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CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE

2.4 Le vélopartage

2.4.2 Historique du vélopartage

Depuis près de 45 ans, le développement du vélopartage s’est effectué au rythme des avancés technologiques. Alors que les premiers programmes consistaient tout simplement à disposer des

bicyclettes sans cadenas dans les rues des villes, les dernières innovations permettent de constituer un réseau de stations et de bicyclettes totalement automatisé et contrôlé en temps réel grâce aux nouvelles technologies informationnelles. L’évolution du vélopartage se résume en quatre générations de système.

2.4.2.1 Première génération de vélopartage

Le premier service de vélopartage officiel a vu le jour le 28 juillet 1965 à Amsterdam sous le nom de Witte Fietsen, lorsqu’un résident, Luud Schimmelpennink, mit à la disposition des citoyens, cinquante bicyclettes (Beroud, 2009). Entièrement peinte en blanc, la flotte était accessible à l’ensemble des citoyens qui pouvaient emprunter une bicyclette, se déplacer et la déposer à destination pour un nouvel utilisateur. Ce service aurait été conçu pour réduire le nombre de vols de bicyclettes de particuliers, en supposant que l’accessibilité à une flotte de vélos publique et gratuite dissuaderait les voleurs (Gris Orange Consultant, 2009). Malheureusement, n’ayant aucun moyen opérationnel pour gérer le parc, l’intégralité de la flotte disparut en quelques jours et le programme s’acheva (De Maio, 2008). Dans le cadre du « plan de vélo vert », d’autres villes comme La Rochelle en 1974, Milan dans les années 1980 ou Cambridge en 1993 mirent en place des systèmes de vélopartage de première génération (Britton, 2008; Shaheen, Guzman, & Zhang, 2010). Cependant, quelques jours après le lancement du projet, pratiquement l’intégralité des 300 bicyclettes disponibles à Cambridge avait disparu, ce qui mit fin au programme (Midgley, 2009). Seul le programme de La Rochelle, lancé par le ministre de l’Environnement Michel Crépeau, resta en activité grâce à plusieurs réorganisations et put être considéré comme l’un des premiers succès d’un programme de vélopartage (Britton, 2008). Cette toute première génération de bicyclettes en libre service est regroupée sous l’appellation White Bikes, en référence à la couleur blanche facilement repérable de la toute première flotte de vélos accessibles à tous les citoyens (De Maio, 2008; Shaheen, et al., 2010).

2.4.2.2 Deuxième génération de vélopartage

Il faut attendre les années 1990 pour voir apparaître dans les villes danoises de Farsø, Grenå et Nakskov un nouveau programme de vélopartage comportant les améliorations permettant de surpasser les problèmes rencontrés lors des premières implantations (De Maio, 2008). Parmi les innovations majeures, les concepteurs ont imaginé des vélos hors-normes avec des pièces fabriquées sur mesure dans le but d’empêcher les individus de démonter les bicyclettes et

d’utiliser les pièces pour un usage privé (Gris Orange Consultant, 2009). De plus, au lieu d’être directement disposées dans les rues de la ville, les bicyclettes en libre service sont entreposées entre chaque usage sur un support exclusivement conçu à cet effet. Dès lors, l’utilisateur doit fournir un dépôt sous forme monétaire pour déverrouiller une bicyclette, exactement comme le système proposé pour les chariots des magasins à grande surface. Lors du retour du vélo à l’un des points d’ancrage, l’usager peut récupérer sa monnaie (Beroud, 2007). Finalement, la dernière innovation apportée concerne la zone de déploiement du système. Alors que dans les projets précédents les utilisateurs pouvaient se rendre dans n’importe quel lieu avec les bicyclettes, les nouveaux programmes possèdent une délimitation spatiale prédéfinie. Toutes les personnes franchissant la zone limite sont sujettes à recevoir une contravention (Beroud, 2009). Ce sont ces différentes innovations qui caractérisent la seconde génération de vélopartage baptisée : Coin Desposit System (Shaheen, et al., 2010), en référence au dépôt de monnaie exigé lors de l’emprunt.

