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L’asile conçu au dix-neuvième siècle, tel qu’il est encore perçu de nos jours, dans les lieux qui ont conservé intacts, suffisamment d’éléments d’origine, est né des convictions philosophiques de l’Idéologue Pinel, croyant fermement à une interrelation entre le moral et le physique. Il a voulu l’architecture asilaire pour matérialiser dans la pierre le corps du médecin afin de prolonger le traitement moral. Au début du siècle, au moment de l’essor de la psychiatrie française, l’espoir de réduire l’altérité du fou, de le rendre à sa communauté et au genre humain, était bien présent. L’asile parle à la sensibilité de l’aliéné tout autant qu’à celle de l’aliéniste, celle du visiteur ou celle du

66 La répartition des locaux en nombre égal du côté des hommes et du côté des femmes, est véritablement un choix stylistique et de symétrie. Car les admissions des malades ne peuvent bien évidemment pas être réparties de manière parfaitement égale. Si le rapport de Parchappe de 1839 recense un peu plus de femmes que d’hommes (93 hommes pour 100 femmes) (1839 : livre II : 31-36), il reste à nuancer la statistique. Les circonstances d’internement doivent être prises en compte selon les lieux, les années, les événements. Chez les hommes, la présence de militaires ou de marins peut faire augmenter le nombre, chez les femmes, les prostituées sont, dans certaines régions, plus nombreuses, et leurs conditions de vie peuvent demander internement. Il faudrait aussi tenir compte du taux de mortalité plus grand chez les hommes et des statistiques de guérison.

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récepteur de l’autre côté du mur. L’aliéné est reconnu au même titre que les autres membres de la société dont il est exclu, comme potentiellement réceptif aux mêmes sensations. On lui accorde la même subjectivité et la même liberté de perception, par rapport à la forme architecturale de l’asile. Paradoxalement, pour y parvenir, le principe de l’isolement du malade semble, aux premiers aliénistes, être le moyen de parvenir à cet idéal. L’asile a aussi été conçu en fonction de la mise en représentation de la classification nosologique de l’aliénation mentale nouvellement élaborée. Il est en conséquence la manifestation la plus tangible, la plus matérielle de la science psychiatrique et puisque notre perception actuelle ressent toujours l’expression de ces idéaux, alors on se dit que peut-être, l’asile, tel que théorisé et prescrit par les premiers aliénistes, dans la première moitié du dix-neuvième siècle, a rencontré ses objectifs : isoler, protéger, apaiser, redonner contact avec la nature bienfaisante, imposer la forme de la raison et exprimer la puissance de ceux qui l’ont rendu possible.

Quelles sont alors les circonstances et les transformations formelles qui ont donné naissance à l’asile de la fin du dix-neuvième siècle, celui qui a déshumanisé le lien entre l’aliéniste et son patient, un lien qui était pourtant intime, basé sur la présence physique de l’aliéniste ? La première piste d’analyse que je défends ici est l’idée que l’asile est conçu comme le prolongement du corps de l’aliéniste et que dans sa forme idéale, dans la représentation mentale, l’asile présente une forme parfaite. La présence de l’aliéniste doit y être toujours perceptible, parce que le traitement moral en dépend. L’asile doit devenir comme le portrait de pierre de l’aliéniste67. L’asile est voulu comme

la représentation littérale de l’aliéniste. Quels en sont les marqueurs formels ?

D’abord, l’idée de grandeur du lieu exprime son prestige, puis la symétrie et l’ordre expriment sa rationalité et son autorité. La nature environnante et la salubrité des

67 Cela peut rappeler, dans son principe, la représentation figurée des donateurs dans les œuvres religieuses, dans lesquelles leur corps en représentation, remplit l’office pieux sans interruption.

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lieux expriment son humanisme et les quartiers de classement expriment sa science et son projet thérapeutique. L’asile doit conserver une dimension mesurée et idéalement, doit être à rez-de-chaussée, pour permettre l’idée d’un déploiement du corps et des sens de l’aliéniste, afin que l’aliéné puisse toujours sentir sa présence, toujours anticiper la possibilité qu’il surgisse devant lui à tout moment. En son absence concrète, les murs de l’asile parlent à sa place.

