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Salles de consommation à moindre risque : état des lieux et perspectives

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Academic year: 2021

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HAL Id: dumas-01811974

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01811974

Submitted on 11 Jun 2018

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et perspectives

Fanny Philippe

To cite this version:

Fanny Philippe. Salles de consommation à moindre risque : état des lieux et perspectives. Sciences du Vivant [q-bio]. 2017. �dumas-01811974�

(2)

THÈSE D'EXERCICE / UNIVERSITÉ DE RENNES 1

sous le sceau de l’Université Bretagne Loire

DIPLÔME D'ÉTAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE

Salles de

consommation

à moindre

risque : état

des lieux et

perspectives

en France.

THÈSE D'EXERCICE / UNIVERSITÉ DE RENNES 1

sous le sceau de l’Université Bretagne Loire Thèse en vue du

DIPLÔME D'ÉTAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE

présentée par

Fanny Philippe

consommation

: état

perspectives

Thèse soutenue à Rennes le 11 octobre 2017

devant le jury composé de :

Gwenola BURGOT

Professeur à l'Université de Rennes 1/

président de thèse Nicolas MARIE

Praticien hospitalier au CH Guillaume Régnier / directeur de thèse

Sylvain LE MAT

Pharmacien d'officine / examinateur

Julie DUBOIS

Pharmacien d'officine / examinateur

THÈSE D'EXERCICE / UNIVERSITÉ DE RENNES 1

DIPLÔME D'ÉTAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE

Thèse soutenue à Rennes

Professeur à l'Université de Rennes 1/

Praticien hospitalier au CH Guillaume

examinateur examinateur

(3)

Liste des enseignants-chercheurs de la faculté

des sciences pharmaceutiques et biologiques

de Rennes 1

année universitaire 2016/2017

PROFESSEURS

BOUSTIE Joël BURGOT Gwenola DONNIO Pierre Yves FAILI Ahmad FARDEL Olivier FELDEN Brice GAMBORATA Giulio GOUGEON Anne LAGENTE Vincent LE CORRE Pascal LORANT Elisabeth MOREL Isabelle SERGENT Odile SPARFEL-BERLIVET Lydie TOMASI Sophie URIAC Philippe

VAN DE WEGHE Pierre VERNHET Laurent PROFESSEURS ASSOCIES BUREAU Loïc DAVOUST Noëlle PROFESSEURS EMERITES CILLARD Josiane GUILLOUZO André MAITRES DE CONFERENCES ABASQ-PAOFAI Marie-Laurence ANINAT Caroline AUGAGNEUR Yoann BEGRICHE Karima BOUSARGHIN Latifa BRANDHONNEUR Nolwenn BRUYERE Arnaud BUNETEL Laurence CHOLLET-KRUGLER Marylène COLLIN Xavier CORBEL Jean-Charles DAVID Michèle DELALANDE Olivier DELMAIL David DION Sarah DOLLO Gilles GICQUEL Thomas GILOT David GOUAULT Nicolas HITTI Eric JEAN Mickaël JOANNES Audrey LECUREUR Valérie LE FERREC Eric LE PABIC Hélène LEGOUIN-GARGADENNEC Béatrice LOHEZIC-LE DEVEHAT Françoise MARTIN-CHOULY Corine MINET Jacques NOURY Fanny PINEL-MARIE Marie-Laurence PODECHARD Normand POTIN Sophie RENAULT Jacques ROUILLON Astrid ATER HATAHET Taher SMIDA Imen COUM Amandine

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Remerciements

Je souhaite remercier Mme BURGOT d’avoir accepté de présider le jury de ma soutenance de thèse.

Merci à Nicolas MARIE de m’avoir suivie et conseillée le long de ces deux dernières années d’écriture. Vos remarques ont toujours été bienveillantes et pragmatiques.

Un grand remerciement à l’équipe de la salle Argos qui a pris le temps de me montrer son quotidien et de répondre à mes nombreuses interrogations. Je suis ravie d’avoir pu observer les débuts d’une expérimentation qui est à mes yeux prometteuse.

Merci à l’équipe de TRACS 65 pour nos différentes rencontres et nos échanges concernant votre pratique en réduction des risques.

Un immense merci à toi Sylvain, je n’aurais jamais imaginé tous les bons moments qui m’attendaient en poussant la porte de la pharmacie Le Mat. Les étés et le stage passé dans ton officine ont été les moments les plus formateurs de mes études. Tu as été et restes un réel mentor pour moi, et j’espère sincèrement avoir la chance de voir nos carrières se croiser à nouveau un jour. Merci à ton père, Elise, Margot, Michel et les autres pour ces

nombreuses journées de travail dans la bonne humeur à travailler ensemble. Le goût de mon métier, vous me l’avez tous apporté.

Merci à mes parents pour m’avoir toujours poussée à aller au bout de mes envies, grâce à votre soutien j’exerce un métier dans lequel je m’épanouis au quotidien. Merci Maman pour tous tes bons conseils qui ont ponctué ces longues années d’études. Tu as toujours mis un point d’honneur à nous offrir une bonne éducation, et je pense que tu peux être fière de toi et de ce que l’on devient Marine et moi. Papa, merci pour ta présence dans les plus gros moments de stress lors de mes études. Je me souviens notamment des ces heures passées à me faire réciter des tableaux de posologie qui t’ennuyaient. Tu t’es d’ailleurs vengé en me laissant respirer à pleins poumons de l’acide acétique en épreuve de reconnaissance, je ne te remercie pas pour ça. Merci à Marine qui tient toujours son rôle de sœur à la perfection. Tu es l’épaule sur laquelle se reposer en période de doutes, et la première personne avec laquelle on veut partager ses joies. Et merci au reste de la famille : mes grands-parents, mes cousines et tous les autres. Une pharmacienne dans la famille, bientôt une kiné… on ne craint plus rien !

Merci à Brendan et Alex pour les fous rires, les parties de babyfoot et tous ces souvenirs de fac qui resteront encore longtemps en mémoire. Merci à Camille pour cette fabuleuse

aventure que nous avons vécu à dos de 4L, qui a été une vraie bouffée d’air frais dans notre vie étudiante. Merci à Maïwenn avec laquelle on se suit depuis des années, et sûrement de nombreuses autres à venir, que tu sois ici ou à l’autre bout du globe. Merci aux boumbas Laura, Caroline, Chloé et Tiphaine pour ces amitiés si précieuses. Et merci à toi Julie, d’être là auprès de moi, j’ai hâte de connaître toutes ces expériences de la vie que l’on va partager. A mes amies Gaëlle, Marianne et Marine. J’aime voir ce que vous devenez chacune de votre côté. Je chéris les moments où on arrive à se recroiser pour en parler.

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Merci à mes coéquipières des FMP : Flo, Hélène, Eva, Eme, Aurel, Aurore et ma derby wife Marina. Vous avez tout fait pour me distraire, et on peut dire que je n’ai pas vu le temps passer. C’est une chance de vous avoir croisées dans ce sport et en dehors. Au bout de 2 ans j’ai enfin fini de rédiger cette thèse, Sir yes Sir !

Et enfin à toi Seb mon éternel allié, pour le soutien, l’amour et le réconfort que tu m’apportes au quotidien. Tu m’aides à être confiante dans mes choix, je t’en remercie. Une étape de passée, il me tarde de voir la suite à tes côtés.

