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Immédiatement après la capture du pathogène, le phagosome subit une série de transformations qu

résultent d’ interactions avec des intermédiaires de la voie d’endocytose. Cette maturation du phagosome se fait en différentes étapes depuis le phagosome précoce, intermédiare jusqu’au phagosome tardif (non représenté) et enfin le phagolysosome. Ce dernier est le compartiment qui contient de nombreuses enzymes et peptides antimicrobiens permettant la dégradation des bactéries. Cette maturation est marquée par l’acquisition précoce de Rab5A qui grâce à l’augmentation du Ca2+recrute le complexe enzymatique EEA1 et hVP34 qui permet de synthétiser du PI3P. Ce composé lipidique est un des facteurs essentiels de la maturation du phagosome et de la dégradation du contenu phagosomal. De même le phagosome précoce recrute la pompe à proton (V-ATPase) qui contrôle l’acidification du compartiment tout au long de sa maturation. B- M. tuberculosis est un parasite intracellulaire qui parvient à détourner le processus de la phagocytose à son profit en inhibant la maturation de celui-ci. La bactérie possède un panel de molécules effectrices dont le LAM, le TDM, PknG, PtpA/B et la PI3P phosphatase SapM qui lui permettent de bloquer la maturation du phagosome a un stade précoce Rab5+ Rab7-. Ainsi le bacille inhibe (i) l’influx calcique qui favorise le recrutement du complexe de la PI3 kinase (EEA1-hVP34), de même (ii) grâce à sa phosphatase SapM il dégrade le PI3P ce qui bloque la maturation du phagosome et empêche sa fusion avec des lysosomes. (iii) Le phagosome mycobactérien accumule à sa surface de la coronine 1 qui via l’induction d’un efflux calcique du réticulum parvient à activer une phosphase Ca2+ dépendante, la calcineurine , qui inhibe elle aussi la fusion avec les lysosomes. Adapté de Flannagan et al, 2009.

Recyclage PI Vacuole Mycobactérienne Endosome précoce hVP34 Cathepsines Hydrolases PIM Phagosome intermédiaire Phagosome précoce Phagolysosome Rab5 V-ATPase hVP34 PI(3)P LAMP2 SapM PI(3)P LAM/TDM PknG Lysosomes PtpA/B EEA1 CD63

A

B

M. tuberculosis Autre bactérie Rab7 Ca2+ Rab5 coronine1 Rab5 (i) (ii) (iii) calcineurine

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2.

Nous avons pu voir que les cellules de la réponse immunitaire innée au niveau du poumon expriment un grand panel de PRRs leur permettant d’activer des processus inflammatoires et bactéricides variés et de dégrader le bacille. Cependant, contrairement aux mycobactéries environnementales, M. tuberculosis est un pathogène intracellulaire qui peut survivre au sein des phagocytes (MPs et DCs). M. tuberculosis peut de plus se multiplier dans les macrophages non activés alors qu’il peut être dégradé partiellement dans les MPs activés. Les MPs, DCs, et PMNs sont des cellules phagocytaires qui forment l’une des premières barrières au développement de la pathologie, cependant le bacille possède différents systèmes lui permettant de se multiplier ou de persister dans les cellules de l’hôte.

Les mycobactéries et la réponse immunitaire innée

a) Les macrophages et cellules dendritiques quiescentes

(1) La phagocytose (Figure 17)

La phagocytose est le principal moyen de lutte contre les pathogènes extracellulaires. Ce processus dynamique est induit par l’interaction entre des motifs endogènes ou exogènes avec des PRRs. Il repose sur l’émission de pseudopodes grâce à un remodelage du cytosquelette d’actine permettant d’englober le pathogène dans une structure membranaire complexe appelée phagosome. Cette vacuole phagocytaire mature progressivement en fusionnant avec différents sous-compartiments de la voie endosomale pour former le phagosome intermédiaire, tardif et le phagolysosome. La maturation de ce compartiment se caractérise par une acidification progressive et une accumulation de marqueurs et d’effecteurs bactéricides tels que des radicaux libres d’oxygène et d’azote (RNI et ROI), des protéases, des systèmes de privation en nutriments (NRAMP) (Figure 17 et 18) (Flannagan, Cosio, and Grinstein, 2009). M. tuberculosis exploite la phagocytose afin de pouvoir se développer dans les MPs et les DCs. Il bloque la maturation du phagosome à une étape précoce. Les bactéries sont séquestrées dans une vacuole d’endocytose où certains marqueurs du phagosome précoce sont exprimés tel que Rab5A. Cependant, l’absence de recrutement d’effecteurs de la phagocytose tels qu’EEA1 et hVP34 à la membrane de ce pseudo-phagosome le différencie profondément des étapes précoces de la voie commune en empêchant l’accumulation membranaire d’un facteur majeur de la maturation du phagosome : le Phosphoinositol-3- Phosphate (PI3P) (Figure 17) (Fratti et al., 2003).

