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C Déroulement des traitements de substitution

I. PARTIE 1 : La prévention des risques en France

I.2. C Déroulement des traitements de substitution

Les traitements de substitution sont indiqués dans un cadre de prise en charge des patients dépendants aux opiacés, que ce soit avec la volonté de l’UD ou suite à une injonction thérapeutique. Cette prise en charge commence par l’instauration d’une relation thérapeutique entre l’UD et le médecin. De nombreuses séances d’écoute sont nécessaires dans la compréhension du contexte personnel et des motivations du patient. Cette étape demande de l’empathie de la part du soignant qui doit écouter et comprendre sans juger, afin d’installer une relation de confiance.

Ensuite, le traitement pharmacologique est mis en place. La prise de médicaments de substitution aux opiacés (MSO), qui ont une action prolongée, va éviter l’apparition d’un syndrome de manque tout en permettant l’arrêt ou la diminution de la consommation d’héroïne. Ce traitement est suivi de près par le médecin qui revoit le patient au minimum

une fois par mois. Ce suivi permet d’assurer la continuité des soins et une adaptation posologique fine. Enfin, une approche motivationnelle correspondant à un suivi psychologique est nécessaire à la bonne efficacité du traitement. Cela consiste à comprendre les motivations du patient, fixer avec lui des objectifs clairs et réalisables qui lui permettent d’évaluer sa progression. Cette méthode favorise une prise de décision et un changement de comportement du patient.

L’initialisation du traitement

La phase d’initiation permet de créer un climat de confiance et de tester un premier traitement substitutif. L’efficacité de ce premier traitement est évaluée sur la diminution voire la disparition des signes de manque ainsi que sur la diminution du craving, qui est le désir compulsif de consommation. La prise initiale a lieu lors de l’apparition des premiers signes de manque, puis elle est quotidienne et à heure fixe. Les 4-5 premiers jours sont inconfortables et quelques signes de manque peuvent apparaître, mais ils ne sont pas signes d’un manque d’efficacité.

Lors de l’initiation, le prescripteur doit choisir entre la méthadone et la BHD. Chaque molécule a des modalités particulières.

La méthadone est particulièrement indiquée en cas de dépendance sévère, de difficulté à renoncer à l’injection, de pathologie psychologique associée, de polyconsommation ou de polyaddiction (benzodiazépine, alcool) ainsi qu’à l’hôpital lorsqu’un patient dépendant nécessite un traitement antalgique morphinique. Elle est également recommandée en cas de grossesse ou d’allaitement. Elle est contre-indiquée chez les enfants de moins de 15 ans et en cas d’insuffisance respiratoire sévère.

La première prescription est de 7 jours avec une délivrance quotidienne à organiser avec le pharmacien, il est préférable de l’initier en début de semaine pour pouvoir effectuer les contrôles urinaires de début de traitement. La dose initiale est comprise entre 10 et 40 mg journaliers et peut être augmentée par paliers de 5 à 10 mg tous les 2 à 3 jours. La prise est quotidienne, matinale de préférence.

Les signes de surdosage à surveiller lors de l’initiation sont un myosis serré bilatéral et une insuffisance respiratoire. Leur probabilité d’apparition augmente avec la consommation parallèle de benzodiazépines et d’alcool.

La BHD est le seul médicament de substitution aux opiacés pouvant être prescrit pour les personnes logeant loin des centres de soins et hôpitaux car il peut être initié par un médecin généraliste. Elle est contre-indiquée chez les enfants de moins de 15 ans, en cas

d’insuffisance respiratoire grave, d’insuffisance hépatique sévère, d’intoxication alcoolique et de delirium tremens.

La prescription initiale est de 7 jours au maximum avec une délivrance quotidienne possible. La dose de départ est en pratique de 4 à 8mg par jour (posologie AMM : 0.8 à 4mg par jour). Puis on augmente par paliers de 1 à 2 mg tous les 1 à 3 jours. La prise est quotidienne et sublinguale, il faut laisser le comprimé sous la langue pendant 8 à 10 minutes sans le sucer. La première prise doit avoir lieu au moins 24 heures après la dernière prise d’opiacés, car il y a un risque de déclenchement d’un état de manque dû aux propriétés antagonistes κ de la buprénorphine.

Pendant ces premiers jours de traitement, il est essentiel de surveiller l’apparition de signes de sous dosages et surdosages. Le sous-dosage est illustré par une irritabilité du patient, un état anxio-dépressif, des troubles du sommeil, de l’adynamie, des signes de manque. En cas d’apparition de ces signes, il faut vérifier de nouveau l’absence de prise d’inducteurs enzymatiques qui accélèreraient le métabolisme de la buprénorphine. Les signes de surdosage sont un ralentissement idéomoteur et une somnolence. Il faut alors vérifier l’absence d’interactions médicamenteuses ou la prise concomitante d’autres psychotropes.

L’adaptation du traitement

Habituellement, la posologie de stabilisation est atteinte en 10 à 15 jours. A partir de ce moment, une période de délivrance de 7 jours est recommandée sauf mention expresse du prescripteur.

Les doses usuelles de méthadone vont de 60 à 100 mg par jour, mais des posologies supérieures sont parfois nécessaires.

Pour la BHD, les posologies usuelles sont de 8 à 16 mg par jour. Les doses supérieures à 16 mg sont prescrites hors AMM, il est alors recommandé de passer à la méthadone [34]. Un changement de molécule peut être nécessaire lors du traitement, il faut alors respecter les délais entre les prises des deux molécules. Pour passer de la méthadone à la BHD, il faut diminuer la posologie quotidienne de méthadone à 30 mg puis laisser au minimum 24 heures d’intervalle avant la première prise de BHD. Dans le cas inverse, il faut un intervalle libre de minimum 16 heures entre la dernière prise de BHD et la première prise de méthadone.

L’arrêt du traitement

Concernant l’arrêt des traitements de substitution il y a trois écoles. La première estime que l’arrêt est exclu car la dépendance aux opiacés est une maladie acquise à vie.

Un autre groupe impose l’arrêt, le traitement a une durée définie fixée dès l’initiation. On retrouve cette vision principalement dans des pays avec un système de sécurité sociale peu développé. La dernière école considère que la durée du traitement va dépendre du patient et du contexte [35]. C’est cette dernière façon de procéder qui est recommandée par la Haute Autorité de Santé (HAS) dans la conférence de consensus sur les stratégies thérapeutiques pour les personnes dépendantes aux opiacés [34].

En France, la question de l’arrêt du traitement se pose à la demande du patient lui- même. C’est à ce moment que le soignant évalue l’efficacité du traitement en jugeant la stabilité sociale de l’individu et la pérennité de son arrêt de consommation d’opiacés.

Si le patient demande un arrêt brutal, il n’est possible qu’avec la BHD et la méthadone à faible posologie. Un syndrome de manque va apparaître, le sevrage doit donc avoir lieu en milieu hospitalier avec un traitement symptomatique permettant de soulager le patient (benzodiazépine, hypnotique et antihypertenseur d’action centrale).

Si le contexte permet un arrêt de traitement plus lent, alors il a lieu en ambulatoire. Pour la BHD, il y a une diminution progressive des doses par palier de 1 à 2 mg tous les 2 à 7 jours qui peut être associée ou remplacée par une prise un jour sur deux. L’arrêt de la méthadone est plus lent et les diminutions de posologie ne sont effectuées que sur demande du patient par palier de 5 à 10 mg. La technique de dilution progressive du sirop de méthadone peut aussi être utilisée.