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Le début de l’expérimentation

III. Partie 3 : Les salles de consommation à moindre risque en France

III.2 Le début de l’expérimentation

Actuellement, les seuls SCMR en fonctionnement en France sont celles de Paris et de Strasbourg. Les intervenants de la salle Argos ont accepté d’échanger avec moi sur l’expérimentation strasbourgeoise (entretien téléphonique en annexe 1 p. 84).

La salle Argos est gérée par l’association Ithaque. Elle est située dans l’enceinte fermée de l’hôpital Civil, dans un ancien bâtiment de chirurgie thoracique. Sa situation en bordure de quai permet d’avoir un accès direct à la salle par une porte dédiée à la salle. Les premières habitations sont présentes sur l’autre rive du fleuve. Cette non-proximité a facilité l’acceptation de l’ouverture par les habitants, d’autant plus qu’un hôtel de police est présent à mi-chemin. La proximité de l’hôtel de police a été relevée comme un frein à la fréquentation d’Argos pour certains usagers. Un travailleur de rue circule sur l’ensemble de la ville de Strasbourg pour parler d’Ithaque et des services qu’elle propose aux usagers qu’il croise. Des maraudes sont également organisées depuis peu dans l’enceinte de l’hôpital. Les intervenants ne trouvent pas beaucoup de matériel usagé abandonné sur les lieux, et quand c’est le cas, ils en informent les utilisateurs de la salle pour leur expliquer que ces gestes peuvent mettre en péril l’expérimentation et empêcher la pérennisation de ce dispositif.

301 personnes fréquentent Argos dont 203 UD qui utilisent l’espace de consommation. Les 98 autres personnes profitent du PES de la salle sans consommer sur place. Mais les intervenants ont remarqué que de nombreux usagers viennent au début uniquement pour récupérer du matériel stérile, puis après une phase d’observation, se décident à tester l’espace de consommation. Parmi les UD, 80% sont dans une situation précaire et peuvent se retrouver sans logement dans les 6 mois à venir. On retrouve à Argos un ratio de deux hommes pour une femme. La salle accepte les usagers majeurs qui sont des consommateurs avérés. Les primo-consommations ne sont pas tolérées mais les primo- injections peuvent l’être après une discussion avec l’usager pour comprendre la raison de ce changement de mode de consommation. Les femmes enceintes sont acceptées au local, les intervenants leur proposent un accompagnement et tentent de les diriger vers un arrêt de la consommation. Si elles veulent poursuivre leur consommation, alors tous les renseignements concernant les risques et précautions à prendre leur sont donnés. Pendant la grossesse, elles s’injectent dans la salle de soins en compagnie d’un intervenant. L’accompagnement par un enfant n’est pas accepté dans le local. Les animaux sont acceptés, mais pas dans l’espace de consommation.

Lorsqu’un UD vient pour la première fois à Argos, il se rend à un entretien d’accueil. Pendant cet entretien, le personnel lui présente le règlement de la salle et le lui fait signer. Ensuite, il vérifie son âge et lui crée un identifiant lui garantissant l’anonymat. Si l’UD veut utiliser la SCMR, il doit alors remplir un questionnaire permettant d’évaluer sa pratique de consommation. Ce même questionnaire lui sera de nouveau soumis 6 mois plus tard afin d’évaluer l’évolution de sa pratique et l’impact qu’a eu la fréquentation d’Argos dans cette évolution. Ensuite, à chaque fois qu’il arrive à la salle, l’UD doit montrer et nommer à l’intervenant de l’accueil la drogue qu’il va consommer et le mode de consommation choisi. L’intervenant récupère le matériel usagé de l’UD et lui donne son ticket. L’UD attend que son numéro soit appelé au tableau lumineux puis a accès à l’espace de consommation. Dans la salle, deux équipiers dont un infirmier sont présents pour superviser les consommations. L’UD dispose de 30 minutes pour sa consommation, puis nettoie son poste et se lave les mains avant de sortir et d’avoir accès à la salle de repos. A chaque passage en salle, l’UD ne peut consommer qu’une seule fois. S’il souhaite consommer à nouveau il doit reprendre un ticket en respectant un intervalle de 30 minutes entre deux consommations.

L’espace de consommation dispose de 6 postes d’injection, de 4 postes d’inhalation et de 2 postes de sniff. Tous les postes peuvent être occupés au même moment mais l’équipe gère le taux de remplissage de la salle en fonction des UD présents à ce moment-là et des difficultés rencontrées. Les intervenants surveillent les pratiques de consommation et interviennent ou donnent des conseils en cas de besoin. Les injections artérielles ainsi que les injections veineuses dans le visage, les seins ou les parties génitales sont interdites. Le cannabis, l’alcool et le tabac ne peuvent pas être consommés dans le local.

L’ensemble du personnel est formé aux premiers secours. Ils disposent d’un charriot d’urgence intégrant de l’oxygène, un défibrillateur, de la naloxone et de l’adrénaline. En cas d’overdose, les intervenants enclenchent le bouton d’urgence. Les UD doivent alors terminer leur consommation et quitter la salle et les intervenants qui sont hors de la salle de consommation s’occupent de faire évacuer les locaux. Les secours sont appelés et les intervenants suivent les protocoles de prise en charge en attendant leur arrivée. Pour le moment, l’équipe a dû faire face à une pré-overdose et une crise d’épilepsie.

Le local dispose en plus de l’espace de consommation d’une salle de soins permettant de réaliser des TROD (Tests Rapides d’Orientation Diagnostique), de faire des pansements et d’évaluer l’état hépatique des usagers (appareil Fibroscan®). Les intervenants y donnent aussi des séances d’accompagnement individuel avec certains UD. De plus, il y a des permanences hebdomadaires de médecins et de psychologues.

Le personnel est notamment composé d’éducateurs spécialisés, d’infirmiers et de médecins qui représentent 10,25 équivalents temps plein. Certains d’entre eux ne travaillent

qu’à Argos, d’autres exercent aussi au CAARUD ou au CSAPA gérés par Ithaque. La salle ouvre de 13h à 19h tous les jours de l’année mais le personnel arrive 30 minutes avant et après l’ouverture afin de débriefer et faire les transmissions.