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PROCESSUS D’INTÉGRATION DIFFÉRENCIATION

IMPLICATIONS À L ’ INTERFACE DES ENTITÉS

1.1. VERS UNE DÉFINITION DE L’INTERFACE ORGANISATIONNELLE

1.1.2. I NTERFACES INTER FONCTIONNELLES ET INTER

ORGANISATIONNELLES

:

LA LECTURE DES SCIENCES DE GESTION

Les Sciences de Gestion mobilisent le concept d’interface en référence aux interactions entre deux ou plusieurs fonctions ou organisations, à l’inter-fonctionnel et à l'inter-organisationnel, notamment dans un but de communication et de coordination, à des niveaux stratégique, tactique ou opérationnel.

Mintzberg (1982)163, explicitant le rôle des cadres intermédiaires dans les organisations, souligne

l’importance de gérer les frontières internes et externes. Parmi les mécanismes pour gérer et contrôler les frontières, Mintzberg cite les postes de liaisons pour assurer rapidement la coordination transversale entre entités.

Pour Lebraty et Teller (1994)164, le concept d'interface est le plus approprié pour appréhender les

frontières organisationnelles. Ces auteurs considèrent l'interface comme fondamentale pour l’organisation puisqu’elle doit être en capacité de rendre compréhensibles, sur une base commune, des décisions issues de logiques différentes. Les auteurs imputent à l’interface une fonction, celle d'aménager les flux d'information nécessaires à la réalisation d'une action.

Savall et Zardet définissent l’interface comme une « zone interstitielle entre les groupements socio-

organisationnels » (Savall et Zardet, 1987)165, une « nébuleuse d'activités de part et d'autre des

frontières entre deux groupements » (Savall et Zardet, 1987)166, ou encore comme une « zone critique entre deux ou plusieurs ensembles, espaces ou univers, qui doit être pilotée pour assurer une communication efficace entre eux » (Savall et Zardet, 1995)167.

Les auteurs ne réduisent pas ici l’interface à la frontière, la première est plus large que la seconde en ce sens que l’interface définit une zone frontalière mais aussi les activités qui s’y développent, notamment l’échange d’information. Ils soulignent également la criticité de cette zone, autrement dit son instabilité en raison du seuil, de la limite cognitive et politique qu’elle constitue pour chacune des entités en interaction. Ils mettent enfin en évidence la nécessité de piloter les interfaces, sans quoi l’échange d’information n’est pas efficace.

Des études empiriques ont par ailleurs mis en évidence différentes problématiques d’interface. Elles ont souligné le déficit d’intercompréhension et les conflits qui s'y expriment, engendrés par les différences de langage (Konijnendijk, 1993)168, le manque de connaissances mutuelles

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163 Mintzberg H., Structure et dynamique des organisations, Les Éditions d’Organisation, 1982, traduit de l’américain par

Romelaer P., p. 45.

164 Lebraty J., Teller R., Ingénierie du diagnostic... op.cit. p. 97

165 Savall H. et Zardet V., Maîtriser les coûts et les performances cachés. Le contrat d’activité périodiquement négociable. Prix

Harvard l’Expansion de Management Stratégique, préface de Marc-André Lanselle et de Jean-Marie Doublet, Économica, 1987, 2ème édition augmentée 1989, 3ème édition 1995, 4ème édition 2001, p 199

166 Ibid.

167 Savall H. et Zardet V., Ingénierie stratégique du roseau, Économica, 1995, 2ème édition 2005, p. 486

168 Konijnendijk P. A., « Dependence and conflict between production and sales », Industrial Marketing Management, 22,

(Calantone et al., 2002)169, les différences d’éducation, d’attentes et d’objectifs (Shaw et al.,

2003)170.

Pour leur part, Charue-Duboc et Midler (2002)171 établissent un lien entre déficit d’interfaçage et

modèle d’organisation. Ils montrent en effet que le modèle classique de bureaucratie professionnelle dans certains services d’ingénierie n’incite pas les experts à franchir les frontières de leur propre périmètre, d’où des interactions transversales insuffisantes dans un contexte de management par projet.

La structuration des interfaces est également au cœur de la logistique et, plus globalement, du management des chaines logistiques, puisque ce sont des activités fondamentalement transversales. Ainsi, pour Aurifeille et al. (1997)172, la logistique est la fonction qui fait l’interface

entre les fonctions marketing et la production. C’est donc une interface inter-fonctionnelle. Dans le cadre plus étendu des entreprises dites virtuelles (Fabbes-Costes, 2005173 ; Colin 2005174),

les interfaces, ici inter-organisationnelles, traversent les frontières externes de l’entreprise et structurent la communication et la coordination entre les entreprises et leurs fonctions pour mobiliser des compétences partagées. La maîtrise de ces interfaces constitue un élément clé pour ce type d’entreprise, à tel point que Fulconis et Paché (2005)175 émettent l’hypothèse que les

prestataires de services logistiques, grâce notamment à leur maîtrise des interfaces logistiques, pourraient occuper à termes le statut de firme pivot au sein de ces réseaux dynamiques d’entreprises.

Ajoutons que Fabbes-Costes (2005)176 souligne également l’importance des interfaces inter-

personnelles, puisqu’elles tissent et stabilisent les ajustements mutuels dans et entre ces organisations.

L’organisation des interfaces concerne donc autant les interfaces inter-fonctionnelles qu’inter- organisationnelles, ce qui apparaît clairement dans la définition de l’interface proposée par Lédi et

al. (2002)177 : « zone de jonction, de tension ou de recoupement entre des buts, des responsabilités et/ou des

activités de deux ou plusieurs entités : acteurs de la chaine logistique (interfaces inter-organisationnelles) ou sous-systèmes dans une organisation (interfaces intra-organisationnelles) ».