Cette seconde génération de vélopartage sera déployée à grande échelle en 1995 à Copenhague, au Danemark. Le programme Bycyklen København était alors composé de près de 1 100 bicyclettes réparties à travers la ville. Les usagers devaient insérer une pièce de 20 couronnes danoises (3$US) pour déverrouiller un vélo de la borne (Shaheen, et al., 2010). Toutefois, les problèmes de vol et de vandalisme sur les vélos ont persisté malgré l’ensemble des innovations apportées, provocant entre 17 et 18 % de bicyclettes volées à la fin de la première saison d’exploitation (Beroud, 2009). Ces dégradations sont principalement le résultat de l’anonymat des usagers du système, du très faible coût d’emprunt des bicyclettes et surtout de l’incapacité pour les gestionnaires du système de retrouver les délinquants (De Maio, 2009). Quoi qu’il en soit, le système Bycyklen København est toujours en activité et ce sont maintenant près de 2 000 bicyclettes distribuées dans 110 stations qui sillonnent la ville de Copenhague (Bycyklen København, 2009a). Peu de temps après ce déploiement à Copenhague, plusieurs villes ont mis en place des réseaux de vélopartage de seconde génération en suivant le même modèle. C’est le cas de : Bysykklel en Norvège (1996), City Bikes en Finlande (2000) ou encore Bycyken au Danemark (2005) (Shaheen, et al., 2010).

Finalement, comme il a été précédemment mentionné, la seconde génération de vélopartage se dissocie principalement de la première par l’apparition des bornes d’entreposage des bicyclettes et par l’abolition de la gratuité du système (Shaheen, et al., 2010). Toutefois, (Bonnette, 2007)

mentionne que malgré l’introduction d’un nouveau mode de transport urbain par ces deux premières générations de vélopartage, les systèmes ne sont pas assez fiables pour offrir une réelle alternative de transport pour les citoyens. Ainsi, des transformations supplémentaires doivent être façonnées pour que ce mode de transport trouve une place plus importante dans l’éventail de choix des citadins.

2.4.2.3 Troisième génération de vélopartage

La troisième génération de vélopartage découle directement de l’explosion des capacités des technologies informationnelles, notamment de l’exploitation des cartes à puce. Ces innovations permettent la traçabilité de l’utilisateur et de la bicyclette sur l’ensemble du réseau, et du même coup réduisent de manière importante les principales causes d’échec des systèmes de vélopartage relevées par les bilans des programmes implantés : le vandalisme et les vols de bicyclettes ainsi que le manque de fiabilité du service. Les technologies informationnelles permettent de remédier à ces problèmes puisque l’accès au service de vélopartage nécessite désormais une inscription préalable au système et le paiement requiert une carte de crédit. Grâce à ces informations, l’opérateur est alors en mesure d’identifier ses clients, et, par le fait même de réduire considérablement les risques de vandalisme (De Maio & Gifford, 2004). Parallèlement, l’utilisateur peut également suivre l’évolution du système en temps réel sur Internet, permettant une amélioration considérable du niveau de fiabilité des programmes de vélopartage (Shaheen, et al., 2010). Au niveau de la mise en œuvre de ces technologies, l’ébauche de ce que sera la troisième génération de vélopartage est déployée en 1996 à Portsmouth à l’Université d’Angleterre. Le système implanté permet aux étudiants d’avoir accès à une bicyclette grâce à leur carte magnétique d’étudiant. En la glissant dans la borne, un système automatisé provoque la libération du vélo (De Maio, 2008). Cette première tentative de déploiement ouvre une voie à la mise en place d’infrastructures pour gérer un système de vélopartage de troisième génération. De plus, à la même époque, une autre tentative est menée à Amsterdam avec le projet Depo Bike. Paradoxalement, ce programme contenant toutes les innovations de la troisième génération est un échec. Un problème de robustesse dans le système d’ancrage serait l’une des principales causes de ce fiasco (Beroud, 2007). Finalement, c’est en 1998 qu’a lieu le premier succès issu du déploiement d’un système de vélopartage de troisième génération avec le programme Vélo à la Carte, mis en place dans la ville de Rennes (Clear Channel, 2010). La technique développée

consiste à exploiter les cartes de crédit et également à créer une nouvelle génération de stations entièrement automatisées grâce à un concept révolutionnaire de verrouillage robuste à commande électronique (Gris Orange Consultant, 2009).

