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mécanofluorochromes Introduction

Partie 1 : modulation du ligand et du groupement chélatant

II. Modulation du centre dioxaborinine

II.1 Impact de la chélation par un groupement BF 2

Nous nous sommes ensuite intéressés à l’importance du groupement BF2. Pour cela nous avons tout d’abord étudié le comportement des précurseurs des DFB-H, DFB-Ester et DFB-Amide (Figure 125). Les études sur les précurseurs présentes dans la littérature sont plus rares : seules cinq exemples sont à dénombrer, études réalisées dans le groupe de Cassandra Fraser à l’université de Virginie7-12. Leur synthèse a été introduite au Chapitre 2 (Schéma 1 et 2), seule la dernière réaction de chélation par le bore n’est pas réalisée.

Figure 125 : Molécules cibles dans le cadre de l’étude liée à la modulation du centre dicétone.

A Propriétés spectroscopiques en solution et modélisation

Les spectres d’absorption et de fluorescence des dérivés P-H, P-Ester et P-Amide ont été étudiés en solution dans le THF. On remarque un déplacement hypsochrome des spectres d’absorption comparés à ceux des équivalents borés. Dans le cas de P-Ester un déplacement hypsochrome en émission est également observé avec l’évolution du maximum d’émission de 454 nm à 430 nm, soit un décalage de 24 nm (1230 cm-1). Ce phénomène n’a pas lieu dans le cas de P-Amide et le composé P-H ne présente aucune propriété de fluorescence. Les pics fins et intenses observables dans tous les spectres d’émission correspondent au signal Raman du THF (Figure 126).

Le déplacement hypsochrome des spectres est accompagné d’une perte drastique ou totale de la fluorescence avec des rendements quantiques passant de 0,85-0,90 à moins de 0,01. En effet, le groupement BF2 vient rigidifier la structure et permet l’exaltation de la fluorescence (Tableau 18). Les coefficients d’absorptions molaire sont inférieurs à ceux des équivalents BF2 mais restent assez élevés, par exemple pour les dérivés P-H et DFB-H les valeurs obtenues pour ces coefficients sont respectivement de 29000 Lmol-1 cm-1 et 41300 Lmol-1 cm-1.

Une étude sur des dérivés analogues a été faite en 2016 par Fraser et al.8 avec les mêmes constatations : un déplacement hypsochrome en absorption et en fluorescence accompagné d’une perte dramatique de la fluorescence en l’absence de chélation.

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Figure 126 : Spectres d’absorption (en lignes pleines) et d’émission (en lignes pointillés) des dérivés P-H, P-Ester et P-Amide.

Tableau 18 : Récapitulatif de maxima mesurés en absorption et en émission pour les composés H, Ester et

P-Amide, accompagné de la valeur des coefficients d’absorption et rendement quantique de fluorescence,

comparées aux dérivée DFB-H, DFB-Ester et DFB-Amide.

a Ref sulfate de quinine dans H2SO4 0.5 M.

La géométrie (respectivement la transition Frank-Condon) des deux précurseurs Ester et P-Amide a été modélisée en solution par DFT (respec. TDDFT) en utilisant la fonctionnelle B3LYP et la base 6,31 G(d,p) (respectivement la fonctionnelle B3LYP et la base 6,311+G(d,p)). Dans les deux cas les interactions avec le solvant sont modélisées en utilisant la méthode IEFPCM.

Les deux composés possèdent une géométrie fortement distordue caractérisée par les angles dièdres φ1 et φ2 (Figure 127). Dans les deux cas l’approche théorique surestime l’énergie des transitions électroniques et les transitions Franck-Condon n’impliquent pas seulement les orbitales frontières HO et BV mais également l’orbitale HO-1 dans le cas du dérivé P-Ester et l’orbitale HO-3 dans le cas du dérivés P-Amide et sont de type ππ* et nπ*.

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Figure 127 : Structures géométriques théoriques des composés A. P-Ester et A’. P-Amide accompagné des transitions électroniques en absorption et de la comparaison entre modèle théorique et résultats expérimentaux pour les composés B. P-Ester et B’. P-Amide.

189 B. Études cristallographiques et mécanofluorochromisme

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Par agrégation et passage à l’état solide on observe une augmentation de l’intensité de fluorescence. Ceci se vérifie en déterminant les rendements quantiques de fluorescence, mesurés à partir d’échantillons papier par la méthode de dépôt sous vide avec des valeurs de 2,4% (P-Ester) et 3,7% (P-Amide) dû à la rigidification du système.

