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Chapitre 1. Introduction générale

1.6. Hypothèses et objectifs

confinement dans les espaces naturels pour étudier aussi les milieux artificialisés. Cette stratégie permettra, dans cette étude, d’évaluer avec les populations locales les principales catégories d’usages et leurs relations avec la dynamique de la flore dans les terroirs.

Une approche originale serait celle permettant de tenir compte des modifications récentes et anciennes qui se manifestent à travers la physionomie actuelle de la végétation dans les milieux perturbés (champs, jachères, savanes, etc.) et naturels. Cette approche implique des analyses différentes relevant de la phytosociologie (analyses multivariées), de l’ethnobotanique quantitative (univariée et multivariées), de la cartographie (analyse multi-date) et de l’expérimentation forestière (analyse de variance factorielle).

1.6. Hypothèses et objectifs

La présente étude cherche à réactualiser les données sur la diversité végétale, son utilisation et sa dynamique en utilisant une approche reposant sur les terroirs villageois de deux grandes zones agro-écologiques du Sénégal : les Niayes et le Bassin arachidier. La dynamique de la végétation est soit abordée en mode diachrone ou synchrone par des observations techniques ou alors par analyse cartographique multi-date. L’évaluation locale a été très peu explorée, le cas échéant, elle demande d’être validée par des outils comme la cartographie. Une fois confirmée, l’évaluation locale devient un outil d’appréciation ponctuelle de la dynamique accessible à tous. La conservation des ressources végétales dans les zones saturées (avec peu pas d’espace d’expansion agricole) du Bassin arachidier ou progressivement anthropisées des Niayes, passe par la gestion durable de l’existant. Dans ces zones, il est impossible d’interdire totalement l’exploitation des ressources ligneuses. Une expérimentation forestière permettrait de proposer une méthode de prélèvement compatible avec la durabilité des ressources.

Pour atteindre ces buts, plusieurs hypothèses ont été testées. Le phénomène de dégradation des systèmes écologiques de manière générale dans les zones sahéliennes et soudaniennes résulte d’un processus déjà en place et décrit et qui est lié à une combinaison de facteurs climatique, physique et humain (Grouzis, 1989 ; Grouzis, 1991; Diatta, 1994). En allant plus loin que Bazile (1998) et Kaïré (1999) avec l’expérimentation forestière et le diagnostic à l’échelle des espèces, nos travaux se sont principalement focalisés sur la perception des populations locales qui ont évalué et caractérisé la végétation et la flore de leurs terroirs en fonction des usages qu’elles en font. Aussi, les hypothèses posées mettront l’accent sur les facteurs humain et socio-économique dans le choix des sites, dans les observations phytosociologiques, dans l’analyse de la dynamique et dans l’expérimentation forestière. Elles sont organisées autour des terroirs, c’est-à-dire, des territoire ruraux gérés et valorisés par des communautés humaines qui entretiennent des relations fortes avec la nature. L’approche terroir consistera dans ce contexte à travailler exclusivement dans le domaine des terroirs, une échelle d’intervention liée aux activités anthropiques. La mise en œuvre des activités de recherches permettra ainsi de tester l’approche terroir dans la caractérisation des milieux.

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1.6.1. Hypothèses testées

Sur la flore et la phytosociologie

1. La diversité végétale n’est pas différente entre les terroirs et les sites de références d’une même zone. Dans les zones dégradées, à forte pression démographique, une simplification des formations végétales est à craindre. Il est important de vérifier les écarts entre les sites naturels et artificiels qui renseignent sur le niveau de dégradation des milieux perturbés.

2. Les espèces phanérophytes, thérophytes, les espèces à type de dissémination sarcochore, les espèces soudaniennes, guinéo-congolaises, les espèces rares et endémiques sont plus représentées dans les terroirs les moins perturbés (moins densément peuplés). Dans les zones équatoriales la proportion d’espèces à fruits charnus est très élevée, elle est supérieure à 80 % selon Ngok (2005) et Nshimba (2008). En zone soudanienne, plus la savane est naturelle plus le nombre d’espèces à dissémination sarcochore est élevé selon Mahamane (2005). Ce critère considéré comme indicateur de naturalité des formations végétales par Lober et Vallauri (2008) est pertinent à tester dans les terroirs. Avec le nombre de phanérophytes et les espèces à distribution soudanienne, il renseignera sur les effets de la démographie sur la flore et la végétation des Niayes et du Bassin arachidier.

3. Les groupements des zones des Niayes et du Bassin arachidier sont différents. Les Niayes et le Bassin arachidier sont très proches géographiquement et habités par les mêmes groupes ethniques. Cette proximité se traduit-elle par une même végétation ? Ilboudo et al. (1998) avaient recensé les groupements dans la réserve de Noflayes sans les comparer avec ceux des autres zones du Sénégal.

