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4 Simulation de l’entraînement d’air localisé

4.1 Cas du jet d’eau circulaire en plongeon

4.1.4 Résultats

4.1.4.1 Aspects macroscopiques

Une manière efficace de démontrer l’influence des différents paramètres dans le calcul de l’écoulement diphasique est de présenter les principaux aspects macroscopiques issus des simulations, car on peut immédiatement les comparer aux caractéristiques observées lors des expérimentations. Les instants initiaux de l’impact du jet sur le corps d’eau en repos, et son évolution vers un régime d’entraînement d’air en continu ont été étudiés par Zhu, et al. (2000) et Qu, et al. (2013). On observe lors de la pénétration initiale la formation d’une grande cavité d’air entourant le jet. Au fur et à mesure que la cavité s’allonge, elle subit un rétrécissement en cou, qui finit par se rompre en deux parties (cf. Figure 30). Pendant que la partie amont de la cavité se rétrécit vers la surface libre, la partie aval, prenant la forme d’une poche d’air toroïdale complètement détachée de la surface, continue à descendre, avant de subir une rupture généralisée, la transformant ainsi en plusieurs bulles qui finiront par remonter vers la surface. Une fois que ce processus initial est complet, on observe ensuite l’écoulement caractéristique des jets d’eau en plongeon présentant un entraînement continu de bulles, sans la formation de cavité de grande échelle telle que celle observée auparavant.

On présente dans la Figure 30 les étapes initiales de l’impact entre le jet et la surface libre observées expérimentalement par Qu, et al. (2013) comparées à celles obtenues par la simulation du modèle M2 avec le solveur interFoam dans le maillage grossier et sans modélisation (S-M) de la turbulence (iso-surface αeau = 0,5). D’un point de vue phénoménologique, la simulation reproduit assez bien chacune des étapes, avec la création de la cavité dans le temps t1, son extension et formation d’un cou (zone rétrécie) en t2, la fermeture complète du cou et la division de la cavité en deux parties à t3, et la rupture de la poche d’air en t4.

Figure 30 - Processus initial du plongeon ; comparatif entre simulation (M2, interFoam, maillage grossier, S-M, αeau = 0,5) et expérience (clichés de Qu, et al. (2013) reproduits avec la permission de

Elsevier)

Lorsqu’on emploie un modèle de turbulence de type RANS dans les mêmes conditions de simulation avec le solveur interFoam, on obtient des résultats sensiblement différents. De la même manière que précédemment, l’évolution temporelle des premiers instants de l’impact entre le jet et la surface calculés avec les modèles k-ω SST et k-ε standard sont présentés en Figure 31.

On observe initialement (t = t2) des résultats équivalents parmi les simulations, avec la création d’une grande cavité d’air, son extension et la formation d’un cou (dont la position n’est pas identique dans les différentes simulations). Les différences plus importantes entre les deux approches sont constatées lors des pas de temps ultérieurs, par exemple quand t = t4. Le calcul utilisant le modèle k-ε standard reproduit

bien la séparation de la cavité en deux parties au niveau du cou, mais, au lieu de prévoir le rétrécissement de la partie amont vers la surface comme dans la simulation

S-M et dans l’expérience, on constate la conservation d’une grande cavité entourant le jet. Par ailleurs, la poche d’air entraînée reste intacte, sans rupture. L’aspect de l’écoulement calculé avec le modèle k-ω SST est encore plus inadapté, où même la séparation de la cavité au niveau du cou n’est pas observée.

Figure 31 – Instants initiaux de l’impact entre le jet et la surface libre (M2, interFoam, maillage grossier, modèles de turbulence RANS, αeau = 0,5)

Cet effet de surestimation de la longueur de la cavité autour du jet après les étapes initiales a déjà été constaté par Lopes, et al. (2016), lorsqu’ils ont réalisé des simulations d’un jet d’eau dans des conditions similaires à celui présenté ici, utilisant le solveur interFoam avec le modèle de turbulence k-ε réalisable. Cependant, la

conclusion formulée par Lopes, et al. (2016) indique que la surestimation de la longueur de la cavité est due à l’utilisation d’un maillage insuffisamment raffiné pour le calcul des forces générant sa rupture. Or, cette problématique est observée par Lopes, et al. (2016) en utilisant des maillages avec un degré de raffinement équivalent au maillage fin conçu dans la présente étude, et, pourtant, on observe bel et bien ici dans la simulation S-M une rupture de la cavité, même avec un maillage grossier.

entre le jet et le corps d’eau. Cette viscosité turbulente ajoutée au système engendre la dissipation des fluctuations du champ de vitesses, qui sont en charge de générer les mécanismes de rupture de la cavité et de piégeage des bulles d’air. De manière assez ironique, les résultats des simulations incluant un modèle de turbulence produisent un écoulement ressemblant plutôt à celui des jets liquides de forte viscosité coulant dans un régime laminaire (Figure 32), ce qui est cohérent avec le fait que le modèle de turbulence génère une viscosité (turbulente) excessive.

Figure 32 - Jet d'huile de silicone d'après Lorenceau, et al. (2004) (gauche, reproduit avec la permission de American Physical Society) ; simulation d'un jet d'eau (M2, interFoam, maillage

grossier, k-ε) (droite)

On se tourne maintenant vers l’analyse des aspects macroscopiques obtenus avec le solveur vofTfmFoam. On présente dans la Figure 33, de la même façon qu’effectuée précédemment, les instants initiaux de l’impact entre le jet et la surface libre. Contrairement à ce qui se passe avec les solutions obtenues avec le solveur

interFoam, on constate ici que les simulations intégrant des modèles de turbulence

RANS prédisent bien la séparation de la cavité en deux morceaux après t2, et le rétrécissement de la partie amont vers la surface libre. L’instant t = t5 correspond à quelques dixièmes de seconde après l’instant t4, et exhibe dans l’expérience le début du régime continu d’entraînement d’air. Dans les simulations, ce régime se produit de manière phénoménologiquement différente.

