• Aucun résultat trouvé

III - L ES TRAITS SPÉCIFIQUES DE LA MÉTHODE ADAPTÉE À UNE SCIENCE INTÉGRALE DE LA PENSÉE

Retour à la table des matières

Si le problème de la pensée, sous l’aspect où nous venons de le proposer, est à beaucoup d’égards inédit, c’est sans doute parce que la méthode qui l’aurait spécifié n’a pas été non plus vue et pratiquée. Et, comme doctrine et méthode ne sauraient se séparer du point de vue proprement philosophique, c’est donc une nécessité pour nous de définir le procédé intrinsèquement indispensable à l’étude d’une question qui, sans une telle méthode technique [XXX], ne pourrait acquérir droit de cité et caractère strictement philosophique.

Sans doute ce n’est qu’en se développant peu à peu par le progrès même de notre investigation qu’une telle méthode saura se définir, se justifier ; car toute véritable méthode est à vrai dire une science ou une doctrine en acte.

Toutefois, pour permettre au lecteur de réfléchir chemin faisant sur les procédés à employer et pour le mettre en garde contre les déviations, il est utile de fournir un aperçu préalable du véhicule, de l’itinéraire et du but même qui vont être les nôtres.

I. — D’ailleurs le peu que nous avons dit pour faire comprendre le problème qui est à poser suggère déjà la marche à suivre, la procédure à employer dans cette étude de la pensée considérée en son effort d’unité et d’intégralité. En effet, puisque nous cherchons s’il y a, immanente à toutes nos pensées les plus diverses ou même les plus contraires, une réalité commune et des éléments identiques et permanents, il faut donc qu’en laissant de côté les

oppositions et les applications indéfiniment extensibles, nous cherchions ce qui est impliqué en chaque pensée et en toute pensée, quelque chose de concret qui soit à la fois universellement et singulièrement présent, indépendamment des emplois particuliers, des imperfections ou des erreurs. Il faut même ajouter que les négations les plus radicales qui se puissent concevoir doivent contenir encore cette présence, indéniable et indélébile, cet « invariant » très réel dans la variabilité illimitée.

Donc, si le problème que nous cherchons à énoncer existe véritablement, c’est à la condition que dans les formes les plus hétérogènes auxquelles on a pu appliquer le mot pensée se retrouve toujours un quid proprium, un quid commune, la présence effective ou même efficiente d’un dynamisme reliant tous les états en apparence épars ou même exclusifs les uns des autres. [XXXI]

Précisons davantage cette vue qui, par son caractère inattendu ou paradoxal, ne saurait manquer d’être d’abord obscure et de provoquer des résistances ou des doutes. L’on a souvent parlé du courant continu de la conscience qui, même endormie et comme souterraine, ne cesse cependant de conserver son identité dans l’ombre, la pénombre ou la lumière ; et ce flot ininterrompu compose la vivante unité de notre personne. Mais ici c’est d’autre chose qu’il s’agit. Ce n’est plus, en effet, des seuls phénomènes psychologiques que nous cherchons le lien secret et l’épanouissement dans la conscience ; c’est d’une connexion plus étendue et plus radicale que nous avons besoin : nous voulons découvrir et voir rattachées les unes aux autres les conditions réelles et intelligibles qui précèdent, préparent, accompagnent, soutiennent et portent vers leur fin toutes les pensées constituant le monde de la nature et de l’esprit constamment solidaires en notre représentation et peut-être aussi en leur réalité profonde.

Une science de la pensée requiert donc une étude intégrale, non pas simplement des états de conscience ou de subconscience, mais de tout ce qui rend possibles ou réels ces états eux-mêmes ; d’où ce problème de l’extension du domaine de la pensée qui comprend aussi bien l’ordre universel du monde physique lui-même que le développement de la vie organique et spirituelle.

Méthode d’implication en même temps que d’intégration, voilà sous quels

traits nous apparaît d’abord le procédé qu’exige, pour être adéquate à son objet formel, une étude philosophique de la pensée.