4. Les groupements végétaux des microsites des terroirs peuls sont différents de ceux des autres terroirs. Les peuls étant des pasteurs nomades dont les villages sont en général peu peuplés avec pas ou peu de pratique de labour dans les systèmes cultivés, ils auraient moins d’impacts négatifs sur la flore. La pratique du labour est considérée comme très néfaste sur la diversité par plusieurs auteurs dont Donfack (1998), Faye (2000), Faye et al. (2003), Faye et al. (2008), etc. C’est pourquoi à priori on assume que les microsites des villages peuls sont différents des autres quelle que soit la zone.

5. Les groupements recensés dans les zones étudiées ne sont pas floristiquement différents de ceux de Trochain (1940). Soixante dix ans après Trochain (1940), il est pertinent de refaire le point sur la végétation pour apprécier l’évolution des groupements et de la flore dans les Niayes et le Bassin arachidier.

Sur les usages et la priorité à la conservation de la végétation

6. Les deux zones sont, sur le plan ethnobotanique, différentes dans l’évaluation des espèces ligneuses. Autant les zones des Niayes et du Bassin arachidier sont écologiquement différents, autant les systèmes de production, les spéculations, les itinéraires techniques agricoles sont

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différents (voir descriptions faites au paragraphe 1.4.2 pages 26-28). Même si les populations sont composées des mêmes ethnies, les modes de vie diffèrent initialement. Cependant avec la sécheresse des années 1970 et la crise du système de production arachidière, est né le phénomène d’exode rural vers les centres urbains mais aussi vers la zone des Niayes. Ces populations sérers, wolofs et peuls du Bassin arachidier s’installent progressivement dans les Niayes de façon temporaire ou permanente en se convertissant en maraîchers qui intègrent leurs savoirs, leurs cultures et leur savoir-faire aux savoirs et pratiques endogènes selon Touré-Fall et Fall (2001). Ce mélange des cultures nécessite une vérification des similitudes ou dissemblances dans l’utilisation, la valorisation et l’évaluation des plantes.

7. Les villages homologues des deux zones sont similaires dans leur évaluation de la flore. Si on peut penser que les populations des zones des Niayes et du Bassin arachidier n’apprécient pas les mêmes espèces de la même façon malgré les mélanges interethniques, on peut aussi penser que la même ethnie se comporte de manière identique ou différente dans les Niayes et le Bassin arachidier. On tente de mesurer l’impact de l’environnement sur la manière d’être et de vivre d’une même population, sur le choix des plantes utilisées par cette dernière. Selon Battesti (1998), ce choix peut varier au sein d’un même groupement humain dans le même système écologique. Varie-t-il réellement au sein du même groupe humain dans des conditions écologiques différentes ? Si une variation est constatée, elle pourrait être interprétée comme des différences ethnoécologiques au sens de Joiris (2006-2007). Ces différences ou ressemblances méritent d’être vérifiées.

8. L’analyse basée sur la fréquence de répondants (c’est-à-dire le nombre d’interviewés ayant donnée une réponse sur les catégorie pour chaque espèce) fait moins bien ressortir les différences intervillageoises que celle basée sur les scores des répondants (c’est-à-dire la fréquence cumulée des réponses sur les différents indices d’évaluation (0, 1, 2, x) au travers des catégories et des espèces). L’ethnobotanique quantitative est une discipline qui offre des possibilités d’analyse statistiques des données jadis qualitatives selon Höft et al. (1999). Mais la fréquence des répondants a été souvent utilisée par la plupart des auteurs soit directement par rapport à une catégorie d’usage ou indirectement par rapport à des indices d’évaluation quantitative : Lykke (2000), Kristensen et Lykke (2003), Kristensen (2004), Lykke et al. (2004), etc. Il s’agit ici de tester aussi les scores globaux réalisés par les facteurs villages par rapport à une catégorie d’usage donnée.

Sur la fiabilité de l’évaluation locale de la dynamique de la végétation et la composition et la structure du paysage des terroirs villageois

9. L’évaluation locale de la dynamique de la végétation est fiable quel que soit le groupe ethnique. Dans le contexte actuel de développement local dans les pays du Sud, il convient souvent d’évaluer de façon rapide mais peu onéreuse l’état des ressources naturelles. C’est pourquoi, il pourrait être utile de tester l’évaluation locale de la dynamique par les populations. Cependant, l’outil cartographique reste plus objectif et de plus en plus utilisé avec l’appui des missions de vérification de terrain et dans le cas des études de végétation, de relevés pour l’appréciation de la situation actuelle. Mais avec les limites technologiques et financières récurrentes dans la

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plupart des instituts de recherches du Sud, l’évaluation locale serait d’un secours important pour avoir les tendances évolutives. Il est donc important de la tester dans ce travail.