Mon hypothèse a posé comme prémisse que, tant que ces spécificités liées à la forme de l’architecture asilaire sont respectées, l’asile type du début du siècle répond à un espoir de subjectivation du fou, de reconnaissance de sa non-altérité, puisqu’en concevant l’architecture comme lieu du prolongement du corps de l’aliéniste, il s’adresse directement aux perceptions et aux facultés de l’aliéné. Ce chapitre cherche à comprendre comment les principes formels qui faisaient de l’asile un lieu spécifique se sont transformés pour ne devenir qu’un hôpital un peu monstrueux, celui qui a généré les critiques sur l’institution asilaire ?

Les commentateurs avec lesquels je partage l’intérêt pour les premiers asiles français se partagent en deux types, selon leur approche de l’institution asilaire. Les uns, philosophes, sociologues, et parmi eux aussi des psychiatres, interrogent le concept même de l’asile, sa spécificité, son importance et son rôle effectif dans le traitement des patients. C’est son existence même qui est remise en cause68. D’autres,

défendent l’utilité de l’asile, vu comme « une machine à socialiser » (Gauchet, Swain 1980 : 167), comme un lieu qui, au contraire, tire les malades de l’exclusion sociale,

68 Foucault (1972), L’histoire de la folie, Foucault (1975), Surveiller et punir, Foucault (2003 [1973- 1974]), Le pouvoir psychiatrique; Castel (1976), L’ordre psychiatrique; Bonnafé (1981), Psychiatrie populaire

: par qui? pour quoi?; Bosseur (1976), L'anti-psychiatrie; Cooper (1978), Psychiatrie et anti-psychiatrie);

Biandet (2004), « Y a-t-il une architecture spécifique aux soins psychiatriques », dans Kovess-Masféty (dir) (2004); Kovess Masféty (2004), « Architecture et qualité des soins en psychiatrie ».

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pour les réinsérer dans un lieu propice à leur état, pour les traiter et les réintégrer69 .

L’asile est souvent questionné selon l’angle de l’utopie qu’il génère de prodiguer une cure, l’impossibilité de transposer sur toutes les formes de maladie, une forme architecturale unifiée70. Certains se préoccupent de comprendre son historique depuis le

début du dix-neuvième siècle71, d’autres, tout au long du siècle72, et d’autres transposent

la réflexion dans le contexte contemporain à la recherche de solutions concrètes aux reproches faits à l’asile du dix-neuvième siècle : son gigantisme, sa déshumanisation, l’aberration de ses divisions égales par sexe et par type de maladies et même l’impossibilité de soigner dans des espaces similaires, divers types de maladies, puisque la perception de l’espace est souvent troublée de manières différentes selon les cas73.

La seconde approche de l’asile psychiatrique que j’ai rencontrée est celle des historiens de l’architecture. Parmi eux, ceux qui traitent du sujet de l’architecture asilaire, sont peu nombreux et ils soulèvent des enjeux qui sont nettement moins sujets à controverse. En dépit de l’érudition importante de leurs publications, personne n’a développé ce que je trouve le point central de la compréhension de l’architecture asilaire dans ses premières conceptions, celle de l’asile comme le prolongement du corps de l’aliéniste. Jean-Michel Leniaud a beaucoup contribué à établir l’histoire de l’architecture asilaire du début du dix-neuvième siècle. Pour lui, l’asile est la manifestation la plus pure

69 Gauchet, Swain (1980). La pratique de l'esprit humain : l'institution asilaire et la révolution

démocratique.

70 Grand (2005), « L'architecture asilaire au XIXe siècle: entre utopie et mensonge »; Leniaud (2002), « L’utopie psychiatrique : l’asile d’aliénés du Mans » dans Musée de l’APHP, 2002.

71 Craplet (1984), « Les débuts de l'asile d'aliénés: plans modèles et passages à l'acte »; Leniaud (1980), « Un champ d’application du rationalisme architectural : les asiles d’aliénés dans la première moitié du XIXe siècle »; Severo (2004), « Les métaphores de l’hôpital psychiatrique, dans Kovess-Masféty (dir.); Gatzler (1978), Contribution à l’histoire de la psychiatrie : une tentative d’analyse des rapports de la

psychiatrie à son architecture à travers l’œuvre d’Esquirol.

72 Grand (2005), « L’architecture asilaire au XIXe siècle : entre utopie et mensonge; Hochmann (2004), Histoire de la psychiatrie; Postel et Quétel (2004), Nouvelle histoire de la psychiatrie.

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du rationalisme architectural, et doit être considéré comme un patrimoine à préserver74.

