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I. PARTIE 1 : La prévention des risques en France

I.3. A Historique et description

Au début des années 1980, la maladie des 4H est détectée aux Etats-Unis puis en Europe [2]. Elle touche principalement les héroïnomanes, les homosexuels, les Haïtiens et les hémophiles, ce qui lui vaut ce nom. En 1983, l’équipe du Professeur Montagnier à l’Institut Pasteur identifie le virus de l’immunodéficience humaine. Ce virus responsable d’une maladie fatale effraie et entraîne une stigmatisation des minorités touchées. Le premier test de dépistage des anticorps du VIH apparaît en juin 1985, il est donc désormais possible de savoir si une personne est séropositive ou non. Les scientifiques découvrent également que le mode de transmission du virus s’effectue par la voie sexuelle et par le sang (injection IV réalisée avec des seringues contaminées).

Se croyant initialement à l’abri, la population générale commence à craindre une transmission via des relations sexuelles avec les populations à risque. C’est dans ce contexte de peur que la Ministre de la Santé, Michèle Barzach, suspend en 1987 le décret de 1972 qui interdisait la vente libre de seringues sans prescription médicale. Les résultats de l’évaluation de cette expérimentation sont publiés en 1988, et mettent en évidence un impact positif sur le non-partage des seringues et aucune augmentation de l’usage de drogues par voie IV. Lors des journées de l’ANIT, l’association nationale des intervenants en toxicomanie, en 1989, Claude Evin en tant que Ministre de la Santé, déclare que la libéralisation de la vente des seringues en officine sera pérennisée et complétée par un dispositif expérimental d’échange de seringues à Marseille, à Paris et en Seine-Saint-Denis.

Cependant, l’état de manque des usagers induit des comportements à risque et les

contaminations par le VIH chez les toxicomanes passent de 2% des cas totaux à 21% entre 1984 et 1988. Les horaires d’ouverture limités des pharmacies et le refus de certains pharmaciens à collaborer sont la limite au bon fonctionnement de cette méthode.

En novembre 1989, MdM ouvre un premier PES dans le centre médical de la rue du Jura à Paris. Puis en mars 1990, ils ouvrent une antenne mobile allant à la rencontre des usagers dans la rue trois après-midi et deux soirées par semaine. Cette pratique sera légalisée en 1995 [45].

A Ivry-sur-Seine, l’association Apothicom, qui œuvre pour la RdR, enquête auprès des toxicomanes pour savoir sous quelle forme ils aimeraient recevoir des messages de prévention. La réponse qui revient le plus fréquemment est le « képa ». Le « képa », paquet

en verlan, correspond usuellement à un petit paquet au pliage spécifique dans lequel l’héroïne est vendue. En 1991, Apothicom met à disposition des 20 pharmacies de la ville un « képa » comprenant un message de prévention tel que « une seringue comme un préservatif ne s’utilise qu’une seule fois » ainsi qu’un préservatif et un test de dépistage gratuit. Voyant que le nombre de consultations pour un dépistage anonyme et gratuit augmente, la ville décide de soutenir et de subventionner Apothicom pour le développement d’un nouveau kit plus élaboré. C’est ainsi qu’est créée la Stéribox® dans sa première version. Cette dernière se compose : d’un préservatif, de deux tampons d’alcool permettant de désinfecter la peau avant l’injection, d’un étui pour seringue usagée, de deux ampoules d’eau stérile, de deux seringues stériles et du message de prévention plié en « képa » par des usagers de drogues en réinsertion [46]. La Stéribox® est officiellement lancée dans les pharmacies d’Ivry-sur-Seine en novembre 1992 au prix de 5 francs. Son succès est important, une Stéribox® est vendue par pharmacie et par jour. En juillet 1994, Apothicom cède sa licence d’exploitation au Ministère de la Santé pour étendre sa distribution au niveau national. Les ventes montent rapidement à 150 000 par mois et la France se félicite de cette avancée dans la prévention des risques dus à l’injection de drogues.