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Tables des matières

Liste des abréviations ... 7

Liste des figures ... 9

Liste des annexes ... 11

Introduction ... 12

I. PARTIE 1 : La prévention des risques en France ... 13

I.1 Législation ...13

I.1.A La loi de 1970 et ses évolutions ...13

I.1.B Les débuts de la réduction des risques dès 1994 ...18

I.1.C Le projet de loi santé de 2015 ...23

I.2 Les traitements de substitution aux opiacés (TSO) ...26

I.2.A Historique ...26

I.2.B Les médicaments de substitution aux opiacés ...27

I.2.C Déroulement des traitements de substitution ...29

I.2.D Résultats ...32

I.3 L’accès aux seringues ...35

I.3.A Historique et description ...35

I.3.B Intérêt dans la réduction des risques ...38

I.4 Les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques chez les usagers de drogues (CAARUD) et les centres de soin, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ...40

I.4.A Les CAARUD ...40

I.4.B Les CSAPA ...42

II. Partie 2 : Les salles de consommation à moindre risque dans le monde ... 44

II.1 Situation globale ...44

II.2 La Suisse, pionnière ...47

II.2.A Historique ...47

II.2.B Le Quai 9 à Genève ...48

(7)

II.3.A. Historique [2] ...53

II.3.B. Fonctionnement ...54

II.3.C Résultats [58] ...55

III. Partie 3 : Les salles de consommation à moindre risque en France ... 59

III.1 Encadrement législatif ...59

III.2 Le début de l’expérimentation ...63

III.3 Le possible rôle du pharmacien ...65

III.3.A Connaissances en toxicologie ...65

III.3.B Connaissances du matériel et des modes de consommation ...69

III.3.C Connaissances des maladies infectieuses et autres pathologies ...73

CONCLUSION ...77

(8)

Liste des abréviations

AMM : Autorisation de Mise sur le Marché

ANIT : Association Nationale des Intervenants en Toxicomanie ARN : Acide RiboNucléique

ARS : Agence Régionale de Santé

ASUD : Association d’auto-Support des Usagers de Drogues BHD : Buprénorphine Haut Dosage

CAARUD : Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des risques pour Usagers de Drogues

CMU : Couverture Maladie Universelle

CNAMTS : Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés CSAPA : Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie DA : dopamine

DGS : Direction Générale de la Santé EI : Effets Indésirables

ESPT : Elus, Santé publique et Territoires GABA : acide γ-aminobutyrique

HAS : Haute Autorité de Santé

INSERM : Institut national de la santé et de la recherche médicale IV : Intraveineuse

MdM : Médecins du Monde

MDMA : 3,4-méthylènedioxy-méthamphétamine

MILDT : Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie MSO : Médicaments de Substitution aux Opiacés

(9)

OFDT : Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies

OPPIDUM : Observation des Produits Psychotropes Illicites ou Détournés de leur Utilisation Médicamenteuse

OPS : Overdose Prevention Site

PES : Programme d’Echange de Seringues PHS : Portland Hotel Society

RdR : Réduction des Risques RSA : Revenu de Solidarité Active

SCMR : Salle de Consommation à Moindres Risques SEOSI : Scientific Evaluation Of Supervised Injecting SIDA : Syndrome de l’ImmunoDéficience humaine Acquise

SINTES : Système d’Identification National des Toxiques et Substances TROD : Test Rapide d’Orientation Diagnostique

TSO : Traitement de Substitution aux Opiacés UD : Usager de Drogue

VANDU : Vancouver Area Network of Drug Users VHB : Virus de l’Hépatite B

VHC : Virus de l’Hépatite C

VIH : Virus de l’Immunodéficience Humaine VTA : Aire Tegmentale Ventrale

(10)

Liste des figures

Figure 1: Frise chronologique de l'histoire de la réduction des risques. Source: PHILIPPE Fanny ..……….……….…...25 Figure 2: Brochure distribuée par SAFE. ……….38 Figure 3: Répartition géographique des SCMR au niveau mondial et européen. Source : PHILIPPE Fanny………...45 Figure 4 : Mécanisme neurobiologique du système de récompense. Source : PHILIPPE Fanny ………..65

(11)

Liste des tableaux

Tableau 1 : Objectifs et modalités d’intervention des activités de RdR définis par le décret n°2005-347 ..………...…20 Tableau 2 : Liste des SCMR dans le monde……….…....…46 Tableau 3 : Cahier des charges national relatif à l’expérimentation des espaces de RdR..59 Tableau 4 : Données sur les principales drogues consommées en SCMR. Source : PHILIPPE Fanny d’après les informations récoltées dans l’ouvrage « L’aide-mémoire de la réduction des risques en addictologie » [1] et le site Tox’in du Vidal……….….….….67 Tableau 5 : Modes de consommation des drogues et RdR………...…....72

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Liste des annexes

Annexe 1 : Entretien téléphonique du 28/07/17 avec Aurélie Kreiss, chef de service et infirmière à la SCMR Argos gérée par Ithaque (Strasbourg)………..….84

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Introduction

Les usagers de drogue sont des membres de la société définis tantôt comme des délinquants, tantôt comme des malades. Cette double caractérisation se retrouve également dans les textes législatifs français qui intègrent d’un côté des dispositifs répressifs contre la drogue, et d’un autre, des volets de réduction des risques vis à vis de l’état de santé de l’usager.

La réduction des risques regroupe différents dispositifs ayant le même objectif principal : réduire les dommages sanitaires et sociaux causés par la consommation de drogue. Cette politique est née au XXe siècle et se répand désormais dans de nombreux pays.

Un de ses dispositifs est la salle de consommation à moindre risque, qui est un espace où l’usager de drogue peut consommer le produit qu’il a lui-même apporté sous la supervision d’intervenants médicosociaux. A son instauration, cette structure a fait polémique dans presque tous les pays où elle a été installée. Ses opposants, qui la dénomment salle de shoot, y voient une incitation à la consommation de drogues. C’est dans ce climat sensible que la France a lancé l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque sur son territoire en 2016, sous condition d’une évaluation de leurs impacts en termes de santé et de sécurité.

Dans un premier temps, nous allons revenir sur les dispositifs de réduction des risques qui étaient déjà présents en France, et leur cadre règlementaire. Dans une deuxième partie, nous allons revenir sur les expériences des salles de consommation à moindre risque au niveau mondial. Puis nous finirons par détailler l’expérimentation française et sa mise en place.

(14)

I.

PARTIE 1 : La prévention des risques en

France

I.1 Législation

I.1.A La loi de 1970 et ses évolutions

Jusqu’à la fin des années 1960 en France, l’usage de drogue n’est pas considéré comme un problème sanitaire majeur. Le Ministère de la Santé estime à l’époque le nombre de « drogués » à 7000 [2]. Depuis 1916, seul l’usage en société est pénalisé.

Les seuls articles relatant de la drogue dans les médias concernent des arrestations liées au trafic d’héroïne. Durant ces années, la France et plus particulièrement la région de Marseille est un pivot du trafic mondial d’héroïne. Un grand réseau appelé la « French Connection » s’occupe de faire acheminer de la morphine-base afin de la transformer en héroïne. Une fois la production assurée, la drogue part principalement aux Etats-Unis en bateau. Ce trafic perdurera jusque dans les années 1970, où la France doit démanteler le réseau sur demande du président américain Nixon [3].

A partir de 1965, la consommation de drogues hallucinogènes et de cannabis augmente sur le territoire. Cette augmentation est notamment due à l’expansion culturelle de la musique psychédélique et du mouvement hippy. Les médias commencent à voir leurs unes traiter de saisies d’hallucinogènes, de faits divers racontant la consommation de cannabis, etc. Petit à petit, la drogue devient la « menace numéro 1 qui pèse sur le monde » d’après le Parisien libéré.

C’est dans ce contexte que l’affaire d’overdose de Bandol en 1969 va réveiller les politiques et les citoyens. Le 26 août 1969, la jeune Martine est retrouvée morte dans les toilettes du casino de Bandol. Le médecin diagnostiquera une mort par overdose d’héroïne. L’injection fatale a été faite par Roger, un membre de la beat generation qui est un mouvement refusant les conventions de la société industrielle et voulant vivre sans superflu. Cette affaire crée un vrai engouement médiatique, et l’histoire de cette jeune fille innocente détruite par la drogue émeut la France [4].

(15)

A la suite de cet épisode qui secoue l’opinion publique, les pouvoirs politiques réagissent par la publication de la loi du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie, et à la répression du trafic et de l’usage illicite des substances vénéneuses. Le texte est le résultat d’un compromis entre le Ministère de la Justice et le Ministère de la Santé, dont les objectifs diffèrent. D’un côté l’appareil pénal définit l’usager de drogue comme un délinquant, de l’autre le corps médical le considère comme un malade qu’il faut traiter et aider. Cette dualité aboutit sur une loi ambigüe, qui tente de concilier des logiques sanitaires et répressives.

