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Dans le cadre de cette étude, nous souhaitons donc investiguer les mécanismes impliqués dans la formation de souvenirs d’événements futurs imaginés, en évaluant dans quelle mesure l'aspect émotionnel influence la mémoire des projections futures. Spécifiquement, nous aimerions mieux comprendre, d’une part, les différences de caractéristiques

phénoménologiques associées aux souvenirs du futur positifs versus négatifs, d’autre part, le rôle de la valence émotionnelle dans la formation de souvenirs d’événements futurs en termes de contenu de ces derniers.

La méthode utilisée est largement inspirée de celle utilisée par Jeunehomme et D’Argembeau (2017). L'étude se caractérise par un plan expérimental à mesures répétées et a comporté deux phases. Dans un premier temps, les participants devaient imaginer une série d'événements futurs positifs et négatifs. Pour chaque événement, les participants étaient invités à imaginer et décrire à l’oral cinq éléments principaux composant la représentation mentale de

l’événement (le lieu, les personnes, les objets, les actions et les émotions et/ou sensations) et répondre à plusieurs questions (échelles de Likert) concernant des caractéristiques

phénoménologiques telles que la familiarité, la plausibilité et l’importance personnelle de la simulation. La deuxième phase de l’étude s’est déroulée une semaine plus tard et visait à évaluer la mémoire spontanée des événements générés pendant la première phase.

Contrairement aux études préalables portant sur la mémorisation de simulations futures qui ont utilisé des procédures de rappel indicé (cf. McLelland et al., 2015; Szpunar et al., 2012), nous avons adopté un rappel libre afin d’adresser directement la mémoire de l’événement en soi plutôt qu’uniquement celle de ses composants. En effet, dans les études citées ci-dessus, la phase de rappel de l’événement consistait uniquement dans la récupération de ses

composants. Concrètement, les auteurs fournissaient aux participants un des composants de l’événement en tant qu’indice (p.ex. l’objet) et les participants devaient récupérer par la suite le reste des composants associés à l’événement en question (p.ex. les personnes et le lieu).

Par contre, dans notre étude, aucun indice n’était fourni aux participants qui devaient récupérer le plus possible d'événements futurs imaginés la semaine précédente et décrire à nouveau, le plus précisément possible, les composants de chaque événement rappelé.

Les descriptions orales de l’imagination et du rappel des événements futurs ont été

enregistrées et ensuite comparées. La comparaison des enregistrements des phases 1 et 2 de l'étude nous a permis d'évaluer la quantité d'événements rappelés ainsi que leur niveau de détail, en fonction des différentes conditions émotionnelles (positive, négative) et de déterminer quelles sont les caractéristiques phénoménologiques de ces représentations qui prédisent leur encodage en mémoire et leur rappel subséquent.

Contrairement aux études préalables portant sur la génération de simulations futures en laboratoire y compris l’étude de Jeunehomme et d’Argembeau (2017), ici nous n’avons pas utilisé des mots-indice ou des récits au cours de la phase d’imagination d’un événement. En effet, si un mot-indice peut faciliter ce processus, il limite également le nombre de thèmes possibles. Étant donné le nombre important d'événements à générer et afin de contraindre le moins possible les participants, nous avons décidé de ne pas utiliser d'indices.

Contrairement à l’étude de Jeunehomme et d’Argembeau (2017), les participants n’ont pas imaginé des événements neutres, qui auraient eu la fonction d’événements contrôles, et deux éléments expliquent ce choix. Premièrement, l’expérience était déjà relativement lourde à faire passer (3 heures en total) et l’ajout de 8 événements supplémentaires, quoique méthodologiquement souhaitable, aurait été difficilement réalisable. Deuxièmement, la

valence « neutre » d'un événement futur est délicate à obtenir avec certitude. Nous avons donc décidé de nous focaliser sur les valences positive et négative.

Finalement, compte tenu des études suggérant que les caractéristiques phénoménologiques d’un événement imaginé sont modulées par la proximité temporelle de ce dernier

(D’Argembeau & Van der Linden, 2004), nous avons décidé de restreindre la fenêtre temporelle des simulations. Les participants pouvaient situer la représentation de leurs événements dans plus d’une semaine, mais pas plus que dans une année par rapport à la date de la phase d’imagination.

3.1 Hypothèses de recherche

Nous pouvons regrouper les hypothèses de recherche selon les deux variables dépendantes principales que nous souhaitons investiguer dans cette étude : la phénoménologie et le contenu des événements futurs imaginés. Vous trouverez un récapitulatif des principales variables d’intérêt, ainsi que des conditions expérimentales analysées dans le Tableau 1.

Tableau 1

Récapitulatif des principales variables et conditions expérimentales d'intérêt

3.1.1 Phénoménologie des événements

21 variables phénoménologiques ont été évaluées lors de la phase d’imagination : la clarté de la représentation mentale de l’événement ; la quantité subjective de détails visuels et d’autres détails sensoriels (= 2 variables) ; la clarté et la familiarité du lieu, des personnes et des objets impliqués (= 6 variables) ; la facilité d’imagination de l’événement en question ; la valence de l’émotion anticipée (c.à.d. attendue) et anticipatoire (c.à.d. ressentie au moment de

l’imagination) ; l’intensité de l’émotion anticipée et anticipatoire ; le sentiment de vivre réellement l’expérience décrite et l’impression de voyager mentalement dans le futur ; l’importance personnelle de l’événement par rapport aux buts/valeurs du participant ; la fréquence avec laquelle le participant a pensé à cet événement précédemment ; la probabilité que cet événement se produise dans le futur ; la proximité temporelle subjective de

l’événement, ainsi qu’une estimation en termes de jours qui restent pour que l’événement se réalise. Toutes ces variables, à l’exception des jours, ont été évaluées sur des échelles de Likert allant de 1 à 7 (voir Annexe 6).

