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CHAPITRE 4 : LA MÉTHODOLOGIE

4.3 Description de l’échantillon

La population à l’étude est composée de mères biologiques qui ont perdu ou confié les droits de garde de leur enfant de façon définitive en vertu de la LPJ. Les 12 répondantes rencontrées sont âgées de 24 et 50 ans. Elles ont eu de 1 à 4 enfants dont l’âge varie de 20 mois à 24 ans au moment de l’entrevue. Leurs enfants ont différents milieux de vie. La plupart d’entre eux sont placés jusqu’à la majorité; quelques-uns ont atteint l’âge adulte et habitent en appartement; certains résident avec leurs parents en garde partagée5 et deux sont adoptés. On remarque que la fréquence et la nature des contacts mère-enfant diffèrent d’une situation à l’autre. Ainsi, certaines mères n’ont plus de contact avec leur enfant, alors que d’autres n’ont pas de contraintes liées aux droits de visite. Cependant, la majorité des femmes rencontrées ont des droits d’accès octroyés par la cour. Dans le cas des deux répondantes dont l’enfant a été adopté, elles partagent annuellement des lettres et des photos avec la famille adoptive.

En ce qui concerne le niveau de scolarité, l’occupation et le milieu de vie des femmes rencontrées, cinq répondantes sont en emploi et une d’entre elles bénéficie d’un programme de réinsertion en emploi. Deux femmes sont aux études, afin d’obtenir leur diplôme de

5 Ces mères ont plus d’un enfant. Elles ont un ou des enfants placés jusqu’à la majorité et elles partagent la

47 niveau secondaire. Une d’entre elles conjugue le travail et les études, tandis qu’une autre obtient un soutien financier via un programme d’Emploi Québec. Les cinq autres reçoivent l’aide de dernier recours. Elles ont des niveaux de scolarité divers : une des répondantes a des études de niveau primaire, trois ont des études secondaires partielles, quatre ont atteint le diplôme d’études secondaires, deux ont entamé des études collégiales, une a commencé des études universitaires, et une détient un diplôme universitaire de 1er cycle. Quant à leur lieu de résidence, quatre répondantes résident dans une ressource d’hébergement, huit demeurent en appartement et quatre d’entre elles partagent un logement avec leur conjoint. Les femmes rencontrées résident dans les régions de Québec et de Chaudière-Appalaches. Elles sont d’origine québécoise et parlent français.

Lors du dépôt du projet de mémoire, la rencontre de mères biologiques ayant un enfant âgé de moins de 18 ans et placé de façon définitive ou adopté depuis au moins 2 ans était envisagée. L’enfant ne devait donc pas avoir atteint la majorité, afin de rencontrer des mères vivant des contraintes à l’égard des droits parentaux, notamment en ce qui a trait aux contacts mère-enfant. Quant à la période de deux ans envisagée entre le placement définitif ou l’adoption de l’enfant et l’entrevue, la décision avait été prise en se basant sur les résultats de l’étude de Crushman, Kalmuss, et Namerow (1993). Celle-ci montre que 65 % des mères vivent encore beaucoup de tristesse six mois après l’adoption de leur enfant. Même s’il n’y a pas de consensus à l’égard de l’intensité et de la durée de la douleur ressentie par les mères à la suite du retrait, une période de temps entre le retrait de l’enfant et l’entrevue de recherche était donc nécessaire. La recension des écrits permet aussi d’identifier que la séparation mère-enfant peut être vécue comme un deuil (Elligsen, 2007 ; Weinreb et Konstam, 1995; Deykin, Campbell et Patti, 1984). Selon Hanus (1998), le deuil est consécutif à une perte, il peut être provoqué par une autre perte que celle liée à la mort. Même s’il n’est pas possible de statuer sur la durée du processus de deuil, un certain temps est requis pour franchir les étapes normales du processus. L’option d’une période de deux ans entre le placement permanent ou l’adoption de l’enfant et l’entrevue de recherche avait ainsi été choisie. Par ailleurs, comme il s’agit d’une étude qui traite du pouvoir d’agir des mères à la suite du retrait de l’enfant, il était important qu’il y ait une période de temps entre le placement permanent ou l’adoption de l’enfant et la situation actuelle.