Le bacille bloque l’activité de la PI3 kinase hVP34 et empêche l’accumulation de PI3P à la membrane du phagosome. Cette activité inhibitrice semble être induite par les constituants lipidiques de l’enveloppe de la mycobactérie car les bactéries dont les lipides de surface ont

- 49 - été extraits perdent leur activité inhibitrice. Ce phénotype peut être partiellement restauré par l’ajout de TDM (Indrigo, Hunter, and Actor, 2003). De plus la couverture de billes de latex par du TDM permet d’inhiber la maturation des phagosomes qui les contiennent. Enfin un mutant fbpA, qui ne peut plus transférer les acides mycoliques sur le tréhalose, ne parvient pas à totalement inhiber la maturation du phagosome (Katti et al., 2008). Un autre constituant lipidique spécifique des mycobactéries à croissance lente est le ManLAM. De manière analogue au TDM, le ManLAM retarde la maturation de phagosomes contenant des billes de latex (Fan et al., 1998; Fratti et al., 2001; Fratti et al., 2003; Hmama et al., 2004; Vergne, Chua, and Deretic, 2003b). Le LAM empêche l’influx de Ca2+ nécessaire à l’activation de la PI3-kinase en inhibant la sphingosine-kinase qui produit la sphingosine-1-P nécessaire à l’efflux de Ca2+ depuis le réticulum endoplasmique (Vergne, Chua, and Deretic, 2003a; Vergne, Chua, and Deretic, 2003b). Il empêche le recrutement de EEA1 bloquant ainsi l’accumulation de PIP3P (Chua and Deretic, 2004; Kusner, 2005; Lawe et al., 2003). Cependant le mode d’action du ManLAM n’est pas encore bien compris (Philips, 2008). Les mycobactéries inactivées par la chaleur ne parviennent pas à inhiber la maturation du phagosome (Kang et al., 2005), cependant la présence ou l’absence de ManLAM dans cette fraction est discutable (Kang et al., 2005). Dans un premier temps la coiffe mannosylée fut décrite comme nécessaire pour permettre au glycolipide d’interagir avec la voie inhibitrice de la phagocytose via le MR (Kang et al., 2005). Cependant des mutants de M. marinum et BCG dépourvus de l’activité enzymatique nécessaire pour brancher les résidus mannoses sur le corps lipidique conservent leur capacité à bloquer la fusion phagosome–lysosome et parviennent à persister dans les phagocytes (Appelmelk et al., 2008).

Le processus d’inhibition de maturation fait aussi intervenir des facteurs protéiques. En effet M. tuberculosis peut aussi inhiber la phagocytose par des processus enzymatiques. La bactérie produit une phosphatase acide (SapM) semblable à ses homologues eucaryotes (Saleh and Belisle, 2000). Cette enzyme est produite et secrétée dans la vacuole par la bactérie après son endocytose, puis elle s’échappe dans le cytosol de la cellule hôte où elle peut hydrolyser le PI3-P en PI (Figure 17) (Vergne et al., 2005).

Outre le déficit en PI3-P, la vacuole mycobactérienne est dépourvue de nombreux marqueurs et protéines intervenant dans la maturation de ce compartiment. M. tuberculosis produit les tyrosine-phosphatases PtpA et B (Grundner, Cox, and Alber, 2008; Koul et al., 2000) qui bloquent les processus de transfert en interférant avec un facteur de régulation des fusions membranaires (vacuolar protein sorting 33B) (Bach et al., 2008) et en empêchant l’acquisition de la forme activée de Rab7 qui est nécessaire pour la maturation de la vacuole

- 50 - (Bach et al., 2008). Ce blocage des échanges vacuolaires du recyclage et de l’apport de nutriments n’est pas en faveur de la survie du bacille. Le bacille en secrètant du PIM stimule la fusion d’endosomes avec le phagosome de M. tuberculosis. Ces fusions permettent d’accéder aux nutriments endocytés, notamment au fer qui est lié à la transferrine (Vergne et al., 2004).

La mycobactérie possède d’autres facteurs de virulence nécessaires à sa survie dans un compartiment phagocytaire immature. Ainsi, son génome code pour 11 kinases pouvant interagir avec des substrats eucaryotes. Parmi ces différentes kinases, deux sont secrétées (Greenstein et al., 2005; Nguyen and Pieters, 2005). PknG est l’une de ces deux formes solubles, elle est essentielle uniquement pour la survie intra-phagocytaire. Elle est secrétée dans le phagosome d’où elle pourrait gagner le cytosol (Walburger et al., 2004). Son autophosphorylation permet son activation (Scherr et al., 2009), ce qui lui permet d’interférer avec la maturation de la fusion phagosome-lysosome. La surexpression d’un dominant négatif de PknG abolit totalement la capacité de survie de la bactérie (Walburger et al., 2004) alors que son expression en trans dans d’autres bactéries qui en sont dépourvues leur confère un phénotype de résistance (Tiwari et al., 2009). Ce mécanisme semble donc essentiel à la survie bactérienne dans le phagosome.