Et la force de cette implication, c’est de faire dépendre et profiter chacune de nos assertions de détail et chacune de nos constatations progressives de cette connexion entière sans laquelle ni les données réelles ne seraient possibles, ni la conscience que nous en prenons ne serait [ΧΧΧII]

intelligible. Loin de nous borner à des considérations fragmentaires en des plans différents, nous voulons constamment n’affirmer que ce qui est requis par l’ensemble et extraire des négations ou des erreurs mêmes ce qui les rend possibles, les juge, les condamne pour restituer les affirmations dont elles restent invisiblement grosses. 1

II. — Par là même se manifeste un caractère plus décisif de cette méthode qui oriente notre investigation au rebours des démarches et des initiatives coutumières. D’ordinaire, en effet, on s’attache aux pensées élaborées en notions comme à des matériaux étagés par l’abstraction et on

1 Il est essentiel de faire bien saisir l’à rebours de notre marche, par rapport aux procédés habituels. Nous remontons, non aux prétendues données immédiates de la connaissance, mais aux ébauches réelles et aux conditions communes de la réalité concrète et de sa cognoscibilité.

Je n’ai pas besoin de critiquer, de rejeter ce que les autres ont fait ou préconisent : je prends un autre chemin, une autre direction qu’eux, voilà tout. Si plus tard j’ai à infirmer certains de leurs procédés, certaines de leurs apparentes solutions, nous verrons pourquoi, sans méconnaître la part utile et les vérités durables qui ressortent de leurs recherches. Car, pour que leur méthode, intrinsèquement défaillante, puisse se déployer et faire figure, il faut constamment un recours inavoué à des apports non légitimés, à des observations introduites collatéralement et secrètement dans la chaîne soi-disant fermée aux importations obvies. Ce sont ces emprunts non légalisés et sans douane qui contribuent à la vie, à la fécondité relative de ces philosophoïdes recherches. On croit que ce qui en fait le mérite et l’utilité scientifique, c’est leur trame logique et leur forme systématique ; pas du tout, c’est là au contraire leur faiblesse ; leur apparente vigueur est artifice ; ce qu’elles ont de vie leur vient des vues directes, des recours à l’observation, des implications exploitées en cours de route.

érige ces constructions en lois scientifiques ou en palais d’idées : d’où tant de théories partiellement explicatives qui substituent aux données singulières et concrètes tout un monde de connaissances représentatives et de généralités théoriques. Or, rien de semblable ne répond à notre dessein ; et nos démarches sont toutes étrangères à cette procédure. Loin d’élever en hauteur [XXXIII] des édifices de pensées, nous nous retournons toujours en bas, si l’on peut dire, vers ces données élémentaires, dédaignées comme n’apprenant rien qu’on ne sache déjà et regardées comme scientifiquement inutilisables. Voilà notre butin qui semble modeste et n’offusquer personne, au point que ce simplisme indigent n’a qu’un tort, dira-t-on peut-être, celui de ne rencontrer aucun contradicteur, mais non plus aucun disciple, puisqu’il est, ce semble, sans valeur critique ni intérêt philosophique. C’est là cependant une illusion : peut-être sera-t-on étonné de voir ces vérités partout impliquées, ces rebuts jetés en arrière de la route intellectuelle former peu à peu un ensemble cohérent, nous enrichir à mesure que nous les ramasserons et constituer un organisme de certitudes essentielles, celles dont on ne se passe jamais, mais dont on ne s’aperçoit généralement pas plus que de l’air qu’on respire. Ces vérités foncières composent en effet l’atmosphère dont vit la pensée ; et de même que l’air paraît invisible par sa transparence et sa simplicité de soi-disant élément primitif (quoiqu’il ait une couleur, un poids, une complexité, une action vivifiante), de même ces certitudes natives et constantes où nous baignons peuvent et doivent être discernées, analysées et érigées en une science organique des conditions nécessaires et universelles de la pensée.