Cette loi présente le toxicomane comme un délinquant qui doit accepter la pénalité ou se faire sevrer. Elle prévoit un emprisonnement de deux mois à un an et une amende allant jusqu’à 3750 euros [5] pour toute personne inculpée pour production, transport, importation, exportation, détention, offre, cession, acquisition ou emploi de drogues [6]. La pénalité pour trafic est plus sévère que pour le simple emploi, mais il n’y a pas de différence de traitement entre un usage privé ou public, ni entre l’usage de drogues dures ou douces.

Depuis 1970, de nombreuses circulaires de politique pénale viennent affiner cette loi. Ces nombreux changements illustrent son ambigüité, et la complexité de sa mise en pratique. Ainsi se sont enchaînées :

- La circulaire n°69F389 dite « Peyrefitte » de 1978 [7]:

Elle impose une formation des magistrats sur la toxicomanie ainsi que la spécialisation de certains d’entre eux aux stupéfiants. Elle fait la distinction entre la consommation personnelle de cannabis ou d’une autre drogue. Le cannabis ne provoquant pas de véritable dépendance physique, l’injonction thérapeutique se révèle inutile et une prise en charge psychologique est proposée sans poursuite pénale. Au bout de plusieurs mises en garde contre le même consommateur, une injonction thérapeutique est imposée.

- La circulaire CRIM 84-15/E2 dite « Badinter » de 1984 [8]:

Elle incite les magistrats et pouvoirs publics à bien vérifier si la qualité de trafiquant ne prime pas sur celle d’usager chez un consommateur-revendeur.

- La circulaire CAB n°87-01 dite « Chalandon » de 1987 [9]:

Cette circulaire annule les précédentes et permet de faire un bilan de l’application pratique de la loi de 1970. Chez l’usager simple, la distinction entre un usager occasionnel et d’habitude est faite. L’usager occasionnel dispose de bonnes garanties d’inclusion sociale et ne reçoit qu’un avertissement. L’usager d’habitude, reconnu comme tel face à des signes d’intoxication ou sur aveu de ce dernier, est soumis à une injonction thérapeutique ou à des poursuites pénales s’il refuse cette dernière. Ces pénalités doivent aider à la réinsertion du

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condamné, ainsi le sursis est préféré. Mais sans collaboration du condamné, des peines d’incarcération peuvent être prononcées tout en tenant compte de son statut de toxicomane. Toute interpellation d’usager simple doit mener à un procès-verbal et, dans la mesure du possible, à une présentation devant des magistrats spécialisés. Les peines à l’encontre des trafiquants sont bien plus sévères malgré une distinction entre le grand trafic souvent à portée internationale et le petit trafic.

- La circulaire DGLDT/CRIM/DGS n°20C dite « Méhaignerie » de 1995 [10]: Elle définit les règles pour une harmonisation des pratiques de l’injonction thérapeutique.

- La circulaire CAB 99-01 dite « Guigou » de 1999 [11]:

Elle rend systématique les peines alternatives à l’incarcération chez l’usager simple coopérant. On y retrouve notamment le classement avec avertissement, le classement avec orientation vers un centre médico-social, les travaux d’intérêts généraux etc.

- La circulaire CRIM-05-1-G4 dite « Perben » de 2005 [12]:

Cette circulaire a pour but de durcir l’application des peines en limitant le classement sans suite pour l’usager simple et en accentuant la graduation des peines en fonction du type de consommation.

Le procureur de la République dispose d’une palette de sanctions permettant d’adapter la peine au délit commis. Ainsi, en plus de l’amende et de l’emprisonnement, il peut proposer un travail d’intérêt général. Depuis 2007, ce dernier peut également proposer un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants aux consommateurs occasionnels et non dépendants. Ces alternatives permettent de donner suite plus facilement aux nombreuses interpellations, dont le nombre est passé de 2 592 -suite à la loi de 1970 - à 159 412 en 2010 [5].

Dans le cadre d’une interpellation d’un usager dépendant, le procureur peut imposer à l’usager de drogues une cure de désintoxication, ou si elle est avérée non nécessaire, une surveillance médicale. Cette obligation de se soigner correspond à une injonction thérapeutique. Si l’usager de drogue (UD) accepte, le directeur régional de l’ARS (Agence Régionale de Santé) le dirige vers un médecin relais ou tout autre professionnel de santé ou psychologue habilité. Le professionnel désigné s’entretient avec le toxicomane et choisit avec lui la prise en charge la plus adaptée : médicale, psychologique, psychiatrique ou sociale. Finalement, l’usager rejoint une structure de prise en charge, qui a volontairement une distance marquée avec les autorités judiciaires [13]. Cette structure doit tout de même rendre régulièrement compte de la situation médicale et sociale de l’individu aux autorités.

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Les dépenses de la cure sont prises en charge par l’Etat et le département. Si cette dernière est suivie jusqu’à son terme, il n’y a pas d’action publique lancée contre le toxicomane. Pour être éligible, le toxicomane doit avoir été interpelé pour simple usage de drogue, et non pour trafic. D’autres critères interviennent comme la fréquence et les habitudes de consommation, les signes d’intoxication etc. On retrouve cependant une certaine variabilité selon le procureur de la République responsable du dossier : certains vont estimer que ce n’est pas approprié à l’usage de drogues douces.

Toujours d’actualité, cette mesure est confrontée à quelques critiques comme un taux d’effectivité trop faible et hétérogène, ainsi qu’une faible efficacité due à une mauvaise adaptation de la prise en charge de l’UD. Ces soucis sont principalement dus à la structure séquentielle de la prise en charge. De plus, l’UD doit accepter d’être considéré comme un délinquant, ou adhérer à une méthode de sevrage. Il n’existe aucun palier intermédiaire prenant en compte la complexité de l’addiction. Enfin, certains membres du corps médical ne souhaitent pas être collaborateurs de la répression, estimant que l’adhésion du patient au traitement est nécessaire au bon résultat de ce dernier [14].

Un autre volet de la loi prévoit que si une personne se présente spontanément dans un service de prévention ou dans un établissement de cure, elle peut faire une demande d’anonymat qui ne peut pas être levée pour la répression de l’usage illicite de drogues.

Afin de contrer la « déchéance morale » apparue lors des manifestations étudiantes de 1968, l’Etat, en pénalisant fortement l’usage et le trafic de drogues, pousse ou force le toxicomane à suivre un traitement médical. Cette loi exclue l’UD de la société, où il n’est accepté que par le sevrage. Les pouvoirs politiques veulent, par la répression, rassurer l’opinion publique face à l’insécurité et la peur engendrée par les abus de drogues.

Puis, de 1970 à 1972, divers décrets vont s’additionner pour continuer à aller dans une direction de répression et d’éradication de l’usage de drogues. Le trafic est de plus en plus pénalisé, et l’usage se complique encore par une diminution de l’accès au matériel d’injection. Le décret 72-200 interdit la vente de seringues en pharmacie de façon anonyme. Le toxicomane doit désormais posséder une ordonnance médicale, ou donner son nom et adresse au pharmacien, en prenant le risque de se faire dénoncer auprès des autorités [15].

En 1976, la Commission Pelletier est chargée d’évaluer la politique de lutte contre la drogue [2]. Elle démontre que les pratiques sont inadéquates, que l’équilibre entre répression et soin est illusoire, mais déclare que «la société n’est pas prête à envisager une dépénalisation des drogues ». Le rapport ne prend pas le temps d’expliquer en quoi la stratégie est inadaptée, mais souhaite une meilleure utilisation de l’injonction thérapeutique, penchant vers le statut de malade. Cette commission fait totalement abstraction du contexte

(18)

de développement de l’usage d’héroïne dans les milieux populaires et de l’expansion des scènes ouvertes dans les grandes villes.