Variables indépendantes Valence émotionnelle Phase

Variables dépendantes

Phénoménologie Phénoménologie positive vs.

négative

Phénoménologie imagination vs. rappel

Contenu Contenu positif vs. négatif Contenu imagination vs. rappel

Les mêmes caractéristiques ont été à nouveau évaluées lors de la phase de rappel à l’exception de : l’importance personnelle de l’événement par rapport aux buts/valeurs du participant ; la familiarité du lieu, des personnes et des objets impliqués (= 3 variables) ; la fréquence avec laquelle le participant a pensé à cet événement précédemment ; la probabilité que cet

événement se produise dans le futur ; la proximité temporelle subjective de l’événement, ainsi que l’estimation en termes de jours. Par contre, 4 nouvelles caractéristiques ont été

examinées : le fait d’avoir pensé (ou pas) à l’événement au cours de la semaine écoulée et, si oui, à quelle fréquence ; le fait d’avoir partagé (ou pas) l’événement imaginé avec une tierce personne et, si oui, à quelle fréquence.

Cela correspond à un total de 17 variables évaluées lors de la phase de rappel sur des échelles de Likert allant de 1 à 7, à l’exception des items évaluant le fait d’avoir pensé et partagé l’événement (variables dichotomiques, voir Annexe 9).

Ces caractéristiques ont été adaptées du MCQ (« Memory Characteristics Questionnaire ») de Johnson, Foley, Suengas, et Raye (1988).

Se basant sur les études portant sur la phénoménologie des projections dans le futur (Barsics et al., 2016; D’Argembeau & Van der Linden, 2004; Jeunehomme & D’Argembeau, 2017;

McLelland, Devitt, et al., 2015; Szpunar et al., 2012) et prenant en compte l’existence d’un biais de positivité, nous émettons les hypothèses suivantes :

A. Hypothèse générale valence émotionnelle : nous nous attendons à retrouver des différences en termes de caractéristiques phénoménologiques (clarté, détails,

familiarité, plausibilité, importance personnelle, etc.) entre les événements à valence positive et ceux à valence négative pour les deux phases ;

1. Hypothèse orientée phase imagination : lors de la phase d’imagination, les événements positifs ont des moyennes significativement plus élevées sur les échelles phénoménologiques par rapport aux moyennes des événements négatifs ;

2. Hypothèse orientée phase rappel : les événements positifs sont par la suite mieux rappelés que les événements négatifs. Plus précisément :

- Un nombre majeur d’événements positifs est rappelé en comparaison avec le nombre de rappel d’événements négatifs ;

- Lors de la phase de rappel, les événements positifs ont des moyennes significativement plus élevées sur les échelles phénoménologiques par rapport aux moyennes des événements négatifs.

B. Hypothèse générale phase de l’étude : nous nous attendons à retrouver des différences en termes de caractéristiques phénoménologiques (clarté, détails, familiarité,

plausibilité, etc.) entre la phase d’imagination et la phase de rappel.

1. Hypothèse d’interaction valence émotionnelle x phase : plus précisément, les événements imaginés ont des moyennes plus élevées sur les échelles

phénoménologiques par rapport aux moyennes des événements rappelés, et cela d’autant plus pour les événements positifs que négatifs.

C. Dans le but de répliquer les résultats de Jeunehomme et D’Argembeau nous postulons également que certaines caractéristiques phénoménologiques, telles que la clarté et la familiarité des personnes, prédisent le rappel subséquent de l’événement.

Autrement dit, nous émettons l’hypothèse que les événements positifs seront non seulement plus riches en phénoménologie lors de la phase d’imagination, mais ils seront également mieux rappelés, au niveau quantitatif et qualitatif, une semaine plus tard en comparaison avec les événements négatifs. De plus, nous prédisons des différences phénoménologiques,

modulées par la valence de l’émotion, entre les deux phases de l’étude.

3.1.2 Contenu des événements

Se basant plus particulièrement sur l’étude de Jeunehomme et D’Argembeau (2017), nous émettons les hypothèses suivantes :

D. Hypothèse d’interaction valence émotionnelle x composants lors de l’imagination : le nombre de composants (lieux, personnes, objets, actions et émotions/sensations) décrits lors de la phase d’imagination est différent selon la condition émotionnelle.

E. Hypothèse générale rappel : nous nous attendons à ce que certaines catégories de composants de l’événement (lieux, personnes, objets, actions et émotions/sensations) soient mieux rappelés que d’autres. Précisément, nous souhaitons répliquer les résultats de Jeunehomme et D’Argembeau (2017) en ce qui concerne le rappel

préférentiel des personnes, des localisations et des émotions/sensations par rapport au rappel des actions et des objets.

1. Hypothèse d’interaction valence émotionnelle x composants : la probabilité de se souvenir d’un certain type de composant est modulée par la valence

émotionnelle de l’événement.

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