• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 : RECENSION DES ÉCRITS

2.3 Conséquences de la perte des droits de garde de l’enfant pour les mères ou les parents

2.3.7. L’identité de mère

Des recherches effectuées auprès de mères ayant confié ou perdu la garde de leur enfant à la suite d’un divorce montrent qu’une grande partie de la détresse évoquée par les mères serait liée à la dissonance entre leur identité en tant que mère et leur incapacité à remplir le rôle social associé à la maternité (Greif, 1997; Babcock, 1998; Kielty, 2008). En ce sens, Kielty (2008) affirme que l’idée d’une mère n’ayant pas la garde de son enfant transgresse les attentes normatives liées à la maternité. Elle ajoute que l’intériorisation de l’image de la mère, c’est-à-dire leurs propres attentes quant au rôle de mère, semble créer un conflit interne et un sentiment de culpabilité. De plus, la honte serait aussi présente chez plusieurs mères ayant perdu la garde de leur enfant (Greiger et Fischer, 2003; Ellingsen 2007; Holtan et Eriksen, 2006). Ce sentiment contribuerait à augmenter leur chagrin (Ellingsen 2007),

29 mais surtout ferait entrave à la renégociation de leur identité de mère (Greiger et Fischer, 2003).

La souffrance liée à l’incapacité de jouer leur rôle de mère et le sentiment de culpabilité seraient aussi ressentis chez les parents ayant perdu la garde de leur enfant dans le cadre de systèmes de protection de l’enfance. Schofield et al. (2011) ont examiné des études en provenance de l’Angleterre, de la Norvège et de la Suède. Les résultats démontrent que les difficultés vécues par les parents à la suite du placement de leur enfant sont la gestion de la perte de leur enfant et la menace à leur identité comme parents. Holtan et Eriksen (2006) expliquent que les réactions émotionnelles puissantes vécues par les mères sont liées au fait de ne pas répondre aux attentes sociales liées à la maternité, affectant ainsi fortement leur personnalité. Elles ajoutent qu’être privées des droits de garde de leur enfant diminue la perception de leur valeur en tant que femmes et en tant que mères. Le placement ou l’adoption de l’enfant serait vécu comme un échec parce qu’elles sont dans l’incapacité de répondre aux normes sociales et attentes liées au rôle de mère. Ainsi, un des impacts d’avoir un enfant qui vit au sein d’une autre famille est l’ébranlement de l’image de soi des mères.

2.3.8. La reprise de pouvoir sur sa vie

Pour de nombreux parents, le principal défi en ce qui concerne la restauration de leur identité est de conjuguer deux idées opposées. D’une part, ils éprouvent le sentiment d’avoir essayé d’être de bons parents qui aiment leurs enfants et d’autre part, ils sont conscients que leur enfant a souffert de la maltraitance subie (Schofield et al. 2011). Selon Carolan, Burns-Jager, Bozek, Escobar Chew (2010), les mères se soucient de leurs enfants et veulent être de meilleurs parents. Cependant, elles rencontrent des obstacles dans leur processus de changement qui sont souvent insurmontables, laissant ces femmes souffrir en silence sans leur enfant.

Deux mères sur trois de l’étude de Carolan, Burns-Jager, Bozek, Escobar Chew (2010) ont vécu une nouvelle grossesse pendant les procédures judiciaires liées au placement de leur

30

enfant. Les auteurs expliquent qu’après avoir perdu les droits de garde d’un premier enfant de façon permanente, les mères sont confrontées au choix de subir à nouveau la perte de la garde d’un enfant ou de fuir vers un autre État pour échapper à la justice. Car, comme l’aide apportée à ces mères est limitée, l’histoire risque de se répéter. Une recherche étatsunienne effectuée auprès 119 femmes consommatrices d’héroïne, de cocaïne ou de méthamphétamines, enceintes ou ayant accouché il y a moins de six mois, montre que de donner naissance à nouveau est vécu, pour certaines mères ayant déjà perdu la garde d’enfants antérieurement, comme une occasion de se racheter pour les échecs du passé. Pour elles, il s’agit de choisir la vie, d’avoir de l’espoir pour l’avenir. C’est une chance de prétendre à une identité socialement acceptable et respectable (Murphy et Rosenbaum, 1999). Pour leur part, Holtan et Erickson (2006) mentionnent que plusieurs mères ont eu des enfants dans de nouvelles relations après avoir perdu les droits de garde pour leur premier enfant. Certaines ont adopté un mode de vie plus conventionnel en obtenant un emploi, en retournant aux études, en cessant ou contrôlant leur consommation, ou en créant une nouvelle famille. De cette façon, elles ont à nouveau un sentiment de reconnaissance sociale.

La plupart des mères de l’étude de Kiraly et Humprey (2013) souhaitent recouvrer la garde d’un ou de plusieurs de leurs enfants. Toutefois, les auteures soulignent que ce souhait de réunification familiale est irréaliste, plusieurs des enfants étant placés depuis de nombreuses années. Ce souhait de réunification n’est toutefois pas généralisé à l’ensemble des mères biologiques. Certaines femmes veulent moins de responsabilités et de participation dans la vie de leur enfant que celles qui sont attendues d’elles par les autorités ou la famille d’accueil (Holtan et Erickson, 2006). Les experts tiennent pour acquis qu’elles veulent ravoir la garde de l’enfant lorsqu’elles seront capables de le faire. Ainsi, celles qui ne veulent pas recouvrer la garde de leur enfant ne sont pas comprises ou entendues, car ne pas aimer son propre enfant est une dérogation à la norme. Ainsi, comme il s’agit d’une déviance, peu de mères veulent y être exposées. Schofield et al. (2011) montrent pour leur part que les parents qui ont compris qu’ils ont nui à leur enfant, que ce soit par leur consommation de drogues ou en maintenant une relation avec un conjoint violent, finissent par décrire ainsi leur situation : par amour, ce qui était le mieux pour leur enfant dans les

31 conditions où ils se trouvaient. Ainsi, ce nouveau regard porté sur cet événement de vie leur permet de restaurer leur identité de parents.

En conclusion, la double souffrance générée par la séparation mère-enfant et par le stigmate de « mauvaise-mère » est le facteur commun à l’ensemble des mères ayant perdu ou confié la garde de leur enfant, et ce, peu importe si cet évènement fait suite à l’adoption d’un enfant, à l’application de la LPJ ou à un divorce. Cependant, la souffrance est vécue de façons différentes et à des intensités variables. Pour soulager cette douleur, des chercheurs ont identifié des pistes d’intervention pour accompagner ces mères.

2.4. Des pistes d’intervention auprès des mères et des parents