Dans les années 1980, les interpellations pour usage en France ne cessent d’augmenter et on remarque l’apparition d’usagers-revendeurs, qui sont obligés de revendre une partie de leur drogue pour pouvoir financer leur propre consommation. La pénalisation continue de façon aussi répressive et les prisons se remplissent rapidement. C’est dans cette atmosphère que le Ministre de la Justice, Alain Chalandon, lance une croisade anti-drogue en 1986. Il crée 1600 places pénitentiaires pour désintoxiquer de force les détenus et juge les psychiatres trop laxistes, notamment dans le cadre de l’injonction thérapeutique. Michèle Barzach, Ministre de la Santé, s’y oppose en déclarant que « Ce n’est pas en mettant les drogués en prison qu’on résoudra le problème… Imposer à un drogué de se soigner s’il ne le veut pas est totalement irréaliste ». La solidarité du gouvernement étant menacée par ces avis divergents, le texte est retiré. C’est le premier arrêt de la politique répressive en France. Michèle Barzach poursuit sur sa lancée et publie en mai 1987 - alors que l’épidémie du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) explose - un décret qui suspend le décret 72-200 pendant un an et permet donc la vente libre de seringues en pharmacie [16] dans des emballages unitaires portant la mention « strict usage unique ». En 1988, l’évaluation de cette expérimentation par l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) démontre une diminution concrète du partage de seringues qui passe de 71 à 48% grâce à cette mesure. De plus, aucune augmentation de la consommation de drogues par voie intraveineuse (IV) n’a été révélée. Malheureusement, cette mesure ne suffit pas à enrayer l’épidémie. De 1984 à 1988, les toxicomanes passent de 2 à 21% des personnes diagnostiquées séropositives au VIH. Il reste donc des obstacles à la diminution de la transmission du virus dont les comportements à risque induits par l’état de manque et l’inaccessibilité du matériel stérile en dehors des horaires d’ouverture des officines.

En mai 1988, Claude Evin devient Ministre de la Santé. En juin 1989, il pérennise la vente libre des seringues en pharmacie lors des journées de l’ANIT (Association Nationale des Intervenants en Toxicomanie), et autorise l’expérimentation de l’échange de seringues à Marseille, Paris et Seine Saint-Denis. Si à Marseille l’expérimentation ghettoïse les toxicomanes, dans les deux autres villes elle leur permet un premier contact avec le système de soins. Ces échanges ont lieu dans des centres d’accueil Sida Toxicomanie Famille tenus par Médecins du Monde (MdM), qui a pour vocation d’apporter des soins aux exclus en France. En mars 1990, MdM lance une antenne mobile et en 1992, la DGS (Direction Générale de la Santé) recommande l’extension des programmes d’échange de seringues sur tout le territoire français.

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En 1992, Bernard Kouchner, le co-fondateur de MdM reçoit le poste de Ministre de la Santé. Cette prise de poste réveille les espoirs des partisans des traitements de substitution et des programmes d’échange de seringues (PES). Mais la seule avancée aura lieu en janvier 1993, où il organise une conférence « tri-ville » avec les spécialistes internationaux de la toxicomanie (Paris, Londres, New-York) pour y présenter le succès respectif de leurs « programmes méthadone ». C’est la première fois que le terme réduction des risques est utilisé au gouvernement [1].

En 1993, Simone Veil devient à son tour Ministre de la Santé et met en place quatre nouveaux PES.

Lors du plan gouvernemental de lutte contre la drogue et la toxicomanie, les mesures d’urgence sont plutôt tournées vers le sevrage : doublement des lits de post-cure en trois ans, des lits réservés au sevrage dans tous les hôpitaux, accès aux soins pour les toxicomanes incarcérés. Cependant, quelques outils de réduction des risques font surface : la volonté de créer un programme de substitution et 230 places méthadone, d’adapter la règlementation afin de développer d’autres PES et de créer des centres d’urgence en toxicomanie [16].

I.1.B Les débuts de la réduction des risques dès 1994

En mars 1994, la circulaire « relative au cadre d’utilisation de la méthadone dans la prise en charge des toxicomanes » sort [17]. La méthadone perd son statut expérimental et peut désormais être prescrite en centres spécialisés.

Le 21 juillet 1994, Simone Veil présente le dispositif de réduction des risques infectieux chez les toxicomanes. Elle y révèle des mesures urgentes dont : le développement de trousses de prévention avec des seringues stériles (Stéribox®), la création d’équipes chargées de l’accueil des toxicomanes à l’hôpital, le développement des traitements de substitution avec la volonté d’en faciliter l’accès, la création de nouveaux PES. Ce dispositif est pour de nombreux spécialistes le vrai point de départ de la réduction des risques (RdR) en France [18].

Le 6 octobre de la même année, une salle d’injection à moindre risque de médicaments prescrits est inaugurée par Estelle Dollé, la présidente d’ASUD Montpellier (Association d’Auto-Support des Usagers de Drogues), au 28 rue du Pont de Lattes. Cette salle profite d’un vide juridique qui n’interdit pas l’injection de produits de substitution prescrits (Temgésic®, Skénan® etc.). Ce lieu est autogéré par les usagers et possède son

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propre règlement : il faut casser l’aiguille après utilisation et la jeter dans la poubelle spécifique, garder la pièce propre, ne pas y entrer à plus de deux personnes. Elle fonctionne sans souci avec le voisinage et les forces de l’ordre jusqu’à sa fermeture définitive le 31 juillet 1995 suite à l’overdose d’une jeune fille.[19].

En 1995, les conditions d’accès à la méthadone sont simplifiées, après une initiation par un centre de soins, un médecin généraliste peut prendre le relai de la prescription. Le Subutex® (buprénorphine haut dosage) obtient son autorisation de mise sur le marché (AMM) un an plus tard. C’est aussi l’année qui légalise les PES grâce à un décret permettant aux associations à but non lucratif et à toute personne physique menant une action de prévention du Syndrome d’Immunodéficience Humaine Acquise (SIDA) ou de RdR de délivrer gratuitement des seringues stériles. L’accès aux mineurs ne se fait que sur prescription médicale, mais sans l’obligation au pharmacien ou à l’association de lui demander son âge [20].

Entre 1995 et 1997, le nombre d’overdoses observées en France diminue de 20%, et la prévalence du SIDA chez les UD passe de 30 à 20% [2]. Les premiers bénéfices de ces nouvelles mesures sont mis en avant. En 1997, MdM crée le « bus méthadone » à Paris. C’est un bus itinérant qui accueille les UD sans condition, où ils peuvent recevoir un traitement de substitution à la méthadone sans s’engager dans un sevrage comme dans les centres de soins classiques. C’est la première structure d’accueil à haut seuil de tolérance en France. En parallèle, des associations d’auto-support s’intéressent aux nouvelles drogues et à leurs nouveaux modes de consommation dans les publics de raves parties.

En 1999, Mme Maestracci, la nouvelle présidente de la MILDT (Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie), présente le plan gouvernemental de lutte contre la drogue et la toxicomanie. La réduction des risques y trouve une place majeure à côté de la répression. Elle dit vouloir « développer la politique de réduction des risques de sorte que les usagers les plus marginalisés puissent être mieux accueillis », en insistant sur le besoin de communication important afin de faire comprendre aux politiques, pouvoirs publics et à la population générale la nécessité absolue de développer un vrai dispositif de RdR. Au point 5.2.4 de ce plan gouvernemental, il y a une reconnaissance globale de la réduction des risques et de son efficacité, et un souhait de la maintenir et de la développer d’une façon volontariste. Dans le point concernant la prévention, on peut relever les objectifs principaux de l’Etat [21]:

- prévenir la première consommation de drogues ; - agir sur les consommations précoces (jeune public) ;

(21)

- réduire les risques de la consommation, et étendre cette politique à toutes les personnes dont la consommation induit des dommages sanitaires et/ou sociaux.

Ce plan gouvernemental officialise les mesures de réduction des risques qui étaient pour la plupart des expérimentations [18].

En 2002, Jacques Chirac est réélu Président la République française. Jean-François Mattei prend la tête du Ministère de la Santé pendant que Nicolas Sarkozy devient Ministre de l’Intérieur. L’augmentation de la consommation de cannabis est reprochée à la gauche, et pour la contrer, la pénalisation de l’usage est durcie avec une contravention forfaitaire de 68€. Les Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) sont créés lors de la loi du 2 janvier 2002 [22] et ont pour mission de proposer une réponse de premier recours, un accompagnement de longue durée, de la prévention et de la réduction des risques en addictologie.

