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Identification d’interface : Méthode Volume of Fluid

2 Modélisation numérique des écoulements diphasiques

2.1 Identification ou modélisation des interfaces ?

2.1.1 Identification d’interface : Méthode Volume of Fluid

➢ Définition

La méthode Volume of Fluid (VOF), initialement introduite par Hirt & Nichols (1981) est devenue l’une des approches avec identification d’interface la plus utilisée. Sa popularité vient de plusieurs facteurs, notamment par son implémentation relativement facile dans les algorithmes de calcul, par sa formulation cohérente avec le principe de conservation de la masse et par sa capacité à gérer des interfaces de morphologie complexe, spécialement lors des ruptures et coalescences de ces interfaces.

Son principe repose sur la définition d’une fonction scalaire d’indication de phase

I (x,t) (Eq. (14)) qui est passivement transportée par le champ de vitesse u (x,t), calculé

après le couplage avec le champ de pression p (x, t) par l’équation de Poisson. 𝐼 (𝒙, 𝑡) = {1, 𝑠𝑖 𝑙𝑎 𝑝𝑜𝑠𝑖𝑡𝑖𝑜𝑛 𝒙 𝑠𝑒 𝑟𝑒𝑡𝑟𝑜𝑢𝑣𝑒 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑙

𝑒𝑎𝑢 𝑎𝑢 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠 𝑡

0, 𝑠𝑖 𝑙𝑎 𝑝𝑜𝑠𝑖𝑡𝑖𝑜𝑛 𝒙 𝑠𝑒 𝑟𝑒𝑡𝑟𝑜𝑢𝑣𝑒 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑙𝑎𝑖𝑟 𝑎𝑢 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠 𝑡 (14) La fraction volumique de l’eau α (x,t) contenant chaque cellule de volume V (m3)

du domaine discrétisé est alors définie dans l’Eq (15). 𝛼 (𝒙, 𝑡) = 1

𝑉∫ 𝐼 (𝒙, 𝑡) 𝑑𝑉𝑉 (15)

Ainsi, les champs de propriétés physiques de masse volumique ρM (x, t) et

viscosité dynamique μM (x, t) du mélange de fluides dans le domaine sont définies par les Eqs. (16) et (17).

L’équation de conservation de la masse prend alors la forme de Eq. (18). 𝜕𝜌𝑀

𝜕𝑡 + ∇. (𝒖𝜌𝑀) = 0 (18)

Ou, de façon équivalente ( Deshpande, et al. (2012)), celle de l’Eq. (19), compte tenu du fait que les valeurs de ρeau et ρair restent constantes, et que le champ de vitesses est incompressible.

𝜕𝛼

𝜕𝑡 + ∇. (𝒖𝛼) = 0 (19)

L’Eq. (19) constitue donc évidemment l’équation de transport de fraction volumique au sein du domaine. Dans des conditions idéales, c’est-à-dire, pour des valeurs infiniment petites de V dans l’Eq. (15), la fonction de fraction volumique α (x,t) serait identique à la fonction d’indication des phases I (x,t), ou, en d’autres mots, à une fonction de Heaviside en trois dimensions, où les discontinuités surfaciques représentent les interfaces entre les deux fluides. Dans la pratique, la discrétisation du domaine en volumes finis engendre nécessairement des erreurs issues de la troncature des termes d’ordres supérieurs qui proviennent de la procédure d’approximation des dérivées partielles par développement en séries de Taylor.

Résolution de l’équation de transport

Le problème d’advection d’une fonction scalaire passive présentant une discontinuité, telle que celle de l’Eq. (19), constitue l’une des premières difficultés majeures rencontrées dans la discipline de la CFD, qui malgré de nombreuses avancées, n’a pas été complètement surmontée. Comme bien illustré par Leonard (1991), alors que les schémas de discrétisation amont de premier ordre s’avèrent bien bornés mais trop diffusifs, les schémas d’ordres supérieurs [ Leonard (1991) nous montre des résultats de calcul utilisant des schémas jusqu’au neuvième ordre de précision ] sont peu diffusifs, mais non bornés (vérifiant ainsi le théorème de Godunov, Hirsch (2007)). La problématique devient ainsi presque évidente : comment calculer l’advection d’une fonction en respectant son caractère discontinu (ou en limitant sa diffusion) tout en maintenant des résultats physiques (pas de concentration supérieure à 100% ou inférieure à 0%) ?

Ce défi a abouti au développement de schémas intégrant des limiteurs, notamment ceux de type « Total Variation Diminishing » (TVD) introduit par Harten (1997) ou encore ceux conçus à l’aide du « Normalized Variable Diagram » (NVD) de Leonard (1991). En bref, ces schémas sont une construction hybride des schémas amont (dont l’atout principal est de rester borné) et aval (qui confèrent une qualité « compressive » aux courbures de pente), conçus pour basculer d’un extrême à l’autre en fonction des besoins. Ainsi, ils sont censés affaiblir la diffusion tout en respectant les bornes du système.

De cette façon, ces schémas dits de « haute résolution » ont dessiné la base pour le développement des algorithmes de VOF algébrique (ou AVOF) plus sophistiqués, comme le HRIC ( Wacławczyk & Koronowicz (2008)), CICSAM de Ubbink & Issa (1999) ou Gamma de Jasak, et al. (1999). Ils favorisent une séparation nette des phases, sans pour autant complètement annuler la diffusion sur quelques cellules. L’identification des interfaces se fait donc directement par la sélection d’une valeur 0 < α < 1, dont le contour au sein du système caractériserait la surface libre.