N’y a-t-il pas dans les êtres vivants, outre les phénomènes qu’étudie le chimiste ou le physiologiste, ce que Claude Bernard appelait une « idée directrice », un type qui se réalise selon une norme ou un canon intérieur à la structure de l’organisme pour en régler la forme et la croissance ? Semblablement la pensée a, ou plutôt est une norme, et, comme on eût dit autrefois, une cause formelle et substantielle. C’est à cette réalité si profonde que nous devons descendre en nos recherches, afin d’en découvrir l’élan premier, la genèse progressive, les aspirations finales. [XXXIV]

Bien plus, car il ne s’agit pas d’une simple similitude, nos analyses de la pensée ne chercheront pas seulement des analogies, elles trouveront des

réalisations déjà effectuées et des promesses anticipatrices dans les inventions que nous offrira la nature vivante ou même inorganique. Si nous nous faisons bien comprendre, nous appuierons toujours la pensée pensante et ses progrès les plus réfléchis sur ces incarnations naturelles qui préparent et nourrissent la vie consciente en cela même qu’elle a de plus spirituel et de plus idéal. Nous ne nous attacherons jamais à des idées déracinées, à des pensées en l’air, voire à des êtres pensants détachés de toute subsistance cosmique ou biologique.

C’est dans la nature et par la nature d’abord que la croissance de la vie consciente est rendue possible et nous avons toujours à rattacher nos pensées humaines aux réalités déjà noétiques qui les soutiennent et qui contribuent à les susciter. Toujours donc c’est sur les productions réelles de la nature progressivement organisatrice que nous fonderons et notre pensée et la science que nous pourrons acquérir d’elle. Non pas que, sous prétexte de regarder vers les conditions élémentaires, nous nous détournions des vues et des fins supérieures : loin de là ; car c’est en discernant les ressorts les plus bas du dynamisme de l’esprit que nous apercevrons seulement et que nous approcherons les plus hauts degrés de son ascension.

Il faut qu’au terme de cette étude nous ayons un ensemble d’idées précises et cohérentes à mettre sous ce nom de pensée, dont on a répété trop souvent qu’il est indéfinissable et qu’il faut en accepter le mystère sans prétendre rien saisir de ses origines et de sa nature. 1 [XXXV]

1 Dans le Discours de Paul Valéry, en réponse au Maréchal Pétain, lors de sa réception à l’Académie, en janvier 1931, se rencontre une vue symétrique et concordante avec les réflexions que nous voulons offrir ici à la méditation du lecteur : « ... nous savons par l’exemple de la science et de la philosophie, que ce qui est évidence au regard ingénu disparaît quelquefois aux yeux des connaisseurs par la fixité même et le raffinement de leurs attentions. Il ne faut alors rien de moins qu’un homme de génie pour apercevoir quelque vérité essentielle et fort simple qu’ont offusquée les travaux et l’application d’une quantité de têtes profondes ». — Plus exactement, rappelons, comme Berkeley aux dernières lignes des Dialogues d’Hylas et de Philonoüs, qu’il s’agit non de génie, mais d’un retour méthodique et savant « aux notions ordinaires que suggère le simple bon sens ».

Non pas que nous devions faire appel, en pragmatistes, à la seule preuve de l’efficacité : on ne prouve pas le mouvement en marchant, procédé illusoire qui n’est qu’une pétition de principe ou un sophisme de confusion entre la sensibilité et la métaphysique. Nous ne nous satisferons pas d’une preuve en quelque façon empirique ; et puisqu’il s’agit à la fois d’intelligibilité et d’intelligence, il nous faudra non seulement constater, mais comprendre la pensée comme une vérité qui porte en elle sa lumière et, si l’on peut dire, sa pleine légitimation.

