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Cette étude porte sur les différents modes d’immobilisation de l’uréase tels que le couplage covalent, le piégeage par inclusion dans un gel, l’encapsulation, et l’enrobage de l’uréase sur des capsules par la méthode couche par couche. Les résultats discutés dans la littérature se basent essentiellement sur les activités enzymatiques de l’uréase immobilisée. La quantité confinée lors de différents procédés n’est pas toujours donnée. Ce paragraphe regroupe en fait les différentes méthodes qui ont été utilisées pour immobiliser l’uréase qui feront l’objet d’une discussion sur l’activité enzymatique au chapitre 6.

L’uréase a été immobilisée sur des polymères fonctionnalisés afin de permettre le couplage covalent entre l’enzyme et la matrice. L’agent de fonctionnalisation utilisé est le chlorure de cyanuryle1. Il réagit dans un premier temps avec les groupements hydroxyles du polymère, puis avec les groupements amines de l’uréase par élimination d’acide chlorhydrique (Figure 1). Les conditions optimales pour l’immobilisation ont été déterminées en fonction de la concentration en chlorure de cyanuryle, de la concentration initiale d’uréase et de l’ activité spécifique.

Figure 1 : Activation de la membrane polymère par du chlorure de cyanure1

Une autre étude2 concerne l’immobilisation de l’uréase sur des membranes fonctionnalisées avec des groupements amine primaire, amine tertiaire, amide, amidoxime et hydrazide. La quantité d’uréase immobilisée dépend à la fois de la quantité et de la nature des groupements associés à la membrane. La fonctionnalisation par les groupements ( NH2, COOH), (NH2, NR3) et( NR2, NR3, COOH) ont montré une amélioration de quantité d’enzyme greffée. Cependant, leur activité est faible. En fait, l’activité enzymatique de l’urée dépend essentiellement de la perméabilité de la biomembrane. Les résultats ont montré une activité relative de 68% et de 34 % pour des membranes de perméabilité égales 4,3 et 0,2 1010 m3 m-2 h-1 Pa-1,respectivement. Une fois la membrane activée, un agent extenseur comme le glutaraldéhyde peut être utilisé pour améliorer le degré de liberté de l’enzyme et par conséquent son activité. L’activité relative de l’uréase immobilisée sur une membrane modifiée avec de l’éthylènediamine est de 51%. En utilisant, le glutaraldéhyde elle monte à 65%. Il a été démontré dans cette étude que l’immobilisation dans ces matrices altérait les propriétés biologiques de l’uréase. Le pH optimum de l’uréase libre est de 5,8. Lorsque l’uréase est immobilisée sur les membranes chargées positivement, le pH optimal se déplace vers les faibles valeurs de pH, inversement si la membrane d’immobilisation est chargée négativement. Alors que cette technique a l’avantage d’immobiliser irréversiblement l’uréase, le mode de liaison conduit à une

modification de la conformation de la protéine et à une perte d’activité. L’engagement des sites actifs de l’enzyme dans la liaison Enzyme/Membrane est même invoqué. Toutefois cette diminution d’activité enzymatique est compensée par une amélioration de la stabilité vis à vis du pH, de la température et du stockage.

L’utilisation de matrices polymères organiques offre l’avantage de présenter une porosité flexible et adaptable aux dimensions de la biomolécule. Lors du piégeage dans ces matrices, l’enzyme, de poids moléculaire élevé, est confinée à l’intérieur des pores alors que le substrat et les produits de la réaction enzymatique, de masses moléculaires inférieures, diffusent facilement à travers la matrice. L’uréase a été immobilisée dans diverses matrices polymériques3 pour lesquelles la densité de réticulation, la porosité, la structure chimique, la résistance mécanique du polymère ont été modifiées afin d’obtenir un bon compromis entre diffusion du substrat et prévention du relargage de l’enzyme. Une étude4 a été réalisée sur l’influence de la nature des polymères. Cette nouvelle approche d’immobilisation est basée sur le piégeage dans un polymère neutre ou cationique, dont les propriétés hydrophiles permettent de préserver intégralement les propriétés fonctionnelles et biologiques des molécules d’uréase immobilisées. La suspension de latex a été obtenue par dissolution du polymère dans un mélange eau/éthanol puis ajoutée à une solution d’uréase. Le caractère hydrophile de la matrice et la présence de contre-ions dans le cas des polymères cationiques favorise les interactions avec la biomolécule et augmente la stabilité.