Malgré l’existence d’une incertitude inhérente au choix de la valeur de α, les algorithmes type AVOF bénéficient d’une implémentation dans le code facile et d’un besoin de puissance de calcul relativement faible ( Mirjalili, et al. (2017)).

Les algorithmes des VOF géométriques (GVOF) constituent une autre approche également très répandue. Contrairement aux AVOF, les GVOF appliquent une technique de reconstruction de l’interface à partir des valeurs calculées de α au sein des cellules. De cette manière, l’incertitude générée par les méthodes AVOF est éliminée, et la position exacte de l’interface devient connue. On peut citer comme inconvénients de cette approche un besoin plus important en puissance de calcul (consommée notamment dans la procédure de reconstruction de l’interface) et la possibilité éventuelle du non-respect de la conservation de la masse ( Roenby, et al. (2016), Mirjalili, et al. (2017)).

Pour ces raisons, dans la suite de cette thèse, on a fait le choix d’utiliser l’algorithme AVOF implémenté dans le code OpenFOAM®. Plus de détails justifiant le choix de ce logiciel sont énoncés dans le chapitre 3.

➢ Implémentation dans le code OpenFOAM®

L’implémentation de la méthodologie VOF dans le logiciel OpenFOAM®, au moyen du solveur interFoam, possède des particularités qui doivent être discutées plus en détails. Cet algorithme s’insère dans la famille des VOF algébriques, puisque aucune procédure de reconstruction géométrique de l’interface n’est programmée. La résolution et l’incertitude de la localisation d’interface dépend donc de la capacité de l’algorithme à limiter la diffusion de la fonction de fraction volumique. Contrairement à la plupart des modèles AVOF, la compression de l’interface n’est pas ici accomplie en appliquant des schémas de discrétisation spécifiques ( Rusche (2002)), mais surtout grâce à l’ajout d’un nouveau terme de flux compressif artificiel dans l’équation de transport de α (troisième terme à gauche de l’Eq.(20)).

𝜕𝛼

𝜕𝑡 + ∇. 𝒖𝛼 + ∇. (𝒖𝑐𝛼 (1 − 𝛼)) = 0 (20)

𝒖𝑐 = 𝐶𝛼𝒖 ∇α

|∇𝛼| (21)

Quelques commentaires à propos des Eqs. (20) et (21) méritent d’être énoncés : ❖ Le terme de compression artificielle dans l’Eq. (20) est actif seulement au niveau de la surface libre grâce au multiplicateur α(1-α), et n’influence donc

pas le transport de la fraction volumique dans le reste du domaine.

❖ Par la définition de la vitesse de compression uc (x,t) dans l’Eq. (21), le flux de compression artificielle opère toujours, à un niveau local, dans la direction perpendiculaire à la surface libre.

❖ La variable Cα est une constante définie par l’utilisateur, qui prend par défaut généralement la valeur de 1. Si l’utilisateur souhaite effacer le terme de compression de surface, il suffit de définir Cα = 0.

❖ Les valeurs extrêmes de la fraction volumique α sont maintenues bornées à l’aide de l’algorithme MULES (MUlti-dimensionsal Limiter for Explicit Solution). Il s’agit d’une implémentation sous OpenFOAM® de la méthode de limiteur de flux introduite par Zalesak (1979). Selon Damian (2013),

l’algorithme MULES estimerait la valeur du limiteur de flux λf avec une méthode itérative.

❖ Une approche de résolution semi-implicite de l’algorithme MULES est implémentée dans le logiciel depuis la version OpenFOAM® 2.3.0, Greenshields (2014). Ceci permet de mener des simulations avec des nombres CFL plus importants que dans l’algorithme originel, selon Deshpande, et al. (2012).

➢ Equations de quantité de mouvement dans le système diphasique

Il reste à définir la formulation de l’équation de conservation de quantité de mouvement. Tant pour les approches AVOF que pour les GVOF, elle peut être représentée d’une façon généraliste telle que l’Eq. (22).

𝜕𝜌𝑀𝒖

𝜕𝑡 + ∇. 𝜌𝑀𝒖𝒖 = −∇𝑝 + ∇. (𝜇𝑀∇𝒖) + 𝜌𝑀𝒈 + 𝑭𝑠 (22)

On note une forte similarité avec l’Eq. (13), à part l’adoption de la masse volumique et de la viscosité dynamique de mélange, ainsi que l’introduction d’un terme source Fs représentant l’effort généré par la tension de surface. Son implémentation dans l’espace discrétisé est généralement effectuée par une formulation volumétrique, notamment pour garantir avec succès un équilibre discret avec l’effort dû aux gradients de pression ( Mirjalili, et al. (2017)). Le modèle de tension de surface de Brackbill, et al. (1992) décrit dans l’Eq. (23) est largement utilisé, et fonctionne comme un effort présent dans l’intégralité du domaine, mais actif seulement au niveau de l’interface.

𝑭𝑠 = 𝜎𝜅𝛻𝛼 (23)

𝜅𝑆 = ∇. ( ∇𝛼

|∇𝛼|) (24)

Ici, κS (m-1) représente la mesure de courbure locale de la surface libre, et est approximée par l’Eq. (24). On note l’existence d’une problématique récurrente dans l’implémentation des modèles de tension de surface, qui a pour conséquence la création des courants parasitaires issus d’une estimation imprécise de κS due à la

quantité de mouvement, générant ainsi de l’énergie cinématique artificielle. Il s’agit en effet d’une problématique importante dans les simulations d’écoulements à faible We, mais qui a été en grande partie résolue avec le développement de nouveaux modèles ( Mirjalili, et al. (2017)).