Il ne faudrait donc pas que le mot implication dont nous nous servons pût causer sur ce point une méprise. L’on serait peut-être tenté de croire qu’en nous contentant de données implicites nous revenons à des vérités confuses, enveloppées, sans précision analytique, une sorte de prélogisme ou de préphilosophie qui nous ramènerait au-dessous même de ce « sens commun » véhiculant à la fois des vérités fondamentales, des préjugés séculaires et des modes transitoires. Nous verrons au contraire que le terme implicite a une signification plus compréhensive et plus haute. Il peut désigner non plus ce qui est enveloppé et inexpliqué, mais ce qui est enveloppant, compréhensif, unifiant ; il s’applique non seulement à ce qui est sous-jacent à l’explicite mais aussi à ce qui surpasse l’analyse et la synthèse elle-même, à l’unité supérieure que les routes discursives entrevoient à leur horizon et dont la pensée contemplative et unitive se rapproche par les procédés qui lui sont propres.

[XXXVI]

III. — Malgré tout, bien des obscurités et des hésitations sont permises à notre lecteur. Et la façon dont les vérités implicites peuvent être retrouvées, préservées des contaminations, reliées entre elles sans passer par d’artificieuses abstractions, doit paraître énigmatique sinon chimérique. Ce n’est qu’au terme de notre marche que, nous retournant, nous pourrons donner de la méthode employée une justification plus complète. Du moins, pour encourager et soutenir l’effort nécessaire au grand voyage que nous entreprenons, pouvons-nous dès à présent pouvons-nous aider d’une image propre à faire saisir la différence qu’il y a entre notre marche et celle qui a été le plus communément suivie ; et

du même coup nous apercevrons la possibilité paradoxale de résultats auxquels on aurait cru vain de prétendre.

L’analyse de nos pensées ressemble trop souvent à l’effort d’un auditeur qui entendrait à la fois plusieurs concerts mêlant leurs sonorités dans le milieu forcément restreint où l’air porte les sons. Les ondes s’entrecroisent et se superposent. Même si les orchestres sont à des distances très différentes, la peine est grande pour que l’attention puisse éliminer les notes troublantes au profit de la seule harmonie dont on veut suivre l’exécution musicale et cet effort est vain si les orchestres sont également voisins. Mais voici la Radiophonie. Tant qu’on avait à faire aux vibrations sonores aériennes, le problème de la transmission lointaine et de la distinction analytique des concerts simultanés restait insoluble. Il en va tout autrement lorsque l’on réussit à faire moduler par les ondes sonores elles-mêmes des ondes hertziennes de périodicités différentes qui leur permettent de coexister, et réglées de telle manière qu’elles puissent être sélectionnées à la réception par des filtres électriques appropriés. Il reste alors seulement à reconstituer les vibrations aériennes des sons ; et la preuve de notre emprise scientifique et industrielle [XXXVII] sur la nature, c’est qu’en effet, à travers cette double transposition, le succès opératoire vient prouver que nos analyses et nos synthèses sont, sinon vraies, du moins efficaces et révèlent la maîtrise du savant et du constructeur sur les prodigieuses complexités du milieu foncièrement inconnu qui nous entoure. Ainsi voudrions-nous que l’analyse des implications de notre pensée, tout en paraissant nous éloigner de la promiscuité obvie, des observations ou des systèmes philosophiques se heurtant tumultueusement, nous permît une réceptivité beaucoup plus ample, une élaboration beaucoup plus suivie et distincte, une restitution beaucoup plus exacte et compréhensive de la symphonie totale de la pensée. 1

1 On sait trop combien il est malaisé d’éliminer les parasites qui troublent les auditions radiophoniques. On s’efforce, au moyen de filtres, de supprimer de plus en plus un si grave inconvénient. De même, dans l’étude des résonances de la pensée, la difficulté est grande d’éviter les parasitismes, c’est-à-dire les interventions précipitées, les apports collatéraux, le retour aux théories prématurées et tout ce mélange d’exigences techniques ou de

