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Chapitre 6. Discussion générale, conclusions générales et perspectives

6.1. Discussion générale

6.1.1. Flore et végétation en rapport avec les sites de références et les groupements de Trochain (1940)

Chapitre 6. Discussion générale, conclusions générales et

perspectives

6.1. Discussion générale

La discussion générale est articulée autour de quatre principales séries d’hypothèses de recherche retenues dans la thèse : flore et végétation des Niayes et du Bassin arachidier en rapport avec les sites de références et les groupements de Trochain (1940) ; usages et priorité à la sauvegarde des espèces en rapport avec les principaux groupes ethniques et les conditions agro-écologiques ; fiabilité de l’évaluation locale des changements et composition et structure spatiales de l’occupation du sol ; exploitation du bois-énergie dans le Bassin arachidier. Elle abordera ensuite les implications des résultats pour la conservation et enfin les principales critiques de la démarche méthodologique.

6.1.1. Flore et végétation en rapport avec les sites de références et les groupements de Trochain (1940)

6.1.1.1. Flore et Végétation des Niayes et du Bassin arachidier

La végétation des Niayes et celle du Bassin arachidier sont nettement bien séparées par l’analyse multivariée effectuée sur le tableau global des données floristiques. Cela s’expliquerait d’une part par les conditions écologiques différentes (sol, pluviométrie, température) et d’autre part par une densité de population plus grande dans le Bassin arachidier et des modes différents d’occupation et d’exploitation de l’espace. En effet, quelques indications sur les modes d’exploitation dans les deux zones vont montrer une différence d’orientation. La culture maraîchère est dominante dans les Niayes alors que dans le Bassin arachidier ce sont les grandes cultures (mil, arachide, maïs, etc.) qui dominent. L’agriculture est irriguée dans les Niayes, pluviale dans le Bassin arachidier. Elle est intensive dans la première zone, à tendance extensive dans le Bassin arachidier. Les intrants agricoles sont beaucoup plus utilisés dans les Niayes où la production est continue toute l’année alors qu’elle est saisonnière dans le Bassin arachidier. L’arboriculture et l’aviculture sont en plein essor dans les Niayes, peu développées dans le Bassin arachidier. L’agriculture est à dominante commerciale dans les Niayes alors que dans le Bassin arachidier, en dehors de l’arachide qui est une plante oléagineuse, les autres cultures sont d’abord vivrières. L’utilisation des engrais chimiques et la disponibilité en eau toute l’année, permettent la valorisation des mêmes parcelles, limitant ainsi la pression agricole sur les formations végétales des Niayes. Ces différences montrent une exploitation agricole plus moins extensive dans dans le Bassin arachidier. En plus, les parcelles d’arboriculture des Niayes abritent une certaine diversité absente des grandes cultures plus dévastatrices. Ces différences interzonales dans les modes d’exploitation sous-tendent, avec les facteurs écologiques et la densité de population plus faible, une flore plus diversifiée dans les Niayes que dans le Bassin arachidier avec respectivement 260 et 176 espèces, soit une différence de 84 espèces. Cette différence pourrait contribuer grandement à la discrimination floristique des relevés des deux zones. Le poids des espèces absentes semble alors prépondérant sur le poids des espèces présentes.

Plus de biodiversité pourrait signifier, une zone des Niayes (260 espèces) plus naturelle ou moins perturbée que le Bassin arachidier (176 espèces). Les sites de référence et peul des Niayes totalisent

