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La présente recherche a donc pour objectif d’étudier la perception émotionnelle sous l’influence implicite du social appraisal, afin de découvrir si les évaluations des autres, même si elles sont présentées en dehors du champ de la conscience, modifient notre propre jugement d’expressions émotionnelles. Il sera donc demandé à des participants d’évaluer des expressions faciales cible, alors qu’un visage émotionnel contextuel sera présenté, qui pourra être évaluatif ou non, de sorte à intégrer dans cette étude les connaissances et les attentes concernant l’influence des informations contextuelles et l’impact du social appraisal sur la reconnaissance d’expressions émotionnelles. Mais afin de pouvoir tester si le social appraisal a un effet sur la perception émotionnelle à un niveau implicite, il convient de flasher ces visages contextuels durant une période extrêmement brève et de les masquer, afin qu’ils ne permettent pas un traitement explicite de la part des participants. De plus, l’anxiété sociale de ces derniers sera prise en compte, une variable individuelle modulant la sensibilité à certaines expressions menaçantes, et l’attention allouée à leur traitement. Pour cette étude, le focus sera mis exclusivement sur les expressions faciales de peur et de colère.

De manière générale, nous nous attendons à un effet implicite de congruence du contexte sur la perception émotionnelle. Selon les données de diverses recherches, nous savons qu’une expression faciale est mieux catégorisée lorsqu’elle est présentée avec des informations contextuelles congruentes (Fenske & Eastwood, 2003 ; Masuda et al., 2006 ; Aviezer et al., 2008 ; Righart & de Gelder, 2008 ; Mumenthaler & Sander, in revision).

D’autre part, il a été prouvé que les visages émotionnels ont une influence implicite sur les jugements évaluatifs des individus (Murphy & Zajonc, 1993 ; Li et al., 2008). Nous postulons donc un effet implicite de congruence du contexte pour l’émotion de colère, à savoir qu’une expression faciale cible de colère sera mieux reconnue en présence d’un visage contextuel congruent, c’est-à-dire exprimant la même émotion, même si ce dernier est présenté en dessous du seuil de la conscience. Conformément aux résultats de Mumenthaler et Sander (in revision), nous ne nous attendons pas à trouver cet effet pour une expression cible de peur, puisque des informations contextuelles congruentes, même explicites, ne suffisent pas à désambiguïser cette émotion, souvent catégorisée comme de la surprise (e.g., Rapcsak et al., 2000 ; Mumenthaler & Sander, in revision).

Du reste, lorsque le contexte est congruent, nous posons l’hypothèse d’un effet implicite supplémentaire du social appraisal sur la perception émotionnelle ; c’est-à-dire qu’une condition de social appraisal devrait améliorer d’autant plus la perception

émotionnelle avec un contexte congruent. Pour qu’une telle condition soit réalisée, il faut que le visage contextuel regarde en direction du visage cible tout en exprimant une certaine émotion, de sorte à créer une réaction ou évaluation émotionnelle vis-à-vis de ce dernier. En effet, la littérature a démontré qu’un contexte évaluatif, c’est-à-dire un contexte qui réalise une évaluation explicite sur un objet quelconque, influence les jugements affectifs des individus (Bayliss et al., 2007 ; Jones et al., 2007), et notamment leur reconnaissance d’expressions faciales (Mumenthaler & Sander, in revision). On parle donc bien de social appraisal, puisque selon sa définition, les réactions émotionnelles ou appraisals d’autrui présent dans le contexte sont pris en compte par l’individu et intégrés dans ses propres processus d’évaluation d’une expression cible. Par ailleurs, puisque les visages émotionnels masqués ont un impact sur les évaluations affectives (Murphy & Zajonc, 1993 ; Li et al., 2008), nous postulons qu’un visage contextuel non seulement congruent, mais de plus évaluatif, bien qu’il soit présenté en dehors du champ de la conscience, améliorera la reconnaissance des expressions cible de colère et de peur. En effet, il semble que l’expression faciale de peur soit désambiguïsée en condition de social appraisal (Mumenthaler & Sander, in revision), et nous nous attendons à retrouver cet effet à un niveau implicite. Au final, cela revient à dire qu’un effet de congruence du contexte sera encore plus fort en condition de social appraisal, tant au niveau de la reconnaissance de l’expression de colère que de celle de peur. Nous parlerons donc d’un effet implicite du social appraisal sur la perception émotionnelle.

Par contre, lorsque le contexte n’est pas congruent (i.e., lorsque le visage contextuel exprime une autre émotion que celle du visage cible), nous pensons qu’une condition de social appraisal aura une influence implicite sur la perception émotionnelle, mais ceci uniquement s’il existe un lien de cohérence entre l’expression cible et l’expression contextuelle. En effet, ce n’est qu’en condition de social appraisal (i.e., lorsque le visage contextuel regarde en direction du visage cible et réalise une évaluation émotionnelle de celui-ci) que ce lien particulier peut être mis en évidence en créant une relation de causalité entre deux émotions différentes (Mumenthaler & Sander, in revision). C’est le cas pour une émotion de peur chez un individu qui peut, dans bien des cas, être causée par une émotion de colère chez quelqu’un d’autre. Nous nous attendons donc, en condition de social appraisal, à ce qu’une expression faciale cible de peur soit mieux reconnue lorsque le visage contextuel exprime de la colère. Inversement, nous pensons qu’une expression faciale cible de colère sera mieux catégorisée lorsque le visage contextuel affichera de la peur. Comme précédemment, et selon la littérature sur l’influence des visages émotionnels masqués sur les

jugements affectifs (Murphy & Zajonc, 1993 ; Li et al., 2008), nous nous attendons à trouver cet effet lorsque le visage contextuel est flashé au-dessous du seuil de la conscience. Nous parlerons d’un cas particulier du social appraisal que nous appellerons un effet implicite de cohérence du contexte sur la perception émotionnelle.

Finalement, nous postulons un effet dû à l’anxiété sociale des individus. Sachant que la phobie sociale est une variable individuelle qui renforce la sensibilité aux stimuli menaçants (Beck & Clark, 1997 ; Mogg et al., 2004 ; Mogg et al., 2007), même si ceux-ci sont masqués (Mogg & Bradley, 2002), nous posons l’hypothèse que les expressions faciales émotionnelles cible seront mieux reconnues par les participants les plus anxieux, que le visage contextuel exprime de la peur ou de la colère. Cet effet dû à l’anxiété devrait donc renforcer chacun des trois effets postulés ci-dessus – effet implicite de congruence du contexte, effet implicite du social appraisal et effet implicite de cohérence du contexte sur la perception émotionnelle – pour les participants présentant un niveau relativement élevé d’anxiété sociale, en comparaison des participants les moins anxieux, puisque qu’ils sont particulièrement sensibles aux visages de colère et de peur, même si ceux-ci ne sont pas perçus consciemment.

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