Si, dans le domaine des sons, la difficulté qui semblait insoluble est surmontée de façon à ouvrir un champ virtuellement indéfini à l’étude et à l’harmonieuse reproduction des ondes dont le nombre défie l’imagination, semblablement, et bien davantage encore, l’analyse de nos pensées comporte une ampleur, une précision, une distinction dont la seule idée eût paru naguère encore chimérique et presque inconcevable. D’avance nous ne saurions fournir une claire et utile description de cette sorte de téléphonie intellectuelle. C’est en pratiquant la méthode d’implication que nous la trouverons lucide, aisée même et instructive, vérifiant ainsi la parole souvent répétée pour [XXXVIII]

enhardir les initiatives paradoxales : fac et videbis. N’insistons donc pas sur des explications prématurées et ne cherchons pas à livrer d’avance des conclusions qui n’auront tout leur sens qu’après les démarches qui nous y auront spontanément conduits. Par là peut-être nous comprenons, mieux encore que tout à l’heure, qu’avec une longueur d’onde différente notre investigation entre dans un monde étranger aux luttes habituelles des idées et des systèmes.

En nous attachant aux vérités universellement impliquées en toute doctrine, en toute pensée, nous sortons de la région des conflits pour demeurer dans la sérénité, comme celle que l’on trouve au-dessus de notre atmosphère orageuse ou dans le calme liquide qui, très peu au-dessous des flots les plus agités, assure aux profondeurs de l’océan une quiétude sans trouble.

Est-ce à dire que ces vérités resteront isolées, ainsi que le sont des concerts simultanément donnés et perceptibles distinctement les uns des autres grâce à des rythmes vibratoires différents ? Nullement ; car, s’il est bon de discerner d’abord la diversité des données intelligibles et des initiatives intelligentes, cependant le monde réel ne comporte pas les séparations facticement instituées par notre art et notre technique. Aussi l’accord de toutes les vérités impliquées résultera-t-il de l’analyse même qui mettra en évidence crédulité pratique dont la plupart des systèmes demeurent coupables et victimes. Nous veillerons à ne point succomber aux tentations renaissantes d’impatience et de confusion ; et, pour une bonne part, nos excursus sont destinés à « filtrer » les intrusions troublantes pour les mélodies à composer ensemble, comme le demande musicalement l’art du contrepoint afin d’assurer l’unité de l’harmonie totale.

leur réalité distincte et leur convergence finale. Pour reprendre la comparaison que nous employions tout à l’heure, les pensées prises dans leurs oppositions de surface ne produisent guère qu’une cacophonie, ou ne peuvent donner l’apparence d’une cohérence qu’au prix d’exclusions dans une sorte de milieu artificiellement clos ; tandis que les vérités élémentaires, que nous décèlerons peu à peu en leur pureté, s’uniront comme les parties d’une harmonie unique : en apparence elles sembleront d’abord une série de polyphonies indépendantes les unes des autres ; mais l’impression finale [XXXIX] sera celle d’une symphonie où la pensée pensante et la pensée pensée, l’intelligible et l’intelligence se répondront de telle sorte que la nature et l’esprit ne seront que deux voix s’unissant sans jamais se confondre ni se séparer.

Toutefois cet unisson ne saurait être absolument réalisé au point d’éliminer les discordances de cette région où les pensées sont exposées à se heurter et où se déroulent les péripéties de notre activité intellectuelle et morale. Sans doute nous devons tendre à pacifier les rapports du réel et de l’intelligible qu’on a si souvent et si injustement opposés. Mais nous ne devons méconnaître ni le fait de ces oppositions à dépasser, ni l’option salutaire ou ruineuse dont nous aurons à éclairer et à préparer l’issue inévitable et librement

Toutefois cet unisson ne saurait être absolument réalisé au point d’éliminer les discordances de cette région où les pensées sont exposées à se heurter et où se déroulent les péripéties de notre activité intellectuelle et morale. Sans doute nous devons tendre à pacifier les rapports du réel et de l’intelligible qu’on a si souvent et si injustement opposés. Mais nous ne devons méconnaître ni le fait de ces oppositions à dépasser, ni l’option salutaire ou ruineuse dont nous aurons à éclairer et à préparer l’issue inévitable et librement