D’autres auteurs analysent l’asile selon l’évolution de sa forme constitutive75, ou encore,

en tant qu’espace de raison76, ou à l’opposé, comme moule vide, utile seulement à

donner un lieu de soins77. Une grande majorité d’ouvrages concernent des études de

cas particuliers, soulevant leurs problématiques spécifiques78.

Ces approches sont utiles et légitimes et elles démontrent bien les dilemmes posés par l’asile, de son origine à aujourd’hui. Enfermer l’aliéné pour le soigner ou le laisser libre et souvent privé de tous soins ? Mon travail reconnaît la pertinence de toutes ces questions, réflexions, documentations, recherches historiques. Il s’en nourrit. Mon argument toutefois, veut reconnaître un rôle beaucoup plus actif à l’architecte dans la théorisation de l’asile. Les débats philosophiques et idéologiques auraient pu s’appuyer sur le discours des œuvres, sur le savoir qu’elles véhiculent, pour comprendre l’asile du début du siècle et reconnaître la part d’idéal et d’espoir qu’il portait en lui, en parallèle avec l’expression d’ordre social et d’autorité psychiatrique. Mon travail vient compléter le domaine de connaissance sur l’asile psychiatrique du début du dix- neuvième, en apportant un champ sémantique d’une pertinence négligée, celui du discours de l’histoire de l’art. C’est la raison pour laquelle il est impératif de reconnaître, autant les préalables esthétiques, que les préalables programmatiques qui ont donné forme à l’asile idéal.

74 Leniaud (1980), « Un champ d’application du rationalisme architectural : les asiles d’aliénés dans la première moitié du XIXe siècle »; Leniaud (1981), « Plaidoyer pour l’architecture psychiatrique ».

75 Laget (2004), « Naissance et évolution du plan pavillonnaire dans les asiles d’aliénés ».

76 Fussinger (1998), Lieux de folie, monuments de raison; Deniau (2004), « L’architecture psychiatrique comme structuration de l’intérieur », dans Kovess-Masféty.

77 Kovess-Masféty, (2004), pose la vraie question : « L'architecture des lieux de soins exerce-t-elle une influence sur les soins ? » (2004 : 40).

78 Guillain (1925), La Salpêtrière; Guillemain (2010), Chronique de la Psychiatrie ordinaire: patients,

soignants et institutions en Sarthe du XIXe au XXIe siècle; Meynen (2004), « L'asile des aliénés de Lafond à

La Rochelle »; Pessiot (1990), Histoire de l'agglomération rouennaise: la Rive gauche; Pinon (1989),

L'hospice de Charenton : temple de la raison ou folie de l'archéologie; Renault du Motey (1858), L’asile public d'aliénés de Rodez; Simon-Dhouailly (1986), La Pitié-Salpêtrière.

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Dans les publications sur l’architecture asilaire, la prédominance donnée au commanditaire aliéniste le désigne comme propriétaire intellectuel du concept et oriente les analyses des ouvrages architecturaux. En construction hospitalière, ceci est courant : « Un hôpital porte le nom de son lieu d'implantation, d'un médecin, d'une maladie, d'un saint, d'un personnage historique; jamais celui de son architecte » (Binet 1996 : 11). Lorsque l’on cite l’architecte, c’est justement, pour parler de sa réponse au programme et insister sur son habileté et son ingéniosité à répondre brillamment aux exigences aliénistes79.

Pour comprendre les premiers asiles et pour juger s’ils ont su répondre à l’espoir philanthropique et médical qui les génère, je considère que c’est une véritable aberration de ne donner à l’analyse de ces réalisations, qu’une approche faite en fonction de sa réponse aux théories élaborées par l’aliéniste80. Pour paraphraser Baxandall (1991), que

peut-on comprendre d’une analyse d’œuvre qui ignore son lien à un contexte « d’où elle tire ses raisons d’être, ses justifications, ses formes, et finalement, ses significations ? » (Baxandall 1991 : 10). La commande de l’aliéniste est de toute première importance dans la conception de l’architecture asilaire, c’est certain, mais elle n’en est qu’un aspect. Elle donne réponse à la question, pourquoi l’asile ?, mais la réponse à la question pourquoi ainsi ? demande plus que la seule optique du commanditaire81.

J’aborde donc différemment la question de l’architecture asilaire et la seconde fonction de ce chapitre est d’expliquer l’origine et les destinations du plan type de l’asile

79 Lucile Grand parle de la primauté du médecin sur l'architecte qui fait l'unanimité dans la profession et constate que cette primauté se trouve sans cesse réaffirmée au long des publications. Elle souligne que si la bibliographie sur la construction des asiles est très abondante, elle est presque exclusivement l'œuvre de médecins et que les architectes sont curieusement absents de ce débat (Grand 2005 : 169).