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chacun plus de 183 espèces (184 et 189 respectivement) contre 132 et 147 pour leurs homologues du Bassin arachidier. Si les deux zones sont floristiquement différentes, les terroirs peuls et les sites de références ne sont pas bien éloignés. Cela confirme l’hypothèse posée au départ puisque les écarts entre sites peuls et wolofs et sérers ne dépassent pas 50 espèces dans les Niayes et 19 espèces dans le Bassin arachidier. Mais dans les milieux en cours d’artificialisation comme ceux des Niayes et du Bassin arachidier, il est difficile de se baser sur le nombre de taxa pour discuter de la naturalité. Cependant, la naturalité elle-même, peut se percevoir sous différents angles : environnemental, forestier, écologique, etc. Dans son sens environnemental, elle renvoie au caractère sauvage d’un milieu et repose sur des critères objectifs et mesurables tels les espèces indicatrices, les types biologies, les modes de dissémination des diaspores, etc. selon Lober et Vallauri (2008). Sous l’angle écologique, son évaluation nécessite l’analyse de plusieurs critères tels que l’ancienneté, l’indigénat, la fonctionnalité, la maturité, la complexité de la structure et la biodiversité. Il faudrait commencer par arrêter une définition consensuelle sur la naturalité avant d’en discuter. Si nous la considérons sous l’angle environnemental, sa validité dépendra de sa soustraction à l’action humaine selon la conception défendue par Schniztler (2008), et son évaluation, de la diversité, des types biologiques, des types de diaspores, etc. Dans ce sens, si l’évaluation de cette naturalité la rapproche de notre cas d’étude, sa gestion l’éloigne de la réalité des sites des Niayes et du Bassin arachidier. Dans le même sens, Gilg (2004) considère que la naturalité peut être représentée sous forme d'un gradient évoluant de l'artificialité vers un degré élevé de similitude avec un état « naturel » supposé ; elle est souvent subdivisée en deux notions :

naturalité anthropique (en l'absence d’intervention humaine), et naturalité biologique (consistant à rapprocher un milieu de son état naturel ancien, quitte à intervenir). Autrement dit, le caractère plus ou moins éloigné de sa situation de référence n’enlève pas à une formation son statut de « naturel ». Si on emprunte à Schniztler (2008) ses critères d’évaluation, la conception de Gilg (2004) deviendra applicable à nos sites d’études. C’est dire que le concept de naturalité est encore pleinement discuté et amélioré. Mais de façon générale, l’examen approfondi des niveaux d’importance des indicateurs de « naturalité » des sites (essentiellement sarcochores), montre que la zone des Niayes est plus proche de son site de référence que le Bassin arachidier.

Entre les sites naturels ou site de référence des Niayes et du Bassin arachidier, une différence de 32 genres et 17 espèces à type de dissémination sarcochore est notée. La même tendance est maintenue entre les villages homologues avec un maximum de 33 genres en milieu peul et 17 espèces à type de dissémination sarcochore en milieu wolof, en milieu peul cette différence arrive à 11 espèces à type de dissémination sarcochore. Examinant la densité de population des site des Niayes comme du Bassin arachidier, il n’est pas établi que les sites les plus peuplés aient moins de diversité en espèces à dissémination sarcochore. Autrement dit, l’hypothèse de baisse des critères de naturalité avec la densité de population n’est pas toujours vérifiée.

Le mode de dispersion des diaspores est important dans la nature car il explique l’ordre de colonisation des stations selon Bangirinama et al. (2009) qui montraient que les jachères de plus de 5 ans se situent dans le stade de colonisation zoochore, c’est-à-dire celui des sarcochores alors que celui des jeunes jachères se situe au stade anémochore de taille moyenne à type de diaspore sclérochore. Cela correspondrait à une diminution des sarcochores suivant l’âge des jachères. La diminution du nombre d’espèces à type de dissémination sarcochore signifierait alors l’éloignement

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par rapport à la situation naturelle. Dans les Niayes et le Bassin arachidier, les spectres des sarcochores sont dominés par les autres types de dissémination. A part Neocarya macrophylla, toutes les autres sources de sarcochores fournissent de petits fruits disséminés généralement par les oiseaux. De façon générale, la plupart des sarcochores sont issus d’espèces guinéo-congolaises, et particulièrement de la famille des Rubiaceae et l’évolution aurait conduit dans les zones de savanes sèches à la formation de petits fruits charnus. Les sarcochores pourraient ainsi être dans certains cas un indicateur d’état naturel ; ils sont disséminés soit par les animaux ou les oiseaux. Ce sont des zoochores de nature (Lejoly : com. pers.).