En 2003, le rapport « drogue, l’autre cancer » est rendu public et donne de nouveau la priorité à la répression, au sevrage et à la prévention primaire. La même année, Didier Jayle, le nouveau président de la MILDT, propose l’ouverture de programmes d’héroïne médicalisée pour les usagers en difficulté sous traitement de substitution et n’arrivant pas à se passer de l’injection. Cette idée est rejetée par certains députés et par l’association Parents contre la drogue.

Depuis 2002, les structures de RdR sont en difficulté financière suite à la baisse des subventions accordées par l’Etat, due notamment à la stabilité de la contamination au VIH et à une augmentation des charges. Pour faire face à ces difficultés, elles demandent un financement au long cours par les caisses d’assurance maladie.

De son côté, Jean-François Mattei profite de la loi de Santé Publique de 2004 pour proposer un amendement afin d’obtenir un statut légal pour la réduction des risques. Le 14 avril 2005, le décret n°2005-347 [23] approuvant le référentiel national des actions de réduction des risques en direction des UD est publié. Ce décret permet la création d’une nouvelle section dans le code de la Santé Publique nommée « Politique de réduction des risques pour usagers de drogue ». Ce décret définit surtout les objectifs et les modalités d’intervention des activités de réduction des risques (tableau 1).

Objectifs Modalités d’intervention - Prévention des infections

- Prévention des intoxications aigües - Prévention et prise en charge des

troubles psychiatriques aigus liés à la

- Prise de contact

- Distribution du matériel, installation de distributeurs

(22)

consommation

- Orientation vers les services d’urgence, de soins et sociaux

- Amélioration de l’état de santé des usagers et de leur insertion sociale - Surveillance des consommations et

de leurs modes

gestion des déchets

- Mise à disposition d’espaces de repos, de services d’hygiène, d’hébergement d’urgence

- Accueil, information, conseils, accompagnement

- Soins infirmiers, éducation à la santé

Tableau 1 : Objectifs et modalités d’intervention des activités de RdR définis par le décret n°2005-347

Le 19 décembre 2005, le décret n° 2005-1606 relatif aux missions des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue (CAARUD) est publié, il définit les missions des CAARUD et leur pose un cadre légal [24].

En 2006, Didier Jayle (président de la MILDT) propose d’inscrire le Subutex® au tableau des stupéfiants pour contrer l’usage détourné et le marché noir qui découlent du cadre libéral de sa prescription. Cette mesure est refusée par Xavier Bertrand et MdM qui estiment que cela diminuerait l’efficience du traitement. La mesure est abandonnée et la Sécurité Sociale renforce les contrôles de prescription pour limiter les détournements.

En 2007, Nicolas Sarkozy est élu Président de la République et Etienne Apaire remplace Didier Jayle à la tête de la MILDT. Etienne Apaire a une lecture plus stricte de la loi relative aux stupéfiants de 1970. Il décide de durcir la répression en créant des stages de sensibilisation à l’usage des produits stupéfiants, crée de nouvelles peines pour la consommation simple, et permet des peines d’incarcération en cas de récidives. Le nombre d’interpellations et de peines de prison explose. Ce quinquennat présidentiel relaie la réduction des risques au dernier plan de la problématique des drogues en France. Tout ce qui ne concerne pas la réduction des risques infectieux est considéré comme de l’incitation à la consommation, le concept même d’addiction est nié par Etienne Apaire, et les plans Hépatites (2009) et Addiction (2007-2011) ne comportent aucun volet de RdR. Les dispositifs de RdR déjà en place ne sont pas attaqués mais plus rien n’est instauré. L’opinion publique ne s’intéresse plus autant à cette problématique, le virus de l’hépatite C (VHC) n’étant transmissible à la population générale que très rarement par voie sexuelle, il n’y a plus la même crainte de contamination qu’avec le VIH. De nombreuses antennes d’ASUD ferment suite à une baisse de mobilisation des UD et à l’obligation de travailler avec du personnel « statutairement adapté », les éducateurs spécialisés.

Le 19 mai 2009, de nombreuses associations d’UD et de RdR se rejoignent pour la journée mondiale contre les hépatites et créent le collectif du 19 mai. Ce collectif a pour but

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de relancer le débat sur la RdR et le médiatiser de nouveau. Leur première action sera donc centrée sur les salles de consommation à moindre risque (SCMR). Les équipes présentes dans les grandes zones urbaines se plaignent d’un nouveau fleurissement de scènes ouvertes en plein centre-ville, qui sont dissoutes par les forces de l’ordre et se reforment quelques pâtés de maison plus loin. Ce phénomène lasse les associations distribuant du matériel stérile d’injection qu’ils voient utilisé dans de mauvaises conditions. Ainsi, ils se mettent d’accord pour axer leurs efforts autour de ce projet représentant un outil sanitaire qui permettrait de réduire les infections et le nombre d’overdoses, et de disposer d’un nouvel espace d’échange et de soins pour les usagers les plus marginalisés.

Ils montent une SCMR de démonstration dans des locaux d’ASUD à Paris, avec le soutien de Jean-Marie Le Guen, maire-adjoint de Paris chargé de la santé publique, qui souhaite également ouvrir un vrai débat à ce sujet. Cette salle n’est pas mise en fonctionnement, elle a pour but de montrer concrètement ce que pourrait être une future SCMR. Elle est composée d’une salle d’accueil avec un bar permettant l’échange des seringues, d’un cabinet médical pouvant accueillir médecins et infirmières ainsi que d’un espace de consommation. De nombreux journalistes et personnages politiques sont invités à la découvrir et l’évènement est médiatisé [2]. Cette salle sera démontée et remontée plusieurs fois au cours de l’année dans différents congrès et rassemblements.

La même année, Jean-Marie Le Guen organise un séminaire en collaboration avec ESPT (Elus, Santé Publique et Territoires) regroupant des élus de villes et de partis politiques différents. Pendant ce séminaire les élus auditionnent des experts français et internationaux, visitent les SCMR de Bilbao et Genève, et remettent un rapport final recommandant l’expérimentation des SCMR en septembre 2010 [25].

En parallèle, l’expertise de l’INSERM concernant la RdR est attendue pour juin 2010. Ce rapport met en évidence un manque de résultats de la RdR concernant le VHC, dû à l’apparition d’une nouvelle population non couverte par les dispositifs déjà existants et aux nouveaux modes de contamination. Il recommande la promotion de l’égalité d’accès aux dispositifs de RdR en augmentant le nombre de points de distribution de la Stéribox®, en renforçant le réseau d’automates et en déployant les CAARUD sur l’ensemble du territoire français. En dernière recommandation, il préconise d’élargir la palette de dispositifs de RdR : étude des besoins pour l’ouverture d’une centre d’injection supervisée, essai de la primo-prescription de méthadone par un médecin généraliste de ville, possible expérimentation de l’héroïne médicalisée et mise en place d’un dépistage systématique et renouvelé tous les ans chez les UD suivis par un des dispositifs de RdR [26].

Le 19 juillet 2010 à la conférence mondiale sur le SIDA à Vienne, Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé, demande « une concertation sur la mise en place des centres de

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consommation supervisée, pour des raisons sanitaires cruciales, et pour arriver à des projets concrets ». Cette déclaration reçoit le soutien des différents politiques dont Nadine Morano et Jean-Claude Gaudin, le Maire de Marseille, mais aussi de violentes oppositions de la part notamment du Ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux. Le 11 août 2010, le premier Ministre François Fillon, diffuse publiquement un communiqué déclarant que « les salles de consommation ne sont ni utiles ni souhaitables. La priorité du gouvernement est de réduire la consommation de drogue, non de l’accompagner, voire de l’organiser ». Le débat éclate et le président du Sénat, Gérard Larcher, propose la création d’une mission parlementaire sur les salles de consommation qui deviendra une commission sur la toxicomanie en 2011, en lien avec l’Assemblée Nationale.