Figure 33 – Evolution temporelle de l’impact initial entre le jet et la surface libre simulée avec le solveur vofTfmFoam, dans un maillage grossier ; du haut vers le bas : sans inclusion de modèle de

turbulence, k-ε, k-ω SST, photos de Qu, et al. (2013) reproduites avec la permission de Elsevier On observe dans la simulation S-M une manifestation qualitative des mécanismes réels d’entraînement d’air ayant lieu dans la pratique, c’est-à-dire, la création des petites cavités d’air, qui s’allongent par les efforts de cisaillement générés par le jet, et qui se rompent fondamentalement par l’action de la turbulence (Figure 34). D’un autre côté, les simulations menées avec un modèle de turbulence de type RANS présentent la formation d’une petite cavité symétrique autour du jet et stable

Solveur vofTfmFoam Maillage grossier S-M Solveur vofTfmFoam Maillage grossier k-ε Solveur vofTfmFoam Maillage grossier k-ω SST Expérience de Qu et al. (2013)

physiques, puisque les modèles de turbulence dissipent la plupart des fluctuations de vitesses. Comme on peut voir dans la Figure 34, l’air en régime dispersé est entraîné plutôt par l’advection de la fonction de fraction volumique, qui est plus facilement détachée de la surface libre en conséquence de la désactivation de la compression d’interface. On en déduit que c’est aussi pour cette raison que les simulations menées avec le solveur vofTfmFoam et les modèles de turbulence type RANS offrent une meilleure prévision de la taille de la cavité en régime d’entraînement d’air continu que les simulations en interFoam, qui appliquent la compression d’interface partout.

Figure 34 – Coupe transversale des résultats à t = t5 obtenus avec le solveur vofTfmFoam ; à gauche,

k-ω SST, à droite, sans modélisation de la turbulence

Ce résultat est similaire à ce qui a été obtenu par d’autres auteurs utilisant des méthodologies de simulation couplant les approches VOF et TFM, comme Kendil, et al. (2011) et Hänsch, et al. (2012).

Un inconvénient important s’est néanmoins produit lors des simulations

vofTfmFoam-RANS, qui a empêché toute exploitation des résultats des calculs

utilisant cette approche. L’air entraîné en régime dispersé subit naturellement la pousse d’Archimède et tend à remonter vers la surface une fois qu’il a pénétré une certaine profondeur. L’ensemble des bulles continuellement entraînées par le jet et celles remontant à la surface forment ainsi un panache de bulles.

Figure 35 – Evolution temporelle du panache de bulles (vofTfmFoam, maillage grossier, RANS)

La grosse problématique constatée dans notre modèle est que le champ de vitesses, calculé avec les modèles de turbulence, forme de grandes recirculations qui induisent un mouvement des bulles remontantes vers le centre du jet d’eau. En dernière instance, cette fraction d’air est piégée dans la recirculation, et est fusionnée avec les nouvelles bulles entraînées, ce qui génère un champ de fraction volumique relativement stable (et complètement non-physique) comme celui de la Figure 35.

Ce résultat dégradé provient probablement de plusieurs facteurs. En premier lieu, le champ de vitesses quasi-stationnaire obtenu lorsqu’on inclut un modèle de turbulence type RANS favorise l’amplification de l’effet de concentration de la fonction de fraction volumique d’air, à partir de sa rétro-alimentation avec les bulles d’air remontantes. A l’inverse, si le champ de vitesses était plus instable (comme dans les simulations sans modélisation de la turbulence), le mouvement de l’air remontant ne serait pas entièrement induit vers le centre du jet, puisque les fluctuations de vitesses agiraient dans le sens d’une plus grande diffusion des bulles. Pour cette raison, les simulations vofTfmFoam-S-M ne présentent pas cette problématique.

Par ailleurs, on note que les simplifications dans la modélisation des efforts de transfert interfacial de quantité de mouvement adoptées dans le solveur vofTfmFoam ont aussi pu jouer un rôle important. Comme montré par Kendil, et al. (2011), la modélisation de l’effort de portance subi par les bulles dispersées pourrait être spécialement pertinent dans le mouvement des bulles entraînées remontant vers la surface libre. Selon Kendil, et al. (2011), pour les bulles de faible échelle de diamètre (inférieur à 5 mm), la portance induit un mouvement vers le centre du jet, alors que pour des bulles de taille plus élevée, l’effort de portance agit dans le sens opposé. Or, dans le solveur vofTfmFoam on ne représente ni l’effort de portance ni un champ polydispersé des bulles. Cet aspect est ainsi omis dans nos simulations, ce qui favorise également la surconcentration d’air autour du jet.

➢ Bilan

On observe ainsi que l’intégration des modèles de turbulence de type RANS empêchent une représentation physique fiable de l’écoulement. Dans le cas du solveur

interFoam, l’élimination des fluctuations du champ de vitesses génère une surestimation de la longueur de la cavité d’air autour du jet, nuisant ainsi à la reproduction numérique du phénomène d’entraînement d’air. Dans les simulations réalisées avec vofTfmFoam, les recirculations du champ de vitesses sous la surface engendrent une surconcentration de la fraction volumique d’air au niveau de la localisation de l’aération.

Compte tenu des différentes problématiques observées lors de l’utilisation des modèles de turbulence type RANS, tant dans les simulations menées avec le solveur

interFoam que dans celles réalisées avec vofTfmFoam, on présentera, par la suite,

exclusivement les résultats obtenus avec des simulations conduites sans modélisation de la turbulence.