Les silices préparées par voie Sol-Gel peuvent être considérées comme des polymères inorganiques et ainsi utilisées pour l’immobilisation d’enzymes. En effet, ce sont des matrices à porosité modulable, physiquement rigides, chimiquement inertes, thermiquement stables, de transparence optique. Elles offrent la possibilité d’immobiliser des biomolécules sensibles à la chaleur, de piéger une grande quantité d’enzyme sans modifier leur conformation. Ces caractéristiques permettent d’élaborer une variété de biocapteurs optiques5, ampérométriques6, voire conductimétriques7. L’uréase a pu être immobilisée dans une matrice de silice par le procédé sol-gel. La procédure consiste dans un premier temps à hydrolyser le tétraméthoxysilane TMOS pour former un sol puis à ajouter une solution d’uréase. Enfin, le gel se forme. Les conditions de préparation telles que le temps de gélation, la porosité, la

3 H. Demircioglu, H. Beyenal, A. Tanyolaç, N. Hasirci, Polymer, 36 (21), 1995, 4091-4096,

4 H. Barhoumi, N. Jaffrezic-Renault , Biosensors and Bioelectronics, 2004

5 H. C. Tsai, R.A. Doong, H.C. Chiang, K.T. Chen, Analytica Chimica Acta, 481, 2003, 75-84

morphologie peuvent influencer les propriétés de l’enzyme. L’enzyme immobilisée est thermiquement plus stable que l’enzyme libre et le biocapteur a montré une bonne reproductibilité et une stabilité au stockage.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’encapsulation permet de retenir à l’intérieur d’un noyau de confinement liquide l’enzyme dissoute ou en suspension et de la préserver. Les billes d’alginates ont beaucoup été utilisées pour ce type d’immobilisation. Le réseau alginate peut être formé par réaction d’un cation divalent Ca2+ avec de l’acide alginique. Il se forme alors des capsules. Pour améliorer l’obtention de sphères uniformes8, cette matrice peut être renforcée par un autre polysaccharide : le xanthane. Cependant, les gels d’alginate présentent des distributions de pores larges qui entraînent non seulement la fuite de petites molécules d’enzyme mais aussi l’accès à des molécules indésirables. Même si la taille de l’uréase est suffisamment importante pour ne pas diffuser à travers la membrane, des protéases peuvent traverser et venir désactiver l’enzyme. Par exemple, la chymotrypsine est une enzyme qui hydrolyse les liaisons peptidiques au niveau des sites de division leucine, isoleucine, valine et histidine. Il est donc nécessaire de protéger9 contre la chymotrypsine la jack bean uréase qui possède tous ces acides aminés dans la région du site actif. Pour écarter ce problème, le chitosan, un polysaccharide cationique soluble dans l’eau, a été utilisé. Ce composé vient remplacer les ions Ca2+ en formant une réticulation chitosan-alginate. L’enzyme encapsulée est plus stable vis-à-vis du pH, de la température et de la désactivation par les protéases.

Une autre méthode10 d’encapsulation de l’uréase dans des micro-capsules assemblées par la méthode couche par couche a été élaborée. La procédure consiste à préparer un agent structurant en latex de 5 µm par couches successives de polycations et polyanions. Les capsules sont imperméables dans l’eau mais deviennent perméables dans un mélange eau/éthanol. De ce fait, elles ont été dissoutes dans ce mélange pour permettre l’insertion de l’enzyme puis sont mises en suspension à nouveau dans l’eau (Figure 2). Les propriétés de la membrane permettent de maintenir l’enzyme, de laisser diffuser les petites molécules et de protéger l’uréase des protéases et des microbes.

8 Y. M. Elçin, Biomaterials, 16, 1995, 1157-1161

Figure 2 : Pénétration et encapsulation de l’uréase dans des capsules formées de multicouches de polyions, à gauche : dans l’eau, au milieu : dans eau/éthanol, à droite : la capsule avec l’uréase encapsulée dans l’eau.

Schéma du dessous : images de fluorescence confocale des capsules10

Ces exemples ont montré la possibilité d’encapsuler l’enzyme à l’intérieur des capsules mais il est possible aussi d’immobiliser l’uréase à l’extérieur des micro-sphères. Des multicouches d’uréase11, 12 ont été assemblées sur des sphères de polymères par adsorption successive d’uréase avec un polyélectrolyte de charge opposée par la méthode couche par couche (Figure 3). Comme l’uréase possède un point isoélectrique de 5,3, il est possible de l’utiliser comme polycation ou polyanion en fonction du pH utilisé. Cependant cette méthode présente des inconvénients : une faible quantité d’uréase est immobilisée et une perte d’activité, probablement par changement de conformation, est enregistrée.

Figure 3 : Formation des capsules enrobées de polyions (uréase/polyélectrolyte) par la méthode couche par couche