Le 24 septembre, l’EPST rend son rapport final et préconise que « l’Etat adopte les dispositifs juridiques permettant aux collectivités qui le souhaitent de créer, au moins à titre expérimental, des centres de consommation, dans le cadre de la politique de réduction des risques prévue par l’article L.3121-4 du Code de la Santé Publique ». En réponse, de nombreux élus locaux veulent prendre part au débat et lancent une pétition pour l’expérimentation des SCMR. En octobre, le Conseil de Paris émet le vœu d’ouvrir au moins un centre de consommation supervisée sous autorisation de l’Etat, et le conseil régional d’Ile-de-France vote d’ailleurs pour une subvention de 300 000€ permettant la première installation. En novembre, la ville de Toulouse déclare avoir la même ambition. Mais en France, les régions et les villes n’ont aucun pouvoir sur la politique de Santé Publique.

En novembre 2010, Roselyne Bachelot est relevée par Xavier Bertrand à la tête du ministère de la Santé. Ce dernier est un fervent opposant à l’expérimentation des SCMR. La situation ne bougera pas jusqu’à l’arrivée de Marisol Touraine en tant que Ministre de la Santé en mai 2012.

I.1.C Le projet de loi santé de 2015

En 2013, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault donne son accord pour l’ouverture d’une SCMR dans le 10e arrondissement de Paris, aux abords de la gare du Nord. Cette salle serait sous la gestion de l’association Gaïa qui œuvre déjà dans la politique de RdR. Cette volonté fait suite à la proposition d’expérimentation d’une salle de consommation supervisée dans le Plan gouvernemental de lutte contre les drogues et conduites addictives 2013-2017 [27]. En août 2013, l’association Parents contre la drogue dépose une plainte au Conseil d’Etat contre cette décision gouvernementale, qui est jugée recevable. Le 8 octobre 2013, le Conseil d’Etat rend son verdict et affirme que l’ouverture de cette SCMR est juridiquement non conforme à la loi de 1970 relative aux stupéfiants. L’ouverture est donc repoussée à une date ultérieure, après adaptation de la loi.

(25)

La Ministre décide alors d’intégrer un article relatif à l’expérimentation des SCMR dans sa loi de modernisation du système de santé, dont elle présente l’avant-projet en août 2014. Le projet de loi est validé par l’Assemblée Nationale en avril 2015 et par le Sénat en septembre 2015. La loi n°2016-41 est publiée au Journal Officiel le 21 janvier 2016. Son article 43 autorise à titre expérimental l’ouverture de SCMR, et ce pendant maximum six ans après l’ouverture de la première salle [28]. L’usager peut y détenir des produits illicites destinés à sa propre consommation sans pouvoir être poursuivi pour usage et détention illicites de stupéfiants.

Cet espace de RdR pour usage supervisé doit répondre à un cahier des charges présenté dans un arrêté du 25 mars 2016 [29].

A la suite de ces nouveaux textes législatifs, deux SCMR ont ouvert en France. La première salle à ouvrir est celle présente dans l’hôpital Lariboisière du 10e arrondissement de Paris, inaugurée le 10 octobre 2016. Elle est ouverte tous les jours de 13h30 à 20h30, et dispose d’un accès direct évitant un passage par l’hôpital. La seconde salle nommée ARGOS, a ouvert le 7 novembre 2016 au quai Ménachem Taffel à Strasbourg. Les UD y ont accès tous les jours de la semaine de 13h à 19h. Une troisième salle expérimentale devrait ouvrir à Bordeaux fin 2017-début 2018 à l’hôpital Saint-André.

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Figure 1 : Frise chronologique de l'histoire de la réduction des

Ce premier point nous a permis de décrire l’évolution de la RdR lors des 50 dernières années (figure 1), et de connaître les différentes lois

Nous allons maintenant nous intéresser à trois

périodes en France et ayant déjà fait leurs preuves en termes de bénéfices - Les traitements de substitution (TSO)

- Les programmes d’échange de seringues (PES) et autres moyens d’accès au matériel stérile ;

- Les CAARUD et CSAP

: Frise chronologique de l'histoire de la réduction des risques. Source: PHILIPPE Fanny

point nous a permis de décrire l’évolution de la RdR lors des 50 dernières , et de connaître les différentes lois qui la régisse.

enant nous intéresser à trois dispositifs de RdR mis en plac en France et ayant déjà fait leurs preuves en termes de bénéfices Les traitements de substitution (TSO) ;

Les programmes d’échange de seringues (PES) et autres moyens d’accès au Les CAARUD et CSAPA.

risques. Source: PHILIPPE Fanny

point nous a permis de décrire l’évolution de la RdR lors des 50 dernières mis en place à différentes en France et ayant déjà fait leurs preuves en termes de bénéfices :

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I.2 Les traitements de substitution aux opiacés

(TSO)

I.2.A Historique

A partir de 1973, deux centres de méthadone de vingt places chacun existent en France : le centre Fernand Widal et l’Hôpital Sainte Anne. Dans ces centres expérimentaux, la méthadone, utilisée comme médicament substitutif aux opiacés, doit être prise sur place et est réservée aux usagers majeurs étant déjà passés par plusieurs tentatives de sevrage non concluantes.

En dehors de ce système, les usagers utilisent des médicaments à base de codéine à prescription médicale facultative (délivrance sans ordonnance autorisée) comme le Néocodion® (codéine) afin de réduire les symptômes de sevrage entre deux prises d’héroïne. En 1987, le Temgésic®, buprénorphine faible dosage, est utilisé par quelques médecins pour un sevrage dégressif.

En 1993, Bernard Kouchner, Ministre de la Santé, oblige la prescription du Temgésic® selon la réglementation des stupéfiants. Cette mesure provoque un arrêt de la prescription par de nombreux médecins généralistes. Ceux qui le prescrivent encore se retrouvent submergés de demandes d’UD. La même année, la prescription de méthadone perd son statut expérimental, elle devient autorisée dans des centres spécialisés ayant reçu une agrégation. Ces centres peuvent accueillir au maximum 50 patients qui doivent répondre à certains critères : être volontaires et majeurs, avoir une dépendance avérée depuis au moins 5 ans et avoir déjà entrepris plusieurs cures de sevrage sans succès.

Suite aux élections, Simone Veil devient à son tour Ministre de la Santé et relance la circulaire méthadone, ce qui permet l’ouverture de 1647 places supplémentaires en 1994, et crée quatre nouveaux PES [2].

Finalement en 1995, le Ministère de la Santé simplifie les conditions d’accès à la méthadone permettant à tous les centres de soins d’initier la substitution et aux médecins généralistes de prendre le relai de la prise en charge. La condition de dépendance de plus de 5 ans est retirée. En 1995, la buprénorphine haute dose (Subutex®) obtient son AMM dans la substitution aux opiacés, elle peut être prescrite par un médecin de ville.

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I.2.B Les médicaments de substitution aux opiacés

Les médicaments de substitution aux opiacés sont indiqués dans la dépendance avérée aux opiacés, pour une suppression des signes de sevrage et une diminution de l’appétence.

La substitution est une modalité de traitement neurobiologique destinée au sujet pharmacodépendant, dont le principe repose sur l’administration d’une substance ayant une action pharmacologique similaire à celle du psychotrope addictif. Le manque psychique et physique est alors comblé avec une substance moins toxique.

Depuis 1996, les critères de qualification en tant que traitement de substitution sont : - mêmes propriétés pharmacodynamiques que le produit à substituer ;

- durée d’action longue de minimum 24 heures ;

- pas ou peu d’effet d’euphorie et pas d’effet de renforcement ;

- utilisation par voie orale ou sublinguale et peu d’attrait pour d’autres voies ; - compatible avec une vie sociale satisfaisante ;

- AMM dans cette indication.

On peut remarquer que la buprénorphine haut dosage ne satisfait pas l’ensemble des critères, puisqu’on observe une hausse du mésusage par administration IV. Ainsi pour réduire ce mésusage, l’association buprénorphine haut dosage - naloxone (Suboxone®) a été créée. De plus, les médicaments à base de morphine ou de codéine sont utilisés hors AMM, mais de façon anecdotique.

