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IIIe Partie : La réalité de la criminalité en France

Dans le document La criminalité en France aujourd’hui (Page 125-127)

Le terme réalité fait référence à ce qui est réel, qui existe effectivement par opposition à ce qui est fictif. Or pendant longtemps le principe même de l’existence des bandes n’était pas admis en France, notamment par les politiciens.

Aujourd’hui il y a une prise de conscience qu’à côté de formes spectaculaires d’actions criminelles il existe une violence collective omniprésente dont le caractère organisé est peu à peu reconnu.

La bande n’est pas seulement liée à un événement ponctuel, c’est une organisation qu'il faut connaître.Cette prise de conscience n’a pas été facile.

Les bandes existent depuis longtemps en France. Dans les années 1990 beaucoup de bandes étaient identifiables grâce à des critères objectifs. En 1993, des cartes concernant les bandes en région parisienne avaient été publiées. Avec le développement du RER, des violences avaient été constatées dans les transports. Déjà les premières bandes de filles apparaissaient. Lucienne Bui-Trong, commissaire de police des renseignements généraux, a alors élaboré plusieurs travaux sur les violences urbaines218 : elle a fait une échelle des violences urbaines, comportant 8 degrés de violence : les destructions par le feu, les comportements déviants liés à la voiture, les vols, les rixes et les incivilités ; le harcèlement des individus incarnant l’autorité ou la réussite ; les agressions physiques et intimidations des personnes représentant l’autorité publique ; les caillassages des voitures de police ; les attroupements entravant les interventions policières ; l’agression des policiers ; la mini-émeute ; et l’émeute. Ces statistiques ont été abandonnées à la fin de l’année 2000.

Tout en haut de cette échelle, elle avait mis les « cités bien tenues » c'est-à-dire des territoires calmes mais passés sous l’emprise de groupes criminels organisés. A l’époque cela n’avait pas plu car ce n’était pas politiquement correct.

Il a fallu attendre 2004 pour que le terme de bande fasse la une d’un quotidien219

. Jusque-là, le mot était banni.

Il faudra attendre le printemps 2006 (lors des manifestations anti CPE220) pour que le phénomène des bandes soit pris en compte par la préfecture de Police. Par la suite celle-ci demandera au service d’investigation transversale (STI) de prendre en charge le dossier des casseurs se mêlant aux lycéens.

La bande est une réalité de la délinquance et de la criminalité en France et nier ce fait ne pourra qu'aggraver la situation. Cette dernière partie sera l’occasion de présenter le phénomène des bandes de rue et de démontrer que ces bandes sont la cause de l’essentiel de la criminalité et de la délinquance en France aujourd’hui (Chapitre 1). Elle servira également à mettre en avant le fait que cette réalité est encore aujourd’hui mal appréhendée par le système français qui reste encore mal adapté face à l’ampleur du phénomène (Chapitre 2).

218

Voir notamment Les bandes en France, communication aux Entretiens du GIF, 16-18 mars 1992

219Parisien (Le) N° 18733 Du 02/12/2004 : Les bandes de banlieue : les nouvelles menaces.

220Lors de ces manifestations des casseurs profitent de l’agitation pour s’en prendre aux jeunes, aux forces de

l’ordre et aux biens (voitures brûlées, magasins pillés, cabines téléphoniques brisées, etc.). A cela s’ajoute la multiplication des affrontements entre membres de cités rivales.

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Chapitre 1 : Les bandes de rue, l’essentiel de la criminalité

et de la délinquance en France

La deuxième partie a permis de mettre en avant le fait que parmi l’ensemble des groupes criminels en activité en France les groupes criminels issus des cités sensibles étaient les plus actifs tant par leur présence sur l’ensemble du territoire que par le large spectre des activités dans lesquelles ils sont impliqués.

Mais à l’origine de ces groupes criminels sont les bandes de rue, qui sont génératrices de ces groupes criminels. Et les deux sont en interconnexion.