Un autre indicateur important de l’état naturel résulte de la comparaison des phanérophytes et des thérophytes. Bien que les thérophytes soient plus importants dans toutes les deux zones étudiées, les phanérophyes sont mieux représentés dans les Niayes comparées au Bassin arachidier. Mahamane (2005) trouvait, dans la savane du parc du W en zone soudano-sahélienne, une dominance des phanérophytes suivis des thérophytes ; les mêmes résultats sont trouvés ailleurs dans les formations naturelles comme celles d’Afrique Centrale par Ngok (2005) et Nshimba (2008). La seule différence avec les résultats obtenus au Sénégal réside dans la dominance des thérophytes aussi bien dans les Niayes que dans le Bassin arachidier. Cette dominance prouve ainsi le caractère ouvert de ces deux zones où le front agricole et le pastoralisme sont en plein essor. Ce type de comparaison avait été fait en Europe, comme aux Etats-Unis et en Afrique par Floret et Pontanier (1991), Lavorel

et al. (1993), Floret et al. (1994), Mac Cook (1994), Debussche et al. (1996), Smit (1996), Floret et Pontanier (2000) et Floret et Pontanier (2001). Ainsi dans les agrosystèmes d’Afrique occidentale, la jachère permettait traditionnellement une remontée de la fertilité des sols au bout de 15 ans de repos cultural grâce au retour à la savane caractérisée par l’apparition d’une strate arborée plus importante au bout du processus de succession végétale (Floret et Pontanier, 1991 ; Floret et al., 1994).

Par ailleurs, quand on observe la définition des groupements végétaux, on se rend compte que ceux des Niayes sont nettement mieux formés que ceux du Bassin arachidier. Les pourcentages des relevés bien classés varient de 70 à 100 % dans les Niayes et de 61 à 95 % dans le Bassin arachidier. Cela veut dire en général que les unités de végétations sont mieux séparées, car plus homogènes et présentant moins de zone de transition. Cela peut aussi être dû à des erreurs d’échantillonnages liées d’une part à l’emplacement des relevés et d’autre part au niveau plus ou moins important de confusion des espèces. Le niveau de confusion dépend de la bonne connaissance des espèces locales, de la capacité d’identification des espèces nouvelles et de la période de mise en œuvre des relevés qui doit correspondre à la phase de floraison-fructification pendant la période active de végétation. Cette période peut varier d’une zone à une autre, et d’une année à une autre. Cependant, les analyses multivariées bien que séparant nettement les végétations des Niayes et du Bassin arachidier, ne permettent pas une mise en évidence claire des microsites peuls par rapports aux autres microsites. Cela permet de confirmer les hypothèses de séparation des zones mais pas celle des sites. Mais cela montre aussi tout le manque de puissance des effets terroirs sur la discrimination de la végétation des sites.

Rappel - le terme parc du W désigne l’ensemble des composantes du parc en forme de W situé entre 3 pays (Bénin, Burkina Faso et Niger).

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6.1.1.2. Dynamique des groupements en rapport avec ceux de Trochain (1940)

Comparant les groupements actuels décrits dans les Niayes et le Bassin arachidier à ceux de Trochain (1940), il apparait une nette ouverture de leurs végétations à la flore rudérale, culturale et post-culturale. Tous les groupements de Trochain (1940) ont connu sur 70 ans une évolution régressive (c’est-à-dire une disparition de la flore initiale remplacée par une flore plutôt anthropophile) excepté le groupement hydrophyte à Typha australis qui a évolué vers le groupement à Phragmites australis subsp. autralis et Paspalum vaginatum, et le groupement à

Aristida stipoides, une steppe qui a évolué vers une savane arbustive. Ces deux groupements sont

issus des Niayes. Cette situation met en évidence deux faits majeurs dans cette étude. Le premier est que la zone des Niayes malgré une forte perturbation et une dégradation de sa végétation est encore plus naturelle que la zone du Bassin arachidier dont tous les groupements sont en régression. Le deuxième est que la végétation aquatique peut revenir à une situation naturelle lorsque le niveau de pluviosité s’améliore sur plusieurs années, et que la savane herbeuse sauvegardée peut évoluer vers une formation où la présence de ligneux est plus importante.