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Le lecteur observera au tableau 5.1 que les répondantes ont des enfants dont l’âge varie de 20 mois à 24 ans. Comme elles ont entre 1 et 4 enfants, certaines répondantes ont à la fois des enfants qui répondaient aux critères d’inclusion alors que d’autres présentaient des caractéristiques un peu différentes. À titre d’exemple, Maryse a trois enfants dont deux sont placés jusqu’à la majorité, le cadet est adopté depuis plus de deux ans. Toutefois, son fils aîné est aujourd’hui âgé de 21 ans et sa fille, âgée de 13 ans, est placée jusqu’à la majorité depuis un an. Ensuite, il y a eu parfois des divergences entre ce qui était mentionné lors du contact téléphonique et au moment de l’entrevue. Finalement, certaines femmes ne se souvenaient pas du moment exact où leur enfant avait été placé de façon définitive. Constatant la difficulté de respecter ces critères, des femmes ayant des enfants placés de façon définitive ou adoptés mais ayant atteint la majorité ont été incluses dans l’échantillon, ainsi que des mères dont les droits de garde définitif ont été retirés depuis moins de deux ans.

Par ailleurs, sept femmes ayant communiqué avec la chercheuse n’ont pu participer à l’étude, car les situations présentées lors de l’entretien téléphonique précédant l’entrevue ne correspondaient pas aux critères d’inclusion à la recherche. C’est-à-dire que 1) le projet de vie alternatif de l’enfant n’avait pas encore été ordonné ou devait être fait dans les jours suivants; 2) l’enfant avait été confié à l’adoption il y a plusieurs années et par conséquent les adoptions n’avaient pas été effectuées en vertu de la LPJ, et 3) la garde de l’enfant avait été confiée au père ou à un membre de la famille par la DPJ ou par un juge à la suite d’une séparation conjugale.

L’exclusion des mères dont l’enfant est placé auprès de personnes significatives avait pour but d’homogénéiser la population à l’étude, afin de faciliter l’atteinte de la saturation des données (Guest, Bunce et Johnson, 2006). Les mères n’ayant pu avoir recours à leurs proches ou aux membres de leur famille pour prendre l’enfant en charge sont probablement celles ayant un réseau social plus vulnérable ou limité. De plus, l’intégration des mères ayant un enfant confié ou adopté par une personne significative aurait dirigé la recherche vers une analyse des interactions familiales, ce qui n’est pas le sujet à l’étude. Toutefois, on

49 constate aussi des exceptions à ce critère, car encore une fois des femmes ont plusieurs enfants confiés à de tierces personnes, dont quelques-uns résident avec un proche. De plus, une des femmes référées par une autre répondante a été rencontrée, et ce, même si son enfant est placé chez sa nièce. Après discussion téléphonique, l’information obtenue de la part de la répondante a permis de constater qu’il n’y a pas de liens significatifs entre elle et la famille d’accueil de l’enfant.

Selon Pauzé et al. (2005), 62,5 % des enfants âgés de 0 à 11 ans suivis par la protection de la jeunesse vivent dans une famille monoparentale et, outre quelques exceptions, ces enfants sont sous la responsabilité de leur mère. Au Canada, les données de l’ECI 2008 montrent que dans 91 % des situations de mauvais traitements à l’égard des enfants la personne identifiée comme étant le fournisseur de soins à l’enfant est une femme et que dans 94% des cas, il s’agit d’un parent biologique. Comme cette étude est une recherche exploratoire, il est tout d’abord préférable de mieux circonscrire le vécu des mères biologiques avant de comparer les résultats avec l’expérience des pères ou d’effectuer une recherche auprès des parents. Une recherche sur le vécu des parents à la suite du retrait permanent aurait pu être intéressante, toutefois il est fort probable que les pères auraient été moins nombreux au sein de l’échantillon. Par conséquent, le départage entre ce qui est propre à leur situation et ce qui est spécifique au genre aurait été impossible.