10.Les systèmes d’occupation naturelle des sols ont régressé au profit des systèmes cultivés dans les terroirs étudiés. Dans les études de Ba et Reenberg (2003) et Ba etal. (2004), la diminution des superficies et de la richesse floristique des formations naturelles dans le Centre et le Centre-Est du Bassin arachidier est liée à la forte pression démographique. Dans le Centre-Ouest du Bassin arachidier, avec une densité de population supérieur à 60 hbts.km-2, est-ce que les formations naturelles ont régressé au profit des systèmes cultivés ?

11.Les processus de transformation spatiale en jeu sont identiques entre les villages d’une même zone. Les deux zones des Niayes et du Bassin arachidier étant deux zones agricoles, écologiquement différentes, on peut penser, au sein de chaque zone, que les classes homologues d’occupation des sols des terroirs soient soumises aux mêmes processus de transformation spatiale. Cette hypothèse doit être vérifiée pour ensuite mettre en parallèle les processus dominants dans chaque zone. Cela permettrait de connaître les classes d’occupation des sols qu’il faudrait maîtriser pour sauvegarder les ressources naturelles des terroirs.

Sur l’exploitation du bois-énergie

12.Le comportement après coupe de Guiera senegalensis, connu comme indicateur des sols sableux dégradés, est meilleur que celui de Combretum glutinosum dans les conditions de pauvreté des sols du Bassin arachidier. Très peu d’études ont été consacrées aux modes de prélèvement efficients du bois-énergie en zone soudanienne (Nouvellet, 1992 ; Catinot, 1994 et Peltier et al., 1994). Ainsi les espèces ligneuses continuent de faire l'objet d'une exploitation anarchique menaçant leur survie notamment dans les domaines sahéliens et soudaniens du Sénégal. Il est donc urgent de proposer, en rapport avec les connaissances et pratiques locales, un référentiel technique ciblé pour l’exploitation durable des principales espèces de bois de feu.

1.6.2. Objectifs et activités

Pour tester dans l’ordre les quatre séries d’hypothèses précédentes, les objectifs spécifiques suivants ont été visés :

- faire l’état des lieux sur la flore et la phytosociologie des terroirs

Il s’agit de faire des relevés phytosociologiques dans le domaine des terroirs villageois. Une analyse globale et partielle de la flore sera effectuée. Les données obtenues sur la flore des terroirs permettront de comparer les villages entre eux et avec celles issues des sites de référence. Les groupements végétaux seront identifiés par analyse des matrices relevés x espèces et comparés entre les deux zones. Ces groupements seront mis en perspective de ceux de Trochain (1940) dans les mêmes zones.

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Il s’agit de mener des enquêtes auprès de répondants issus des deux zones (Niayes et Bassin arachidier) et réparties aux différentes ethnies. L’enquête va porter sur plusieurs facteurs (ethnie, âge et genre) et sur deux niveaux d’investigation (végétation et flore). Elle va aborder la dynamique de la végétation et de la flore, les utilisations et le commerce des espèces, et leur priorité à la conservation.

- vérifier les liens entre types de terroirs et dynamique d’utilisation de l’espace (cartographie) Il s’agit de rechercher les données cartographiques sur les terroirs étudiés afin de mettre en évidence la dynamique d’utilisation de l’espace en fonction des terroirs. Celle-ci permettra de contrôler la dynamique de la végétation tirée de l’évaluation locale et d’estimer les superficies cédées aux systèmes de cultures. Elle permettra aussi de rechercher la dominance des classes qui serviront à évaluer l’intensité d’anthropisation. Les processus de transformation spatiale en jeu dans ces deux zones seront identifiés.

- expérimenter une technique d’exploitation efficiente des Combretaceae pour le bois-énergie

Il s’agit de mener une recherche-action sur les techniques de coupe de bois-énergie dans un contexte d’amenuisement des ressources ligneuses. Le dispositif expérimental est factoriel avec trois facteurs (deux espèces, trois hauteurs de coupe, deux classes de diamètres). En respectant la période et le mode d’exploitation traditionnels des arbres, cette activité vise à proposer pour les espèces étudiées un diamètre et une hauteur de coupe du bois compatibles avec la survie, la croissance et la durabilité de la ressource ligneuse.

- enfin, tirer des leçons des résultats obtenus au regard des acquis dans le domaine de la sauvegarde de la biodiversité pour dégager des orientations en termes de prévention de la raréfaction et de la disparition d’espèces végétales dans le cadre de stratégies de conservation durable des ressources végétales.