Dans le champ inter-organisationnel, l’interface est également abordée sous l’angle des alliances stratégiques. Selon Urban et Vendemini (1994)178, celles-ci dépendent de la performance des

interfaces inter-organisationnelles. Pour les auteurs, ces interfaces doivent être organisées au bon niveau hiérarchique, les règles de répartition des contributions des acteurs doivent y être explicites.

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169 Calantone R., Dröge, C. et Vickery, S., « Investigating the manufacturing-marketing interface in new product

development: does context affect the strenght of relationships », Journal of Operations Management, 20, 2002, pp. 273-287.

170 Shaw V., Shaw C.T. et Enke M., « Conflict between engineers and marketers: the experience of German engineers »,

Industrial Marketing Management, 32, 2003, pp. 489-499.

171 Charue-Duboc F. et Midler C., « L’activité d’ingénierie et le modèle de projet concourant », Sociologie du travail, 44, 2002,

pp. 401-417.

172 Aurifeille J.-M., Colin J., Fabbes-Costes N., Jaffeux C. et G. Paché, Management logistique : une approche transversale, Litec,

1997.

173 Fabbes-Costes N., « La gestion dynamique des supply chains des entreprises virtuelles », Revue Française de Gestion,

n° 156, mai-juin, 2005, pp. 150-166.

174 Colin J., « Le Supply Chain Management existe-il réellement ? », Revue Française de Gestion, n° 156, mai/juin, 2005, pp.

133-149.

175 Fulconis F. et Paché G., « Piloter des entreprises virtuelles : quel rôle pour les prestataires de services logistiques ? »,

Revue Française de Gestion, n° 156, 2005, pp. 167-186.

176 Fabbes-Costes N., « La gestion dynamique des supply chains des entreprises virtuelles », op. cit. 177 Lédi C., Livolsi L. et Roussat C., « Glossaire des termes logistiques », Logistiques Magazine, 2002. 178 Urban S. et Vendemini S., Alliances stratégiques coopératives européennes, Bruxelles, De Boeck Université, 1994.

En conception et en ingénierie, les interfaces sont abordées selon deux approches (Koike, 2005)179.

Dans la première, elles sont pensées comme un artefact physique : il s'agit du produit à concevoir. Dans ce cadre, deux approches coexistent. D’une part, l'artefact est vu comme le point de rencontre qui sépare le produit de son environnement externe (Simon, 1969)180. Le but de

l’activité de conception serait de définir cette interface entre les deux environnements en spécifiant ses fonctionnalités et son organisation interne (Simon, 1969)181. D'autre part, les interfaces sont

conçues comme les connexions qui permettent l’intégration des composants de l’artefact et qui servent aux échanges d’énergie, d’information, voire de matière (Simon, 1969)182.

La deuxième approche de l'interface en conception renvoie à celle des sciences de gestion exposée précédemment, c’est-à-dire à l’organisation des échanges d’informations et à la coordination inter- fonctionnelles et inter-organisationnelles.

L’interface est mobilisée, dans l’approche gestionnaire, en tant que support à l’explication et à la résolution de problèmes relatifs à la communication et la coordination. Les différences entre les entités en relation et les structures organisationnelles sont souvent mises en avant pour expliquer ces problèmes qui, au fond, relèvent de l’intégration et de la différenciation des entités.

Toutefois, ces travaux ne pénètrent pas l’interface. Il est question de communication et de coordination entre entités mais pas de la zone entre elles, en tant qu’objet. Koike (2005)183, faisant le

même constat, propose dans sa recherche doctorale une modélisation de l’interface. C’est la seule que nous ayons identifiée dans la littérature.

L’auteur, traitant des interfaces en tant qu'objet d'intégration de la fonction logistique dans les projets de conception, définit l'interface comme « un ensemble d’éléments fondamentaux qui

supportent et rationalisent les interactions entre les acteurs d’une équipes multi-métiers durant l’activité de conception concourante ». Cet auteur étudie la composition interne de l’interface, il en

détermine cinq éléments fondamentaux : les acteurs-interfaces, les objets intermédiaires, les outils de gestion, les procédures et les règles, l‘espace et le temps.

Figure 1. 1 : modélisation de l'interface selon Koike (2005)

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179 Koike T., Les interfaces pour l'intégration de la logistique... op. cit.

180 Simon H.A, The Sciences of the Artificial, Cambridge, MIT Press, 1969, 3ème édition 1996. 181 Ibid.

182 Ibid.

L’intérêt de cette modélisation réside dans sa décomposition de l’interface, dans le traitement intrinsèque de cet objet et dans la formulation, d’après les travaux de l’auteur, de ses variables fondamentales. Elle a été pour nous une base de travail importante au démarrage de la recherche. Cette modélisation comporte cependant plusieurs limites, trois selon nous. Elle est formulée uniquement par déduction, à partir de la littérature, ce qui écarte a priori un nombre importants de phénomènes relevant de l’interface, potentiellement déterminants. Elle est en outre normative ; le modèle ne représente pas tant l’interface que ce qu’elle devrait être, c’est-à-dire « un

ensemble d’éléments fondamentaux qui supportent et rationalisent les interactions entre les acteurs ». Enfin,

parce qu’elle est procédurale et instrumentale, la modélisation incorpore le “comment” mais pas le “pourquoi” des interactions ; or les outils de gestion, les règles et procédures, et les objets intermédiaires supposent la définition d’objectifs.

Pour parfaire la compréhension de l’interface, nous proposons de nous tourner vers deux approches complémentaires. La première est sociale, la seconde déborde le champ social pour traiter de l’intermédiarité de l’interface.

1.1.3. L'

INTERFACE SOCIALE

:

ORGANISATION DE RELATIONS ET LIEU DE