Des essais de cristallisation ont été réalisés, mais seuls des cristaux du dérivé P-Ester ont pu être isolés et leur structure résolue par diffraction des rayons X. Ce composé cristallise en maille cubique centrée avec 8 molécules par maille associées par paire. La géométrie de P-Ester est légèrement distordue, avec des angles de 15,79° et 10,36° entre la dicétone et les groupes p-methoxyphényle et p-methylbenzoate respectivement (Figure 128). Cette géométrie est bien plus plane que celle théorique mis en évidence en solution. Les molécules d’une paire ont leurs substituants orientés de manière opposée, avec une distance entre centroïdes de 3,693 Å. Il y a peu d’interactions entre les deux molécules avec un recouvrement partiel des unités phényles (Figure 128).

Figure 128 : Géométrie du dérivé P-Ester avec en rouge le centroïde associé (à droite) et paire mise en évidence au sein de la maille.

Le caractère mécanofluorochrome des composés P-H, P-Ester et P-Amide a été préliminairement testé par broyage des poudres de synthèse dans un mortier en agate. Ces tests révèlent que seuls les dérivés P-Ester et P-Amide sont mécanofluorochromes (Figure 129). Le rendement quantique de fluorescence est peu impacté par la transition de phase. Dans le cas du composé P-H nous avons soit une absence totale d’évolution de l’émission au cours de la contrainte soit un retour à l’état initial tellement rapide qu’aucune constatation oculaire ou par spectroscopie de fluorescence stationnaire n’a pu être constatée.

Figure 129 : Spectres de fluorescence des dérivés P-Ester (à gauche) et P-Amide (à droite) obtenus sur poudres isolées de synthèse (IS) et après broyage (CM). Les rendements quantiques CM sont obtenus par à l’aide d’échantillons papiers obtenus par la méthode de dépôt sous vide.

190 C. Suivi de la transition de retour

Comme nous l’avons vu au chapitre 3 le phénomène de retour est fortement dépendant des substituants introduits sur les phényles du ligand dicétone, nous avons voulu voir si la présence du groupement BF2 joue, elle aussi, un rôle non négligeable sur la cinétique observée. Pour réaliser cette étude nous avons réalisé des dépôts par la méthode de dépôt sous vide sur substrat papier.

Cas du dérivé P-Ester

Après dépôt l’échantillon isolé est opaque avec un maximum d’émission à 474 nm contre 451 nm en poudre et 499 nm pour l’état amorphe. Nous avons donc un état ADp partiellement cristallin. Au court du recuit on remarque un déplacement hypsochrome de l’émission de 28 nm (1330 cm-1). L’état Rp isolé possède un maximum d’émission à 446 nm, légèrement décalé par rapport au maximum mis en évidence pour la poudre IS.

La stabilité des dépôts ADp et Rp et l’évolution des échantillons après contrainte CMp a été étudiée en suivant l’évolution de la longueur d’onde moyenne, selon l’équation 17. Un filtre ne laissant passer que 1% de l’excitation totale a été utilisé pour tenter d’éviter toute dégradation liée à l’irradiation. Dans le cas de P-Ester, après contrainte mécanique, un spectre a été mesuré toutes les 5 minutes pendant 12 heures puis un spectre toutes les 30 minutes pendant 12 heures.

On trouve que les spectres associés aux états ADp et Rp sont caractérisés par des valeurs de longueur d’onde moyenne respectives de 500 nm et 487 nm. Le recuit thermique entraîne donc un déplacement hypsochrome de la longueur d’onde moyenne d’émission de 13 nm (320 cm-1). Après cisaillement, on observe le déplacement bathochrome de la longueur d’onde moyenne de 25 nm (487 nm512 nm) suivi d’un retour vers l’état initial, Rp, pratiquement complet au bout de 24 heures (Figure 130a et b). L’étude de la longueur d’onde moyenne nous montre que celle-ci revient vers une valeur proche de celle ADp (499 nm) alors que spectralement c’est plutôt vers l’état Rp que nous avons l’impression de tendre (Figure 130c et d). L’analyse de l’ensemble des spectres obtenus lors du retour montre une diminution progressive de l’intensité de fluorescence liée au phénomène de photo-dégradation. Ce phénomène n’avait jamais été observé sur les dérivés chélatés.