Malgré les percées technologiques et le développement de programmes de vélopartage de troisième génération dans plusieurs villes d’Europe, comme le programme Call a Bike en Allemagne (2000), ce nouveau mode de transport urbain ne suscite que très peu d’intérêt ailleurs en Europe (Gris Orange Consultant, 2009). Il faut attendre en 2005 lorsque la ville de Lyon, deuxième plus grande ville française, fait le pari de développer le plus important réseau de vélopartage de troisième génération au monde avec un déploiement massif de près de 1 500 bicyclettes (De Maio, 2009). En cinq mois, le programme compte plus de 30 000 abonnés (Vélo'V, 2005) et l’engouement pour le programme ne fait que commencer puisqu’en novembre 2008 ce sont plus de 40 millions de kilomètres qui auront été parcourus par les utilisateurs du système (Vélo'V, 2008). Ainsi, c’est grâce à la réussite du programme Vélo’V de la ville de Lyon que le vélopartage de troisième génération a acquis une crédibilité vis-à-vis des citoyens dans leur choix de modes de transport urbain (Gris Orange Consultant, 2009). En définitive, les innovations apportées par les technologies informationnelles comme la traçabilité des clients et des bicyclettes ainsi que les facilités de paiement dues aux cartes de crédit caractérisent le vélopartage de troisième génération (De Maio, 2009). Dans la littérature, cette troisième génération est désignée par le terme : IT-based system (Shaheen, et al., 2010).

2.4.2.4 L’avenir et la quatrième génération de vélopartage

La dernière génération de vélopartage a été développée en vue du déploiement à Montréal du système BIXI au printemps 2009. Les principales avancées technologiques imaginées découlent des contraintes imposées par la mise en place d’un système de troisième génération plus exigeant technologiquement et du contexte particulier des pays nordiques. En effet, les pays nordiques tels que le Canada ou les pays scandinaves sont sujets à des hivers rigoureux. Ceci a pour conséquence, d’une part, de diminuer radicalement le nombre d’utilisateurs potentiels pendant l’hiver et, d’autre part, d’augmenter les risques de dégradation prématurée du matériel lors des opérations de déneigement et d’entretien des réseaux routiers. Il apparaît alors indispensable pour les villes des pays nordiques qui souhaiteraient acquérir un système de vélopartage, de pouvoir mettre à l’abri le matériel pendant la période hivernale. De plus, les systèmes de vélopartage de

troisième génération nécessitent des travaux d’excavation et de préparation de site très importants. Ces travaux génèrent de la pollution lors de l’édification des infrastructures et causent des désagréments pour les citoyens (BIXI Système, 2009). L’établissement d’un tel réseau a aussi pour effet d’augmenter considérablement les coûts pour les opérateurs de vélopartage (Beroud, 2009). C’est ainsi que la première innovation de la quatrième génération de vélopartage concerne la station. En effet, celle-ci est entièrement portable et ne requiert aucune infrastructure permanente (BIXI Système, 2010), répondant aux deux principales contraintes énoncées plus haut. La seconde innovation découle de la première puisque l’absence d’infrastructure permanente contraint les opérateurs à revoir le système afin de remplacer le câblage électrique de la station par un réseau sans fil protégé, qui est alors instauré entre la station, les bornes à verrouillage automatique et le système de gestion de l’opérateur. En outre, l’énergie nécessaire pour le fonctionnement de la station est produite par un panneau solaire directement raccordé à la station (BIXI Système, 2010).

Pour terminer, il est important de mentionner que des chercheurs proposent des pistes de réflexion pour d’autres innovations potentielles. Shaheen et al. (2010) soumettent l’idée d’intégrer un dispositif GPS (Global Positioning System) sur les vélos afin de pouvoir, d’une part, évaluer les parcours des individus, dériver des vitesses et déterminer les générateurs de déplacements et, d’autre part, contrôler la flotte pour supprimer définitivement les problématiques de vandalisme. De Maio (2009) suggère également de réfléchir à la possibilité d’intégrer des bicyclettes électriques pour s’adapter à la clientèle des personnes âgées.