La principale activité des bandes de rue reste la délinquance acquisitive. Mais cela serait trop réducteur d’aborder l’étude des bandes de rue de ce seul point de vue. Il n’existe pas qu’une seule forme de bandes de rue il en existe plusieurs. Plus ou moins organisées et plus ou moins larges. Si certaines ne sont pas impliquées dans le trafic de stupéfiants d’autres le sont. Cette réalité n’est pas quelque chose d’immuable, bien au contraire. Elle est en perpétuelle mutation.

Ainsi l’étude des bandes de rue dans ce chapitre 1221

servira à démontrer que les bandes de rue sont à l’origine de la majorité des faits de criminalité et de délinquance commis en France aujourd’hui. Avant de s’intéresser aux différents types de bandes de rue qui existent (Section 2) il faut d’abord comprendre ce qu’est le phénomène de bande (Section 1).

Section 1 : Le phénomène de bande

L’appréhension du phénomène de bande222

n’est pas facile puisque les institutions en charge de mesurer ce phénomène ne se préoccupent pas des bandes en elles-mêmes mais principalement des individus qui les composent. Il n’y a pas d’approche collective du phénomène alors que l’action de ces bandes est justement collective et non individuelle. Les statistiques des institutions répressives et judiciaires ne font pas état de la délinquance des bandes. Cependant des systèmes de collecte de données rendent compte partiellement des activités de ces groupes juvéniles : les statistiques relatives aux violences urbaines. En 1991, la Direction centrale des renseignements généraux (DCRG) élabore un outil statistique pour mesurer l’évolution des violences urbaines. Des indicateurs sont ainsi dégagés pour construire une échelle de la violence en fonction de la gravité des faits constatés. En 1999, la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP), en partenariat avec la DCRG, met en place le

221L’essentiel de la documentation utilisée pour réaliser ce chapitre est : Les phénomènes de bandes en France.

Elodie Tournebize; « L’apport du renseignement criminel dans la lutte contre les bandes de rue », actualités III n°128 Commissaire Julien Dufour ; « La lutte contre les bandes. Analyses et perspectives opérationnelles », Commissaire Julien Dufour, Sécurité globale, automne 2013 ; « La violence et les jeunes ». Liaisons n°103 octobre-novembre-décembre 2011 p.16 et suivants ; Marwan Mohammed, La formation des bandes. Entre la famille, l’école et la rue, PUF 2011 p.308 et enfin l’entretien du 20 décembre 2013 que le Commissaire Julien Dufour m’a accordé.

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Les phénomènes de bandes en France. Elodie Tournebize.

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système d’analyse informatique des violences urbaines (SAIVU) qui reprend le classement de « l’échelle Bui-Trong ». En 2003 la DCSP le remplace par un système comptable des faits de violences urbaines. En 2005, est mis en place par la Direction générale de la police nationale l’indicateur national des violences urbaines (INVU). Il a pour objet de recenser les violences urbaines en y intégrant les chiffres de la préfecture de Police et de la Gendarmerie nationale. Ce nouvel outil est un tableau de bord mensuel comprenant 9 index (incendies de véhicules, incendies de biens publics, incendies de poubelles, violences collectives à l’encontre des services de sécurité, de secours et de santé, jets de projectiles, occupation de halls d’immeubles, dégradations de mobilier urbain, affrontements entre bandes, rodéos automobiles). L’INVU ne prend en compte que les faits constatés, sans distinguer ni la qualité des auteurs, ni les suites données aux procédures.

La connaissance des bandes s’attache donc essentiellement à l’observation et au classement des données. Dès lors un certain nombre questions doit être traité pour comprendre l’ampleur de ce phénomène : comment les bandes se forment-elles, comment fonctionnent-elles et comment évoluent-elles ?

Pour répondre à ces questions il faut d’abord définir la notion de bande (§1) puis essayer de comprendre le mécanisme de formation d’une bande (§2) et enfin établir l’ampleur du phénomène (§3).

Dans le document La criminalité en France aujourd’hui (Page 125-127)