80 Parmi les ouvrages consultés, cités précédemment, quand il est question d’architecture asilaire, le programme et la théorisation provenant de la science aliéniste prédominent dans les analyses d’édifices. On cite, Colombier, Tenon, Pinel, Esquirol, Ferrus, Parchappe, Brière de Boismont, Girard de Cailleux, tous des aliénistes qui ont discuté sur la forme utile de l’asile. Bien sûr, la collaboration avec l’architecte est soulignée, mais parfois seul le nom est mentionné.

81 Je réfère à nouveau à Baxandall (1991 : 52), dont l’ouvrage-phare est une analyse épistémologique des conditions de notre compréhension et de notre perception des œuvres.

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idéal, dessiné par l’architecte Louis-Hippolyte Lebas82, selon le programme mis sur pied

en 1818 par Esquirol. J’y démontre que la théorisation et la conception des premiers asiles psychiatriques83 ne sont pas que réponse à un programme, elles sont aussi le

résultat d’une réflexion sur l’architecture, débutée dans le troisième quart du siècle des Lumières, par des architectes théoriciens, qui articulent leur art en tant que langage. Un langage qui tient compte des effets de l’architecture sur nos sensations, par l’ordonnancement formel et spatial84. Un langage qui trouve sa définition esthétique

dans l’application des codes antiques aux usages modernes, dans l’utilité spécifique de l’architecture exprimée par les moyens les plus directs, révélant sa structure et l’ensemble de son agencement, dépourvus d’ornementation superflue. « Pour le classicisme, la clarté est une catégorie esthétique, elle deviendra dans le néoclassicisme, une éthique » (Georges Teyssot, dans Kaufmann 1978 : 14). Selon cette approche, l’asile, de l’intérieur, devient le récepteur de l’aliéné et lui est adressé, et de l’extérieur, il exprime la grandeur de la nation qui a su générer une grande science, celle de la médecine de l’esprit.

L’originalité de ma démonstration sur l’émergence de la théorisation de l’architecture asilaire est de la relier à des architectes théoriciens comme Nicolas Le Camus de Mézières, Étienne-Louis Boullée, Claude-Nicolas Ledoux et Jean-Nicolas Louis Durand. L’architecture parlante révélant sa fonction ainsi que le rationalisme, ont établi les fondements de l’architecture nouvelle du dix-neuvième siècle. Les aliénistes,

82 Ce plan a été mis en application grâce à l’appui de Benjamin Desportes, membre de la Commission administrative spécialement chargé des hospices. Il publie en 1824 un ouvrage : Programme

d'un hôpital consacré au traitement de l'aliénation mentale pour 500 malades des deux sexes, proposé au

Conseil général des hôpitaux et hospices civils de Paris, dans sa séance du 5 mai 1821, par le membre de la commission administrative spécialement chargé des hospices, B. Desportes. Paris : Vve Huzard, 65p. 83 Comme c’est le cas pour les hôpitaux généraux.

84 C’est pour répondre à ces théories que j’ai choisi de comprendre l’architecture asilaire selon le ressenti des perceptions sensorielles et que j’ai démarré ce chapitre avec un regard subjectif et actuel sur les asiles du dix-neuvième siècle encore dédiés aujourd’hui à des centres hospitaliers pour la santé mentale.

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sensibles à l’esthétique nouvelle qui se développe en France, partageant avec les architectes utopistes, le sensualisme de Condillac selon qui tout entendement, toute compréhension du monde, tout raffinement de l’intellect, sont dépendants des perceptions sensorielles, ressentent la force expressive de cette architecture nouvelle qui se réapproprie les règles antiques. Ceci n’a pu que modeler leur pensée en matière de théories architecturales. En conséquence, même du point de vue strictement programmatique, on perçoit l’importance des théories architecturales. Les aliénistes, comme les médecins généraux, avec leurs « machines à guérir » 85 ou leurs

« instruments de guérison » (Esquirol 1819 : 30) n’ont donc pas inventé le concept. Ils ont su appliquer son vocabulaire à leur propre entreprise.