I.2.C.a La méthadone

La méthadone est un agoniste morphinique pur, ayant une forte affinité pour les récepteurs opioïdes µ. Elle a une action inhibitrice sur l’envie d’héroïne et diminue le plaisir, l’euphorie et la sédation. L’AMM a été déposée pour le traitement de substitution des pharmacodépendances majeures aux opiacés dans le cadre d’une prise en charge à la fois médicale, psychologique et sociale en 1995.

(29)

Elle existe sous la forme de sirops dosés à 5, 10, 20, 40 et 60 mg. Ces sirops ont un goût amer et contiennent de l’alcool et du sucre dont il faut tenir compte lors de la prescription. La forte teneur en sucre empêche la distillation nécessaire avant une injection dans un cadre de mésusage. Le D-Xylose utilisé comme excipient est un pentose non métabolisé par l’organisme, il sert de traceur lors de la recherche de méthadone dans les analyses urinaires. Il existe également une forme gélule dosée à 1, 5, 10, 20 et 40 mg utilisée en relai du sirop lors de la phase d’entretien. Pour éviter le mésusage, la carboxyméthylcellulose extraite du pavot est utilisée en excipient. Au contact de l’eau, elle se gélifie rapidement, ce qui évite l’injection IV.

Ces deux formes sont produites par l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris.

La méthadone est classée comme médicament stupéfiant : sa prescription, sa délivrance et son stockage sont donc règlementés. La prescription initiale doit être faite par un médecin hospitalier ou un médecin exerçant en CSAPA. Toute prescription doit être faite sur une ordonnance sécurisée et doit être présentée sous trois jours à la pharmacie indiquée sur l’ordonnance pour être délivrée dans sa totalité. La forme sirop peut être prescrite pour une durée de 14 jours fractionnée en périodes de 7 jours sauf mention expresse du prescripteur [30]. La forme gélule peut être prescrite pour une durée de 28 jours fractionnée en périodes de 7 jours sauf mention expresse du prescripteur [31].

I.2.C.b La buprénorphine haut dosage (BHD)

La buprénorphine est un agoniste morphinique µ et antagoniste κ. Elle a été synthétisée en 1973, c’est un dérivé d’un alcaloïde du pavot : la thébaïne. La BHD est actuellement commercialisée dans deux spécialités : le Subutex® et la Suboxone®.

Le Subutex® contient uniquement de la buprénorphine. Les comprimés sublinguaux sont dosés à 0.4, 1, 2, 4, 6 et 8mg. Il dispose d’une AMM dans le traitement de substitution des pharmacodépendances majeures aux opiacés dans le cadre d’une prise en charge médicale, psychologique et sociale depuis 1995.

Le Subutex® est un médicament assimilé aux stupéfiants. Il doit être prescrit sur une ordonnance sécurisée, par tout médecin (même lors de la prescription initiale) pour une durée maximale de 28 jours dont la délivrance est fractionnée en périodes de 7 jours sauf mention expresse du prescripteur. Le nom de la pharmacie où a lieu la dispensation doit être mentionné.

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La Suboxone® est une association de buprénorphine et de naloxone mise sur le marché depuis 2012. La naloxone est un antagoniste des récepteurs µ presque entièrement dégradé par le premier passage hépatique par voie orale et sublinguale mais actif en IV [32]. Par voie IV, sa fixation aux récepteurs est plus rapide que la buprénorphine, ce qui induit un état de manque. Cette forme permet ainsi de lutter contre le mésusage de la BHD par voie IV. La Suboxone® a pour AMM « le traitement substitutif de la pharmacodépendance aux opioïdes dans le cadre d’une prise en charge médicale, sociale et psychologique. La naloxone est un composant destiné à empêcher le mauvais usage du produit par voie intraveineuse. ».

Il existe deux dosages : 2mg de buprénorphine associés à 0.5mg de naloxone et 8mg de buprénorphine associés à 2mg de naloxone. Le rapport de concentration entre les deux molécules est calculé de sorte que les effets indésirables soient contraignants mais pas trop intenses s’il y a un usage détourné.

La Suboxone® est un médicament assimilé aux stupéfiants possédant les mêmes modalités de prescription et de dispensation que le Subutex® [33]. Elle est contre-indiquée en cas de grossesse.

Les comprimés sublinguaux doivent être maintenus sous la langue pendant 5 à 10 minutes, jusqu’à leur dissolution complète. Pour optimiser la dissolution, il faut stimuler la salivation en mâchant un chewing-gum ou en buvant un verre d’eau. Le goût citronné de la Suboxone® la rend plus agréable à la prise que le Subutex® qui a un goût amer.

I.2.C Déroulement des traitements de substitution

Les traitements de substitution sont indiqués dans un cadre de prise en charge des patients dépendants aux opiacés, que ce soit avec la volonté de l’UD ou suite à une injonction thérapeutique. Cette prise en charge commence par l’instauration d’une relation thérapeutique entre l’UD et le médecin. De nombreuses séances d’écoute sont nécessaires dans la compréhension du contexte personnel et des motivations du patient. Cette étape demande de l’empathie de la part du soignant qui doit écouter et comprendre sans juger, afin d’installer une relation de confiance.

Ensuite, le traitement pharmacologique est mis en place. La prise de médicaments de substitution aux opiacés (MSO), qui ont une action prolongée, va éviter l’apparition d’un syndrome de manque tout en permettant l’arrêt ou la diminution de la consommation d’héroïne. Ce traitement est suivi de près par le médecin qui revoit le patient au minimum

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une fois par mois. Ce suivi permet d’assurer la continuité des soins et une adaptation posologique fine. Enfin, une approche motivationnelle correspondant à un suivi psychologique est nécessaire à la bonne efficacité du traitement. Cela consiste à comprendre les motivations du patient, fixer avec lui des objectifs clairs et réalisables qui lui permettent d’évaluer sa progression. Cette méthode favorise une prise de décision et un changement de comportement du patient.

L’initialisation du traitement

La phase d’initiation permet de créer un climat de confiance et de tester un premier traitement substitutif. L’efficacité de ce premier traitement est évaluée sur la diminution voire la disparition des signes de manque ainsi que sur la diminution du craving, qui est le désir compulsif de consommation. La prise initiale a lieu lors de l’apparition des premiers signes de manque, puis elle est quotidienne et à heure fixe. Les 4-5 premiers jours sont inconfortables et quelques signes de manque peuvent apparaître, mais ils ne sont pas signes d’un manque d’efficacité.

Lors de l’initiation, le prescripteur doit choisir entre la méthadone et la BHD. Chaque molécule a des modalités particulières.

La méthadone est particulièrement indiquée en cas de dépendance sévère, de difficulté à renoncer à l’injection, de pathologie psychologique associée, de polyconsommation ou de polyaddiction (benzodiazépine, alcool) ainsi qu’à l’hôpital lorsqu’un patient dépendant nécessite un traitement antalgique morphinique. Elle est également recommandée en cas de grossesse ou d’allaitement. Elle est contre-indiquée chez les enfants de moins de 15 ans et en cas d’insuffisance respiratoire sévère.

La première prescription est de 7 jours avec une délivrance quotidienne à organiser avec le pharmacien, il est préférable de l’initier en début de semaine pour pouvoir effectuer les contrôles urinaires de début de traitement. La dose initiale est comprise entre 10 et 40 mg journaliers et peut être augmentée par paliers de 5 à 10 mg tous les 2 à 3 jours. La prise est quotidienne, matinale de préférence.

Les signes de surdosage à surveiller lors de l’initiation sont un myosis serré bilatéral et une insuffisance respiratoire. Leur probabilité d’apparition augmente avec la consommation parallèle de benzodiazépines et d’alcool.

La BHD est le seul médicament de substitution aux opiacés pouvant être prescrit pour les personnes logeant loin des centres de soins et hôpitaux car il peut être initié par un médecin généraliste. Elle est contre-indiquée chez les enfants de moins de 15 ans, en cas

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d’insuffisance respiratoire grave, d’insuffisance hépatique sévère, d’intoxication alcoolique et de delirium tremens.