L’analyse du compartiment mycobactérien a permis d’observer une accumulation d’une protéine appelée la coronine-1 (TACO pour tryptophan aspartate containing coat protein ou P57) (Ferrari et al., 1999; Gatfield et al., 2005). Le bacille synthétise une lipoamine deshydrogénase (LpdC) qui peut interagir avec cette protéine et le cholestérol membranaire afin de restreindre sa localisation à la membrane phagosomale (Deghmane et al., 2007). L’accumulation de cette phosphatase dépendante du Ca2+ inhibe la maturation du phagosome en dérégulant des cascades de phosphorylations (Cousin and Robinson, 2001). L’inhibition de la calcineurine ou l’inactivation de la coronine-1 empêchent le blocage de la maturation du phagosome mycobactérien (Jayachandran et al., 2008; Jayachandran et al., 2007). Dans le phagosome de M. leprae, la coronine-1 est aussi essentielle pour la survie de la bactérie et il existe une étroite balance de régulation entre ce facteur et TLR2. Ils s’inhibent mutuellement en fonction de l’état cellulaire et qui régulent le devenir de la bactérie dans la cellule hôte (Tanigawa et al., 2009).

Enfin un autre facteur essentiel à la survie intracellulaire est le système de sécrétion mycobactérien ESX-1. Son absence est délétère chez M. marinum et M. tuberculosis qui perdent leur capacité de survie dans les macrophages (MacGurn and Cox, 2007; Tan et al.,

- 51 - 2006). Les substrats de ESX-1 (CFP10, ESAT-6 et EspA) ne semblent pas être nécessaires pour cette activité inhibitrice et le rôle de ce système de sécrétion dans ce processus n’est pas encore compris. Cependant son rôle dans l’activation de la maturation de la vacuole mycobactérienne a été décrit. Ce système de sécrétion en induisant des lésions membranaires permettrait l’échapement d’antigènes mycobactériens et de mycobactéries dans le cytosol. La présence de facteurs exogènes dans le cytoplasme peut favoriser l’activation de l’inflammasome puis celle du phagocyte favorisant ainsi la maturation du compartiment mycobactérien et la dégradation de la bactérie (Koo et al., 2008). Cependant, M. tuberculosis exprime une metallo-protéinase Zmp1 qui permet d’inhiber l’activation de l’inflammasome et l’induction de cette étape de maturation finale (Master et al., 2008).

L’inhibition de la phagocytose par les mycobactéries pathogènes est un facteur critique de survie. Elle est due à de multiples facteurs mycobactériens qui bloquent l’activation des phagocytes en diminuant la capacité de sécrétion de cytokines pro-inflammatoires tels que le TNF et l’IFNγ .

(2) L’évasion cytoplasmique

L’hypothèse de l’évasion cytoplasmique depuis le phagosome est basée sur deux études de microcopie électronique (McDonough, Kress, and Bloom, 1993; van der Wel et al., 2007). La théorie de l’évasion cytoplasmique comme moyen d’échappement de la mycobactérie à l’activité bactéricide des phagocytes est très controversée et s’oppose aux nombreuses publications ayant décrit la capacité de M. tuberculosis à résider dans un compartiment vacuolaire (pour exemple (Armstrong and Hart, 1971; Clemens, Lee, and Horwitz, 2002) ). Cette capacité est bien décrite pour M. marinum qui, grâce au locus codé dans la région RD1 codant pour le système ESX-1, peut induire sa translocation dans le cytosol et s’y déplacer en interagissant avec l’actine (Stamm et al., 2003). L’inactivation de ce système de sécrétion inhibe les capacités cytolytiques de M. marinum, ce qui est en accord avec une activité membrano-lytique lui permettant de s’échapper dans le cytosol. Chez M. tuberculosis il semble que cette capacité d’échappement dépende de la sécrétion de CFP10 (van der Wel et al., 2007). Cependant, ces études ne reposent que sur des observations de microscopie électronique qui peuvent parfois être à l’origine de nombreux artefacts. Afin de valider ces observations il semble nécessaire de pouvoir dissocier le compartiment cytosolique du compartiment vacuolaire et de vérifier s’il est possible de cultiver des mycobactéries et si leur quantité après infection à multiplicité d’infection identique au temps initial est comparable à M. marinum et significativement supérieure à BCG (qui ne possède pas RD1) et aux mutants

Figure 18│L’ autophagocytose joue un rôle majeur dans la dégradation du bacille