Dans un dernier temps, je démontre que lorsque l’idéal donne lieu à la concrétisation physique, lorsque l’utopie se matérialise, lorsqu’elle doit s’adapter aux contraintes physiques, sociales, politiques, de son élaboration, elle se transforme et son sens initial, et peut-être sa fonction, voire l’éthique même, sont détournés. Je démontre de surcroit, en annexe de ce chapitre, que même si la véritable époque des bâtisseurs d’asiles se situe dans la période du Second Empire86, puisque la plupart des grands

projets entièrement conçus à neuf, datent de cette époque87, ma recherche a établi que

durant les soixante premières années du siècle, une grande activité de projets de constructions d’établissements pour les aliénés a eu lieu. J’ai pu, en effet, relever aux

85 Cette expression consacrée par l’ouvrage de Foucault, Les Machines à guérir (1976) provient de Jacques Tenon (1724-1816), tirée du Mémoire sur les hôpitaux de Paris (1788). Ce médecin-chirurgien avait été chargé par le Roi en 1785 de produire un rapport pour la reconstruction de l’Hôtel-Dieu de Paris, détruit en partie par un incendie, qui a donné lieu à son Mémoire.

86 Après la loi de 1838 et sa recommandation de construire un asile par département, et après une période d’une quinzaine d’années pour mettre en place les structures nécessaires à ces constructions, les dernières décennies du dix-neuvième siècle ont connu une grande activité de projets d’asiles de toutes sortes (Postel, Quétel 2004 : 194-199).

87 Ceci est affirmé chez Grand, qui analyse la situation économique de la révolution industrielle qui a d’autres priorités à rencontrer, comme la construction de routes, de chemin de fer, d’édifices civiques : « dans ces conditions, les asiles d'aliénés sont peu nombreux à voir le jour, même après le vote de la loi de 1838 » (Grand 2005 : 177). Il en est de même dans l’ouvrage de Postel et Quétel : « La construction des asiles débute vraiment après une période de latence d’une quinzaine d’années (après 1838) […] elle est assumée enfin par les hommes du Second Empire (2004 : 197-198).

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archives nationales, les plans de plus de soixante projets de constructions s’échelonnant entre 1795 et 1863, soumis à l’examen du Conseil général des Bâtiments civils, pour abriter les aliénés88, qui dans l’ensemble de la France, à cette époque, étaient rarement

logés et soignés dans des constructions nouvellement pensées de manière intégrale. La plupart ont été installés dans des établissements reconvertis, après la Révolution, pour les soins de la maladie mentale : des abbayes, des hospices, des couvents, des châteaux, des monastères, des dépôts de mendicité, mais leur adaptation a donné lieu à de nombreux projets architecturaux, dont j’ai dressé l’inventaire, et qui, souvent, nous le verrons, appliquent certains principes de l’architecture asilaire idéale89. Malgré leur

diversité de formes et d’ordonnances, les premiers projets d’asiles ont toutefois retenu les aspects liés à l’esthétique de l’architecture néoclassique, née des théorisations des

88 Les Archives Nationales de France les conservent dans la série F/21/1875 à 1908 : Plans d'édifices

publics soumis à l'avis du Conseil des bâtiments civils, an IV-1863. La base de données Archim donne les

précisions suivantes au sujet de ce fonds : « En 1792, le ministère de l'Intérieur reçoit une compétence inédite : « la direction des objets relatifs aux bâtiments et édifices publics ». Le Conseil des bâtiments civils est créé en l’an IV auprès du Ministre pour donner un avis technique, financier et esthétique sur tous les projets relatifs aux édifices publics, relevant de l'État comme des collectivités territoriales. Le Conseil a laissé d'importantes archives conservées aux Archives nationales dans les sous-séries F/13 (Bâtiments civils) et F/21 (Beaux-arts). Les plans formant le présent dossier sont cotés F/21/1875 à 1908 et sont au nombre de 9700 environ. Ils sont compris dans 3777 chemises anciennes, contenant en majorité de deux à quatre plans.

Dès l'origine, ils ont formé un ensemble spécifique : il s'agit presque uniquement de copies faites à l'usage du Conseil, d'après des originaux renvoyés aux architectes ou aux maîtres d'ouvrage. Ce sont ainsi, pour la plupart, des dessins à l'encre sur calque de taille modeste (de formats A4 ou A3). Ils portent sur des bâtiments acquis, construits ou aménagés à une période où, s'appuyant sur les attributions étendues du ministère de l'Intérieur, le Conseil s'intéresse à presque tous les édifices publics, des plus modestes (mairie, école ou lavoir de village, fontaine etc.) aux plus importants (cathédrale, préfecture, palais de justice, hôpital