La prescription initiale est de 7 jours au maximum avec une délivrance quotidienne possible. La dose de départ est en pratique de 4 à 8mg par jour (posologie AMM : 0.8 à 4mg par jour). Puis on augmente par paliers de 1 à 2 mg tous les 1 à 3 jours. La prise est quotidienne et sublinguale, il faut laisser le comprimé sous la langue pendant 8 à 10 minutes sans le sucer. La première prise doit avoir lieu au moins 24 heures après la dernière prise d’opiacés, car il y a un risque de déclenchement d’un état de manque dû aux propriétés antagonistes κ de la buprénorphine.

Pendant ces premiers jours de traitement, il est essentiel de surveiller l’apparition de signes de sous dosages et surdosages. Le sous-dosage est illustré par une irritabilité du patient, un état anxio-dépressif, des troubles du sommeil, de l’adynamie, des signes de manque. En cas d’apparition de ces signes, il faut vérifier de nouveau l’absence de prise d’inducteurs enzymatiques qui accélèreraient le métabolisme de la buprénorphine. Les signes de surdosage sont un ralentissement idéomoteur et une somnolence. Il faut alors vérifier l’absence d’interactions médicamenteuses ou la prise concomitante d’autres psychotropes.

L’adaptation du traitement

Habituellement, la posologie de stabilisation est atteinte en 10 à 15 jours. A partir de ce moment, une période de délivrance de 7 jours est recommandée sauf mention expresse du prescripteur.

Les doses usuelles de méthadone vont de 60 à 100 mg par jour, mais des posologies supérieures sont parfois nécessaires.

Pour la BHD, les posologies usuelles sont de 8 à 16 mg par jour. Les doses supérieures à 16 mg sont prescrites hors AMM, il est alors recommandé de passer à la méthadone [34]. Un changement de molécule peut être nécessaire lors du traitement, il faut alors respecter les délais entre les prises des deux molécules. Pour passer de la méthadone à la BHD, il faut diminuer la posologie quotidienne de méthadone à 30 mg puis laisser au minimum 24 heures d’intervalle avant la première prise de BHD. Dans le cas inverse, il faut un intervalle libre de minimum 16 heures entre la dernière prise de BHD et la première prise de méthadone.

L’arrêt du traitement

Concernant l’arrêt des traitements de substitution il y a trois écoles. La première estime que l’arrêt est exclu car la dépendance aux opiacés est une maladie acquise à vie.

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Un autre groupe impose l’arrêt, le traitement a une durée définie fixée dès l’initiation. On retrouve cette vision principalement dans des pays avec un système de sécurité sociale peu développé. La dernière école considère que la durée du traitement va dépendre du patient et du contexte [35]. C’est cette dernière façon de procéder qui est recommandée par la Haute Autorité de Santé (HAS) dans la conférence de consensus sur les stratégies thérapeutiques pour les personnes dépendantes aux opiacés [34].

En France, la question de l’arrêt du traitement se pose à la demande du patient lui-même. C’est à ce moment que le soignant évalue l’efficacité du traitement en jugeant la stabilité sociale de l’individu et la pérennité de son arrêt de consommation d’opiacés.

Si le patient demande un arrêt brutal, il n’est possible qu’avec la BHD et la méthadone à faible posologie. Un syndrome de manque va apparaître, le sevrage doit donc avoir lieu en milieu hospitalier avec un traitement symptomatique permettant de soulager le patient (benzodiazépine, hypnotique et antihypertenseur d’action centrale).

Si le contexte permet un arrêt de traitement plus lent, alors il a lieu en ambulatoire. Pour la BHD, il y a une diminution progressive des doses par palier de 1 à 2 mg tous les 2 à 7 jours qui peut être associée ou remplacée par une prise un jour sur deux. L’arrêt de la méthadone est plus lent et les diminutions de posologie ne sont effectuées que sur demande du patient par palier de 5 à 10 mg. La technique de dilution progressive du sirop de méthadone peut aussi être utilisée.

I.2.D Résultats

Les impacts positifs en réduction des risques

Depuis 1995, les TSO ont démontré leur intérêt dans la prévention des risques. D’un point de vue sanitaire et médical, la consommation d’héroïne diminue chez les UD, même si environ 10% des usagers traités continuent à en consommer. La diminution de la consommation engendre une diminution des injections à risque, ce qui permet de ralentir la propagation des infections virales, surtout le VIH [26] et de diminuer le nombre d’infections bactériennes contractées au moment de l’injection. La prescription des MSO étant stricte, les usagers sont suivis plus régulièrement par un médecin et leur état de santé s’améliore grâce à ce meilleur accès aux soins. En effet, l’enquête Anisse révèle que chez les usagers traités par BHD le nombre de consultations médicales lors des 6 derniers mois passe de 4.4 à 8.8, les hospitalisations passent de 12% à l’inclusion à 9% au bout de 6 mois de traitement, les abcès de 5.5 à 3.9%, les overdoses de 1.4 à 1% et enfin les tentatives de suicide de 5.8 à

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2% [36]. Ces consultations permettent aussi d’instaurer un traitement anti-VIH plus rapidement. En parallèle, le nombre de décès par overdose attribué à l’héroïne a chuté de 84% entre 1995 (année de la commercialisation des MSO) et 2001 [34]. Ce taux se stabilise depuis.

D’un point de vue social, les TSO aident à l’insertion sociale de ces toxicomanes souvent marginalisés. Ils sont mis en relation avec des structures d’aide, mais l’impact sur l’emploi reste un point à améliorer.

Les limites et mésusages

Les mésusages de MSO concernent principalement la BHD. Le comprimé est pilé et dissout avec du jus de citron, puis il est filtré et injecté par voie IV. Cette pratique concernerait 9% des patients sous protocole de TSO d’après l’enquête OPPIDUM (Observation des Produits Psychotropes Illicites ou Détournés de leur Utilisation Médicamenteuse) de 2008 [37]. Ces mésusages doivent être recherchés par les médecins et les pharmaciens au contact du patient car ils peuvent être le signe d’une prise en charge non adaptée : dosage insuffisant et/ou dépendance très sévère nécessitant un traitement par méthadone. Le diagnostic se fait par observation des traces cutanées principalement et doit tenir compte des facteurs de risque comme l’impulsivité ou les antécédents d’injection [38]. Cette pratique se révèle très dangereuse, car elle est responsable de nombreuses infections telles que les abcès cutanés, les endocardites et les infections ostéo-articulaires. Les infections au Staphylococcus aureus (retrouvé sur la peau) et au Candida albicans (retrouvé dans la salive) sont les plus fréquentes et sont le signe du caractère non stérile de l’injection.

De plus, des troubles de la circulation veineuse et lymphatique sont fréquemment retrouvés du fait de la toxicité des excipients présents dans les comprimés de BHD, l’amidon de maïs et le stéarate de magnésium, qui sont insolubles et altèrent les parois des vaisseaux. On peut ainsi observer chez certains injecteurs de BHD un syndrome de Popeye qui correspond à un œdème des mains et des avant-bras. Cet œdème qui était épisodique devient persistant, la peau s’épaissit, ce qui provoque une gêne fonctionnelle, esthétique et psychologique chez le patient [39]. Peu d’UD consultent pour s’en plaindre par culpabilité vis-à-vis de leur toxicomanie. Cet œdème peut être réduit par l’application de plusieurs épaisseurs de bandes peu élastiques pendant 24 et 36 heures puis par le port de dispositif de compression par le patient [40].

Le risque d’overdose est aussi élevé, d’autant plus si l’injection de BHD est associée à la consommation d’alcool ou de psychotropes. En 2012, 60% des morts par injection étaient imputables au moins en partie aux MSO [41].

Figure

Tableau  1 :  Objectifs  et  modalités  d’intervention  des  activités  de  RdR  définis  par  le  décret n°2005-347
Figure 1 : Frise chronologique de l'histoire de la réduction des
Figure 2 : Brochure distribuée par SAFE
Figure 3: Répartition géographique des SCMR au niveau mondial et européen.
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