Mais, dans la seconde moitié des années 90, malgré la baisse du taux de contamination par le VIH, le VHC ne recule pas et continue de gagner du terrain. Le VHC ayant un pouvoir infestant plus important, les scientifiques prouvent que ces résultats sont dus à un échange du matériel de préparation de la drogue à injecter et non au matériel d’injection en lui-même. L’infection du matériel s’explique par une petite quantité de sang qui reste toujours dans les aiguilles et seringues. En effet, avant l’injection les toxicomanes prélèvent un peu de sang pour vérifier qu’ils sont bien dans la veine. Puis, après l’injection, pour ne pas perdre de produit, ils aspirent du sang dans la seringue puis le réinjectent. Ce sang contamine donc la cuillère où ont lieu la fonte et la dilution de l’héroïne. Une fois la cuillère infectée, la contamination des autres toxicomanes se fait lors du partage de la drogue diluée dans la cuillère ou encore lorsque les filtres sont rassemblés pour en retirer la drogue restante. C’est suite à cette observation qu’Apothicom crée une cupule à usage unique pour chauffer et diluer l’héroïne : la Stéricup®. Puis en septembre 1999, la Stéribox® évolue en Stéribox2® avec l’ajout d’une Stéricup®, d’un filtre à usage unique et d’un tampon sec à utiliser après l’injection pour absorber le sang lors de la compression et faciliter l’hémostase. Son prix passe à 1€.

Actuellement, l’accès au matériel d’injection se fait par plusieurs programmes d’échange de seringues (PES) qui sont des structures permettant la mise à disposition gratuite ou non, de matériel d’injection stérile aux UD, ainsi que du matériel servant à la

préparation de l’injection ou de matériel permettant la consommation de drogues par une autre voie [47]. Ces PES disposent d’une grande variabilité dans leurs modes de fonctionnement, les services qu’ils offrent et leurs horaires d’ouverture. On peut notamment relever :

- Les programmes d’échange en pharmacie d’officine. - Les antennes mobiles des CAARUD.

- Les automates.

Le premier PES français a été créé par MdM en mars 1990 à Paris de façon expérimentale, mais seul le décret publié le 7 mars 1995 a permis de fournir un cadre législatif à ce PES. L’objectif principal de sa création était d’atteindre les populations les plus difficiles à atteindre : les exclus des soins, les travailleurs du sexe, les femmes, les jeunes injecteurs, etc.

Les antennes mobiles des CAARUD sont présentes en zone urbaine, elles effectuent des maraudes pour aller à la rencontre des UD dans la rue. La distribution du matériel s’accompagne de conseils, d’invitations à se rendre au local pour des dépistages ou autres soins. Ces structures sont gérées par des professionnels de santé et des éducateurs spécialisés.

La distribution de seringues en pharmacie d’officine peut avoir lieu de deux manières : par la vente de Stéribox® ou de Kit+® ou par échange contre du matériel usagé pour certaines pharmacies appartenant à des réseaux de réduction des risques. L’intérêt principal de ce mode d’accès au matériel stérile est le maillage territorial que représentent les pharmacies d’officine. Ce sont les seuls points d’accès à un dispositif de RdR dans de nombreuses zones rurales et les horaires d’ouverture sont généralement plus larges que ceux des CAARUD. De plus, l’anonymat de l’UD y est garanti, la pharmacie n’étant pas un lieu spécialisé sur la toxicomanie, l’UD ne peut pas être identifié comme tel en passant la porte de l’officine. Ce mode d’accès au matériel d’injection est un réel succès, il représentait en 2001 90% des seringues utilisées par les UD soit plus de 15 millions de seringues par an [48].

Pour pallier aux horaires de fermeture des structures précédentes et permettre un accès 24h/24 et 7 jours/7 au matériel stérile d’injection, des automates ont été créés. On les retrouve disséminés dans de nombreuses villes de France. Ces distributeurs peuvent être couplés à des collecteurs de matériel souillé. En échange du matériel souillé déposé par l’UD, l’automate lui délivre un jeton lui permettant d’obtenir un nouveau kit. Les distributeurs délivrent un kit en échange d’argent ou d’un jeton, récupéré via le collecteur ou dans une pharmacie ou une association les distribuant. En 2009, SAFE disposait de 32 automates sur

Paris, dont 22 couplés à un collecteur. Ces automates affichaient un taux de recyclage de 61% du matériel distribué [49].

Figure 2 : Brochure distribuée par SAFE