonctionnaires explique sans doute en partie cette situation. Mais l’absence de contribution compensatoire autant que d’incitants financiers, de dispositifs réglementaires précis ou d’appuis spécialisés peut également l’expliquer.

Tableau II.3-10 : bilan quantitatif de la loi de juillet 1987 Fonction publique (Etat,

territorial) Emploi total 1994 Emploi total 4.096.470 Emploi des TH Emploi assujetti (> 20 salariés) (estimation APF) 3.440.000 Emploi des trav. hand. 148.000

Taux d'emploi des trav. hand. 4,3%

Ce sont ces constats qui amenèrent le Ministère de la fonction publique à signer un protocole d’accord avec les organisations syndicales (9 octobre 2001), sous la pression également des associations de fonctionnaires handicapés. Cet accord

comprend principalement les points suivants:

- Des plans triennaux pour atteindre l’objectif de 6 %, déclinés par administration et département et décrivant les objectifs chiffrés de recrutement et les moyens pour y parvenir (accessibilité des locaux, adaptation des postes,…). A défaut d’atteindre l’objectif, « l’administration concernées verra une partie des emplois prévus pour les travailleurs handicapés mis en réserve ou reportés et se verra imposer une contribution au fonds interministériel d’insertion des travailleurs handicapés » 87.

- Un recrutement direct de contractuels, titularisés après une année d’emploi

(éventuellement après examen professionnel, pour remplacer la procédure des emplois réservés); ainsi qu’une amélioration des conditions d’accès aux concours.

- Un triplement des moyens du fonds interministériel pour l’insertion des travailleurs handicapés.

- Une procédure pour favoriser le reclassement de fonctionnaires devenus inaptes en cours de carrière, une aide financière au passage à temps partiel en cas d’aggravation du handicap.

- Un volet spécifique aux personnes handicapées dans les plans de formation pluriannuels des ministères ; ainsi que des actions de sensibilisation de la hiérarchie et des collègues.

Et les petites entreprises non soumises à la loi de 1987 ?

Les établissements de moins de 20 salariés ne sont pas soumis à l’obligation légale d’emploi ; de ce fait, il n’existe pas non plus de statistiques officielles à propos du nombre de personnes handicapées qu’ils occupent. Cette catégorie d’entreprises représente cependant 3,4 millions de salariés, contre 7,6 millions pour les établissement de plus de 20

salariés.(« Rapport sur l’exécution de la loi du 10 juillet 1987 en 1997 », p.7)

Une enquête sommaire par échantillon menée en 1997 par la DARES auprès des entreprises de moins de 10 travailleurs aboutit à la conclusion qu’elles emploieraient 120.000 personnes handicapées, soit 3.5% de leur emploi. Il s’agit bien entendu d’un simple

extrapolation, laquelle comporte une marge d’erreur ; et elle ne semble pas avoir été renouvelée plus récemment.

Ce qui semble clair en tout cas, c’est que des très petites entreprises embauchent des personnes handicapées que des grandes entreprises n’embaucheraient pas, par exemple des personnes avec un handicap mental. Elles ont en effet une palette d’emplois plus diversifiée, la division du travail y est moins poussée et on y trouve davantage de tâches ingrates ou à plus faible qualification (que les grandes entreprises sous-traitent d’ailleurs ou renvoient aux petites entreprises). Par ailleurs, elles sont sans doute plus accessibles aux prospecteurs, le système de décision y étant plus simple et plus facile à cerner.

Or, ce sont ces petites entreprises qui captent la majorité (66%) des primes à l’insertion octroyées par l’Agefiph dans le cadre d’une opération de placement, via son réseau de

médiateurs. Il est dès lors probable que plus de la moitié des personnes handicapées embauchées dans ces entreprises de moins de 20 travailleurs l’aient été avec l’aide d’une prime à l’insertion.

En effet 88, sachant que les embauches avec prime ont atteint un total de 140.229 entre 1995 et 2001, contre 103.254 avant 1995 et que les deux-tiers de ces embauches concernent des entreprises de moins de vingt salariés, on peut en déduire qu’elles y représentent un total de 91.000 embauches entre 1995 et 2001, contre 67.000 sur la période précédente. Sachant que, dans cette catégorie d’entreprises, le taux de pérennité dans la même entreprise se stabilise vers 30% au bout de trois ans, et 40% chez un autre employeur, soit un taux de pérennité de 70%, on peut enfin en conclure qu’il y aurait environ 70.000 emplois résultant d’une placement primé.

Bien qu’il ne soit pas soumis à l’ « obligation » d’emploi, ce pan de l’économie ne semble donc pas spécialement réfractaire à l’occupation de personnes handicapées. Et ceci révèle un effet indirect assez remarquable de la loi de 1987, à savoir une augmentation substantielle de l’emploi attribué à des personnes handicapées dans les petites entreprises non assujetties à la loi de 1987.

88 Ces données sont extraites d’une étude d’évaluation de la prime à l’embauche réalisée à la demande de l’Agefiph (2002).

C’est cette situation qui incite l’association des paralysés de France à demander que le seuil d’assujettissement « soit évalué par entreprise et au niveau d’au moins 10 salariés ». Selon cette Association en effet, « les petites entreprises sont celles où l’accueil d’un travailleur handicapé est le meilleur, elles effraient moins les demandeurs d’emploi en difficulté que les plus grandes où l’anonymat est plus grand » (« Tout savoir…, p.11).

« Ce sont aussi celles qui, dans la période actuelle, créent le plus d’emplois » ; d’autant que « l’effectif des établissements de plus de 20 salariés a baissé de 265.000 ». Que le quota de 6% appliqué à un effectif de 10 salariés ne donne qu’une fraction de personnes ne la gêne pas dans la mesure où cela peut se concrétiser par l’emploi d’un travailleur handicapé à mi-temps ou pendant six mois de l’année.