Le retour est caractérisé par une évolution bi-exponentielle du comportement de la longueur moyenne d’émission composé d’un temps court d’une quinzaine de minutes et d’un temps plus long de 3h15min environ. L’étude du DFB-Ester avait révélé une réaction de retour mono-exponentielle avec un état final proche de l’état ADp. En l’absence du groupement BF2 avec les substituants méthoxy et ester, la réaction de retour est plus marquée et presque totale.

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Figure 130 : a. Spectres d’émission de P-Ester, Après dépôt (ADp), après recuit (Rp), après application de contraintes mécaniques (CMp), et 24 heures après contraintes (CMp +24h). b. Suivi de la transition de retour par spectroscopie stationnaire. c. Evolution de la longueur d’onde moyenne d’émission (moy) de P-Ester sur échantillon papier en fonction du temps ADp, Rp et CMp. d. Évolution de la longueur d’onde moyenne d’émission en fonction du temps après contraintes mécaniques (en jaune) et ajustement de la courbe obtenue par une équation bi-exponentielle (en noir).

Cas du dérivé P-Amide

Dans le cas du dérivé P-Amide, l’évolution a été suivie avec un spectre mesuré toutes les 10 minutes pendant 4 heures avec le filtre ne laissant passer qu’1% de la lumière en excitation. Malgré toutes ces précautions le dérivé P-Amide subit un phénomène de photo-dégradation intense caractérisée par une extinction de fluorescence localisée au niveau de la zone d’étude de l’échantillon. Après 4 heures de suivi l’échantillon a été laissé au repos. Un dernier spectre a été mesuré 24h après application de la contrainte mécanique.

L’état ADp isolé est globalement translucide avec un maximum d’émission à 490 nm, maximum d’émission identique à celui observé après broyage de la poudre IS. Nous avons donc un échantillon en majeure partie amorphe.

Au cours de l’étape de recuit, on remarque une évolution notable de la longueur d’onde moyenne d’émission avec une valeur passant de 509 nm à 486 nm, soit un déplacement de 45 nm (2216 cm-1). Le maximum d’émission de l’état Rp (445 nm) est décalé dans le bleu comparé au maximum observé en poudre (464 nm) et correspond à un léger épaulement que l’on avait noté Figure 129. Après broyage à l’aide d’une spatule un changement bathochrome de l’émission est induit. Les maxima ADp et CMp sont identiques mais le spectre CMp est plus large (Figure 131a). Après 24 heures une légère évolution spectrale est observée, avec un maxima désormais centré à 480 nm (Figure 131b). Cette évolution se fait progressivement en 6-7 heures avec une évolution globalement

mono-192 exponentielle avec une constante de temps d’1h50 (Figure 131c et d). Comme le dérivé DFB-Amide, la phase amorphe est relativement stable mais un léger effet de retour est néanmoins observé.

Figure 131 : a) Spectres d’émission de P-Amide, Après dépôt (ADp), après recuit (Rp), après application de contraintes mécaniques (CMp), et 24 heures après contraintes (CMp +24h). b. Suivi de la réaction de mécanofluorochromisme inverse par spectroscopie stationnaire. c. Evolution de la longueur d’onde moyenne d’émission (moy) de P-Amide sur échantillon papier en fonction du temps ADp , Rp et CMp. d. Evolution de la longueur d’onde moyenne d’émission en fonction du temps après contraintes mécaniques (en jaune) et ajustement de la courbe obtenue par une équation mono-exponentielle (en noir).

Grâce à ces études on peut en déduire que la présence du groupement BF2 rigidifie la structure, limite les processus de désexcitation non-radiatifs et contribue à un déplacement bathochrome de la fluorescence à l’état solide cristallin avec des émissions dans le bleu (respectivement vert) pour le dérivé DFB-H (respectivement les dérivés DFB-Ester et DFB-Amide). Cependant ce groupement BF2 participe également à la stabilité de la phase amorphe, comme on peut surtout l’observer dans le cas des dérivés P-Ester/DFB-Ester. En effet le dérivé DFB-Ester atteint en 6-7 heures un état métastable avec une valeur en λmoy =531 nm similaire à celle obtenues ADp moy(ADp) =530 nm), alors que dans le cas du dérivé P-Ester on remarque un retour vers un état proche l’état recuit avec λmoy =498 nm. Toutefois, les principaux processus responsables de la stabilité ou non de ces phases amorphes sont essentiellement dus à la nature des substituants en position para des cycles phényle, avec un rôle particulier de l’amide par comparaison avec l’ester.